COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
14e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 04 JANVIER 2012
N°2012/13
Rôle N° 10/03217
Société BERTO MEDITERRANEE
C/
[N] [X]
LES MATERIAUX DU SOLEIL
GROUPAMA ALPES MEDITERRANEE
DRJSCS
Grosse délivrée le :
à :
Me Henri GAS, avocat au barreau de TOULON
Me Martine ATTAL, avocat au barreau de TOULON
Me Adrienne MICHEL, avocat au barreau de MARSEILLE
Me Eric BAGNOLI, avocat au barreau de MARSEILLE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de VAR en date du 04 Janvier 2010,enregistré au répertoire général sous le n° 20402660.
APPELANTE
Société BERTO MEDITERRANEE, demeurant [Adresse 5]
représentée par Me Henri GAS, avocat au barreau de TOULON
INTIMES
Monsieur [N] [X], demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Martine ATTAL, avocat au barreau de TOULON
LES MATERIAUX DU SOLEIL, demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Adrienne MICHEL, avocat au barreau de MARSEILLE
GROUPAMA ALPES MEDITERRANEE, assureur de la société MATERIAUX DU SOLEIL, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Eric BAGNOLI, avocat au barreau de MARSEILLE
PARTIE(S) INTERVENANTE(S)
DRJSCS, demeurant [Adresse 1]
non comparant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 23 Novembre 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Jean-Luc CABAUSSEL, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Bernadette AUGE, Président
Madame Florence DELORD, Conseiller
Monsieur Jean-Luc CABAUSSEL, Conseiller
Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Janvier 2012.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Janvier 2012
Signé par Madame Bernadette AUGE, Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
[N] [X] a saisi le Tribunal des affaires de Sécurité Sociale (TASS) du Var d'un recours tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, société BERTO, à la suite de l'accident dont il a été victime le 28 juin 2002, alors qu'il procédait à des opérations de déchargement de son camion, sur le site de l'entreprise « Matériaux du soleil ».
Le Tribunal par jugement en date du 4 janvier 2010, a fait droit à son recours, disant qu'il y avait « faute inexcusable de l'employeur », et condamnant « in solidum la société BERTO et Matériaux du soleil à verser à Mr [X] une somme de 2 000 € à valoir sur son préjudice corporel ».
Les sociétés BERTO et Matériaux du soleil ont relevé appel de cette décision le 15 février 2010, ainsi que la compagnie Groupama, assureur de la société Matériaux du soleil.
Les appelants exposent qu'il n'y a aucune relation de travail en commun entre les deux entreprises, et qu'en tout état de cause les éléments constitutifs de la faute inexcusable ne sont pas réunis.
La compagnie d'assurance Groupama soutient également que la faute inexcusable ne peut être retenue à l'encontre de son assuré, société Matériaux du soleil, celui-ci n'étant pas l'employeur de Mr [X], salarié victime.
De son côté [N] [X] entend obtenir la confirmation de la décision en ce que la faute inexcusable a été retenue, et sollicite une augmentation du montant de la provision allouée, ainsi qu'une somme en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il y a lieu de se référer aux écritures des parties reprises oralement à l'audience.
La DRJSCS régulièrement convoquée n'a pas comparu.
SUR CE
Attendu que le 28 juin 2002, [N] [X], salarié de la société BERTO, a été victime d'un accident du travail alors qu'il procédait à des opérations de déchargement pour le compte de son employeur dans les locaux de la société « Matériaux du soleil » ;
Qu'il ressort du rapport de l'inspection du travail joint au dossier que [N] [X] est conducteur d'un camion équipé d'une grue pour décharger les matériaux, qu'il a demandé à la fin de l'une des opérations de déchargement au cariste employé de la société « Matériaux du soleil » qui travaillait avec lui , de l'aider à régler sa fourche à palette dépendante de la grue de son camion, et qu'alors que le cariste soulevait légèrement la fourche à palette, celle-ci pesant environ 150 kilos retombait sur le pied de [N] [X] en lui écrasant le pied gauche ;
Attendu qu'il n'est pas contesté que [N] [X] est salarié de la société BERTO, et que la société « Matériaux du soleil » n'est aucunement son employeur ;
Que de même, il est constant qu'il n'y a pas d'existence d'une relation de travail en commun entre les deux entreprises, et que la société « Matériaux du soleil » ne saurait être qualifiée d'entreprise utilisatrice puisque le salarié victime effectuait une livraison pour le compte de son propre employeur, entreprise BERTO ;
Qu'en conséquence, doivent être écartées les situations de travail temporaire, ou de prêt de main-d''uvre ;
Attendu que le premier juge, pour retenir la faute inexcusable, a retenu que les sociétés BERTO et « Matériaux du soleil » : « ' n'avaient pris aucune mesure avant l'accident de Mr [X] pour analyser et prévenir les risques liés aux opérations de chargement et de déchargement », et a dit : « qu'il y a faute inexcusable de l'employeur » ;
Attendu toutefois, concernant la faute inexcusable, que c'est l'employeur du salarié victime d'un accident ou d'une maladie professionnelle, qui est tenu, en vertu précisément du contrat de travail le liant à son salarié, d'une obligation de sécurité de résultat en ce qui concerne la santé et la sécurité de son salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise ou de l'activité confiée à celui ci ;
Qu'en l'espèce, il en résulte que seul l'employeur de [N] [X] est concerné dans le cadre de l'action en reconnaissance de faute inexcusable ; qu'il ressort des éléments de la cause qu'il ne s'était substitué dans la direction, par aucun préposé ;
Qu'ainsi seule la société BERTO, unique employeur du salarié victime, peut voir sa responsabilité recherchée ; que par conséquent la société « Matériaux du soleil » et son assureur Groupama seront mis hors de cause ;
Attendu qu'en outre le manquement à cette obligation de sécurité n'a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L 452-1 du code de la sécurité sociale que lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ;
Qu'il doit être ainsi rappelé que lorsque les circonstances de l'espèce démontrent que l'entreprise pouvait ne pas avoir conscience du danger, par référence à ce qui peut être attendu d'un employeur normalement diligent, la faute inexcusable n'est pas caractérisée ;
Qu'à ce titre, le salarié invoque le rapport de l'inspection du travail rédigé en l'espèce, et faisant ressortir qu'il y avait eu « manquement aux obligations de prévention des risques » ;
Attendu toutefois qu'il n'existe pas de présomptions de faute inexcusable et qu'il incombe de prouver que l'employeur qui devait avoir conscience du danger auquel le salarié était exposé, n'avait pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ;
Qu'en l'espèce, la man'uvre à l'origine de l'accident est une opération de déchargement de matériaux, à la fois par le conducteur du camion (société BERTO) et l'ouvrier cariste (entreprise Matériaux du soleil), man'uvre courante, connue de [N] [X] conducteur du camion, et entrant dans ses compétences, tel qu'il l'affirme lui-même dans une lettre du 21 août 2002 jointe au dossier ;
Qu'en tout état de cause, [N] [X] écrira également que c'est « l'employé des « Matériaux du soleil » ' qui m'a fait tomber la fourche sur le pied lors d'une man'uvre ' que j'ai toujours pratiquée » ;
Qu'il en résulte que l'événement à l'origine de l'accident n'était pas prévisible ; que dés lors, l'employeur, société BERTO, ne pouvait avoir conscience d'un danger encouru par [N] [X], et ne peut avoir commis de faute inexcusable ;
Qu'il convient en conséquence de considérer qu'en faisant droit au recours, le premier juge n'a pas fait une juste appréciation des faits de la cause et que sa décision doit être infirmée en toutes ses dispositions ;
Attendu qu'eu égard aux circonstances de la cause, il est équitable de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Attendu que la procédure devant les juridictions de la sécurité sociale est gratuite et sans frais conformément aux dispositions de l'article R 144-10 du code de la sécurité sociale, il n'y a pas lieu de statuer sur les dépens ;
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant en audience publique, par arrêt contradictoire, en matière de sécurité sociale,
Déclare recevables les appels des sociétés BERTO, « Matériaux du soleil » et Groupama,
Infirme le jugement en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Dit que les sociétés « Matériaux du soleil » et Groupama doivent être mises hors de cause,
Dit que la faute inexcusable de la société BERTO n'est pas constituée,
Et ce, avec toutes conséquences de droit,
Rejette les autres demandes des parties,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit n'y avoir lieu à statuer sur les dépens.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT