COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
17e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 3 JANVIER 2012
N° 2012/
JMC/FP-D
Rôle N° 10/11842
[B] [D]
C/
Société LPG SYSTEMS
Grosse délivrée
le :
à :
Me Marc PROVENZANI, avocat au barreau de GRASSE
Me Dominique FABRE, avocat au barreau de NIMES
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRASSE en date du 13 Mai 2009, enregistré au répertoire général sous le n° 08/1482.
APPELANT
Monsieur [B] [D], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Marc PROVENZANI, avocat au barreau de GRASSE substitué par Me Elie MUSACCHIA, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE
Société LPG SYSTEMS, demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Dominique FABRE, avocat au barreau de NIMES ([Adresse 2]) substitué par Me Marie BOUSSAC, avocat au barreau de NIMES
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 17 Octobre 2011 en audience publique devant la Cour composée de :
Monsieur Jean-Marc CROUSIER, Président
Madame Martine VERHAEGHE, Conseiller
Madame Corinne HERMEREL, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Françoise PARADIS-DEISS.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Décembre 2011 prorogé au 3 janvier 2012.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 3 janvier 2012.
Signé par Monsieur Jean-Marc CROUSIER, Président et Françoise PARADIS-DEISS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La SA LPG SYSTEMS a pour activité la fabrication et la commercialisation de produits liés au bien être et à la forme physique. Elle a embauché [B] [D] en qualité de responsable export, qualification cadre, échelon P3C, par contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 20 mai 1997.
A ce titre, il était chargé d'assurer à l'export, notamment, la promotion, le suivi et le développement des ventes, le suivi et la coordination du service après-vente des produits et appareils de traitement de la peau et dérivés de la Gamme LPG.
Ses fonctions ayant évolué en en raison du développement et des nouveaux besoins de la société il assurait, depuis 1er mars 2005, la Direction Marketing et la responsabilité de la Stratégie de Développement International directement en lien avec la Direction Générale.
Courant 2007 la société LPG SYSTEMS était amenée, dans le cadre d'une réorganisation de ses services motivée, selon elle, par la sauvegarde de sa compétitivité, à supprimer le poste de Directeur Marketing et Responsable de la Stratégie de Développement International, occupé jusqu'alors par [B] [D] ses attributions étant réparties en trois entre, d'une part, un poste de Directeur Lobbying et Recherche Scientifique, d'autre part, un poste de Directeur marketing et, de dernière part, un poste de Directeur des Ventes Export.
Le poste de Directeur Lobbying et Recherche Scientifique était proposé à [B] [D] lors d'une réunion de direction s'étant tenue le 11 septembre 2007. Le 19 septembre 2007, par une lettre remise en main propre, sa prise de fonction immédiate à ce poste lui était « confirmée ». Par une lettre remise en main propre le 20 septembre 2007 [B] [D] faisant état d'une perte de responsabilité, refusait cette modification.
Il était convoqué à un entretien préalable, devant avoir lieu le 8 octobre 2007, en vue de son éventuel licenciement, par lettre recommandée avec avis de réception en date du 27 septembre 2007.
Par une lettre recommandée avec avis de réception du 26 octobre 2007, doublée d'un Chronopost du même jour, réceptionnés le 27 octobre 2007, la société LPG SYSTEMS lui notifiait son licenciement pour motif économique en le dispensant de l'exécution de son préavis et en le déliant de sa clause de non concurrence.
Contestant ce licenciement et faisant état du non paiement de primes [B] [D] a, le 22 novembre 2007, saisi le conseil de prud'hommes de GRASSE d'une demande tendant, d'une part, à le faire déclarer sans cause réelle et sérieuse et à obtenir son indemnisation ainsi que, d'autre part, au paiement d'arriérés de salaire.
Les parties n'ayant pu se concilier et la société LPG SYSTEMS s'étant opposée aux demandes le conseil de prud'hommes précité, par un jugement rendu le 13 mai 2009 a :
Vu les bulletins de salaires, la convention collective de la Métallurgie applicable, les articles L 1222-6, L 1235-3, les articles 695, 696 et 700 du Code de Procédure Civile ;
Dit et jugé que le licenciement de Monsieur [D] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Condamné la SA LPG SYSTEMS à payer à Monsieur [S] (SIC) la somme de 72 000€ à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Condamné la SA LPG SYSTEMS à payer à Monsieur [D] la somme de 1 000€ sur le fondement de l'article 700 du C.P.C. ;
Débouté Monsieur [S] (SIC) du surplus de ses demandes ;
Débouté la Société LPG SYSTEMS de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du CPC ;
Condamné la SA LPG SYSTEMS aux entiers dépens de l'instance.
Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 29 mai 2009, reçue au greffe de cette cour le 3 juin suivant, [B] [D], auquel ce jugement a été notifié à une date ne pouvant être déterminée, en a relevé appel.
Cette affaire a fait l'objet d'un arrêt de radiation rendu le 10 février 2010 les parties, bien que régulièrement convoquées, ne s'étant présentées à l'audience du 10 février 2010 à laquelle l'examen de l'affaire avait été initialement fixé. L'affaire été rétablie le 24 juin 2010 à la demande de [B] [D].
Aux termes de ses conclusions écrites, déposées et reprises oralement à l'audience par son conseil, ce dernier, excipant, de première part, de l'évolution constante de sa carrière au sein de la société LPG ainsi que du caractère exponentiel de ses responsabilités et de la progression constante de ses résultats comme de ceux de son équipe et, de seconde part, de la dégradation intervenue selon lui dans ses conditions de travail concomitamment à l'embauche, mi juillet 2007, du nouveau directeur général, Monsieur [C] [K], alors que la qualité du travail qu'il a accompli avait été, une nouvelle fois, récompensée par une augmentation de 20% de son salaire à partir du mois de mars 2007, soutient essentiellement, sur son licenciement, en premier lieu, à titre principal, que celui-ci est intervenu en violation des dispositions de l'article L 1222-6 du code du travail, la chronologie des faits démontrant qu'en méconnaissance des dispositions de l'article L321-2 du Code du Travail devenu l'article L 1233-3 alinéa 2 dudit code, l'employeur avait décidé, dès le mois d'août 2007, de vider son poste de sa substance, laissant sous ses ordres trois personnes au lieu des dizaines de personnes qu'il avait sous sa responsabilité jusqu'alors, en le dénigrant sur le plan hiérarchique, auprès de ses subordonnés et de ses collaborateurs, en refusant des autorisations qui, soit, auparavant lui étaient systématiquement accordées, soit pour lesquelles il n'avait pas à solliciter un référant hiérarchique. Il soutient encore que la seule raison de la suppression de son poste résidait dans l'antagonisme entre lui et Monsieur [K] et Monsieur [D] et qu'elle n'est donc que disciplinaire ou liée à une relation ou appréciation personnelle subjective n'ayant rien à voir avec la compétitivité de l'entreprise. Il prétend, sur les implications juridiques de cette chronologie sur son licenciement, que la Cour, comme l'a fait la décision déférée, fera une stricte application de l'article L 1222-6 du Code du Travail et constatera que l'employeur ne peut pas se prévaloir du refus de son salarié relativement à la modification du contrat de celui-ci dans la mesure où il n'a pas respecté le délai d'un mois et, par conséquent, le licenciement intervenu, dans la mesure où il est fondé sur le refus de la part du salarié de la modification de son contrat, est dépourvu de cause réelle et sérieuse et, bien plus, que, dans la mesure où il a été convoqué à un entretien préalable en vue de son licenciement alors que le délai de l'article L 1222-6 du code du travail n'était pas encore expiré, il ne repose sur aucune cause réelle ni sérieuse.
A titre subsidiaire, pour le cas où par extraordinaire la Cour viendrait à infirmer la décision de première instance et à examiner le fond du licenciement, il soutient qu'il y a eu une violation manifeste des dispositions de l'article L 1233-3 du Code du Travail dès lors que rien ne justifie l'allégation de sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise et ce d'autant plus que, le secteur étant en augmentation de près de 40 % au mois d'août 2007 par rapport à la même période en 2006, on voit mal en quoi la suppression de son poste, sa redistribution à d'autres salariés, l'embauche de nouveaux salariés pour pouvoir des postes, par définition vacants puisque créés de toute pièce et la désorganisation du système hiérarchique qui fonctionnait depuis longtemps de cette façon à la parfaite satisfaction de l'entreprise, pourrait sauvegarder sa compétitivité, qu'il n'existait pas de difficultés économiques le chiffre d'affaire étant reparti à la hausse en 2007 et, que tout ayant été fait à son insu, en réalité son licenciement a été prononcé pour des considérations personnelles.
Faisant état, surabondamment, de l'absence de toute proposition de reclassement, il prétend, en ce qui concerne son indemnisation, que le montant de celle qui lui a été allouée par le premier juge est très inférieur au minima prévu par l'article L 1235-3 du code du travail, la reconstitution de sa rémunération mensuelle moyenne faisant ressortir qu'il n'est pas de 12 000€ comme retenu, cette rémunération n'étant que sa rémunération de base ne tenant compte ni de sa prime annuelle ni des avantages en nature ni de sa participation aux bénéfices. Excipant de ce qu'il avait, en dernier lieu, depuis le début de l'année 2005, la qualification de directeur marketing, position hiérarchique au titre de laquelle il percevait une rémunération mensuelle fixe de 12.000 € bruts, une prime annuelle de 50 000€, un avantage en nature de véhicule, évalué sur le bulletin de salaire à 598€ (véhicule de fonction mis à disposition MERCEDES ML 320 CDI) et bénéficiait de la mise à disposition de deux téléphones mobiles dont les factures étaient réglées à 100% par son employeur ainsi que d'une complémentaire maladie et une prévoyance réglées également par l'employeur que sa rémunération annuelle brute était de 194 000€ plus sa participation aux bénéfices il fait valoir que six mois de salaire ne représentaient pas 72.000€ mais 97 000€. Il soutient, l'article L 1235-3 du Code du Travail prévoyant que l'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse ne peut être inférieure à la rémunération brute du salarié perçue pendant les six derniers mois précédant la rupture, la jurisprudence rappelant à ce sujet que le salaire mensuel doit être évalué en tenant compte des primes et avantages en nature éventuels et l'appréciation souveraine des juges du fond se faisant au-delà de cette indemnité incompressible, que, en compte de l'ensemble des paramètres de la rémunération fixe, primes et avantages en nature, six mois de salaire calculés conformément aux dispositions de l'article précité l'indemnité minimale représente 105 389,53€ mais que, en réalité, son préjudice est bien supérieur compte tenu des circonstances qui ont entouré son licenciement et celles qui l'ont précédé, tenant au fait de le priver des outils spécifiques à sa position hiérarchique, au dénigrement de sa position vis-à-vis des autres salariés et le fait de vider volontairement de sa substance le poste sur lequel il avait des résultats tout à fait exceptionnels et compte tenu de son incidence financière sur sa situation et celle de sa famille.
A l'appui de sa demande de dommages-intérêts complémentaires pour entrave à l'exercice de son droit à assistance lors de l'entretien préalable il prétend que, de toute évidence, l'employeur a exercé des pressions sur la personne qui l'a assisté lors de son entretien préalable pour que celle-ci ne lui en remette pas un compte-rendu.
Sur les rappels de salaire, prétendant que le conseil de Prud'hommes avait mal interprété ses écritures de première instance, sa demande étant liée au poste qu'il occupait et non pas au poste refusé, il fait valoir que, son contrat de travail prévoyant une partie fixe de sa rémunération et une partie variable venant récompenser le travail effectif et continu durant l'année, qu'ayant perçu depuis son entrée dans l'entreprise une prime constitutive d'un avantage acquis, d'un montant de 50 300€ en 2000, 51 800€ en 2001, 40 000€ en 2002, 44 100€ en 2003, 50 000€ en 2004, 25 000€ en 2005 et 50 000€ en 2006, que l'employeur admettant que ces primes sont la contre partie de la charge de travail et de l'élévation des responsabilités et que, dans la mesure où ses responsabilités ont été accrues en 2006 et qu'elles sont demeurées les mêmes jusqu'à son licenciement, indépendamment des difficultés concrètes d'exercice auxquelles il s'est trouvé confronté, que la prime de 50.000€ qui est revendiquée sur l'ensemble de la période considérée doit être versée et que condamnation doit être prononcée en ce sens à l'encontre de l'employeur pour les années 2002, 2003, 2005 et 2007.
