COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
9e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 15 DECEMBRE 2011
N° 2011/
Rôle N° 09/08638
[M] [U]
C/
OFFICE DU TOURISME DE LA VILLE D'[Localité 4]
SYNDICAT FORCE OUVRIERE
Grosse délivrée
le :
à :
Me Grégoire MANSUY, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Me Véronique RONDEAU-ABOULY, avocat au barreau de MARSEILLE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AIX-EN-PROVENCE en date du 09 Avril 2009, enregistré au répertoire général sous le n° 07/1194.
APPELANTE
Madame [M] [U], demeurant [Localité 1]
représentée par Me Grégoire MANSUY, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE
OFFICE DU TOURISME DE LA VILLE D'[Localité 4], demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Véronique RONDEAU-ABOULY, avocat au barreau de MARSEILLE
PARTIE(S) INTERVENANTE(S)
Monsieur SYNDICAT FORCE OUVRIERE, demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Grégoire MANSUY, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 26 Octobre 2011 en audience publique devant la Cour composée de :
Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre
Madame Brigitte BERTI, Conseiller
Madame Françoise GAUDIN, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Monsieur Guy MELLE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Décembre 2011..
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Décembre 2011.
Signé par Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre et Monsieur Guy MELLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Dans l'instance l'opposant à l'OFFICE DU TOURISME D'AIX-EN-PROVENCE, Mme [U] a le 5 mai 2009 régulièrement relevé appel d'une décision en date du 9 avril 2009 rendue par le conseil de prud'hommes d'AIX-EN-PROVENCE qui a :
Requalifié le contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée
Condamné l'OFFICE DU TOURISME D'AIX-EN-PROVENCE au paiement des sommes suivantes :
2.490,29 € à titre d'indemnité de requalification
2.519,71 € à titre de dommages et intérêts
5.175,88 € à titre de prime d'ancienneté
986,57 € à titre de prime de fin d'année
2.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile
Débouté pour le surplus
Vu les conclusions de Mme [U] développées oralement à l'audience par lesquelles il est demandé à la cour de :
« DONNER ACTE au syndicat SNEPAT-FO de son intervention volontaire.
CONFIRMER le Jugement entrepris en ce qu'il a constaté l'existence d'un contrat verbal à durée indéterminée directement conclu entre Madame [U] et l'Office du Tourisme d'[Localité 4]
CONFIRMER le Jugement entrepris en ce qu'il a condamné l'Office du Tourisme d'[Localité 4] à verser à Madame [U] une indemnité de requalification.
REFORMER pour le surplus, et statuant à nouveau :
REQUALIFIER les relations de travail ayant uni les parties en contrat de travail à durée indéterminée à temps complet, sur la base de l'horaire collectif en vigueur soit 35 h hebdomadaire.
EN CONSEQUENCE,
CONDAMNER l'Office du Tourisme d'[Localité 4] à verser à Madame [U] les sommes de :
- 16.033,02 EUR à titre d'indemnité de requalification
- 219.969,69 EUR à titre de rappel de salaire sur la période de 2003/2010 outre incidence CP de 21.996,97 EUR
- 51.305,60 EUR à titre de rappel de prime d'ancienneté sur la période 2003/2010 et à titre subsidiaire, celle de 43.993,91 EUR au même titre
- 21.377,36 EUR à titre de rappel de prime de fin d'année sur la période 2003/2010
- 115.000 EUR à titre de dommages et intérêts du chef de l'exécution fautive du contrat sur la période couverte par la prescription soit 1981/2002
CONDAMNER sous une astreinte d'un montant de 50 EUR par jour de retard passé quinze jours après notification de la décision à intervenir l'Office du Tourisme d'[Localité 4] à délivrer à Madame [U] une attestation d'emploi conforme à sa situation de travail.
