COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
8e Chambre C
ARRÊT AU FOND
DU 09 FEVRIER 2012
N° 2012/54
Rôle N° 11/10317
SA CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE RHONE ALPES AUVERGNE - C I F R A A
C/
[I] [Y]
[K] [E] [T] épouse [Y]
Grosse délivrée
le :
à :
SIDER
PRIMOUT
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance du Juge de la mise en état du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 10 Mai 2011 enregistrée au répertoire général sous le n° 10/3838.
APPELANTE
SA CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE RHONE ALPES AUVERGNE - C I F R A A agissant par son représentant légal en exercice venant aux droits de CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE FINANCIERE RHONE AIN (CIFFRA), dont le siège est sis [Adresse 4]
représentée par la SCP SIDER, avoués à la Cour, assistée de Me LAUGIER, avocat au barreau de MARSEILLE substituant Me KUNTZ DE la SCP ADK DESCHODT KUNTZ ET ASSOCIES, avocats au barreau de LYON
INTIMES
Monsieur [I] [Y]
né le [Date naissance 2] 1966 à [Localité 5], demeurant [Adresse 3]
représenté par la SCP PRIMOUT FAIVRE, avoués à la Cour, assisté de Me Eric HOULLIOT, avocat au barreau de TOULON
Madame [K] [E] [T] épouse [Y]
née le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 6], demeurant [Adresse 3]
représentée par la SCP PRIMOUT FAIVRE, avoués à la Cour, assistée de Me Eric HOULLIOT, avocat au barreau de TOULON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 13 Décembre 2011 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Jean-Louis BERGEZ, Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Jean-Louis BERGEZ, Président
Monsieur Jean-Noël ACQUAVIVA, Conseiller
Madame Marie-Claude CHIZAT, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Février 2012.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Février 2012,
Rédigé par Monsieur Jean-Louis BERGEZ, Président,
Signé par Monsieur Jean-Louis BERGEZ, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
LA COUR
Les époux [I] et [K] [E] [Y] ont acquis des biens immobiliers par l'intermédiaire de la société Apollonia, selon des montages qui ressortissent aux dispositions fiscales avantageuses du statut des loueurs de meublés professionnels.
Ils ont notamment acheté sous le régime de la vente en l'état futur d'achèvement trois immeubles financés au moyen de prêts consentis par le Crédit immobilier de France Rhône Alpes Auvergne (CIFRAA).
Les revenus locatifs s'étant révélés insuffisants pour assurer l'équilibre financier de l'opération, les époux [Y] ont cessé, comme de nombreux autres investisseurs, de rembourser les emprunts.
Une information judiciaire a été ouverte à l'encontre de la société Apollonia et de son dirigeant des chefs de faux, usage et escroqueries en bande organisée. Elle a été étendue à d'autres personnes dont des notaires.
En mars 2010, les époux [Y] ont assigné en responsabilité, devant le tribunal de grande instance de Marseille, le CIFRAA et les autres établissements de crédit qui leur ont consenti des prêts aux mêmes fins, la société Apollonia et les notaires ayant reçu les actes de prêt.
Après déchéance du terme, le CIFRAA a assigné les époux [Y] en paiement devant le tribunal de grande instance de Toulon.
Par ordonnance du 10 mai 2011, le juge de la mise en état de ce tribunal, saisi par les époux [Y] à titre principal d'une demande de sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale, subsidiairement, d'une demande de renvoi de l'affaire devant le tribunal de grande instance de Marseille à raison de la connexité entre les deux instances civiles, a constaté la connexité et a ordonné le dessaisissement au profit du tribunal de grande instance de Marseille.
Le CIFRAA est appelant de cette ordonnance.
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Vu les conclusions déposées le 5 décembre 2011 par le CIFRAA ;
Vu les conclusions déposées le 8 décembre 2011 par les époux [Y] ;
Vu l'ordonnance de clôture du 13 décembre 2011 ;
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l'exception de connexité
Il résulte de l'article 101 du code de procédure civile que s'il existe entre des affaires portées devant deux juridictions distinctes un lien tel qu'il soit de l'intérêt d'une bonne administration de la justice de les faire instruire et juger ensemble, il peut être demandé à l'une de ces juridictions de se dessaisir et de renvoyer en l'état la connaissance de l'affaire à l'autre juridiction.
Le lien de connexité n'étant pas établi par la seule circonstance que l'action en paiement et l'action en responsabilité sont fondées sur des obligations dérivant de la même convention, ce n'est que par une analyse concrète de l'objet des litiges et des moyens et prétentions des parties que son existence peut s'apprécier.
