COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
9e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 15 DECEMBRE 2011
N°2011/1022
Rôle N° 10/12282
[C] [N]
C/
SAS NBS TECHNOLOGIES
SAS CYBERNETIX MICROELECTRONIQUE
Grosse délivrée le :
à :
Me Vincent POINSO, avocat au barreau de MARSEILLE
Me Laurent HIETTER, avocat au barreau de LILLE
Me Luc BERGEROT, avocat au barreau de MARSEILLE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage d'AIX-EN-PROVENCE en date du 07 Juin 2010, enregistré au répertoire général sous le n° 07/749.
APPELANT
Monsieur [C] [N], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Vincent POINSO, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Cécile PROCIDA, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEES
SAS NBS TECHNOLOGIES, demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Laurent HIETTER, avocat au barreau de LILLE substitué par Me DE RYCKE, avocat au barreau de LILLE
SAS CYBERNETIX MICROELECTRONIQUE, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Luc BERGEROT, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Delphine CARRIERE, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 09 Novembre 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre
Madame Brigitte BERTI, Conseiller
Madame Françoise GAUDIN, Conseiller
Greffier lors des débats : Monsieur Guy MELLE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Décembre 2011.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Décembre 2011
Signé par Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre et Monsieur Guy MELLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCEDURE
[C] [N] a été engagé par la SA Test Innovation, suivant contrat à durée indéterminée en date du 15 janvier 1996 à effet du 16 janvier 1996 en qualité d'ingénieur mécanicien niveau III A coefficient 135 et ce moyennant une rémunération annuelle brute qui dans le dernier état de la relation était de 4682,09€ .
Suivant avenant du 25 octobre 2000, le salarié s'est vu confié les fonctions de responsable du bureau d'études mécaniques et il était convenu entre les parties une convention de forfait.
Courant janvier 2004, suite à l'acquisition du fonds de commerce de la SA Test Innovation par la SAS Cybernetix Microelectronique, le contrat de travail du salarié a été transféré à cette dernière
Après convocation entretien préalable et par lettre recommandée du 8 septembre 2004 avec avis de réception, la SAS Cybernetix Microelectronique a licencié le salarié en ces termes:
'Suite à l'entretien que nous avons eu le 25 août 2004, en présence de Monsieur [Y] [P], qui vous assistait et de Monsieur [G] [W], Directeur Financier, nous sommes au regret de vous notifier par la présente votre licenciement pour insuffisance professionnelle,
Cette décision repose sur les motifs qui vous ont été exposés lors de l'entretien précité, à savoir:
- non respect de vos objectifs tels que nous les avions fixés d'un commun accord notamment lors de votre entretien individuel du 20 janvier 2004.
Nous rappelons à ce titre que vous avez validé les dits objectifs et qu'en tant que membre du Comité de Direction de l'entreprise, vous êtes impliqué et acteur dans leur tenue.
Comme nous vous l'avons explicité lors de notre entretien, les résultats atteints en 2003 sur les projets placés sous votre responsabilité étaient tout à fait médiocres et malheureusement nous n'avons pu que constater une dérive systématique depuis le début de l'année y compris les nouvelles affaires qui vous ont été confiées.
Ces dérives concernent aussi la gestion de votre service et ses relations avec les autres, dont la production, qui subissent des surcoûts importants générés par les problèmes de qualité de plans (et leur actualisation) dus pour l'essentiel à une mauvaise communication de votre part, ,
En outre, vous n'avez suggéré aucune autre alternative ni proposé de plan d'action efficace pour corriger ces dérives, ce qui constituait pourtant une attente minimale et légitime compte tenu de votre niveau de responsabilité. Vous n'avez pas davantage été force de proposition depuis le début de cette année, reconnaissant par ailleurs lors de l'entretien subir la stratégie de l'entreprise alors même que vous en êtes acteur dans le cadre du Comité de Direction.
L'ensemble de ces problèmes pèsent de manière excessive sur les comptes de l'entreprise alors même qu'elle est en proie à de graves difficultés et ne peut se permettre de tels dysfonctionnements.