Par suite il demande à la cour de :
Le recevoir en son appel ;
Le déclarer recevable ;
Au fond,
Le déclarer bien fondé ;
Confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a dit et jugé que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
L'infirmer sur le montant des dommages et intérêts ;
Vu les pièces produites aux débats,
Vu les circonstances du licenciement, le non respect des dispositions des articles L 1222-6 et L 1233-3 du Code du Travail, l'absence de proposition de reclassement, le non respect de la procédure de modification d'un élément essentiel du contrat de travail,
Condamner la société LPG à lui payer la somme de 600 000€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse ;
Infirmer pour le surplus la décision entreprise ;
Condamner la société LPG au paiement de la somme de 10 000€ à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice complémentaire causé du fait de l'entrave à l'exercice du droit d'assistance du salarié lors de l'entretien préalable ;
Condamner la société LPG au paiement de la somme de 90.900€ au titre du solde des rappels de primes annuelles pour les années 2002, 2003, 2005 et 2007 ;
Condamner la société LPG au paiement d'une somme complémentaire de 5 000€ sur le fondement des dispositions de l'Article 700 du CPC ainsi qu'entiers dépens.
Aux termes de ses écritures, déposées et reprises oralement à l'audience par son conseil, la société LPG SYSTEMS, fait pour sa part valoir, en premier lieu, que, forte de la clause stipulée à l'article 3 du contrat permettant la modification des missions confiées, clause d'ailleurs déjà mise en 'uvre en mars 2005, forte de ce qu'elle pensait être l'acceptation de leur modification concertée, elle n'envisageait pas un refus « juridique » bien au contraire, l'intéressé ayant été associé à la modification de l'organisation, que le refus ultérieur de Monsieur [D], fondé sur le considérant d'une modification de son contrat de travail l'avait conduit à se situer sur ce terrain et à mettre en 'uvre la procédure de rupture pour motif économique suite à « refus d'accepter la modification du contrat de travail » et que, lors de l'audience de jugement en première instance, elle avait reconnu la faute procédurale. Indiquant n'avoir d'ailleurs pas fait appel de sa condamnation, inéluctable en l'état de la jurisprudence de la cour de cassation et conclut à sa confirmation au regard de l'examen du caractère réel et sérieux du motif de la modification fonctionnelle entreprise.
Sur la réalité et le sérieux du motif économique de la modification elle fait valoir, au regard des dispositions de l'article L 1233.3 (ancien L.321-1) du Code du travail qu'elle a appliqué le droit la jurisprudence considérant qu'une suppression de poste liée à une réorganisation peut constituer un licenciement économique au sens du Code du travail, dès lors que cette réorganisation résulte d'une nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise, semblable réorganisation étant étrangère et autonome à toutes difficultés économiques ce qui est le cas en l'occurrence en considération tant de la disparition, en deux ans de plus de 20 % du CA export, ce qui est considérable, que de l'apparition d'une nouvelle concurrence sur le secteur en 2006. Elle prétend que la proposition d'affectation faite en août 2007 à Monsieur [D] s'inscrivait dans le nouveau projet où un poste à sa mesure lui était réservé et qu'elle a satisfait à son obligation de reclassement, laquelle est une obligation de moyen qui s'apprécie au regard des seuls postes disponibles, aucun autre poste que celui qui lui a été proposé ne pouvant décemment l'être.
Sur les demandes indemnitaires la société LPG SYSTEMS fait valoir que la lecture de l'attestation Assedic et des bulletins de paye démontre que, contrairement à ce qu'affirme Monsieur [D], le salaire retenu tient compte de l'avantage en nature véhicule, les autres éléments dont il souhaite l'intégration étant soit des frais (téléphones mobiles) soit des charges sociales (complémentaire, maladie et prévoyance) non intégrées au salaire, observation devant cependant être faite que la décision prud'homale n'intègre pas l'avantage en nature de sorte que, de fait, en confirmant le jugement déféré, la cour devra abonder l'indemnisation du licenciement abusif à raison de 598€ X 6 = 3 588€ pour la porter à 75 588€. Elle fait ensuite valoir que la prime versée en janvier 2007 au titre de l'exercice 2006 ne peut être intégrée dans l'assiette indemnitaire d'un licenciement effectué en fin d'année 2007. Elle dénie tout dénigrement et fait valoir que [B] [D], malgré les sommations qui lui ont été adressées, ne justifie pas ni l'ensemble des contrats conclus avec des partenaires ou des sociétés exerçant la même activité, directement ou indirectement en France et à l'étranger, ni de sa situation professionnelle et de ses revenus depuis la rupture de son contrat de travail.
