COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
17e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 14 FEVRIER 2012
N°2012/
CH/FP-D
Rôle N° 10/15420
SARL LES JARDINS MEDITERRANEENS
C/
[X] [R]
[J]
[G]
AGS - CGEA DE [Localité 6]
Grosse délivrée le :
à :
Me Nathalie HAESEBAERT, avocat au barreau de GRASSE
Me Denis DEUR, avocat au barreau de GRASSE
Maître [G]
Me Isabelle JOGUET, avocat au barreau de NICE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRASSE en date du 13 Juillet 2010, enregistré au répertoire général sous le n° 09/678.
APPELANTE
SARL LES JARDINS MEDITERRANEENS, demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Nathalie HAESEBAERT, avocat au barreau de GRASSE
INTIME
Monsieur [X] [R], demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Denis DEUR, avocat au barreau de GRASSE
PARTIE(S) INTERVENANTE(S)
Maître [J] agissant en qualité d'administrateur judiciaire de la SARL LES JARDINS MEDITERRANEENS, demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Nathalie HAESEBAERT, avocat au barreau de GRASSE
Maître [G] agissant en qualité de mandataire judiciaire de la SARL LES JARDINS MEDITERRANEENS, demeurant [Adresse 2]
non comparant
AGS - CGEA DE [Localité 6], demeurant [Adresse 5]
représenté par Me Isabelle JOGUET, avocat au barreau de NICE substitué par Me Richard PELLEGRINO, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 30 Novembre 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Corinne HERMEREL, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur Jean-Marc CROUSIER, Président
Madame Martine VERHAEGHE, Conseiller
Madame Corinne HERMEREL, Conseiller
Greffier lors des débats : Françoise PARADIS-DEISS.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Février 2012.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Février 2012
Signé par Monsieur Jean-Marc CROUSIER, Président et Françoise PARADIS-DEISS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Monsieur [R] a été embauché par la SARL LES JARDINS MEDITERRANEENS en qualité de jardinier qualifié suivant contrat à durée déterminée signé le 1 janvier 2004 pour une durée de 6 mois, date à compter de laquelle les parties ont conclu un contrat à durée indéterminée.
Monsieur [R] est le beau frère de Madame [R], gérante de la société .Au cours de ses années de présence au sein de l'entreprise, Monsieur [X] [R] a de nombreuses fois présenté des arrêts de travail à la suite de maladies ou d'accidents de travail.
Le 25 février 2009 il a été convoqué à un entretien préalable en vue de son licenciement.
Le 9 Mars 2009, son licenciement lui a été notifié au motif que ses absences à répétition perturbaient le bon fonctionnement de l'entreprise.
Selon jugement prononcé le 13 Juillet 2010, le Conseil de Prud'hommes de GRASSE a condamné la SARL LES JARDINS MEDITERRANEENS à payer à Monsieur [R] les sommes de :
3602 euros au titre du solde sur indemnité de préavis
1801,13 euros au titre de l'indemnité de licenciement
10806 euros au titre de l'indemnité compensatrice du préjudice pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
1100 euros au titre du rappel de salaire
750 euros au titre des frais irrépétibles
La société LES JARDINS MEDITERRANEENS a interjeté appel de la décision le 9 Août 2010.
Le 5 Octobre 2010, elle a été placée en redressement judiciaire par le Tribunal de Commerce de Cannes.
Elle sollicite l'infirmation du jugement déféré.
A l'audience, Monsieur [R] renonce à soulever l'irrecevabilité de l'appel de la société. Il estime que la lettre de licenciement n'est pas assez motivée et que la société ne rapporte pas la preuve de la perturbation engendrée par ses absences.
Il sollicite la fixation de différentes créances au passif de la société :
15000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif
3602 au titre du solde de l'indemnité de préavis
360 euros au titre des congés payés y afférents
1100 euros à titre de rappel de salaire
4364 euros à titre d'indemnités de congés payés
1801,13 euros au titre de l'indemnité de licenciement
2500 euros au titre des frais irrépétibles
Le CGEA-AGS considère que le licenciement est justifié et sollicite au principal l'infirmation de la décision.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure des moyens et des prétentions des parties, il est renvoyé au jugement entrepris, aux pièces de la procédure, et aux conclusions des parties oralement reprises.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur le motif du licenciement
Aux termes de l'article L 1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.
