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18/01/2012 | FRANCE | N°10/20315

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 14e chambre, 18 janvier 2012, 10/20315


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

14e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 18 JANVIER 2012



N°2012/95

Rôle N° 10/20315







SAS MANPOWER





C/



[I] [G]

[R] [V]

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAR



DRJSCS















Grosse délivrée le :

à :





SCP MICHEL LEDOUX ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS



Me Emeric GUILLERMOU, avocat au barreau de TOULON



M

e Laurent COUTELIER, avocat au barreau de TOULON



Me Jacques DEPIEDS, avocat au barreau de MARSEILLE









Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de VAR en date...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

14e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 18 JANVIER 2012

N°2012/95

Rôle N° 10/20315

SAS MANPOWER

C/

[I] [G]

[R] [V]

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAR

DRJSCS

Grosse délivrée le :

à :

SCP MICHEL LEDOUX ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS

Me Emeric GUILLERMOU, avocat au barreau de TOULON

Me Laurent COUTELIER, avocat au barreau de TOULON

Me Jacques DEPIEDS, avocat au barreau de MARSEILLE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de VAR en date du 17 Septembre 2010,enregistré au répertoire général sous le n° 20802689.

APPELANTE

SAS MANPOWER dont le siège social [Adresse 3], représentée légalement par son Président, Madame [C] [P], demeurant [Adresse 1]

représentée par la SCP MICHEL LEDOUX ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS

INTIMES

Monsieur [I] [G], demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Emeric GUILLERMOU, avocat au barreau de TOULON substitué par Me Laurence GUILLAMOT, avocat au barreau de TOULON

Monsieur [R] [V], demeurant [Adresse 5]

représenté par Me Laurent COUTELIER, avocat au barreau de TOULON substitué par Me Lauriane COUTELIER, avocat au barreau de TOULON

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAR, demeurant [Adresse 6]

représenté par Me Jacques DEPIEDS, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Lauriane COUTELIER, avocat au barreau de TOULON

PARTIE(S) INTERVENANTE(S)

DRJSCS, demeurant [Adresse 2]

non comparant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 07 Décembre 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Jean-Luc CABAUSSEL, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Bernadette AUGE, Président

Madame Florence DELORD, Conseiller

Monsieur Jean-Luc CABAUSSEL, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Janvier 2012.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 Janvier 2012

Signé par Madame Bernadette AUGE, Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

[I] [G] a saisi le Tribunal des affaires de Sécurité Sociale (TASS) du Var d'un recours tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, société MANPOWER, dans le cadre de l'accident du travail qu'il a subi le 24 octobre 2003.

Le Tribunal par jugement en date du 17 septembre 2010, a fait droit au recours, dit que la faute inexcusable de la société Manpower est avérée, et constaté la faute inexcusable de Mr [V], entreprise utilisatrice, puis ordonné une expertise aux fins de déterminer les préjudices personnels de la victime.

La société Manpower a relevé appel de cette décision, le 9 novembre 2010.

Le conseil de l'appelant expose au principal que la faute inexcusable n'est pas présumée en l'espèce, et que les éléments de fond de cette faute inexcusable ne sont pas réunis en raison de l'indétermination des circonstances de l'accident lui-même, sans témoignage direct.

L'entreprise utilisatrice, [R] [V], sollicite également au principal l'infirmation du jugement, selon la même argumentation que celle de la société Manpower, ainsi qu'une somme en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

[I] [G] demande pour sa part la confirmation de la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, et sollicite une expertise élargie permettant d'intégrer le principe de réparation intégrale, ainsi qu'une somme au titre de l'article 700 susvisé.

De son côté la Caisse entend obtenir la confirmation de la décision et faire constater le principe de son action récursoire à l'encontre de la société Manpower.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il y a lieu de se référer aux écritures des parties reprises oralement à l'audience.

La DRJSCS régulièrement convoquée n'a pas comparu.