Elle fait valoir, sur la privation alléguée de son droit d'assistance légale, que prétendre que l'assistante aurait subi des pressions pour ne pas attester nécessiterait de le prouver, ce qui n'est pas fait et ne pourra l'être, la présentation adverse évoquant le « spectre » d'une sanction disciplinaire étant démentie par le contenu même du témoignage de la salariée concernée.
Pour s'opposer aux demandes salariales elle fait valoir, en premier lieu, au regard de l'historique des primes annuelles versées qu'il n'a jamais été question d'une prime fixe, en deuxième lieu, que la prime annuelle est en fait une prime d'objectif, variable par principe, en troisième lieu, qu'il n'y a aucune proportionnalité entre le salaire fixe et la prime, laquelle est fixée annuellement par l'employeur au regard notamment des résultats de l'export comme prévu par le contrat, en troisième lieu, que la somme de 50 000€ n'a été versée qu'en janvier 2005 (au titre de 2004) et janvier 2007 (au titre de 2006).
Par suite la société LPG SYSTEMS demande à la cour de :
Au principal,
Dire le licenciement de Monsieur [D] régulier et justifié par une cause économique réelle et sérieuse ;
Le débouter de l'intégralité de ses demandes ;
Au subsidiaire,
Tenant au non respect de la procédure de modification du contrat de travail,
Cantonner la condamnation à dommages-intérêts à la somme de 75 588 € bruts ;
Débouter Monsieur [D] du surplus,
Au second subsidiaire, si la cour entrait en condamnation au titre du versement d'une prime exceptionnelle en 2008 au titre de l'exercice 2007, année du licenciement économique ;
Cantonner le montant, en tenant compte de l'augmentation compensatoire consentie en 2007 ;
Débouter Monsieur [D] pour le surplus.
SUR CE :
Attendu que l'appel, interjeté dans les formes et le délai de la loi, est recevable ;
Attendu que constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification refusée par le salarié d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques, à une réorganisation pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ou du secteur d'activité ou à une cessation d'activité ; Qu'aux termes de l'article L 1233-4 du code du travail un tel licenciement ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient, le reclassement du salarié s'effectuant sur un emploi disponible relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent ou, à défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, sur un emploi d'une catégorie inférieure, les offres de reclassement proposées au salarié devant être écrites et précises ;
Attendu que, selon l'article L 1222-6 (ancien L 321-1-2) du code du travail, « Lorsque l'employeur envisage la modification d'un élément essentiel du contrat de travail pour l'un des motifs économiques énoncés à l'article L 1233-3, il en fait la proposition au salarié par lettre recommandée avec avis de réception./ La lettre de notification informe le salarié qu'il dispose d'un mois à compter de sa réception pour faire connaître son refus./ A défaut de réponse dans le délai d'un mois, le salarié est réputé avoir accepté la modification proposée » ; Que le non respect de la procédure prévue par ces dispositions, qui interdit à l'employeur de se prévaloir d'un refus comme d'une acceptation du salarié, comme l'inobservation par l'employeur du délai prévu par ce texte privent le licenciement fondé sur le refus du salarié de la modification de son contrat, de cause réelle et sérieuse ;
Qu'en l'occurrence aucune proposition individuelle de modification du contrat de travail n'a été faite à [B] [D], par lettre recommandée avec avis de réception, la proposition résultant en l'occurrence d'un nouvel organigramme puis d'une lettre simple lui « confirmant », le 19 septembre 2007, cette modification, sans aucune indication d'un quelconque délai pour se prononcer sur la proposition ; Qu'au surplus, le salarié ayant exprimé son refus le 20 septembre suivant, la procédure de licenciement pour motif économique était mise en 'uvre dès le 27 septembre 2007 par une convocation à un entretien préalable devant avoir lieu le 8 octobre suivant ; Qu'il s'ensuit que c'est à bon droit, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens, que le conseil de prud'hommes a considéré que le licenciement de [B] [D] était sans cause réelle et sérieuse, ce que la société LPG SYSTEMS, qui admet sa « faute procédurale » ne conteste d'ailleurs pas estimant elle-même sa condamnation comme « inéluctable en l'état de la jurisprudence de la cour de cassation » ; Que le jugement déféré sera confirmé de ce chef ;