DIRE ET JUGER que Mme [U] était fondée à prendre acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur le 19 Janvier 2011 et que cette prise d'acte de la rupture doit s'analyser en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
EN CONSEQUENCE, CONDAMNER l'Office du Tourisme d'[Localité 4] à verser à Madame [U] les sommes de :
- 5.344,34 EUR à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 534,43 EUR au titre des congés payés y afférents,
- 44.536,16 EUR à titre de d'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 80.000 EUR à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la rupture
CONDAMNER l'Office du Tourisme d'[Localité 4] à verser à Madame [U] la somme de 3.000 Euros au titre de l'article 700 du CPC »
Vu les conclusions de l'OFFICE DU TOURISME D'[Localité 4] développées oralement à l'audience par lesquelles il est demandé à la cour de :
« Sur la demande de requalification des contrats à durée déterminée en contrats à durée indéterminée à raison de l'absence d'un contrat écrit pour chaque contrat de mission:
Prendre acte que la requalification et intervenue de droit faute d'écrit préalable.
CONSTATER donc que la relation de travail de Madame [M] [U] est à durée indéterminée à compter de son premier mois de mission soit le 1er mai 1990.
CONSTATER que même si votre cour devait situer son ancienneté d'appartenance au 1er juillet 1980, en tout cas cette première date d'entrée ne modifiait en rien le pourcentage applicable pour le calcul de sa prime d'ancienneté, les périodes antérieures ayant été validées.
CONSTATER que celle-ci avait droit au paiement d'une indemnité de requalification correspondant au montant du salaire versé le mois précédent la saisine du Conseil de Prud'hommes soit la somme, le salaire du mois de Novembre 2007.
Recevoir sur ce point l'appel incident de 'Office du Tourisme et constater que l'indemnité s'élève à 53,53 €
CONDAMNER Madame [M] [U] à rembourser la somme de :
2.490,29 € - 53,53 € = 2.436,76 €
Concernant la requalification du travail à temps complet :
CONSTATER que l'employeur a rapporté la preuve que même sans contrat écrit stipulant du temps partiel, Madame [M] [U] n'a jamais été tenue d'être en permanence à la disposition de l'employeur, qu'elle connaissait par avance son emploi du temps et les horaires de ses missions qu'elle pouvait au surplus librement accepter ou refuser et qu'elle organisait son emploi du temps.
Que par ailleurs, les bulletins de paie et relevés de temps de travail témoignent de l'exercice de fonctions à temps partiel,
EN CONSÉQUENCE,
CONSTATER que l'employeur rapporte la preuve de l'effectivité d'un temps partiel et débouter Madame [M] [U] de ses demandes.
CONSTATER que contrairement à ce qu'affirme Madame [M] [U] elle avait bien reçu le paiement de la prime d'ancienneté pour les périodes couvertes par le rappel de salaire.
En conséquence, INFIRMER la décision de première instance qui lui a accordé 5.175,88 €,
Et CONDAMNER Madame [M] [U] au remboursement.
Subsidiairement concernant les dommages et intérêts pour rupture sans cause réelle et sérieuse, si le jugement de 1ère instance est confirmé et que la :
La résiliation judiciaire est constatée
Ou que la prise d'acte de rupture est validée en appel
CONSTATER qu'en tout état de cause Madame [M] [U] ne justifie pas d'un préjudice particulier permettant de lui allouer une indemnité qui puisse être supérieure au plafond de 6 mois de salaire prévu par l'article L.1235-3 du Code du Travail, et en conséquence fixer ces dommages et intérêts sur une moyenne de 6 mois de salaire, soit une somme de :
Masse salariale des 12 derniers mois soit du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2010, soit : 5.149,78 €
Soit un salaire moyen mensuel de : 5.149,78 € /12 = 429,14 €
En conséquence, fixer les dommages et intérêts éventuellement applicables par l'artilce L. 1235-3 du code du travail soit : 429,14 € x 6 mois = 2574,84 €
La DÉBOUTER de toutes ses autres demandes fins et conclusions.
