COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
1re Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 03 JANVIER 2012
A.V.
N° 2012/
Rôle N° 11/00192
[P] [K]
C/
[N] [K] épouse [R]
Grosse délivrée
le :
à :la SCP SIDER
la SCP PRIMOUT - FAIVRE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 25 Novembre 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 05/10876.
APPELANT
Monsieur [P] [K]
né le [Date naissance 5] 1934 à [Localité 9], demeurant [Adresse 7]
représenté par la SCP SIDER, avoués à la Cour,
assisté par Me Alain MASSABIAU, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
INTIMEE
Madame [N] [K] épouse [R]
née le [Date naissance 3] 1937 à [Localité 9], demeurant [Adresse 6]
représentée par la SCP PRIMOUT FAIVRE, avoués à la Cour,
assistée par Me Sylvia BARTHELEMY-TEMPIER, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 15 Novembre 2011 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Mme VIDAL, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Jean-Paul LACROIX-ANDRIVET, Président
Monsieur Jean VEYRE, Conseiller
Madame Anne VIDAL, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mademoiselle Patricia POGGI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 Janvier 2012.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 03 Janvier 2012,
Signé par Monsieur Jean-Paul LACROIX-ANDRIVET, Président et Mademoiselle Patricia POGGI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :
Suivant acte d'huissier en date du 7 octobre 2005, M. [P] [K] a fait assigner Mme [N] [K] épouse [R], sa s'ur, devant le tribunal de grande instance de Marseille en interprétation du testament établi par leur mère, Mme [H] [V] Vve [K] le 30 mai 1997.
Par jugement en date du 25 novembre 2010, le tribunal de grande instance de Marseille a retenu que le testament s'interprétait comme consentant à Mme [N] [K] le legs de la totalité de la quotité disponible, la dite quotité étant calculée sur l'ensemble de l'actif de la succession, y compris la propriété des [Adresse 8]. Il a débouté M. [P] [K] de toutes ses demandes et l'a condamné à verser à Mme [N] [K] une somme de 1.200 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Il a débouté Mme [N] [K] de sa demande en dommages et intérêts et dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la décision.
M. [P] [K] a interjeté appel de cette décision suivant déclaration déposée au greffe le 5 janvier 2011.
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M. [P] [K], aux termes de ses conclusions récapitulatives en date du 7 juin 2011, sollicite la réformation du jugement et demande à la cour :
De dire que, par son testament du 30 mai 1997, Mme [H] [V] Vve [K] a décidé d'attribuer sa part de communauté dans la propriété des [Adresse 8] à ses enfants, chacun pour moitié, et de léguer à sa fille la totalité de ses avoirs bancaires et boursiers au jour de son décès, dans la limite de la quotité disponible,
De condamner Mme [N] [K] à lui verser une somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il explique le contexte familial conflictuel concernant cette propriété agricole, exploitée par M. [W] [K], leur père, après sa séparation de corps d'avec Mme [H] [V], puis par lui-même dans le cadre d'un bail rural. Il indique qu'un procès l'a opposé à sa s'ur sur la validité du bail rural et sur l'attribution préférentielle de cette propriété, à la suite du décès du père, ayant abouti à un arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 10 mai 2007 qui a fait droit à sa demande d'attribution préférentielle de toute la propriété.
Il soutient que le testament en cause doit s'interpréter au regard du précédent testament de 1988 par lequel la testatrice léguait la quotité disponible à sa fille, sans plus d'explications, et au regard des déclarations d'intention de Mme Vve [K] qui avait exprimé, tant devant les membres de sa famille que devant le juge de la mise en état, en 1994, qu'elle voulait faire donation de la propriété familiale à ses deux enfants par moitié.
Mme [N] [K], en l'état de ses dernières écritures déposées le 25 octobre 2011, conclut à la confirmation du jugement, au rejet de l'appel de M. [P] [K] et à sa condamnation à lui verser une somme de 3.500 € à titre de dommages et intérêts et une indemnité de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle rappelle que, dans le procès qui l'a opposée à son frère sur l'attribution préférentielle de la propriété des [Adresse 8], sa mère n'avait pas soutenu M. [P] [K] ; que la cour d'appel, dans son arrêt du 21 septembre 2000, a refusé le donner acte relatif à la future donation partage des biens de Mme [H] [V] Vve [K], décédée pendant la procédure ; qu'à l'époque du testament litigieux, soit en mai 1997, les parties étaient en l'état d'un jugement ayant refusé l'attribution préférentielle à M. [P] [K] et qu'aucune donation de la propriété des [Adresse 8] n'avait été faite ; qu'ainsi la quotité disponible qui lui est léguée porte sur la totalité des biens de Mme [H] [V] Vve [K].
La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 2 novembre 2011.
MOTIFS DE LA DECISION :
Attendu que M. [P] [K] a communiqué aux débats, le 10 Novembre 2011, trois nouvelles pièces numérotées 28 à 30, alors que la procédure avait été clôturée par ordonnance en date du 2 novembre 2011 ; que ces pièces doivent être déclarées de plein droit irrecevables comme tardives ;
Attendu que Mme [H] [V] Vve [K] est décédée le [Date décès 1] 1997 en laissant pour lui succéder ses deux enfants, M. [P] [K] et Mme [N] [K], en l'état d'un testament en date du 30 mai 1997 rédigé en langue italienne et dont la traduction est la suivante :
« Je lègue à ma fille Mme [R] née [K] [N] demeurant aux Etats Unis [Adresse 2] la totalité de ma quote-part disponible, la totalité de mes comptes à la Banque et à la caisse d'épargne : tels qu'ils seront le jour de mon décès, les [Adresse 8] son père [K] [W] et moi sa mère de [N] [K] et [P] notre fille et fils nous avons déjà donné à chacun la moitié à notre fils [P] et notre fille [N] [K] épouse [R]. »
Que les parties s'opposent sur le sens à donner à ces dispositions testamentaires, étant entendu que la propriété rurale des [Adresse 8] ayant appartenu en communauté entre la testatrice et son époux, [W] [K], dont elle était séparée de corps, n'avait jamais fait l'objet de la moindre donation, ni de la part de son époux, décédé et dont la succession était, en 1997, débattue devant la cour, ni de la part de la testatrice ;
Attendu que l'interprétation du testament doit être faite, non seulement par rapport à sa lettre, mais au regard des autres dispositions prises par la testatrice et en considération de l'intention qu'elle avait pu manifester ;
Que si, les premiers termes du testament sont clairs en ce qu'ils énoncent la volonté de Mme [H] [V] Vve [K] de léguer à sa fille la totalité de la quotité disponible, ce sont les mentions suivantes qui portent à confusion, notamment la phrase relative à la propriété des [Adresse 8] dont le tribunal retient qu'elle est particulièrement obscure puisqu'aucune donation n'était intervenue, contrairement à ce qui y est, en apparence, indiqué ;
Qu'il convient à cet égard de revenir sur la situation dans laquelle se trouvaient les parties à la date de l'établissement de ce testament, soit en mai 1997 ; que M. [W] [K], décédé le [Date décès 4] 1981, avait consenti à son fils [P], un bail rural en vertu duquel celui-ci revendiquait l'attribution préférentielle du bien ; que le tribunal de grande instance de Draguignan, considérant que ce bail n'avait pas été signé par Mme [H] [V] Vve [K] et que la vocation agricole du domaine était devenue secondaire, venait, par jugement en date du 5 avril 1996, de prononcer la nullité du bail et de rejeter la demande d'attribution préférentielle ;
Que le jugement du 5 avril 1996 avait également donné acte à Mme [H] [V] Vve [K], à sa demande, de sa volonté de donner à titre de donation partage sa part de communauté et de succession à ses deux enfants ; que, lors de son audition par le juge de la mise en état, le 11 avril 1994, Mme [H] [V] Vve [K] avait déclaré : « Je vous confirme que je n'entends pas revendiquer ma part mais que je souhaite en faire la donation à mes deux enfants, de manière égalitaire. Par contre, je souhaite en contrepartie que mes enfants complètent mes maigres revenus en me versant une rente mensuelle qui me permette de vivre correctement. » ;
Que la testatrice avait ainsi exprimé de manière officielle, peu de temps avant la rédaction de son dernier testament, son intention de donner la propriété à ses deux enfants, à parts égales, ce qui est incompatible avec l'interprétation soutenue par Mme [N] [K] selon laquelle elle aurait souhaité favoriser sa fille en lui léguant la quotité disponible sur tous les biens, y compris la propriété des [Adresse 8] ;
Qu'il y a lieu par ailleurs de se référer aux termes du précédent testament rédigé par Mme [H] [V] Vve [K], le 16 septembre 1988, par lequel elle indiquait très simplement « léguer la quotité disponible à ma fille Mme [R] née [K] [N]. » et auquel elle a, en rédigeant le testament du 30 mai 1997 dans des termes différents et en faisant un ajout spécial concernant la propriété des [Adresse 8], voulu apporter des modifications en excluant celle-ci de l'avantage consenti à sa fille, conformément aux déclarations d'intention qui avaient été les siennes en 1994 et au cours de la procédure devant le tribunal de grande instance de Draguignan ;
Que la cour considère en conséquence que le testament doit s'interpréter comme comportant le legs à Mme [N] [K] de la quotité disponible constituée par la totalité des comptes bancaires et avoirs à la caisse d'épargne, la propriété des [Adresse 8] revenant, quant à elle, pour moitié à chacun des deux enfants, [P] et [N] ;
Que le jugement déféré sera donc réformé et que Mme [N] [K] sera déboutée de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour appel abusif et dilatoire ;
Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, contradictoirement,
en matière civile et en dernier ressort,
Déclare les trois dernières pièces versées aux débats par M. [P] [K] le 10 novembre 2011 irrecevables comme tardives ;
Infirme le jugement du tribunal de grande instance de Marseille déféré ;
Dit que le testament rédigé par Mme [H] [V] Vve [K] le 30 mai 1997 doit s'interpréter comme comportant le legs à Mme [N] [K] épouse [R] de la quotité disponible de la succession de Mme Vve [K] constituée par la totalité de ses comptes bancaires et avoirs à la caisse d'épargne, alors que la propriété des [Adresse 8] revient, quant à elle, pour moitié à chacun des deux enfants, [P] et [N] ;
Déboute Mme [N] [K] de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour appel abusif et dilatoire ;
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme [N] [K] aux dépens de première instance et d'appel ;
En autorise le recouvrement direct pour ceux d'appel par la SCP SIDER, avoués, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile
LE GREFFIERLE PRESIDENT