Attendu que, aux termes de l'article L 1235-3 alinéa 2 (ancien L 122-14-4) du code du travail, le salarié dont le licenciement survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse est en droit de prétendre, en sus de l'indemnité de licenciement, à une indemnité qui ne peut être inférieure à la rémunération brute du salarié pendant les six derniers mois précédant la rupture, le salaire devant être évalué en tenant compte des primes et avantages en nature éventuels ;
Attendu que, selon les pièces versées aux débats (attestation ASSEDIC du 29 janvier 2008 [pièce communiquée n°13] ), la rémunération brute de base de [B] [D] s'élevait, au titre des six derniers mois travaillés, à 75 438€ ; Qu'à cette somme s'ajoutait, les parties étant d'accord sur ce point, un avantage en nature évalué à 598€ brut par mois tenant exclusivement à la mise à disposition par l'employeur, au profit du salarié, prévue par les contrats de travail successifs, d'un véhicule automobile ce qui représente sur six mois la somme de 3 538€ (598€ x 6) ; Qu'à cet avantage en nature s'ajoutent ceux, dont l'évaluation ne ressort pas de l'examen des bulletins de paie, tenant, d'une part, à la mise à disposition de [B] [D] de deux téléphones mobiles dont les factures étaient intégralement réglées par l'employeur et, d'autre part, au paiement, par le même employeur, d'une complémentaire maladie et d'une prévoyance ; Que cette dernière prise en charge, constitue bien un avantage en nature et non un remboursement de frais comme le prétend l'employeur ; Qu'il est évalué sans contradiction à 849,66€ (141,61€ x 6) pour les six derniers mois considérés aucune évaluation n'étant proposée pour l'avantage en nature tiré de la prise en charge des portables et aucun élément permettant d'y parvenir n'étant versé aux débats ; Que l'attestation ASSEDIC précitée fait ressortir le versement, en janvier 2007 d'une prime annuelle exceptionnelle de 50 000€ que l'employeur présente comme non intégrable dans le calcul dans la mesure où elle a été versée en janvier 2007 ; Que même si cette prime n'est versée qu'en un seul versement annuel, il y a lieu de l'intégrer dans le calcul du salaire brut des six derniers mois à prendre en compte, au prorata, dès lors que, s'agissant de la partie variable de la rémunération prévue au contrat pour le travail fournie sur l'année, en fonction de la réalisation d'objectifs, il s'agit d'un élément de celle-ci ; Que, par suite, le montant minimal de l'indemnisation auquel [B] [D] peut prétendre s'élève à 104 885,66€ (75 438€ + 3 598€ + 849,66€ + 25 000€) ;
Attendu cependant que, eu égard aux circonstances brutales du licenciement alors que l'intéressé était salarié au sein de la société LPG SYSTEMS depuis un peu plus de 10 ans, lui rendant manifestement, au regard tant du montant des primes annuelles versées que des responsabilités confiées, prenant de l'ampleur au fil des années, des services éminents, à la perte de revenus qui a suivi cette mesure, dont il est justifié, l'avis d'imposition 2007 faisant mention de revenus le concernant de 161 744€ alors que la déclaration de revenu de 2008 mentionne des revenus pour 28 626€, des difficultés à retrouver un emploi, sa rémunération déclarée en qualité de gérant de la SARL HBW dans laquelle il est associé s'élevant au titre de l'exercice 2010 à 8 000€, il apparaît que le préjudice réellement subi est plus important ; Que la cour allouera en réparation de celui-ci, par réformation du jugement de ce chef, la somme de 250 000€ ;
Attendu, sur le préjudice tenant, selon le salarié, au fait qu'il aurait été « privé de son droit d'assistance légale », force est de constater qu'il a été effectivement assisté, lors de l'entretien préalable par une salariée de l'entreprise, en l'occurrence [T] [J], représentante du personnel ; Que le préjudice allégué tient, selon le salarié, à ce que l'employeur aurait fait pression sur celle-ci pour qu'elle ne rédige pas le compte rendu de l'entretien ; Que le mail versé aux débats, qui est la seule pièce fondant cette demande, émanant de ladite salariée, laquelle fait réponse au mail que [B] [D] a dressé à l'intéressée et qui est rédigé en ces termes « Tout d'abord, je souhaite vous présenter mes excuses quant à mon silence depuis cet entretien de lundi./ Je dois vous avouer que devant l'ampleur du litige qui vous oppose aujourd'hui à la Direction de LPG, étant moi-même Attachée de Direction, j'hésite à aller au delà dans mon implication sur ce dossier. En tant que représentante de la Délégation Unique du Personnel aussi, je suis heureuse de vous avoir accompagné dans cet entretien pour veiller à ce qu'il n'y ait pas de dérapage mais ne me demandez pas plus car je crains que cela ne me dépasse par ta suite' », s'il fait ressortir des craintes ne démontre pas que la direction de la société aurait exercé des pressions pour que le compte rendu ne soit pas rédigé ; Que le comportement préjudiciable allégué n'est pas avéré de sorte que c'est à raison que le premier juge a rejeté la demande d'indemnisation présentée à ce titre ;