SUR CE

Attendu que [I] [G], salarié intérimaire au sein de la société Manpower, avait été mis à disposition de l'entreprise [R] [V], en qualité de maçon à compter du 20 octobre 2003 ; que le 24 octobre 2003, affecté à un chantier de construction, l'intéressé est tombé en descendant d'un échafaudage, subissant un traumatisme crânien avec perte de connaissance et une cervicalgie ;

Que la caisse primaire d'assurance maladie a pris en charge cet accident au titre de la législation professionnelle ;

Attendu, concernant la faute inexcusable, que l'employeur est tenu en vertu du contrat de travail le liant à son salarié d'une obligation de sécurité de résultat en ce qui concerne la santé et la sécurité de ses salariés du fait des produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise ou de l'activité confiée à celui ci ;

Que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L 452-1 du code de la sécurité sociale lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ;

Attendu qu'en l'espèce le moyen de la prescription du recours, sur lequel le premier juge a statué en constatant la non prescription, n'est pas soumis à l'appréciation de la cour ;

Attendu qu'un premier chef de litige réside dans l'appréciation de ce qu'en l'espèce la faute inexcusable serait présumée établie ;

Attendu qu'en effet selon les dispositions de l'article L 4154-3 du code du travail, la faute inexcusable est présumée établie si des salariés sous contrat à durée déterminée ou des travailleurs intérimaires, ont été affectés à des postes de travail présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité, sans avoir bénéficié de la formation à la sécurité renforcée prévue par l'article L 4141-2 du code du travail ;

Qu'en cas d'accident dont les circonstances sont indéterminées, l'employeur ne s'exonère pas de la présomption de faute inexcusable que l'article précité fait peser sur lui ;

Que cette présomption est toutefois simple, l'employeur pouvant la renverser en rapportant la preuve que les éléments permettant de retenir l'existence d'une faute inexcusable, ne sont pas réunis ;

Attendu qu'en l'espèce, le salarié soutient que son poste était un poste à risque dans la mesure où le travail devait être effectué en hauteur, et que ce travail en hauteur n'est pas contesté ;

Que la société Manpower et l'entreprise [V] répondent que le contrat de mise à disposition, en date du 20 octobre 2003 et joint au dossier, porte bien la mention :

« poste à risque : non » ;

Qu'en effet, les éléments du dossier font ressortir que le requérant a été embauché pour un emploi de simple maçon ; que cette profession est exercée par définition, quasiment systématiquement, en hauteur sur des échafaudages ;

Qu'il en va différemment pour d'autres professions, dont la nature propre serait de ne pas être exercées en hauteur et qui comporteraient ponctuellement la nécessité de travailler en hauteur ; que cette situation entraînerait un élément nouveau qui serait alors la notion de risque ;

Que tel n'est pas le cas pour l'exercice professionnel de maçon qui était demandé à [I] [G] lequel comporte, de manière inhérente et par définition, un exercice professionnel en hauteur, et cet exercice n'est aucunement identifié spécifiquement ;

Qu'ainsi la situation du requérant, en l'espèce, était donc habituelle, intégrée dans l'exercice professionnel quotidien, et ne correspondait pas à la définition du risque ;

Que de même la présomption est écartée lorsque l'employeur s'est entretenu avec un salarié qui s'est présenté comme expérimenté, avant de lui confier les travaux ; qu'il n'est en effet pas contesté que le requérant était expérimenté ;

Qu'il en résulte que la présomption visée ci-dessus sera écartée ; 

Attendu que le deuxième chef de litige réside dans l'appréciation de la réalité de la réunion des éléments constitutifs de la faute inexcusable ;

Qu'il importe de rappeler que pour faire retenir la faute inexcusable de l'employeur, le salarié doit nécessairement établir de manière circonstanciée, d'une part l'imputabilité de l'accident à son activité au sein de l'entreprise et donc qualifier l'exposition au risque et d'autre part la réalité de la conscience du danger auquel l'employeur l'exposait, ne l'ayant pas malgré cela amené à prendre les mesures de prévention utiles ;

Attendu qu'ainsi l'exposition au risque soulève la question du caractère professionnel d'une maladie ou d'un accident ; qu'il va de soi qu'il ne saurait y avoir reconnaissance d'une faute inexcusable imputable à l'employeur, s'il devait être admis que l'affection du salarié n'est pas d'origine professionnelle ; que la juridiction saisie d'une action en reconnaissance d'une faute inexcusable est ainsi en mesure de rechercher si la maladie ou l'accident a un caractère professionnel et si le salarié a été exposé au risque dans des conditions constitutives d'une telle faute ;

Attendu en l'espèce que l'imputabilité de l'accident à l'activité au sein de l'entreprise est contestée, l'employeur fondant précisément ses démonstrations sur les incohérences du salarié dans la démonstration des événements allégués, et dans le caractère indéterminé du déroulement des faits ;

Attendu qu'il est à rappeler que l'absence de réserves portées par l'employeur sur la déclaration qu'il adresse à la Caisse quant au caractère professionnel de l'accident ne vaut pas reconnaissance tacite de sa part d'un tel caractère et ne le prive pas de la possibilité de le contester par la suite ;

Attendu qu'il résulte des dispositions de l'article L 452-4 du code de la sécurité sociale que le caractère professionnel d'une maladie ou d'un accident peut être ainsi remis en cause lors d'une action en reconnaissance de faute inexcusable ; que dans ce cas le bénéfice de la reconnaissance du caractère professionnel de l'affection reste toutefois acquis au salarié, en ce qui concerne ses relations avec la caisse, mais il va de soi qu'il ne saurait y avoir reconnaissance d'une faute inexcusable imputable à l'employeur, s'il était admis au cours de cette instance que l'affection du salarié n'est pas d'origine professionnelle ;

Attendu par ailleurs que selon les dispositions de l'article L 411-1 du code de la sécurité sociale, est considéré comme accident du travail, notamment l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail ;

Que toutefois, il est évidemment nécessaire que la matérialité de cet accident soit préalablement établie, soit par le témoignage de personne ayant assisté à l'accident, soit par des présomptions graves, précises et concordantes permettant d'avoir la certitude de la réalité des faits invoqués ;

Que la présomption d'imputabilité ne peut résulter des seules allégations de la victime non corroborées par des éléments objectifs ;

Attendu qu'en l'espèce, le premier point à analyser est la valeur du seul témoignage allégué par le requérant, soit celui d'un autre salarié, nommé Mr [K] ;

Que c'est à juste titre que le premier juge a écarté ce témoignage, suivant en cela les constatations de l'inspecteur du travail, qui font ressortir tout d'abord que les déclarations de ce témoin étaient contradictoires, qu'en tout état de cause il n'était pas témoin direct, et qu'enfin ce témoin n'avait pas répondu à la convocation qui lui avait été faite par l'administration du travail, interdisant toute vérification supplémentaire ;

Attendu que le deuxième point sur lequel doit porter l'analyse est celui de l'appréciation de l'éventualité d'un montage défectueux, ou déficient, de l'échafaudage en question ;

Qu'il n'est alors pas inintéressant de rappeler que la présente procédure a connu un développement aux fins de recherche d'infractions pénales, ayant abouti à un classement sans suite ;

Qu'ainsi, l'entreprise [V] soutient que l'échafaudage était neuf ; qu'il échet de constater qu'aucun élément objectif ne vient contredire cette affirmation ;

Attendu tel que rappelé ci-dessus que doit être remplie l'exigence de réunir des présomptions précises, graves et concordantes permettant d'obtenir une certitude, ou à tout le moins d'établir la réunion d'éléments objectifs venus corroborer les déclarations de la victime ;

Attendu qu'il résulte de ce qui précède que la certitude des faits invoqués n'est pas établie par un faisceau de présomptions suffisamment précises et concordantes ;

Attendu en conséquence que la recherche des éléments constitutifs de la reconnaissance d'une faute inexcusable imputable à l'employeur est en l'espèce devenue sans objet, dans la mesure où il vient d'être établi que la preuve de l'origine professionnelle de l'affection du salarié, fait défaut ;

Qu'il convient donc de considérer qu'en faisant droit au recours, le premier juge n'a pas fait une juste appréciation des faits de la cause, et que sa décision doit être infirmée en toutes ses dispositions ;

Attendu qu'eu égard aux circonstances de la cause, il est équitable de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Attendu que la procédure devant les juridictions de la sécurité sociale est gratuite et sans frais conformément aux dispositions de l'article R 144-10 du code de la sécurité sociale, il n'y a pas lieu de statuer sur les dépens ;

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant en audience publique, par arrêt contradictoire, en matière de sécurité sociale,

Déclare recevables l'appel de la société Manpower et l'appel incident de l'entreprise De Blasis,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions,

Dit que les éléments de la faute inexcusable ne sont pas réunis, et ce, avec toutes conséquences de droit,

Rejette les autres demandes des parties,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit n'y avoir lieu à statuer sur les dépens.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 14e chambre
Numéro d'arrêt : 10/20315
Date de la décision : 18/01/2012

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 14, arrêt n°10/20315 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-01-18;10.20315 ?
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