Le contenu de la lettre de licenciement en date du 30 janvier 2008 qui fixe les limites du litige précise que les absences à répétition qui perturbent le bon fonctionnement de l'entreprise sont le motif de la rupture du contrat de travail.
La lettre de licenciement est précise et ne peut être critiquée au regard de l'article L 1232-6 du Code du Travail.
Il résulte de l'article L 1132-1 du Code du Travail qu'un salarié ne peut être licencié en raison de son état de santé sauf si le licenciement est motivé non par l'état de santé de l'intéressé mais par la situation objective de l'entreprise dont le fonctionnement a été perturbé par l'absence prolongée ou les absences répétées de l'intéressé et si ces perturbations entraînent la nécessité pour l'employeur de procéder à son remplacement définitif.
En ce qui concerne la réalité des faits invoqués, la société LES JARDINS MEDITERRANEENS démontre par la production de l'historique complet des absences du salarié que ce dernier a été victime depuis le 30 Novembre 2004, de 4 arrêts au titre d'accidents du travail, dont deux pour une période de plus de quatre mois et de deux arrêts au titre de la maladie, soit un total de 315 jours d'arrêt de travail depuis Juillet 2004, dont 168 jours d'arrêt de travail pendant la seule l'année 2008, sans compter les congés légitimement pris cette année là. Le dernier arrêt de travail avait duré 4 mois et 9 jours soit du 23 Septembre 2008 au 2 Février 2009. Ainsi la répétition des absences du salarié est-elle bien avérée.
Une entreprise qui n'a que quatre salariés, dans un domaine aussi spécifique que celui du jardinage est nécessairement perturbée par l'absence d'un salarié qui représente le quart de son personnel et ce d'autant plus que cette personne était jusqu'en 2008 le seul jardinier qualifié de la société et que le planning très chargé de l'année 2008, produit par la société, témoigne de ses contraintes organisationnelles.
La situation de l'entreprise au plan des embauches durant cette période atteste de la perturbation de son fonctionnement. Ainsi il résulte du registre du personnel que la société a été contrainte de procéder à l'embauche de Monsieur [N], aide jardinier, en contrat à durée déterminée le 13 Mai 2008, alors que Monsieur [R] était en arrêt de travail depuis le 9 mai 2008 ,puis de Monsieur [P], jardinier, en contrat à durée indéterminée le 1 Mai 2009.
Le salarié critique l'absence de coïncidence exacte entre les dates d'embauche et les dates d'arrêts de travail. Cependant, à la différence d'une absence prolongée qui permet à l'employeur de se projeter dans l'avenir, les absences répétées empêchent l'employeur d'une petite entreprise comme celles des JARDINS MEDITERRANEENS de réorganiser son entreprise aussi vite que nécessaire, puisque il ne dispose pas au sein de la société, des ressources humaines suffisantes, qu'il ne peut anticiper les dates de reprise de son salarié et qu'il peut s'écouler un certain temps entre la décision d'embauche et le moment où elle est suivie d'effet, l'employeur n'ayant pas à sa disposition un volant de jardiniers qualifiés, disponibles à l'emploi à tout instant.
Ainsi, le licenciement de Monsieur [R] au motif de ses absences répétées, alors même qu'il était présent dans l'entreprise au jour de son licenciement, est-il intervenu pour un motif réel et sérieux, en raison des perturbations causées par la récurrence de ses absences sur le fonctionnement de l'entreprise et de la nécessité de procéder à une embauche définitive pour pallier à celles-ci.
Le jugement déféré sera infirmé en toutes ses dispositions.
Sur l'indemnité de préavis
Monsieur [R] a bénéficié d'une indemnité de préavis d'un mois.
Il expose qu'il avait le statut de travailleur handicapé au moment de son licenciement et que son préavis aurait du être de trois mois en vertu des dispositions de l'article L 5213-9 du Code du Travail.
A l'appui de sa demande il produit un courrier de la MSA en date du 18 Aout 2009 dont il résulte qu'une incapacité permanente de travail de 3 % lui est reconnue.
Cependant cette incapacité n'étant pas encore constatée à la date du licenciement, il n'y avait pas lieu d'appliquer l'article L 5213-9 du Code du Travail et le jugement déféré sera infirmé sur ce point également, Monsieur [R] ayant bénéficié de l'indemnité de préavis qui lui était due.
