COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
11e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 09 FEVRIER 2012
N° 2012/81
Rôle N° 09/18831
SARL FLY TOULON
C/
SAS EUROCOMMERCIAL PROPERTIES FRANCE
Grosse délivrée
le :
à : COHEN
ERMENEUX
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 12 Octobre 2009 enregistré au répertoire général sous le n° 08/1822.
APPELANTE
SARL FLY TOULON, prise en la personne de son représentant légal
dont le siège social est sis [Adresse 3]
représentée par la SCP COHEN GUEDJ, avoués à la Cour,
plaidant par Me William ZOUAGHI, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
SAS EUROCOMMERCIAL PROPERTIES FRANCE, prise en la personne de son représentant légal,
dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par la SCP ERMENEUX-CHAMPLY - LEVAIQUE, avoués à la Cour,
plaidant par Me Christine KORSBAECK, avocat au barreau de PARIS substituant Me Renaud BAGUENAULT DE PUCHESSE, avocat au barreau de PARIS
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 13 Décembre 2011 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Mme BRENGARD, conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Marie Chantal COUX, Président
Monsieur Michel JUNILLON, Conseiller
Madame Marie-Florence BRENGARD, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Février 2012.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Février 2012,
Signé par Madame Marie Chantal COUX, Président et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Suivant contrat du 4 mars 1993 modifié le 24 novembre 1993, la société CENTRE COMMERCIAL SAINT JEAN, aux droits de laquelle vient la société EUROCOMMERCIAL PROPERTIES FRANCE, a consenti à à la société LAMI, devenue la société FLY TOULON un bail commercial portant sur un local situé dans le centre commercial « Centr' Azur » à [Localité 4], pour une durée de douze années ayant commencé à courir le 19 mai 1993 mais poursuivie par tacite reconduction.
Aux termes d'actes d'huissier délivrés les 2 et 8 novembre 2005, la société EUROCOMMERCIAL PROPERTIES FRANCE a fait signifier à la société FLY TOULON un congé prenant effet le 29 septembre 2006, avec refus de renouvellement du bail et offre d'une indemnité d'éviction.
Puis le 5 octobre 2006, la société EUROCOMMERCIAL PROPERTIES FRANCE a saisi le juge des référés qui, par ordonnance du 27 octobre 2006, a désigné un expert, [J] [O], chargé d'évaluer le montant de l'indemnité d'éviction éventuellement due par la société EUROCOMMERCIAL PROPERTIES FRANCE, et celui de l'indemnité d'occupation due par la société FLY TOULON.
Suivant assignation délivrée le 17 mars 2008 à son preneur, antérieurement au dépôt du rapport d'expertise survenu le 6 mai 2008, la société EUROCOMMERCIAL PROPERTIES FRANCE a saisi le tribunal afin d'obtenir la condamnation de la société FLY TOULON au paiement d'une indemnité d'occupation de 50000 € par an ce à quoi, par conclusions signifiées le 26 septembre 2008, la société FLY TOULON répliquait en demandant que l'indemnité d'occupation soit fixée à 32200 €.
Par conclusions du 26 février 2009, la société FLY a présenté une demande reconventionnelle en paiement d'une indemnité d'éviction.
En ses écritures du 29 mai 2009, la société EUROCOMMERCIAL PROPERTIES FRANCE a d'une part, soulevé l'irrecevabilité de la demande d'indemnité d'éviction, au motif d'acquisition, depuis le 26 octobre 2008, de la prescription biennale prévue par l'article L145-60 du code de commerce et d'autre part, chiffré à 110.601,84 € hors taxes l'indemnité d'occupation réclamée à la société FLY TOULON pour la période du 1er octobre 2006 au 26 octobre 2008.
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Par jugement contradictoire et en premier ressort rendu le 12 octobre 2009 le tribunal de grande instance de TOULON a :
-déclaré prescrite, l'action de la société FLY TOULON en paiement d'une indemnité d'éviction,
-dit que la société FLY TOULON est occupante sans droit ni titre du local, propriété de la société EUROCOMMERCIAL PROPERTIES FRANCE, sis [Adresse 2],
-ordonné l'expulsion de la société FLY TOULON dudit local, et celle de tous occupants de son chef, au besoin avec le concours de la force publique,
-dit n'y a voir lieu à exécution provisoire de ce chef,
-fixé l'indemnité d'occupation due par la société FLY TOULON à la somme de 49300 € HT par an au 1er octobre 2006, à réévaluer annuellement en fonction des variations de l'indice INSEE du coût de la construction, jusqu'à libération complète des lieux,
-condamné la société FLY TOULON à payer à la société EUROCOMMERCIAL PROPERTIES FRANCE la différence entre l'indemnité d'occupation ci-dessus définie et la somme effectivement versée depuis le 1er octobre 2006, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement, capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du code civil,
-ordonné l'exécution provisoire de ces chefs ;
-rejeté toutes autres demandes ;
-fait masse des dépens, qui comprendront les frais d'expertise judiciaire, les partage par moitié entre les parties, et dit qu'ils pourront être recouvrés directement par Maître LEFORT conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;
Vu l'appel interjeté le 20 octobre 2009 par la société FLY TOULON ;
Vu les uniques conclusions de l'appelante du 4 février 2010 ;
Vu les uniques conclusions de la société EUROCOMMERCIAL PROPERTIES FRANCE du 17 août 2010
MOTIFS DE LA DÉCISION
L'appel sera déclaré recevable, les parties ne discutant pas de sa régularité et aucun élément du dossier ne commandant de relever d'office la fin de non-recevoir tirée de l'inobservation du délai de recours.
Sur la prescription de l'action en paiement d'une indemnité d'éviction
La société FLY TOULON fait valoir que contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, son action fondée sur les dispositions de l'article L145-60 du code de commerce n'est pas prescrite depuis le 26 octobre 2008 (c'est-à-dire deux ans après l'ordonnance de référé ayant en date du 27 octobre 2006 désigné l'expert judiciaire) et argumente de la manière suivante :
- d'une part, il est de jurisprudence constante que dès lors que le bailleur a délivré congé avec refus de renouvellement et offre d'une indemnité d'évicition, aucune forclusion n'est encourue par le locataire qui ne saisit pas le tribunal ;
- d'autre part, c'est dans ses conclusions récapitulatives signifiées le 26 septembre 2008 visées par le greffe le 30 septembre 2008, qu'elle a pour la première fois, sollicité le paiement d'une indemnité d'éviction, et ce, dans le délai de deux ans s'étant écoulée depuis l'ordonnance de référé,
- enfin, ladite ordonnance de référé n'ayant pas été signifiée à sa personne, le délai de forclusion n'a pu courir à son égard.
Il convient de relever que la société FLY TOULON ne critique pas la motivation du premier juge en ce qu'il a, après analyse des règles d'application de la loi dans le temps, décidé que le litige se trouvait régi par l'ancien article 2244 du code civil.
Contrairement à ce qu'il est prétendu par l'appelante, la prescription biennale instaurée par l'article L145-60 du code de commerce, n'est pas soumise à la contestation du droit du locataire au paiement d'une indemnité d'éviction et se trouve donc applicable à l'action de la société FLY TOULON alors même que le bailleur a offert de lui payer une telle indemnité dans le congé avec refus de renouvellement.
S'agissant du point de départ du délai de prescription, au regard des moyens développés par les parties, il est acquis aux débats qu'en l'espèce, il s'agit de la date de l'ordonnance de référé ayant désigné l'expert judiciaire.
Or, nonobstant les arguments développés par l'appelante sur ce point, les conclusions récapitulatives qu'elle a déposées au tribunal de grande instance le 30 septembre 2008 ne peuvent être tenues pour un acte interruptif de prescription, car elles n'avaient pour objet que de répliquer à la demande d'indemnité d'occupation formulée par la société EUROCOMMERCIAL PROPERTIES FRANCE et ce n'est que par une erreur matérielle manifeste qu'il est mentionné le terme « indemnité d'éviction » dans le dispositif alors que l'intégralité de la motivation desdites écritures tend à obtenir la fixation de l'indemnité d'occupation à 32200 € par an, après abattement pour précarité.
Ce n'est donc que dans ses conclusions signifiées à la partie adverse le 26 février 2009, reçues au greffe le 3 mars 2009, que la société FLY TOULON a, pour la première fois, soumis au tribunal de grande instance, une demande d'indemnité d'éviction, sans d'ailleurs indiquer qu'elle reprenait ainsi une prétention déjà formulée dans ses écritures précédentes.
Enfin, il n'est pas nécessaire de signifier une ordonnance de référé pour qu'elle produise ses effets et notamment constitue en le point de départ d'un délai de prescription, surtout s'il s'agit d'une décision rendue au contradictoire des parties, ce qui est le cas en l'espèce.
Dans ces conditions, il y a lieu de confirmer le jugement ayant déclaré prescrite la demande d'indemnité d'éviction présentée par la société FLY TOULON et de débouter celle-ci de ses fins et conclusions à ce titre.
Sur le montant de l'indemnité d'occupation
La seule critique formulée par la société FLY TOULON de ce chef concerne le rejet de sa demande tendant à obtenir l'application d'un abattement de précarité à l'indemnité d'occupation fixée par le tribunal sur le fondement du rapport d'expertise judiciaire, au motif essentiel que la procédure d'éviction a été traumatisante car elle l'a contrainte à quitter le plus bel emplacement de la galerie marchande où sont situés les locaux en cause.
Mais d'une part, elle n'invoque pour étayer sa thèse, que des références de fonds de commerce exploités en région parisienne et non en province et d'autre part, elle ne verse aux débats aucun document de nature à remettre en cause, les conclusions de l'expert qui a tenu compte de l'ensemble des éléments relatifs aux locaux, qu'ils soient favorables ou défavorables.
Enfin, comme l'a pertinemment relevé le tribunal, la société FLY TOULON ne justifie d'aucun manque à gagner puisqu'elle a poursuivi l'exploitation du fonds depuis le 30 septembre 2006, en dépit du congé qui lui a été signifié.
En conséquence, il convient de rejeter ses prétentions et de confirmer le jugement déféré, excepté sur les dépens et le rejet de la demande de la société EUROCOMMERCIAL PROPERTIES FRANCE au titre des frais irrépétibles, ces chefs étant réformés par la Cour qui, statuant à nouveau, décide de condamner la société FLY TOULON à supporter les entiers dépens et à payer à l'intimée une indemnité de procédure de 2000 € en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La Cour statuant par mise à disposition au greffe, publiquement et contradictoirement
Reçoit l'appel,
Le dit mal fondé,
Confirme le jugement déféré, excepté sur les dépens et les frais irrépétibles,
Statuant à nouveau des chefs réformés,
Condamne la SARL FLY TOULON à payer à la société EUROCOMMERCIAL PROPERTIES FRANCE la somme de 2000 € au titre des frais irrépétibles,
Condamne également l'appelante aux entiers dépens, ceux d'appel pouvant être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT