COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
15e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 27 JANVIER 2012
N° 2011/57
Rôle N° 10/23234
SA CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE RHONE ALPES AUVERGNE
C/
[U] [R]
[L] [M] épouse [R]
Grosse délivrée
le :
à : la SCP SIDER
la SCP BOTTAI-GEREUX-BOULAN
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge de l'exécution du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 22 Novembre 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 09/08775.
APPELANTE
SA CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE RHONE ALPES AUVERGNE agissant par son représentant légal en exercice domicilié audit siège venant aux droits de CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE FINANCIERE RHONE AIN (CIFFRA), demeurant [Adresse 7]
représentée par la SCP SIDER, avoués à la Cour, assistée de Me François KUNTZ, avocat au barreau de LYON substituée par Me LAUGIER, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMES
Monsieur [U] [R]
né le [Date naissance 3] 1957 à [Localité 9], demeurant [Adresse 4]
représenté par la SCP BOTTAI GEREUX BOULAN, avoués à la Cour, assisté de Me Jacques GOBERT, avocat au barreau de MARSEILLE
Madame [L] [M] épouse [R]
née le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 10], demeurant [Adresse 4]
représentée par la SCP BOTTAI GEREUX BOULAN, avoués à la Cour, assisté de Me Jacques GOBERT, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 07 Décembre 2011 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Christian COUCHET, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame France-Marie BRAIZAT, Président
Monsieur Christian COUCHET, Conseiller
Monsieur Olivier BRUE, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : M. Alain VERNOINE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 27 Janvier 2012.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 Janvier 2012,
Signé par Madame France-Marie BRAIZAT, Président et M. Alain VERNOINE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
M. et Mme [R] ont acquis en l'état futur d'achèvement à usage locatif 3 appartements au moyen de prêts souscrits auprès de la société CIFFRA, laquelle, après l'envoi d'une mise en demeure valant déchéance du terme et évaluation de sa créance à la somme de 459.596,73 €, a fait inscrire une hypothèque judiciaire provisoire sur le fondement de l'article 68 de la loi du 9 juillet 1991 sur les droits et portions (1/3 en nue-propriété) possédés par M. [U] [R], sur 2 biens situés à [Localité 12], prise le 20 novembre 2009 et dénoncée à l'intéressé le 26 novembre 2009.
Par jugement du 22 novembre 2010 (dossier n°09/08775) la chambre de l'exécution du tribunal de grande instance de Marseille, relevant que le défaut de représentation de M. [R] lors de l'établissement de l'acte de prêt du 12 mars 2004 'a constitué une irrégularité de nature à retirer à l'acte notarié sa qualité de titre exécutoire', lequel, 'conformément à l'article 1318 du code civil... affecté d'un défaut de forme ne valait donc que comme écriture privée' et 'ne pouvait pas en conséquence permettre au créancier de faire pratiquer une mesure conservatoire sans autorisation préalable du juge de l'exécution', a 'dit que cet acte de prêt reçu le 12 mars 2004 devant Maître [S], notaire à [Localité 8], n'a pas la qualité d'un titre exécutoire', et a ordonné 'la mainlevée de l'inscription d'hypothèque prise le 20 novembre 2009 par la SA CIFFRA sur le bien situé à [Adresse 13], cadastré section [Cadastre 6] '.
Par déclaration du 24 décembre 2010 le Crédit Immobilier de France Rhône Alpes Auvergne a relevé appel de ce jugement.
Par conclusions déposées le 2 février 2011 le Crédit Immobilier de France Rhône Alpes Auvergne, venant aux droits du Crédit Immobilier de France Rhône Ain, dit CIFFRA, a développé l'argumentation suivante :
La cour de céans constatera que le juge de première instance n'a fondé sa décision que sur le défaut de qualité de titre exécutoire d'un seul acte (celui du 12 mars) sur les 3 prêts contractés par les époux [R]. Le jugement dont appel sera en ce point réformé, l'acte authentique du 12 mars 2004 ayant parfaitement qualité de titre exécutoire.
1. À titre principal sur la réformation du jugement rendu sur le défaut de qualité de titre exécutoire de l'acte en date du 12 mars 2004.
Sur l'incompétence du Juge de l'exécution à statuer sur la validité du titre exécutoire.
En droit : le paragraphe 2 de l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire dénie toute compétence du juge de l'exécution en matière de mesures conservatoires pour analyser le fond du droit.
En fait : le juge de l'exécution ne connaît des difficultés relatives aux actes notariés qu'à l'occasion de contestations portant sur les mesures d'exécution forcées engagées ou opérées sur le fondement de ces titres. En l'espèce, aucune mesure d'exécution forcée n'a été engagée sur le fondement de l'acte authentique de prêt, et seule est en cause une sûreté judiciaire, mesure conservatoire prise sur les immeubles.
Par conséquent, le juge de l'exécution n'avait pas compétence pour connaître des demandes tendant à remettre en cause un titre exécutoire dans son principe et, plus généralement, du fond du droit dans la présente affaire. Le jugement dont appel sera donc réformé sur ce point et la régularité de l'hypothèque provisoire constatée.
1.1.1.Une créance fondée en son principe.
En droit et en fait : la cour relèvera d'ores et déjà que le florilège d'arguments soulevés par le demandeur en première instance et qu'il ne manquera pas de répéter en appel, part du principe que les actes authentiques signés seraient des faux.
Les seules allégations de M. [R], qui ne communique aucune preuve concrète, ne sauraient entraîner la mainlevée de l'inscription d'hypothèque judiciaire sur les biens situés à [Localité 12]. En l'état et au stade de l'instruction en cours dont il est de principe qu'elle doit rester secrète, M. [R] est dans l'impossibilité de prouver que les documents qu'il a fournis sont faux et que les actes authentiques de prêts, qu'il ne nie pas avoir signés, seraient des faux.
Les notaires mis en cause par les prétendues victimes se sont vus autorisés à reprendre leur activité par décision de la cour d'appel de céans. Le CIFFRA communique aux débats les pièces qui ont servi de fondement à l'attribution des prêts : déclaration sur les revenus du couple, fiches d'identité'
Aucune décision pénale n'ayant constaté un faux en écriture authentique, CIFFRA était fondé à procéder à l'inscription d'une hypothèque judiciaire provisoire sur les biens, et ce d'autant plus que sa créance était menacée dans son recouvrement.
Le jugement dont appel sera donc réformé en ce qu'il a ordonné la mainlevée de l'hypothèque provisoire prise sur les bien immobiliers appartenant à M. [R].
1.1.2. Une créance menacée en son recouvrement.
En droit : l'article 67 de la loi du 9 juillet 1991, dispose :
'Toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement'.
L'article 68 de la même loi dispose : 'Une autorisation préalable du juge n'est pas nécessaire lorsque le créancier se prévaut d'un titre exécutoire ou d'une décision de justice qui n'a pas encore force exécutoire. Il en est de même en cas de défaut de paiement d'une lettre de change acceptée, d'un billet à ordre, d'un chèque ou d'un loyer resté impayé des lors qu'il résulte d'un contrat écrit de louage d'immeubles'.
En fait : en optant pour une opération de défiscalisation, M. [R] a volontairement choisi un produit de rapport locatif et de défiscalisation s'adressant à une clientèle spécifique sur un marché restreint.
Les locations en meublé professionnelles présentent des avantages fiscaux importants : une diminution du revenu locatif imposable, une diminution du revenu global, une exonération des plus-values, une exonération d'impôt sur la fortune, des allégements de droits de succession.
Par ailleurs, les locations en meublé professionnelles permettent à l'investisseur d'obtenir le remboursement de la TVA grevant les investissements immobiliers concernés. M. et Mme [R] ont bénéficié du remboursement de TVA (24 500 € + 14 126,42 € + 31 969 '82 €) soit un total de 70.596,24 € et du paiement des intérêts intercalaires par les promoteurs.
Toutefois cette économie n'est pas définitive ; si le propriétaire vient à céder, moins de 9 ans après son achèvement, le bien immobilier ayant fait l'objet du remboursement de TVA et que cette cession n'est pas soumise à la TVA, la TVA initialement déduite doit être régularisée, ce qui est le cas des époux [R] qui ont acquis les biens en 2004 et 2007.