Or, les époux [Y], qui ne justifient pas des conclusions qu'ils ont pu déposer au fond dans l'instance en paiement, n'énoncent ni les prétentions, ni les moyens de droit et de fait qu'ils entendent opposer à la demande formée par la banque puisqu'ils se prévalent, selon une formulation juridique incertaine, de 'l'inefficacité' des conventions de prêt et pour le surplus de diverses prétentions sans préciser dans quelle instance ils entendent les présenter.
En cet état, il n'est pas établi qu'il existe entre les deux affaires un lien tel qu'il soit de l'intérêt d'une bonne administration de la justice de les faire instruire et juger ensemble.
Par suite, l'ordonnance attaquée est infirmée.
Sur la demande de sursis à statuer
Le premier juge n'ayant pas statué sur la demande tendant au sursis, bien qu'elle ait été formée à titre principal, les époux [Y] sont recevables, en vertu de l'effet dévolutif de l'appel, à demander que cette question soit tranchée.
Il résulte des dispositions combinées de l'article 73 du code de procédure civile, selon lequel le moyen qui tend à suspendre le cours de l'instance constitue une exception de procédure, et de l'article 771 du même code, selon lequel le juge de la mise en état est seul compétent jusqu'à son dessaisissement pour statuer sur une exception de procédure, que la demande tendant à faire suspendre le cours de l'instance, fondée sur l'existence d'une procédure pénale est de la compétence du juge de la mise en état et de la cour lorsqu'elle statue, comme c'est le cas en l'espèce, dans les limites des pouvoirs du premier juge.
Les époux [Y] ne peuvent se prévaloir des dispositions édictées par l'article 312 du code de procédure civile en matière de sursis à statuer, dès lors qu'ils ne justifient pas avoir introduit dans l'instance en paiement une procédure d'inscription de faux incidente.
En vertu de l'article 4 du code de procédure pénale, la mise en mouvement de l'action publique n'impose le sursis que sur le seul jugement de l'action civile exercée devant la juridiction civile en réparation du dommage causé par l'infraction. Les autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu'elles soient, ne sont pas soumises à l'obligation de suspendre l'instance, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d'exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil.
Il s'ensuit, en l'espèce, que le prononcé du sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale, présente un caractère facultatif pour être demandé dans une instance civile qui ne tend pas à la réparation du préjudice causé par les infractions, en sorte que la décision de suspendre l'instance relève du pouvoir discrétionnaire conféré au juge en vue d'une bonne administration de la justice.
Quelle que soit la gravité des infractions imputées à des personnes qui ont participé aux opérations initiées par la société Apollonia, le sursis à statuer demandé dans l'attente de l'issue, nécessairement lointaine, de la procédure pénale ne peut être prononcé que s'il est justifié par des éléments précis et par un rapprochement entre, d'un côté, les faits et les infractions qui font l'objet de la saisine du magistrat instructeur, d'un autre côté, les prétentions et les moyens soutenus dans l'instance civile, de circonstances de nature à influer sur cette instance, dans des conditions qui justifient sa suspension au regard d'une bonne administration de la justice.
Les époux [Y], qui n'énoncent de manière précise ni les prétentions, ni les moyens qu'ils entendent opposer à la banque dans l'action en paiement, ne justifient d'aucun élément, autre que l'énoncé d'infractions pénales et des copies d'articles de presse, quant à l'objet et à l'étendue de la procédure d'instruction, alors que cette dernière est en cours depuis plusieurs années et qu'ils ne sont pas privés de toute possibilité de le faire pour les besoins de leur défense dans l'instance civile (En ce sens : Cass. Chambre criminelle 14 octobre 2008 N° 07-88.459).
Par suite, la demande de sursis à statuer est rejetée.
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Les époux [Y], qui succombent, sont condamnés aux dépens.
L'équité ne commande pas l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Infirme l'ordonnance attaquée,
Statuant à nouveau
Rejette la demande de renvoi pour connexité et la demande de sursis à statuer formées par les époux [I] et [K] [E] [Y],
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne les époux [I] et [K] [E] [Y] aux dépens,
Vu l'article 699 du code de procédure civile,
Autorise, si elle en a fait l'avance sans avoir reçu provision, la SCP Sider-Sider-Sider à recouvrer les dépens d'appel directement contre les époux [I] et [K] [E] [Y].
Le Greffier Le Président