Attendu, sur la réclamation salariale, que le contrat de travail initial, du 20 mai 1997, prévoit une rémunération constituée d'une partie fixe et d'une partie variable ; Que les dispositions contractuelles stipulent que « En complément de sa rémunération mensuelle fixe de FRF 30.000 Monsieur [D] pourra également percevoir une Prime d'Objectif annuelle récompensant un travail effectif et continu durant toute l'année./ Cette Prime d'Objectif sera déterminée en fonction d'un ou plusieurs objectifs définis par la Société dépendant notamment du développement des ventes à l'export./ En cas de pluralité d'Objectifs de même nature ou non, les Objectifs étant toujours indépendants les uns des autres, le dépassement éventuel de l'un d'eux ne saurait donner lieu à une compensation en vue d'obtenir une Prime d'Objectif supplémentaire. Aucune Prime d'Objectif ne sera due à Monsieur [D] en cas de rupture du contrat en cours d'année quelle que soit la cause de la rupture » ; Qu'en application des dispositions relatives à la rémunération variable ont été versées à [B] [D] les sommes suivantes :
Janvier 2000 : 200 000 Francs soit 30 489,80€
Janvier 2001 : 250 000 Francs soit 38 112,25€
Janvier 2002 : 38 113€
Janvier 2003 : 42 000€
Janvier 2004 : 44 100€
Janvier 2005 : 50 000€
Janvier 2006 : 25 000€
Janvier 2007 : 50 000€ ;
Que cet historique fait apparaître qu'il n'y a jamais eu de primes fixes en leur montant ces primes étant essentiellement variables, d'une année sur l'autre, en fonction des dispositions contractuelles prévoyant leur caractère variable, sans qu'il y ai jamais la même proportionnalité entre le salaire fixe et sa partie variable (les chiffres cités par l'appelant lui-même font apparaître une variation allant de 20% à 51% de la rémunération fixe) la somme de 50 000€ sur laquelle l'appelant voudrait voir aligner ses primes 2002, 2003 et 2006 (sur l'année 2005) n'ayant été versée qu'en janvier 2005 (en fonction de bons résultats à l'export de l'année 2004) et en 2007 (au titre de l'année 2006), année moins favorable de ce point de vue, selon l'employeur lui-même, mais portée exceptionnellement à ce montant, selon l'employeur, pour tenir compte du fait que [B] [D] a accepté d'accomplir la charge professionnelle supplémentaire, sans augmentation de son fixe, de directeur des ventes FRANCE et international ; Qu'au vu des dispositions contractuelles précitées, qui ne font l'objet d'aucune critique, le part variable relative à l'année 2007, payable en 2008, n'est pas due en raison de la rupture intervenue ; Que ces donc à raison que les demandes de rappel de salaire, ont été rejetées ;
Que l'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'appelant ;
Que la société LPG SYSTEMS qui succombe pour l'essentiel sera condamnée aux entiers dépens ; Que, par suite de cette succombance, elle ne peut prétendre au bénéfice de ces dernières dispositions.
PAR CES MOTIFS :
Déclare l'appel recevable.
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a déclaré le licenciement de [B] [D] sans cause réelle et sérieuse et en ce qu'il a débouté ce dernier de ses demandes de rappels de salaire au titre de la part variable (primes exceptionnelles) relatives aux années 2002 (au titre de l'année 2001), 2003 (au titre de l'année 2002), 2006 (au titre de l'année 2005) et 2007 (payable en janvier 2008).
Le réforme du surplus,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne la société LPG SYSTEMS à payer à [B] [D] la somme de 250 000€, à titre de dommages-intérêts, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Condamne la société LPG SYSTEMS à payer à [B] [D] la somme de 1 500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais non compris dans les dépens de première instance et d'appel.
Déboute les parties de leurs demandes, fins et conclusions autres, plus amples ou contraires.
LE GREFFIERLE PRESIDENT