C'est la raison pour laquelle, la réalisation de ce type de résidence hôtelière de construction récente ou de villas à usage locatif, tant en valeur amiable que judiciaire, subit de fortes décotes en cas de vente à moins de 9 ans en raison de l'aspect fiscal lié à l'investissement dont ne bénéficient que le seul emprunteur ou qui ne peuvent intéresser que des professionnels de gestion hôtelière soumis au régime TVA.
La décote de la valeur vénale d'origine peut ainsi être de l'ordre de 40 %, aggravée au surplus par le marasme immobilier actuel. D'autre part, comme exposé ci-dessus, CIFFRA ne bénéficie que d'une simple promesse de délégation de loyers et M. [R] ne verse aucun loyer à CIFFRA.
En outre il existe un risque important car des loyers dans d'autres résidences ont déjà été saisies par le Crédit Mutuel et des saisies des loyers, en ce compris ceux de CIFFRA, sont en cours du chef d'autres créanciers.
CIFFRA n'a engagé aucune opération d'exécution et, ne bénéficie que d'une simple sûreté judiciaire provisoire qui ne peut-être, en l'état, considérée comme abusive.
À ce jour, M. et Mme [R] ont cessé, sans raison invoquée, de rembourser leurs prêts et ne justifient pas de leur situation économique actuelle ni même d'éventuelles difficultés financières. Au visa de la déchéance du terme prononcée, compte tenu du montant important de sa créance, CIFFRA a donc légitimement entendu préserver ses intérêts en prenant une hypothèque judiciaire provisoire en vertu de l'article 68 de la loi du 9 juillet 1991 sur les biens des époux [R], et ce, conformément aux articles 22 et 68 de la même loi.
Sur la validité des procurations.
En droit : l'article 1317 du code civil stipule :
'L'acte authentique est celui qui a été reçu par les officiers publics ayant le droit d'instrumenter dans le lieu où l'acte a été rédigé et avec les solennités requises'.
L'article 21 du décret du 26 novembre 1971 modifié par le décret du 10 août 2005 dispose :
'L'acte notarié porte mention des documents qui lui sont annexés. Les procurations sont annexées à l'acte à moins qu'elles ne soient déposées aux minutes du notaire rédacteur de l'acte. Dans ce cas, il est fait mention dans l'acte du dépôt de la procuration au rang des minutes.'
L'article 22 du décret du 26 novembre 1971 modifié par le décret du 10 août 2005 rappelle : 'Lorsque l'acte est établi sur support papier, les pièces annexées à l'acte sont revêtues d'une mention constatant cette annexe signée du notaire.'
L'article 31 du décret du 26 novembre 1971 modifié par le décret du 10 août 2005 dispose :
'Il doit être fait mention sur la minute de la délivrance d'une première copie exécutoire faite à chacune des parties intéressées' '.
L'article 41 du décret du 26 novembre 1971 modifié par le décret du 10 août 2005 rappelle :
'Tout acte fait en contravention aux dispositions aux 1°,2°,3° (1° alinéa) de l'article 9 de la loi du 25 ventôse an XI et aux articles 2,3,4, aux premier et dernier alinéa de l'article 10 et à l'article 26 du décret n°71-941 du 26 novembre 1971 modifié par le décret n°2005-973 du 10 août 2005 est nul s'il n'est pas signé par toutes les parties contractantes ; il ne vaudra que comme écrit sous signature privée sauf dans les deux cas, s'il y a lieu les dommages et intérêts contre le notaire contrevenant'.
L'article 1318 du code civil stipule :'L'acte qui n'est point authentique par l'incompétence ou l'incapacité de l'officier, ou par un défaut de forme, vaut comme écriture privée s'il a été signé des parties'.
En fait : Monsieur le juge de l'exécution de [Localité 12] a ordonné la mainlevée de l'hypothèque judiciaire provisoire contestée au motif que Mme [T] [J], secrétaire de l'étude, n'avait pas pouvoir pour représenter M. et Mme [R] lors de la signature de l'acte du 12 mars 2004.
Le tribunal a estimé que, même en travaillant depuis de nombreuses années à l'étude, Mme [J], secrétaire et non clerc de notaire, était dépourvue de tout pouvoir pour représenter les demandeurs. Le juge n'a cependant pas expliqué en quoi et sur quel fondement Mme [J] n'aurait pas eu le pouvoir de signer l'acte en question.
Maître [S] confirme pourtant à cet égard dans un autre dossier que 'Mme [J], employée de l'étude depuis de longues années, pouvait en sa qualité tout à fait représenter les emprunteurs'. Mme [J] est d'ailleurs présentée comme un clerc de notaire dans certains actes authentiques.
2. À titre subsidiaire sur la réformation du jugement rendu sur le défaut de qualité de titre exécutoire d'un seul acte sur trois.
Dans ses motifs, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Marseille a considéré que 'un des 3 actes ayant servi de fondement à l'hypothèque provisoire prise le 20 novembre 2009 ne constitue pas un titre exécutoire, il convient d'ordonner la mainlevée de l'inscription d'hypothèque prise le 20 novembre 2009 et ce sans même qu'il soit nécessaire de vérifier si les deux autres actes notariés avaient le caractère de titre exécutoire'.
La cour constatera pourtant que rien n'empêche le juge de l'exécution soit de maintenir l'hypothèque judiciaire prise soit de cantonner celle-ci aux deux seuls actes considérés comme ayant qualité de titres exécutoires. Aucun texte de loi n'impose la mainlevée d'une hypothèque judiciaire provisoire lorsqu'elle repose sur plusieurs actes dont l'un seulement serait irrégulier. Au contraire, le motif retenu par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Marseille dans son jugement du 22 novembre 2010 s'oppose aux principes posés par les articles 2393 et suivants du code civil.
En droit : l'article 2393 du code civil énonce que 'l'hypothèque est un droit réel sur les immeubles affectés à l'acquittement d'une obligation.
Elle est, de sa nature, indivisible, et subsiste en entier sur tous les immeubles affectés, sur chacun et sur chaque portion de ces immeubles.
Elle les suit dans quelques mains qu'ils passent'.
S'agissant de l'indivisibilité quant à l'obligation garantie, cela signifie que la sûreté est maintenue en totalité alors même que l'obligation garantie viendrait à être divisée. Les diverses manifestations de l'indivisibilité se révèlent ici dans 3 hypothèses : lors de la division de la créance, lors de la division de la dette ou en cas d'acquittement partiel de l'obligation.
S'agissant de l'indivisibilité en cas d'extinction partielle de l'obligation , l'extinction partielle de la créance garantie, par paiement partiel par exemple, ne se répercute pas non plus sur la sûreté. Celle-ci n'est pas réduite d'autant. La règle est posée pour le gage à l'article 2444 du code civil qui interdit au constituant d'exiger la radiation de l'inscription ou la restitution du bien grevé avant d'avoir entièrement payé la dette garantie en principal, frais et intérêts.
Le législateur a également prévu un dispositif de réduction d'inscription d'hypothécaire s'il apparaît que l'inscription est excessive au regard du montant de la dette garantie. La mesure opère dès la naissance de la sûreté et entraîne une radiation partielle de l'hypothèque. Elle consiste soit en une diminution de l'assiette de la sûreté, soit en une réduction de la créance garantie.
En fait : le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Marseille a considéré que l'acte de prêt reçu le 12 mars 2004 devant Maître [S], notaire, n'avait pas la qualité de titre exécutoire au motif que Mme [T] [J], secrétaire de l'étude, n'avait pas pouvoir pour représenter M. et Mme [R] lors de la signature de l'acte du 12 mars 2004.
Cela signifie a contrario, que le prêt du 22 mars 2004 a qualité de titre exécutoire puisque comme il est indiqué dans celui-ci : 'Monsieur et Madame [R] sont représentés par Mademoiselle [P] [H], clerc de notaire en l'office notarial sis à [Adresse 11], en vertu d'une procuration authentique reçue en brevet par Maître [U] [I] notaire à [Localité 12], le 23 janvier 2004. Cette procuration est annexée à la minute de l'acte d'acquisition de Monsieur et Madame [R] reçu par Maître [U] [X], ce jour'.