Sur le rappel de salaires
Monsieur [R] sollicite 500 euros brut à titre de rappels de salaire par demande de rectification du taux horaire qui est passé de 11,875 euros à 9,829 euros à compter de Janvier 2009.
Il sollicite également la somme de 600 euros bruts correspondant à ses 10 jours travaillés du 1 au 10 Avril 2009.
La société LES JARDINS MEDITERRANEENS s'en rapporte sur ce point.
La demande est justifiée et c'est à bon droit que le Conseil de Prud'hommes y a fait droit.
Il conviendra toutefois d'ajouter au jugement déféré afin d'allouer au salarié la somme de 110 euros au titre des congés afférents.
Il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a ordonné à l'employeur de remettre au salarié les bulletins de salaire rectifiés. En revanche la décision de prononcer une astreinte sera infirmée, compte tenu du peu d'empressement dont a fait preuve le salarié qui ne s'est pas présenté au rendez vous fixé pour la remise des documents de fin de contrat.
Sur l'indemnité de licenciement
Monsieur [R] la chiffre à 1801,13 euros, comme l'a retenu le conseil de prud'hommes tandis que l'employeur la chiffre à 1073,51 euros.
Les calculs de la société JARDINS MEDITERRANEENS sont parfaitement justifiés au regard de l'application de l'article 10 de la convention collective applicable et c'est la somme de 1073,51 euros qui est effectivement due au salarié.
Il convient en conséquence d'infirmer le jugement déféré sur le quantum retenu.
Sur le rappel de congés payés
C'est à bon droit que le Conseil de prud'hommes a débouté le salarié de sa demande, celui-ci ayant été rempli de ses droits, comme en atteste l'employeur en produisant l'ensemble des demandes de congés, les journaux de paie et les bulletins de salaire de Monsieur [R].
Sur la demande reconventionnelle de la société LES JARDINS MEDITERRANEENS
La société LES JARDINS MEDITERRANEENS expose avoir versé la somme de 70 euros correspondant à la part « mutuelle » de Monsieur [R] et produit à l'appui de sa demande la photocopie d'un chèque qui justifie du règlement.
Cette demande n'est pas contestée par Monsieur [R] qui sera condamné à rembourser cette somme à la société.
Les frais irrépétibles et les dépens
Au regard de la situation respective des parties, il apparaît équitable de laisser à la charge de chacune les frais irrépétibles par elle exposés.
Chaque partie succombant partiellement, il sera fait masse des dépens qui seront supportés par moitié par chacune des parties.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire et en matière prud'homale
Infirme le jugement déféré.
Statuant de nouveau,
Dit que le licenciement est justifié par une cause réelle et sérieuse.
Condamne la société à verser à Monsieur [R] la somme de 1073,51 euros brut au titre de l'indemnité de licenciement.
Déboute Monsieur [R] de sa demande au titre de l'indemnité de préavis.
Déboute Monsieur [R] de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, abusif et vexatoire.
Déboute Monsieur [R] de sa demande au titre des congés payés.
Dit n'y avoir lieu à assortir d'une astreinte la remise des bulletins de salaires rectifiés.
Confirme pour le surplus le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société LES JARDINS MEDITERRANEENS à régler 1100 euros au titre du rappel de salaires et à remettre les bulletins de salaires rectifiés et en ce qu'il a débouté Monsieur [R] de sa demande de rappel de congés payés.
Y ajoutant,
Condamne la société LES JARDINS MEDITERRANNEENS à verser à Monsieur [R] la somme de 110 euros au titre des congés payés y afférents.
Condamne Monsieur [R] à verser à la société LES JARDINS MEDITERRANEENS la somme de 70 euros en remboursement de la part « mutuelle » versée par l'employeur.
Dit que l'AGS-CGEA devra sa garantie selon les principes énoncés par l'article L 3253-6 et suivants du Code du Travail.
Dit que le présent arrêt est opposable a l'AGS-CGEA dans les limites des dispositions des articles précités et de l'article D 3253-5 du Code du Travail.
Fait masse des dépens et dit qu'ils seront partagés par moitié entre les parties, qui succombent partiellement.
LE GREFFIERLE PRESIDENT