COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
15e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 27 JANVIER 2012
N° 2011/63
Rôle N° 11/04109
CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE STRASBOURG GUTENBERG
C/
[V] [C]
[B] [Z] épouse [C]
[M] [U]
Grosse délivrée
le :
à : la SCP MAYNARD - SIMONI
la SCP BOISSONNET-ROUSSEAU
la SCP COHEN-GUEDJ
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge de l'exécution du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 18 Février 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 09/08144.
APPELANTE
CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE STRASBOURG GUTENBERG, association coopérative prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège, demeurant [Adresse 3]
représentée par la SCP MAYNARD SIMONI, avoués à la Cour, assistée de la SCP BRUNET-DEBAINES, DELENTA, avocats au barreau de DRAGUIGNAN
INTIMES
Monsieur [V] [C]
né le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 8], demeurant [Adresse 5]
représenté par la SCP BOISSONNET ROUSSEAU, avoués à la Cour, assisté de Me KHOUINI-VIE, avocat au barreau de TOULOUSE
Madame [B] [Z] épouse [C]
née le [Date naissance 4] 1964 à [Localité 8], demeurant [Adresse 5]
représenté par la SCP BOISSONNET ROUSSEAU, avoués à la Cour, assisté de Me KHOUINI-VIE, avocat au barreau de TOULOUSE
Maître [M] [U], demeurant [Adresse 7]
représenté par la SCP COHEN GUEDJ, avoués à la Cour, assisté de Me Philippe KLEIN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 07 Décembre 2011 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame France-Marie BRAIZAT, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame France-Marie BRAIZAT, Président
Monsieur Christian COUCHET, Conseiller
Monsieur Olivier BRUE, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : M. Alain VERNOINE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 27 Janvier 2012.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 Janvier 2012,
Signé par Madame France-Marie BRAIZAT, Président et M. Alain VERNOINE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
La Caisse de Crédit Mutuel de STRASBOURG-GUTENBERG, agissant en vertu d'un acte de prêt notarié du 3 juin 2005, poursuit la vente sur saisie immobilière d'un bien appartenant à ses débiteurs, les époux [C] et situé à [Adresse 6].
Le commandement aux fins de saisie a été délivré le 18 juin 2009 et publié le 28 juillet suivant.
Par acte du 23 septembre 2009, la Caisse du Crédit Mutuel de STRASBOURG-GUTENBERG a assigné les époux [C] devant le Juge de l'exécution du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN à l'audience d'orientation.
Le cahier des conditions de vente a été déposé en greffe du Juge de l'exécution le 28 septembre 2009.
La Caisse de Crédit Mutuel a appelé en cause Maître [U], notaire.
A l'audience d'orientation, les époux [C] ont fait valoir que l'acte notarié du 3 juin 2005 reçu par Maître [U], notaire, était dépourvu de force exécutoire et ont sollicité la nullité du commandement aux fins de saisie.
Subsidiairement, ils ont demandé que leur soit accordé un délai de grâce, soit un report du paiement de leur dette de deux années.
Par jugement du 18 février 2011, le Juge de l'exécution du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN a dit que l'acte authentique du 3 juin 2005 est dépourvu de force exécutoire, a déclaré nul et de nul effet le commandement aux fins de saisie, en a ordonné la mainlevée et a condamné la Caisse de Crédit Mutuel de STRASBOURG-GUTENBERG à payer aux époux [C] une somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
La Caisse de Crédit Mutuel de STRASBOURG-GUTENBERG a interjeté appel de cette décision le 7 mars 2011.
Par requête déposée le 8 mars 2011, elle a sollicité du premier président de cette cour l'autorisation d'assigner à jour fixe, laquelle a été donnée par ordonnance du même jour.
Les assignations ont été délivrées aux intimés le 16 mars 2011 en ce qui concerne Maître [U] et le 28 mars 2011 s'agissant de Monsieur et de Madame [C].