L'appelant conclut en demandant à la cour de :
- Dire l'appel de CIFFRA recevable et bien fondé,
- Confirmer le jugement dont appel uniquement en ce qu'il a retenu la capacité du CIFFRA,
- Réformer la décision de en ce qu'elle a ordonné la mainlevée de l'inscription d'hypothèque initiée par CIFFRA prise sur le bien des époux [R] situé à [Localité 12] cadastré section [Cadastre 6] le 19 juin 2009 sous le n° de volume 2009 V 1322,
- En conséquence,
- Débouter M. [R] de l'intégralité de ses demandes,
- Constater et confirmer la validité de l'inscription provisoire d'hypothèque inscrite sur le fondement de l'article 68 de la loi du 9 juillet 1991 sur le bien des époux [R] situé à [Localité 12] cadastré section [Cadastre 6] le 19 juin 2009 sous le n° de volume 2009 V 1322,
- Condamner M. [R] au paiement de la somme de 5.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions récapitulatives déposées et signifiées le 8 novembre 2011 M. [U] [R] et Mme [L] [R] née [M], procédant au rappel des faits et de la procédure intégrant le dossier pénal, 'la situation financière du requérant', les procédures engagées ainsi que diverses décisions de jurisprudence, se prévalent des moyens suivants :
L'atteinte au caractère exécutoire de l'acte, décret du 26 novembre 1971 et article 1318 du code civil.
Le juge de l'exécution est compétent pour connaître des difficultés affectant le titre exécutoire pour les sûretés judiciaires conservatoires, formulent diverses observations sur la nature et le domaine juridique des inscriptions d'hypothèques, font état de la compétence du juge de l'exécution pour disqualifier l'acte de prêt authentique du notaire en acte sous seing privé, en constatant l'irrégularité formelle d'un acte de prêt pour "défaut de forme" selon décisions des juges du fond, motivées au regard de l'article 8 du décret du 26 novembre 1971 qui a pour objet de garantir l'authenticité de l'acte notarié du fait de sa gravité, la Cour de cassation venant de juger, sur ce fondement, par arrêt du 28 septembre 2011 que si 'un acte n'était pas authentique par défaut de forme, il valait néanmoins comme acte sous seing privé', et soulignent qu'en l'espèce les procurations concernant les emprunteurs constituent une irrégularité substantielle des 3 actes notariés à défaut d'être annexée à ceux-ci ou d'avoir été déposées au rang des minutes du notaire.
Ils expliquent les modalités de respect des dispositions de l'article 21 du décret du 26 novembre 1971 soit par une procuration annexée à l'acte principal, en l'occurrence l'acte de prêt, soit par le dépôt de la procuration au rang des minutes du notaire l'indiquant dans son acte, soutiennent qu'en l'espèce le 1er acte stipule que les procurations authentiques ont été reçues en brevet qui est 'un acte délivré en original... directement aux intéressés', à savoir l'emprunteur, ce qui n'a pas été le cas dans le présent litige, ajoute que le notaire doit, pour déposer le brevet au rang de ses minutes, dresser un acte de dépôt à ses minutes également appelé 'un rapport pour minute' en application de l'article 854 alinéa 1er du code général des impôts aux termes duquel 'Il est défendu à tout notaire... de recevoir aucun acte en dépôt sans dresser acte du dépôt', s'agissant d'un acte distinct et à part entière, et affirment que la minute elle-même pose difficulté faute d'être conforme au décret.
Les intimés citent les décisions rendues en ce sens, en déduisent que l'acte de prêt en date du 12 mars 2004 est entaché d'une irrégularité formelle substantielle puisque la loi distingue les clercs des autres employés tels les secrétaires, alors de plus que les offres de prêts visées dans les procurations ne correspondent pas aux offres annexées aux actes de prêts, relèvent que ladite irrégularité s'explique à l'examen de la copie exécutoire devant comporter toutes les annexes au même titre que la minute avant l'apposition de la formule exécutoire ainsi qu'il ressort de l'examen de la doctrine et de la jurisprudence, en sorte, par voie de conséquence, qu'une annexe incorrecte sera de nature à porter atteinte au caractère exécutoire de l'acte, considèrent que la procuration de la banque doit être, en droit, annexée à la copie exécutoire en vertu des règles de droit (articles 21 du décret du 26 novembre 1971 et 1318 du code civil), et procèdent à l'analyse critique des arguments opposés par la banque au regard des décisions rendues en la matière.
