COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
3e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 15 DECEMBRE 2011
N° 2011/520
Rôle N° 11/01552
(jonction avec le RG n° 11/1554)
SARL ALLO RENOV'MAISON
C/
[I] [D]
[K] [W]
Syndicat des
Copropriétaires de
l'Immeuble [Adresse 10]
[Adresse 10]
SA GAN ASSURANCES
[I] [G]
COMPAGNIE L'AUXILIAIRE
Grosse délivrée
le :
à : SCP DE ST FERREOL
SCP ERMENEUX
SCP COHEN
SCP MAGNAN
SCP LIBERAS
SCP BLANC
Décisions déférées à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 14 Décembre 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 05/11801.
Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 14 Décembre 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 05/11804.
APPELANTE
S.A.R.L. ALLO RENOV'MAISON
RCS MARSEILLE 1301 96 02678
prise en la personne de son représentant légal
sise [Adresse 6]
représentée par la SCP MJ DE SAINT FERREOL ET COLETTE TOUBOUL, avoués à la Cour,
plaidant par Me Michel REYNE, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMES
Monsieur [I] [D]
né le [Date naissance 1] 1950 à [Localité 9]
demeurant [Adresse 2]
représenté par la SCP ERMENEUX-CHAMPLY - LEVAIQUE, avoués à la Cour,
plaidant par Me Alain ROUSTAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Monsieur [V] [O] [W]
né le [Date naissance 4] 1945 à [Localité 11]
demeurant [Adresse 2]
représenté par la SCP ERMENEUX-CHAMPLY - LEVAIQUE, avoués à la Cour,
plaidant par Me Alain ROUSTAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Syndicat des Copropriétaires de L'IMMEUBLE '[Adresse 10]
représenté par AJILL'IMMO CROSET SAS [Adresse 3] elle même prise en la personne de son représentant légal en exercice
sis [Adresse 8]
représenté par la SCP COHEN GUEDJ (avoués à la Cour)
assisté de Me Yves GROSSO, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Frédéric PASCAL, avocat au barreau de MARSEILLE
S.A. GAN ASSURANCES
RCS PARIS B 542 063 797
prise en la personne de son Président du Directoire en exercice
sise [Adresse 7]
représentée par la SCP LIBERAS BUVAT MICHOTEY, avoués à la Cour,
plaidant par Me Chantal BLANC, avocat au barreau de MARSEILLE
Monsieur [I] [G]
demeurant [Adresse 12]
représenté par la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avoués à la Cour,
plaidant par Me Jacques PERRIMOND, avocat au barreau de MARSEILLE
Compagnie L'AUXILIAIRE
prise en la personne de son représentant légal en exercice
sise [Adresse 5]
représentée par la SCP BLANC CHERFILS, avoués à la Cour,
plaidant par Me Christian SALOMEZ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 02 Novembre 2011 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Gilles ELLEOUET, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Christine DEVALETTE, Présidente
Monsieur Gilles ELLEOUET, Conseiller
Monsieur Michel CABARET, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Monsieur Maurice N'GUYEN.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Décembre 2011.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Décembre 2011,
Signé par Madame Christine DEVALETTE, Présidente et Madame Lydie BADEL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Selon marché signé le 6 janvier 1995, le syndicat de copropriété de l'ensemble immobilier sis [Adresse 2] a, sous la maîtrise d'oeuvre complète de M. [I] [G] architecte, chargé la SARL RENOV' MAISON des travaux de rénovation des toitures des bâtiments de la copropriété.
À la suite de l'apparition d'infiltrations, M. [L] expert désigné en référé le 10 octobre 1997, a déposé son rapport définitif le 28 septembre 2001.
Par actes des 3, 4 & 7 novembre 2005, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble '[Adresse 10]' a assigné la société RENOV' MAISON, la société d'assurances L'AUXILIAIRE, la compagnie d'assurances GAN et M.[I] [G] en indemnisation de leurs préjudices devant le tribunal de grande instance de Marseille, sur le fondement des articles 1134, 1147 et 1792 du code civil.