Par conclusions déposées le 8 mars 2011, la Caisse de Crédit Mutuel de STRASBOURG-GUTENBERG demande à la Cour de réformer le jugement entrepris, de déclarer valable le commandement de payer, de dire que la procédure se poursuivra et de condamner les époux [C] au paiement d'une somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par des écritures du 3 mai 2011, les époux [C] concluent à la confirmation du jugement entrepris et - subsidiairement, à l'octroi d'un délai de grâce de 2 années.
Plus subsidiairement, ils demandent à la Cour de leur accorder un délai de 4 mois renouvelable dans la limite maximale de 7 mois pour vendre le bien à l'amiable.
Ils réclament en toute hypothèse une somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Aux termes de ses conclusions du 31 mai 2011, Maître [U] demande à la Cour de :
Dire et juger qu'il appartient aux demandeurs à la critique de préciser :
- l'acte critiqué entre la minute et la copie exécutoire,
- la qualification juridique de la critique (nullité, inscription de faux, inopposabilité, déchéance...),
- la qualification juridique de la conséquence qu'ils en tirent.
Dire et juger que les textes spéciaux applicables aux actes notariés (D.71-9541) dérogent aux textes généraux visant tous les actes authentiques (art. 1318).
Se déclarer incompétent rationae materiae pour statuer sur les critiques de l'acte notarié original déposé en minute et qui ne constitue pas le titre exécutoire en vertu duquel est effectué la voie d'exécution et tel que défini par les articles du décret de 1991.
Dire et juger que l'article L. 213-6 alinéa 3 du Code de l'organisation judiciaire limite les compétences du Juge de l'orientation par rapport aux compétences du Juge de l'exécution général de l'alinéa 1 du même texte.
Dire et juger que la contestation de la régularité d'un titre authentique produit à titre de preuve littérale par la banque au soutien de son exécution, constitue une demande incidente de faux.
Dire et juger qu'à peine d'irrecevabilité, ces contestations doivent être soumises au Tribunal de Grande Instance du lieu de détention de la minute dans les conditions des articles 314 et suivants du code de procédure civile.
Surseoir à statuer sur la demande principale, soit par application de l'article 1319 du code civil, soit en l'application de l'article 313 du Code de procédure civile.
Dire et juger qu'à défaut de respecter cette procédure, les investisseurs seront déboutés de leur critique touchant à la validité de la copie exécutoire, preuve littérale produite par la banque, par application de l'article 313 alinéa 2 du Code de procédure pénale.
Ordonner la mise hors de cause des notaires pour toutes les irrégularités de procédure qui toucheraient les mesures d'exécution.
Se dessaisir en l'état de l'évidente litispendance ou connexité et par application des articles 100 ou 101 du Code de procédure civile au profit de la juridiction de fond, soit le Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE.
Vu les dispositions des articles 378 du Code de procédure civile et 4 du Code de procédure pénale.
Surseoir à statuer dans la présente instance jusqu'à ce que la juridiction pénale se soit prononcée définitivement sur les faits dénoncés.
Dire et juger qu'aucun texte n'oblige à joindre la photocopie des annexes aux copies exécutoires délivrées par les notaires.
Débouter, par conséquent, tout prétendant à la perte du caractère exécutoire des actes délivrés en copie aux parties pour défaut de jonction des annexes.
Dire et juger que l'examen de la validité de la procuration, acte autonome et distinct de la copie exécutoire à laquelle son annexion n'est pas requise, échappe à la compétence d'attribution du Juge de l'exécution.
Dire et juger que par application de l'article 1998 du Code civil, le mandant est tenu d'exécuter les engagements souscrits par son mandataire.
Dire et juger qu'il n'existe aucune définition légale ou réglementaire du terme de clerc, dévolu dans la langue française à tous employés de l'étude.
MOTIFS DE LA DECISION
Attendu que sur la compétence que le Juge de l'exécution a été saisi d'une demande d'annulation d'un commandement aux fins de saisie immobilière délivré en vertu d'un acte de prêt notarié ;
Attendu que selon l'article L.213-6 du Code de l'organisation judiciaire, le Juge de l'exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et les contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit ;
Que le Juge de l'exécution de DRAGUIGNAN était donc bien compétent pour connaître de la contestation relative au caractère exécutoire de l'acte de prêt notarié fondant la saisie immobilière ;
Attendu, sur la demande de dessaisissement pour litispendance et connexité, qu'il n'est pas démontré que le Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE serait saisi d'une procédure de contestation de saisie pour laquelle le Juge de l'exécution est exclusivement compétent aux termes de l'article L.213-6 du Code de l'organisation judiciaire, à l'effet de connaître des difficultés s'élevant à l'occasion de l'exécution forcée ;
Que les exceptions de litispendance et de connexité seront rejetés ;
Attendu, sur la demande de sursis à statuer, que l'article 4 du Code de procédure pénale ne concerne que l'action civile au fond et non la poursuite d'une voie d'exécution ;
Que par ailleurs, il n'est pas établi que la solution du présent litige dépendrait de l'issue de la procédure pénale invoquée ;
Attendu en ce qui concerne la validité formelle d'un acte notarié qu'elle peut être examinée en dehors de toute procédure d'inscription de faux ;
Attendu que les époux [C] ont, par acte notarié reçu le 30 septembre 2004, par Maître [G], notaire associé à AIX EN PROVENCE, membre de la SCP [G], donné procuration à tous clercs de notaire de son étude pour les représenter lors de l'acquisition d'un bien immobilier sis à GRIMAUD, et pour emprunter ;
Attendu que les époux [C] soutiennent qu'il n'est pas établi que Madame [H], qui a signé l'acte en leur nom, était clerc de notaire et qu'elle avait les qualités requises pour les représenter ;
Attendu que c'est à tort que le Tribunal, faisant droit à ce moyen a considéré que Madame [H] était dépourvu de tout pouvoir pour représenter les emprunteurs et que cette irrégularité retirait à l'acte notarié sa qualité de titre exécutoire ;
Qu'en effet, il n'existe aucune disposition légale de la fonction de clerc et que doit être considéré comme recevant de telle fonction, toute personne habituellement employée en l'étude notariale, ce qui est le cas de Madame [H] ;
Qu'ensuite, il n'est pas soutenu que le mandat donné par les époux [C] qui a été éxécuté n'aurait pas eté respecté ;
Que ce moyen doit être écarté ;
Mais attendu, s'agissant des procurations, que l'article 8 du décret du 26 novembre 1971, relatif aux actes établis par les notaires, applicable en l'espèce, dispose que 'les procurations sont annexées à l'acte à moins qu'elles ne soient déposées aux minutes du notaire rédacteur de l'acte - Dans ce cas, il est fait mention dans l'acte du dépôt, de la procuration au rang des minutes' ;
Que ces dispositions n'opèrent pas de distinction entre les actes déposées aux minutes de l'étude et copies exécutoires ;
Attendu que l'acte notarié de prêt du 3 juin 2005 mentionne, en page 2, s'agissant de la représentation des parties, que 'l'emprunteur' est 'non présent, mais représenté par Madame [K] [H], secrétaire notariale, domiciliée professionnellement à [Localité 2], en vertu des pouvoirs qu'il lui a conféré aux termes d'une procuration reçue par Maître [U] [M], notaire à AIX EN PROVENCE, le 3 septembre 2004" ;
Attendu qu'il n'est pas indiqué que la procuration est annexée à l'acte de prêt ni qu'elle est déposée au rang des minutes du notaire ;
Attendu que cette irrégularité essentielle porte atteinte à la force exécutoire de l'acte de prêt servant de fondement aux poursuites et qui ne vaut plus que comme écritures privées en vertu de l'article 1318 du Code civil ;
Attendu que la Caisse de Crédit Mutuel de STRASBOURG-GUTENBERG ne justifiant plus d'un titre exécutoire au sens de l'article 3-4° de la Loi du 9 juillet 1991, le commandement aux fins de saisie immobilière est irrégulier et doit être annulé, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens ;
Attendu que le jugement déféré sera, par substitution de motifs, confirmé ;
Attendu que l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Vu l'article 696 du Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement entrepris par substitution de motifs,
Y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile et appel,
Condamne la Caisse de Crédit Mutuel de STRASBOURG-GUTENBERG aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,