Ces éléments rendent donc impossible la poursuite de votre contrat de travail.
Nous vous dispensons d'effectuer votre préavis de trois mois à compter de la date de première présentation de cette lettre à votre domicile.
Votre solde de tout compte, votre certificat de travail ainsi que l'attestation destinée aux ASSEDIC vous seront remis sous pli séparé' .
Le 14 octobre 2004, la SAS Cybernetix Microelectronique a cédé son fonds de commerce à la SAS NBS Technologies avec effet au 1er octobre 2004.
Par lettre du 25 octobre 2004, la SAS Cybernetix Microelectronique a informé le salarié de cette cession et lui a précisé que 'conformément aux dispositions de l'article L 122-12 du code du travail , la société NBS Technologies prend à sa charge tous les contrats de travail ainsi que toutes les obligations contractées envers les salariés de la société Cybernetix Microelectronique'.
Contestant la légitimité de son licenciement, [C] [N] a le 4 février 2005 saisi à l'endroit de la SAS NBS Technologies le conseil de prud'hommes de Marseille lequel section encadrement par jugement en date du 15 juin 2005, faisant droit à l'exception soulevée par le salarié :
*s'est déclaré territorialement incompétent,
*a dit qu'à défaut de recours dans le délai de 15 jours le dossier serait transmis au conseil des prud'hommes d'Aix-en-Provence.
Après que la SAS NBS Technologies ait attrait en la cause par acte d'huissier la SAS Cybernetix Microelectronique, la juridiction prud'homale d'Aix-en-Provence en formation de départage section encadrement a par jugement en date du 7 juin 2010:
*déclaré [C] [N] irrecevable en ses demandes formulées à l'encontre de la SAS NBS Technologies et l'en déboute ,
*débouté [C] [N] de ses demandes formulées à l'encontre de la SAS Cybernetix Microelectronique,
*dit que le licenciement du salarié est fondé sur une cause réelle et sérieuse,
*débouté le salarié de l'intégralité de ses demandes,
*dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
*dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
*condamné le salarié aux entiers dépens.
[C] [N] a le 30 juin 2010 interjeté régulièrement appel de ce jugement.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Dans ses conclusions, l' appelant demande à la cour de réformer le jugement déféré et de:
- condamner solidairement les sociétés SAS NBS Technologies et SAS Cybernetix Microelectronique à lui payer :
- 120'000 € nets à titre de dommages-intérêts, tous préjudices matériels et moraux confondus,
- 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
*ordonné que les condamnations prononcées portent intérêts de droit à compter de la demande en justice avec capitalisation.
Il soutient qu'il était en réalité directeur du développement même si le service du personnel tant de la SAS NBS Technologies que de la SAS Cybernetix Microelectronique n'a pas pris la peine de le préciser sur ses bulletins de salaire tout en lui reprochant cependant son insuffisante professionnelle du fait de sa fonction de directeur du développement, fonction pour laquelle n'a jamais reçu bien évidemment le salaire correspondant ayant toujours été officiellement responsable du bureau d'études cadre niveau III A coefficient 135.
Il invoque la fiche d'entretien individuel datée du 20 janvier 2004 (qu'il n'a connu que le 6 juin 2004) qui fait état dans son immense majorité de résultats très satisfaisants se situant dans la moyenne supérieure , que seuls des problèmes de respect des engagements budgétaires et marges sur affaires lui étaient reprochés ce qui était imputable à la politique générale de l'entreprise et non à lui personnellement.
Il critique le jugement de départage relevant qu'il n'a pas bénéficié d''une année pour réaliser les objectifs, qu'il n'a pas disposé des moyens nécessaires à l'accomplissement de sa mission du fait des difficultés économiques de la société qui l'employait et qui refusait toute embauche complémentaire et un appel à la sous-traitance, qu'il n'est pas démontré que les mauvais résultats procèdent de son insuffisance professionnelle.
Il estime que son comportement n'a fait état d'aucune réserve jusqu'en juin 2004 ,que son licenciement est devenu incontournable à partir du moment où la SAS Cybernetix Microelectronique qui connaissait de graves difficultés économiques comme elle le reconnaît dans la lettre de licenciement a décidé de vendre à NBS Technologies le 1er octobre 2004, qu'il a été demandé à l'évidence à la SAS Cybernetix de le licencier avant sa reprise effective par NBS Technologies laquelle ne l'a pas remplacé et a rapidement procédé au licenciement pour motif économique de 13 salariés ex Cybernetix de sorte que le licenciement dont il a été victime est bien sans motif ni réel ni sérieux, fait uniquement pour les besoins de la cause à savoir permettre une vente sans salaires trop importants de Cybernetix à NBS Technologies.
Il précise qu'ingénieur reconnu pour ses qualités, il a pu retrouver un travail dès le 1er janvier 2005 à un niveau équivalent.
Aux termes de ses écritures, la SAS Cybernetix Microelectronique conclut au principal à :
-la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a retenu le bien-fondé du licenciement pour insuffisance professionnelle et a débouté le salarié l'ensemble de ses demandes,
- à ce que l'appelant soit condamné à lui verser 2500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à prendre en charge les entiers dépens de l'instance.
A titre subsidiaire, elle sollicite si la cour devait obtenir l'existence d'une collusion frauduleuse et décider de la condamner au versement de sommes, qu'en l'absence de justificatifs quant à sa situation personnelle et professionnelle actuelle, les demandes du salarié soient ramenées à de plus justes proportions, et soulève l'incompétence de la présente juridiction pour statuer sur l'appel en garantie formé la société NBS Technologies et ce au regard de la domiciliation de son siège social et de la nature des relations avec la société NBS Technologies, seul le tribunal de commerce de Marseille étant le cas échéant compétent.
La SAS NBS Technologies demande à la cour dans ses écrits de confirmer le jugement déféré, au principal de dire irrecevables les demandes du salarié à son encontre, au subsidiaire au cas où la cour retiendrait l'existence d'une collision frauduleuse entre les deux sociétés, de condamner la SAS Cybernetix Microelectronique à la garantir des éventuelles condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre, en tout état de cause condamner l'appelant à lui verser 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile .
Elle précise qu'elle n'a fait que procéder au paiement de l'indemnité compensatrice de préavis, au règlement du solde de tout compte ainsi qu'à la remise du certificat de travail.
Elle considère qu'elle ne saurait répondre des conséquences dommageables du licenciement que la société Cybernetix a décidé de son propre chef de notifier au salarié pour insuffisance professionnelle, aucune collusion frauduleuse n'ayant existé entre cette dernière et elle, l'appelant ne rapportant par le moindre commencement de preuve.
Elle souligne en évoquant la jurisprudence découlant de l'arrêt [E] rendu le 20 mars 2002 par la Cour de Cassation, que l'appelant ne demande pas sa réintégration, que sa demande de dommages-intérêts pour licenciement abusif est irrecevable à son encontre.
Sur le subsidiaire, elle invoque l'article 5 de l' acte de cession du fonds de commerce signé le 14 octobre 2004 rappelant que la présente cour qui a une plénitude de juridiction est parfaitement compétente pour statuer sur la demande de garantie.
Pour plus ample exposé, la cour renvoie aux écritures déposées par les parties et réitérées oralement à l'audience.
SUR CE
I Sur l'action engagée à l'endroit de la SAS NBS Technologies,
Cette action est irrecevable ainsi que l'ont constaté les premiers juges qui ont retenu la fin de non recevoir soulevé par la SAS NBS Technologies et ce par des motifs pertinents que la cour adopte.
Il convient d'ajouter que pas plus en première instance qu'en appel, l'appelant ne produit des élements démontrant ou laissant présumer une collusion fraudeuleuse des deux sociétés intimées, l'une cédante et l'autre cessionnaire du fonds de commerce, étant relevé que la seule intervention rapprochée dans le temps du licenciement et de la cession ne suffit pas à établir la fraude et à démontrer la volonté des intimés d'échapper aux dispositions de l'article L. 1224 -1 du travail (ancien article L. 122 alinéa 2) du code du travail.
I ISur l'action engagée à l'endroit de la SAS Cybernetix Microelectronique,
L'action de l'appelant contre cette société qui a procédé au licenciement est recevable.
Sur le fond , le jugement déféré qui a dit que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse doit être confirmé.
En effet, dans la lettre de licenciement ci dessus reproduite, la SAS Cybernetix Microelectronique invoque l'insuffisance professionnelle du salarié et fait état comme motifs se rattachant à cette insuffisance:
-d'une part le non respect des objectifs tels que fixés dans l'entretien du 20 janvier 2004,
-d'autre part les dérives concernant la gestion du service et les relations avec les autres dont la production qui subissent des surcoûts importants générés par les problèmes de qualité de plans.
En l'état, il est produit au débat par la SAS Cybernetix Microelectronique:
-l'organigramme de la société,
-le contrat de travail et l'avenant liant les parties,
-la fiche d'entretien individuel auquel l a été procédé le 20 janvier 2004 concernant le salarié mentionnant d'une part à une évaluation des objectifs de la période écoulée ( 2003) (en notant pour le groupe développement dont le salarié avait la charge précisément le retard dans les procédures d'harmonisation des dossiers, les dérapages trop importants en termes d'engagement budgétaires et de marge sur affaires pour les affaires AMI et Thalés en particulier, l'absence de coopération avec les autres départements techniques notamment celui des réalisations industrielles) d'autre part les objectifs pour la période à venir à savoir la réalisation des projets dans le respect des marges et délais, l'amélioration de la coopération/ support auprès des équipes du groue réalisation industielle , mise en place avec son équipe de solutions techniques innovantes et à coût compétitif le tout sur un délai d'un an, étant précisé que rien ne permet d'établir que la dite fiche n'aurait été portée à la connaissance du salarié qu'en juin 2004,
-les tableaux de bord notamment de juillet 2003 et de juillet 2004,
-les échanges de mails entre le salarié et [F] [O] directeur général concernant le rapport détaillé sur les dépenses,
-l'attestation du déroulement de l'entretien préalable établi par [Y] [P] conseiller du salarié,
- le courriel de [U] [D] concernant les difficultés sur les projets dirigés par le salarié,
-les extraits de la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie applicable concernant notamment la classification des ingénieurs et cadres confirmés position repère III A (celle du salarié), position comportant dans les domaines scientifiques, technique, administratif commercial ou de gestion des responsabilités exigeant une large autonomie de jugement et d'initiatives dans le cadre de ses attributions.
Au vu de ces pièces, il est amplement démontré que l'insuffisance professionnelle reprochée au salarié lequel était en charge du groupe développement est parfaitement établie et repose sur des éléments objectifs et concrets tant en termes de non atteinte des résultats même si l'employeur n'a pas attendu la fin de l'année en l'état de la persistance de réelles dérives à mi parcours que des carences d'organisation et de communication et de dépassement important des prévisionnels impactant la rentabilité de l'activité et donc de l'entreprise.
L'argumentation de l'appelant qui ne produit que quelques pièces en sus de celles déjà versées par l'employeur à savoir ses propres courriers des 3 août, du 5 août et 23 août 2004 et celle en réponse de la SAS Cybernetix Microelectronique en date du 17 août 2004 sur le prétendue volonté de l'employeur de se débarrasser de lui à moindre coût n'est de nature en l'état à apporter utilement la contradiction et en particulier de démontrer comme il l'allègue que les griefs qui lui sont reprochés ne seraient pas de son fait mais seraient imputables à la seule politique de la société.
Dans ces conditions, comme l'ont à juste titre décidé les premiers juges, le débouté
de l'appelant s'impose au titre de la rupture
III sur les demandes annexes
Vu la confirmation du jugement déféré, l'action en garantie de la SAS NBS Technologies contre la SAS Cybernetix Microelectronique devient sans objet.
Il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit des intimés.
L'appelant qui succombe ne peut bénéficier de cet article et doit être tenu aux dépens.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Et y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Laisse les dépens d'appel à la charge de [C] [N].
LE GREFFIERLE PRESIDENT