Par actes du 7 novembre 2005, M. [I] [D] et M. [K] [W] copropriétaires ont assigné la société RENOV'MAISON, la société d'assurances L'AUXILIAIRE, la compagnie d'assurances GAN, M.[I] [G] en indemnisation de leurs préjudices devant le tribunal de grande instance de Marseille, sur le fondement des articles 1134, 1147 et 1792 du code civil.
En l'absence de jonction de ces procédures, le tribunal de grande de Marseille a, par deux jugements distincts du 14 décembre 2010 assortis de l'exécution provisoire:
-dans la procédure initiée par le syndicat de copropriété Domaine de l'Observance.
- condamné in solidum la SARL ALLO RENOV'MAISON et M.[I] [G] à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble '[Adresse 10]' la somme de 20'123,37 € hors taxes soit 27'067,43 € TTC au titre de la reprise de l'étanchéité, celle de 21'800,21 € hors taxes soient 26'073 005 TTC au titre de la reprise de la poutraison, et celle de 7622 45 €au titre des frais de maîtrise d'oeuvre et des frais annexes
- dit que les sommes allouées au titre de la reprise de l'étanchéité et de la reprise de la poutraison seront indexées sur la variation de l'indice BT 01 du coût de la construction entre la date du dépôt du rapport d'expertise, soit le 28 septembre 2001 et la date du jugement
- déclaré la SARL ALLO RENON'MAISON irrecevable en sa demande reconventionnelle, comme prescrite et l'en a déboutée
- condamné in solidum la SARL ALLO RENOV'MAISON et M. [I] [G] a payé au syndicat de copropriété la somme de 2500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- condamné un solidum la SARL ALLO RENOV'MAISON et M. [I] [G] aux entiers dépens comprenant les frais d'expertise.
- dans la procédure initiée par Messieurs [D] et [W] copropriétaires,
- condamné un solidum la SARL ALLO RENOV'MAISON et M. [I] [G] à payer:
* à M. [I] [D] la somme de 14'175 € sauf à parfaire à raison de 112, 50 € supplémentaires par mois écoulés du 1er décembre 2005 au 14 décembre 2010 du jugement outre 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile
* à M. [K] [W] la somme de 14'175 € sauf à parfaire à raison de 112,50 € supplémentaires par mois écoulés du 1er décembre 2005 au 14 décembre 2010 du jugement outre 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- rejeté les prétentions de la SARL ALLO RENOV' MAISON et de M.[G]
- condamné la SARL ALLO RENOV'MAISON et M.[G] aux dépens.
La SARL ALLO RENOV 'MAISON a relevé appel de ces deux jugements le 27 janvier 2011.
En application de l'article 386 du code de procédure civile, il convient, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice de joindre ces deux procédures d'appel afin qu'il soit statué sur le tout par un seul et même arrêt, les dommages consécutifs aux mêmes travaux étant objectivés dans un seul rapport d'expertise.
Vu les conclusions du 15 juin 2011 du syndicat des copropriétaires de l'immeuble DOMAINE DE L'OBSERVANCE
Vu les conclusions du 6 octobre 2011 de la SARL ALLO RENOV 'MAISON
Vu les conclusions du 15 juin 2011 de la compagnie d'assurances GAN
Vu les conclusions du 21 juin 2011 de la compagnie d'assurances L'AUXILIAIRE
Vu les conclusions du 19 mai 2011 de M. [I] [G]
Vu les conclusions du 27 juin 2011 de M. [K] [W] et de M. [I] [D]
Vu les ordonnances de clôture des 18 et 25 octobre 2011.
SUR QUOI
Aucun des jugements déférés n'est critiqué sur la mise hors de cause de la compagnie d'assurances L'AUXILIAIRE.
La SARL ALLO'RENOV MAISON demande la réformation du jugement déféré, rendu dans le cadre de l'instance introduite par le syndicat de copropriété en toutes ses dispositions, sans développer de moyen précis de réformation de ce jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable car prescrite, sa demande en paiement de la somme de 107 441,46 € au titre d'une facture impayée.
Le jugement déféré sera ainsi confirmé de ce chef.
Les parties se fondent, dans chacune des instances, sur le rapport d'expertise déposé par M. [L] le 28 septembre 2011.
Au terme de ses investigations complètes et minutieuses, l'expert a déposé un rapport précis en concluant que:
-les désordres d'infiltrations sous toiture dans les appartements [D] et [W] ont été constatés en cours d'expertise (pages 179 et 180)
- ces infiltrations qui se sont produites immédiatement après la réfection de la toiture, proviennent de l'absence d'étanchéité des ouvrages métalliques de raccordement, qui n'ont pas été réalisés conformément aux règles de l'art et ne comportent pas de dispositif permettant la dilatation
- les travaux de reprise (détaillés en page 183 du rapport) s'élèvent à la somme de 120'000 fr. soit 18 293,88 € hors taxes
-les poutres en bois d'une portée de 5,20 m et de 14,5 x 23 cm de section supportant la toiture dans les appartements [W] et [D] sont vétustes et présentent une flèche assez marquée dans leur partie centrale ainsi que par endroits des fissurations relativement profondes qui ont fait l'objet de réparations de fortune, inopérantes
- ces poutres sollicitées au-delà de la contrainte admissible maximum peuvent cependant être conservées mais doivent faire l'objet d'un renforcement aux points critiques
- les autres poutres d'une portée de 7 m 20 et 14,5 x 23 cm de section doivent être confortées en le doublant par des poutres de section identique
- l'ensemble des travaux de reprise des poutres avec la dépose et la repose du faux plafond est évalué à la somme de 130'000 Fr soit 19 818,37 € hors taxes
- les copropriétaires [D] et [W] subissent un préjudice depuis le mois de novembre 1995 puisque les fuites permanentes Dans leur logement leur interdisent de procéder à des travaux d'aménagements intérieurs
-l'architecte, investi d'une mission complète et l'entrepreneur ont été défaillants par rapport à leurs obligations contractuelles et leur devoir de conseil, les infiltrations étant connues des parties après les travaux.
Sur les demandes du syndicat de copropriété et des copropriétaires [W] et [D]
Les parties ne font que reprendre devant la cour leurs prétentions et leurs moyens de première instance.
En l'absence d'élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu'elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties.
Bien que le rapport d'expertise fasse référence à une réception sans réserves des travaux en date du 17 novembre 1995, il n'a été produit aux débats aucun document confirmant ce fait.
Au vu des constatations précises de l'expert concernant les infiltrations en parties privatives consécutives à la mauvaise exécution des travaux de réfection de la toiture, c'est donc à juste titre que le premier juge a, en l'absence de réception des travaux, retenu la responsabilité contractuelle de la société ALLO RENOV qui, tenue d'une obligation de résultat, a commis des fautes d'exécution caractérisées et objectivées par l'expert dans la réalisation des travaux de rénovation et qui n'a pas, de plus, compte tenu de l'état des poutres conservées, préconisé leur remplacement ou à tout leur moins leur renforcement adéquat.
L'architecte [G] investi d'une mission complète de maîtrise d'oeuvre devait, compte tenu de la nature des travaux de rénovation de la toiture d'un immeuble existant, être particulièrement vigilant lors de l'exécution en s'assurant de l'efficacité des travaux et notamment en intervenant auprès de la société ALLO'RENOV afin qu'elle reprenne les travaux, alors qu'en cours de chantier, ainsi que l'a indiqué l'expert (page 181), il avait été relevé la présence d'infiltrations dans l'appartement [D] (procès-verbal n°32 du 15 novembre 1995) et qu'aucune mise en eau de la toiture prévue pour déterminer l'origine de ces fuites n'a été réalisée par la suite.
Les fautes commises par la société ALLO'RENOV et par M.[G] ont ainsi concouru à la réalisation des préjudices subis tant par le syndicat de copropriété que les copropriétaires.