Reconventionnellement la condamner au paiement de la 3.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code De Procédure Civile »
MOTIFS DE LA DECISION
Il est donné acte au syndicat SNEPAT-FO de son intervention volontaire ;
Sur la qualification de la relation contractuelle :
Mme [U] a été employée par l'OFFICE DU TOURISME D'[Localité 4] en qualité d'hôtesse d'accueil suivant contrat de travail à durée indéterminée à compter du 8 janvier 1982 ; elle a sollicité un congé sabbatique à compter du 1er octobre 1986 pour une durée de six mois ;
L'intéressée soutient que de l'année 1987 au 1er mai 1990, elle a continué d'intervenir en qualité de guide conférencière ;
Aucun élément objectif ne vient étayer une telle allégation et Mme [U] est déboutée en sa demande de remise d'une attestation d'emploi ;
Dès lors, il convient de fixer l'ancienneté de Mme [U] au 1er mai 1990, date à laquelle celle-ci a été employée par l'OFFICE DU TOURISME D'[Localité 4] suivant contrats de travail à durée déterminée « tacites » non écrits prenant fin à l'issue des services ou visites commandés par les clients ;
Par des motifs pertinents que la cour adopte, les premiers juges ont exactement requalifié la relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée ;
Sur la demande de requalification en contrat de travail à temps complet :
L'OFFICE DU TOURISME D'[Localité 4] soutient que les bulletins de paie et relevés de temps de travail témoignent de l'exercice de fonctions à temps partiel ;
Mme [U] ne conteste pas avoir effectué un nombre d'heures de travail inférieur à l'horaire à temps plein ;
Mme [U] soutient que l'OFFICE DU TOURISME D'[Localité 4] s'est toujours refusé à s'engager sur la durée du travail convenue, la maintenant ainsi dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme elle devait travailler ;
L'OFFICE DU TOURISME D'[Localité 4] fait valoir que le rythme des visites s'est toujours organisé à l'avance ; que les horaires étaient fixés en concertation constante puisque Mme [U] pouvait choisir de refuser ou d'accepter les missions proposées ;
A l'appui de sa position, l'OFFICE DU TOURISME D'[Localité 4] fournit plusieurs courriels échangés avec Mme [U] qui démontrent, selon lui, que les missions sont affectées selon un modèle dit de « bourse à la mission » en circularisant auprès des guides toutes les propositions ;
L'OFFICE DU TOURISME D'[Localité 4] précise qu'avec cet échange préalable des offres de mission, les guides choisissent les missions par rapport à leur propre disponibilité et ont toute liberté pour organiser leur emploi du temps, étant précisé que les visites sont proposées le plus souvent avec un minimum d'un mois voire deux à trois mois d'avance ;
Toutefois, le fait que la salariée soit libre d'accepter ou de refuser une mission ne saurait être assimilé à la réalité d'un accord sur le nombre d'heures de travail que l'employeur s'engage à fournir à celle-ci soit à la semaine soit au mois ainsi que leur répartition ;
Par ailleurs, les bulletins de salaire de l'intéressée révèlent l'extrême variabilité du nombre d'heures effectuées d'une semaine, d'un mois ainsi que d'une année sur l'autre ;
Et, le contenu des courriels précités confirme en réalité l'absence de toute organisation de la durée du travail des guides procurant à ces derniers une prévisibilité réelle de leurs horaires ;
Dans ces conditions, il est inopérant pour l'employeur d'invoquer le fait que Mme [U] n'avait pas de poste de travail fixe ou qu'elle pouvait refuser les missions pour travailler pour d'autres employeur ;
En effet, même si l'employeur établit que la salariée a effectué un temps partiel, ce qui en outre n'est pas contesté, le fait qu'aucune répartition des horaires entre les jours de la semaine ou les semaines du mois n'est démontrée, outre le caractère variable du nombre d'heures de travail, met la salariée dans l'impossibilité d'occuper de manière permanente un autre emploi stable ;
Dès lors, le contrat de travail doit être réputé conclu à temps plein ;
Doit en découler l'infirmation du jugement entrepris ;
Sur les demandes en paiement :
Le rappel de salaire sur la base d'un contrat de travail à temps complet a été exactement calculé par Mme [U] depuis le 1er janvier 2003 jusqu'au mois de décembre 2010 à hauteur de la somme totale de 219.969,69 € outre 21.996,97 € de congés payés y afférents ;
Sur la base d'un contrat de travail à temps complet, il y a également lieu de faire droit à la demande en paiement de l'indemnité de requalification à hauteur de 2.355 € ;
Il n'est plus réclamé l'indemnité de fin de contrat destinée à compenser la précarité dans laquelle se trouve le salarié à l'issue de celui-ci et le jugement est infirmé en ce qu'il a alloué à Mme [U] la somme de 2.519,71 € de ce chef ;
Au vu des bulletins de paie de l'intéressée versés aux débats, les documents fournis par l'OFFICE DU TOURISME D'[Localité 4] intitulés « état des sommes dues » ne pouvant être considérés, contrairement à ce que soutient celui-ci, comme des « annexes » auxdits bulletins, les premiers juges ont justement retenu que la preuve du règlement de la prime d'ancienneté n'est pas rapportée ;
Compte tenu de ce qui précède, il convient de faire droit à la demande en paiement à hauteur de 43.993,91 € ;
Au regard du salaire de référence sur la base d'un contrat de travail à temps complet, il y a lieu également de faire droit à la demande en paiement des primes de fin d'année pour la période considérée à hauteur de 21.377,36 € ;
Mme [U] sollicite des dommages et intérêts en réparation du préjudice qu'elle soutient avoir subi en raison de l'exécution fautive du contrat de travail pour la période antérieure à 2004 alors qu'elle n'est plus recevable à réclamer les rappels de salaire et de primes au regard de la prescription quinquennale ;
Elle s'estime bien fondée à solliciter le paiement d'une somme de 5.000 € x 23 ans soit 115.000 € à titre de dommages et intérêts ;
Toutefois, réclamer ladite somme dans le cadre de la réparation d'un préjudice a pour effet de faire échec à la prescription quinquennale en matière de salaire et Mme [U] doit être déboutée de sa demande de ce chef ;
Sur la prise d'acte de la rupture du contrat de travail :
Mme [U] a pris acte de la rupture de son contrat de travail suivant courrier en date du 19 janvier 2011 ;
Mme [U] fait valoir qu'en exécution du jugement entrepris, l'OFFICE DU TOURISME D'[Localité 4] lui a proposé la signature d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel en lui imposant tout un certain nombre de dispositions nouvelles ;
Mme [U] ne justifie d'aucune manière de la réalité de cette dernière allégation ;
Par ailleurs, selon le jugement entrepris, le conseil de prud'hommes a débouté Mme [U] de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur ;
L'instance était pendante devant cette cour à la suite de l'appel formé par Mme [U] ;
Et, compte tenu des dispositions du jugement précité ainsi que de la procédure en cours, il ne saurait être reproché à l'employeur d'avoir proposé à Mme [U] une régularisation de la situation sur la base d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel ;
Dès lors, la prise d'acte de la rupture ne saurait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Doit en découler le débouté de Mme [U] de l'ensemble de ses demandes de ce chef.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant publiquement et contradictoirement,
- Déclare le syndicat SNEPAT-FO recevable en son intervention volontaire,
- Réforme le jugement entrepris et, statuant à nouveau sur le tout pour une meilleure compréhension,
- Requalifie la relation contractuelle entre l'OFFICE DU TOURISME D'[Localité 4] et Mme [U] en contrat de travail à durée indéterminée,
- Requalifie la relation contractuelle entre l'OFFICE DU TOURISME D'[Localité 4] et Mme [U] en contrat de travail à temps complet,
- Condamne l'OFFICE DU TOURISME D'AIX-EN-PROVENCE à payer à Mme [U] les sommes de :
16.033,02 € à titre d'indemnité de requalification
219.969,69 € à titre de rappel de salaires outre 21.996,97 € de congés payés y afférents
43.993,91 € à titre de rappel de prime d'ancienneté
21.377,36 € à titre de rappel de prime de fin d'année
- Déboute Mme [U] du surplus de ses demandes,
- Condamne l'OFFICE DU TOURISME D'AIX-EN-PROVENCE à payer à Mme [U] la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'OFFICE DU TOURISME D'[Localité 4],
- Condamne l'OFFICE DU TOURISME D'AIX-EN-PROVENCE aux entiers dépens.
Le GreffierLe Président