M. et Mme [R] se réfèrent aux 3 actes notariés rédigés chacun par un notaire différent, concluent être en droit de se prévaloir des articles 22 et 73 de la loi du 9 juillet 1991 susceptibles de justifier leur demande d'indemnisation du préjudice subi, et demandent à la cour de :
- constater les irrégularités substantielles notamment afférentes à la rédaction des clauses de représentation des parties et l'annexion des pièces essentielles, qui affectent la force exécutoire du titre,
- dire que les actes ne sont pas réguliers à défaut d'annexion aux actes de prêt des procurations des emprunteurs et de dépôts de ces procurations au rang des minutes du notaire en violation de l'article 8 (ancien) du décret du 26 novembre 1971, d'où la disqualification des actes de prêt et la perte de la force exécutoire des titres irréguliers en la forme de la banque, laquelle ne dispose pas de titres exécutoires à leur encontre,
- confirmer la décision entreprise qui a ordonné la mainlevée et la radiation de l'hypothèque judiciaire provisoire tout en renvoyant la banque à agir au fond sur la validité de son acte,
- à titre subsidiaire de constater qu'une information pénale est en cours ,
- et, en toute occurrence, de condamner la banque aux frais de radiation, à leur payer les sommes de 10.000 € au titre des légitimes dommages et intérêts compte tenu du caractère très vexatoire de la mesure d'exécution et des circonstances de fait ayant engendré un préjudice moral considérable, et de 5.000 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 décembre 2011.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la compétence du juge de l'exécution :
Conformément aux dispositions de l'article L. 311-12-1 devenu L. 213-6 alinéa 1er du code de l'organisation judiciaire, le juge de l'exécution est compétent pour se prononcer 'sur la nullité d'un engagement résultant d'un acte notarié exécutoire invoqué pour absence de l'une des conditions requises par la loi pour la validité de sa formation' (Cass. 2e civ., 18 juin 2009 pourvoi n° 08-10.843), si bien que la présente cour, statuant en cause d'appel en tant que juge de l'exécution, a également compétence pour ce faire dans le cadre du présent litige.
Le jugement déféré est ainsi confirmé sur ce point.
Sur les mesures conservatoires :
En l'espèce l'inscription d'hypothèque provisoire a été prise le 20 novembre 2009 sur les droits et portions de M. [R] sur des biens situés l'un [Adresse 2] et l'autre [Adresse 5], sur le fondement de 3 actes notariés exécutoires des 12 et 22 mars 2004, et 20 juillet 2007, à la requête de la SA CIFFRA ayant consenti aux époux [R] 3 prêts destinés au financement de l'achat de 3 appartements en l'état futur d'achèvement.
Relevant, quant à l'acte de prêt du 12 mars 2004, que 'les époux [R] soutiennent notamment que Mme [J], qui a signé les actes en son nom et en celui de son épouse, n'avait pas les qualités requises pour les représenter', et qu'il ressortait 'des mentions de l'acte notarié que "l'emprunteur" (en l'espèce M. et Mme [R]) étaient représentés par Mme [T] [J] clerc de notaire,... en vertu des pouvoirs qu'il lui a conférés aux termes d'une procuration reçue par Maître [I], notaire à [Localité 12], le 23 janvier 2004 dont le brevet original est demeuré annexé à l'acte de vente en état futur d'achèvement dressé ce jour par le notaire soussigné', le jugement dont appel, a dit que l'acte de prêt reçu le 12 mars 2004 devant Maître [S], notaire à [Localité 8] n'avait pas la qualité d'un titre exécutoire, et ordonné la mainlevée de l'inscription d'hypothèque prise le 20 novembre 2009, aux motifs que :
- 'selon la procuration signée le 23 janvier 2004 par M. et Mme [R], ces derniers ont constitué, pour être leur mandataire spécial tant pour l'acquisition en l'état futur d'achèvement du bien que pour emprunter, tous clercs de notaire de l'étude de Maître [S] [C], notaire à [Localité 8]',
- cependant 'M. [R] affirme que Mme [J] n'est pas clerc de notaire mais seulement secrétaire de l'étude, ce que ne contredit par la société CIFFRA',
- 'le terme "clerc de notaire" employé dans la procuration susvisée a une définition précise, qu'une secrétaire même travaillant depuis de nombreuses années à l'étude comme cela a pu être répondu dans les conclusions des requérants, ne saurait être qualifiée de "clerc de notaire", que Mme [J] était donc dépourvue de tout pouvoir pour représenter le demandeur', et que 'ni M. [R] ni aucun mandataire pour lui et son épouse n'ont signé l'acte authentique du 12 mars 2004',
- 'le défaut de représentation de M. [R] a constitué une irrégularité de nature à retirer à l'acte notarié sa qualité de titre exécutoire, que conformément à l'article 1318 du code civil cet acte notarié affecté d'un défaut de forme ne vaut donc que comme écriture privée et qu'il ne pouvait pas en conséquence permettre au créancier de faire pratiquer une mesure conservatoire sans autorisation préalable du juge de l'exécution'.
S'agissant de ce moyen d'absence de validité de la représentation des époux [R], il s'avère que ceux-ci ne contestent ni l'existence des procurations ni les avoir signées, telles que reçues par actes de Maître [I], notaire à [Localité 12], d'abord le 23 janvier 2004, à l'issue desquelles ils ont été régulièrement représentés successivement par Mme [T] [J] et 'Mlle [P] [H], clerc de notaire', puis le 8 mars 2007 par M. [V] [D] également ès qualités de clerc de notaire 'Le mandant' (les époux [R]) ayant donné pouvoir de, pour lui et en son nom à l'effet 'd'acquérir en l'état futur d'achèvement et contrat en mains' certains lots et 'emprunter de tout établissement financier choisi par le mandant jusqu'à concurrence de la somme de 409 888 €'.
La contestation des intimés, en conséquence irrecevable pour ces dernières personnes les ayant représentés en leur qualité de clerc de notaire, se limite ainsi à l'acte du 12 mars 2004, faute pour Mme [T] [J] d'avoir eu la qualité de clerc de notaire.
Cette contestation n'est cependant pas fondée, dès lors qu'il n'existe aucune définition légale de la fonction de clerc, exercée par toute personne habituellement employée en l'étude notariale, alors de plus qu'il n'est pas discuté que l'intéressée est employée en l'étude de Maître [S].
En ce qui concerne le moyen tiré du défaut d'annexion des procurations, argué au visa des dispositions de l'article 8 du décret du 26 novembre 1971, l'analyse des 3 actes notariés valant prêt révèle qu'ils comportent chacun la mention de l'annexion du brevet original desdites procurations 'à l'acte de vente en état futur d'achèvement dressé ce jour par le notaire soussigné', si bien que les dispositions de l'article 8 du décret 71-941 du 26 novembre 1971 ont donc été parfaitement respectées.
Le jugement entrepris est dès lors infirmé en toutes ses autres dispositions.
Les époux [R], qui ne justifient pas du caractère abusif des mesures conservatoires, sont déboutés de leur demande de dommages et intérêts.
Il n'y a pas lieu, en équité, à application de l'article 700 du code de procédure civile.
Les époux [R], qui succombent, sont condamnés aux dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,
Reçoit l'appel,
Confirme le jugement critiqué du chef de la compétence du juge de l'exécution pour statuer,
L'infirme en toutes ses autres dispositions,
Dit que les actes de prêt des 12 mars 2004, 22 mars 2004 et 20 juillet 2007 constituent des titres exécutoires réguliers,
Déclare valables et régulières les inscriptions d'hypothèques judiciaires provisoires prises le 20 novembre 2009 sur les droits et portions de M. [R] sur des biens situés l'un [Adresse 2] et l'autre [Adresse 5],
Déboute les époux [R] de leur demande de dommages et intérêts,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette toutes autres demandes,
Condamne M. et Mme [R] aux dépens d'instance et d'appel, ces derniers pouvant être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Le Greffier Le Président