Au vu des conclusions précises de l'expert le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné in solidum ces deux parties à payer au syndicat de copropriété DOMAINE DE L'OBSERVANCE les sommes de 27'067,43 € TTC et de 26'073,05 € TTC avec indexation au titre des travaux de reprise.
Les photographies annexées au rapport d'expertise confirment la réalité des infiltrations dans les appartements [D] et [W].
Le procès-verbal de constat du 21 avril 2006 et les photographies jointes confirment la persistance des infiltrations dans l'appartement [W] et la présence d'étais destinés à supporter une partie de la toiture.
Les attestations datées d'octobre 2006 de Mme [S], Mme [C], M.[C], [R], M.[F], M.[A], copropriétaires confirment la persistance, lors de pluies, d'infiltrations dans les appartements de Messieurs [W] et [D], nécessitant la mise en place de récipients pour récupérer l'eau.
Il n'est pas justifié de la réalisation par le syndicat de copropriété des travaux préconisés par l'expert, pour remédier aux causes des désordres.
Ces pièces confirment les constatations de l'expert selon lesquelles, les infiltrations sont localisées et n'affectent que très partiellement l'habitabilité de chacun des appartements concernés.
C'est donc à juste titre que le premier juge a, au vu des éléments versés aux débats, fixé le montant de la réparation du préjudice de jouissance des copropriétaires concernés, sur la base de 15 % de la valeur locative de chacun des appartements.
En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a condamné in solidum la SARL ALLO'RENOV'MAISON et M.[G] à payer tant à M. [I] [D] qu'à M.[W] la somme de 14'175 € sauf à parfaire à raison de 112,50 € supplémentaires par mois écoulés du 1er décembre 2005 au jour du jugement du 14 décembre 2010 puis à compter de cette date jusqu'au prononcé du présent arrêt.
Sur la demande de la SOCIETE ALLO RENOV'MAISON à l'encontre du GAN
C'est à juste titre que le premier juge a écarté la garantie de la compagnie GAN au titre de la police d'assurance responsabilité décennale puisque la garantie décennale des constructeurs n'est pas applicable en l'espèce.
L'assurance responsabilité civile n'est pas non plus mobilisable en l'espèce puisque celle-ci garantit uniquement les dommages causés aux tiers et non ceux survenus sur l'ouvrage et leurs conséquences directes.
Le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu'il a mis hors de cause cet assureur.
Sur les recours en garantie entre coresponsables
En l'état des fautes commises par la société ALLO'RENOV et par l'architecte [G], ci-dessus analysées, la responsabilité des désordres sera retenue à concurrence de 25 % pour l'architecte et de 75 % pour l'entreprise chargée de l'exécution lesquels seront condamnés à se garantir mutuellement dans ces proportions.
L'équité en commande pas, en cause d'appel, l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire
Prononce la jonction des procédures d'appel enrôlées sous les n°11/01552 et 11/01554 et statuant par un seul et même arrêt,
Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Marseille du 14 décembre 2010 n°428 et celui du même jour n°429 dans les limites des appels, et y ajoutant,
Condamne in solidum la SARL ALLO RENOV'MAISON et M. [I] [G] à payer:
* tant à M. [I] [D] qu'à M. [K] [W] la somme de 112, 50 € supplémentaires par mois écoulés du 14 décembre 2010 date du jugement au jour du présent arrêt en indemnisation de leur préjudice de jouissance respectif ;
Dit que la responsabilité des désordres entre les intervenants sera fixée comme suit :
*25 % pour l'architecte [G]
*75 %pour la société ALLO'RENOV
Dit que ces parties se garantiront mutuellement et dans ces proportions du montant des condamnations prononcées à leur encontre au bénéfice du syndicat de copropriété Domaine de l'Observance et de Messieurs [W] et [D], y compris au titre des frais irrépétibles et des dépens.
Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel
Condamne in solidum M.[G] et la SARL ALLO'RENOV MAISON garantis dans les proportions ci-dessus précisées, aux entiers dépens de chacune des procédures, comprenant, s'agissant de la procédure initiée par le syndicat de copropriété, les frais d'expertise judiciaire, et qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE