COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
2ème Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 15 FEVRIER 2012
N° 2012/ 64
Rôle N° 10/13666
[G] [E] [J]
S.A.R.L. ABATTOIRS DE PROVENCE - P.V.H. ABATTOIR MEDITERRANEE
C/
Société GENEDIS
Société CHARAL SURGELES
Grosse délivrée
le :
à :
ERMENEUX
BADIE
SIDER
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 17 juin 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 05/08743
APPELANTS
Monsieur [G] [E] [J]
né le [Date naissance 2] 1955 à [Localité 7] (Algérie)
demeurant [Adresse 3]
S.A.R.L. ABATTOIRS DE PROVENCE - P.V.H. ABATTOIR MEDITERRANEE, prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est [Adresse 5]
représentés par la SCP ERMENEUX-CHAMPLY - LEVAIQUE, avocats postulants au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
plaidant par Me Dariusz SZLEPER, avocat plaidant au barreau de PARIS
INTIMEES
S.A.S. GENEDIS prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est [Adresse 6]
représentée par la SCP BADIE - SIMON-THIBAUD - JUSTON, avocats postulants au barreau d'AIX EN PROVENCE, constituée aux lieu et place de la SCP DE SAINT FERREOL & TOUBOUL, avoué à la Cour
plaidant par Me Julia BRAUNSTEIN substituée par Me Jonathan POLSKI, avocats plaidants au barreau de MARSEILLE
Société CHARAL SURGELES, prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Me Jean-Michel SIDER, avocat postulant au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, constitué aux lieu et place de la SCP SIDER, avoué à la Cour
plaidant par Me Jocelyne GRANGER, avocat plaidant au barreau de PARIS
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 16 janvier 2012 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de procédure civile, Monsieur Robert SIMON, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Robert SIMON, Président
Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller
Monsieur Jean-Pierre PRIEUR, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Mireille MASTRANTUONO
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 février 2012.
ARRÊT
Contradictoire
Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 février 2012
Signé par Monsieur Robert SIMON, Président, et Madame Mireille MASTRANTUONO, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * *
Monsieur [G] [E] [J], exerçant une activité de boucherie halal, est titulaire de la marque semi-complexe (logo, son nom et prénom [E] [J] avec ses initiales et un slogan « la Confiance en plus ») déposée auprès de l'Institut National de la Propriété Industrielle, le 30 avril 1998, pour désigner des produits des classes 29 et 30 : viandes et épices. Il a déposé, le 27 mai 2005, auprès de l'Institut National de la Propriété Industrielle une demande d'enregistrement d'une marque semi-complexe en couleur (un logo de forme ovale avec ses prénom et nom et ses initiales) pour désigner différents produits des classes 8, 29, 30, 31, 43 et 44, dont les viandes, dépôt publié, le 1er juillet 2005 et son enregistrement a été publié, le 4 novembre 2005.
La société CHARAL Surgelés et la S.A.R.L. Abattoirs de Provence ont conclu, le 26 février 2002, un contrat par lequel la société CHARAL Surgelés assurait, à partir de viandes provenant d'abattoirs désignés par la S.A.R.L. Abattoirs de Provence, la fabrication de steaks surgelés halal dont la commercialisation serait faite dans le réseau de distribution « grand public et collectivités » mis en place par Monsieur [G] [E] [J]. Celui-ci a concédé, le 7 janvier 2002, une licence d'exploitation exclusive de la marque de 1998 à la S.A.R.L. Abattoirs de Provence, la demande d'enregistrement du contrat de concession de cette licence sur le registre national des marques a été faite, le 27 juin 2005. Un contrat de licence exclusive de la marque semi-figurative de « 2005 », (et également de la marque « 1998 ») a été signé entre Monsieur [G] [E] [J] et la S.A.R.L. Abattoirs de Provence, le 12 janvier 2006, et la demande d'enregistrement du contrat de concession sur le registre national des marques a été faite, le 20 février 2007.
Une saisie-contrefaçon a été pratiquée, le 27 juillet 2005, dans les locaux du magasin Promocash de la S.A.S. GENEDIS à [Localité 4] au Marché d'Intérêt National.
Par jugement contradictoire en date du 17 juin 2010, sur assignation des 4 et 5 août 2005, le Tribunal de Grande Instance de Marseille a prononcé la déchéance de ses droits de propriété de Monsieur [G] [E] [J] sur la marque de 1998, pour non-usage sérieux et a débouté Monsieur [G] [E] [J] et la S.A.R.L. Abattoirs de Provence de leurs demandes en contrefaçon et en concurrence déloyale, outre condamnations prononcées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Monsieur [G] [E] [J] et la S.A.R.L. Abattoirs de Provence ont régulièrement fait appel de cette décision dans les formes et délai légaux.
Vu les dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret N° 98-1231 du 28 décembre 1998.
Vu les prétentions et moyens de Monsieur [G] [E] [J] et de la S.A.R.L. Abattoirs de Provence dans leurs conclusions récapitulatives en date du 6 janvier 2012 tendant à faire juger :
que la marque de 2005 est opposable depuis le 1er juillet 2005, date de la publication au BOPI de la demande d'enregistrement de la marque, ainsi que l'énonce l'article L 713-1 du code de la propriété intellectuelle, les effets de l'article L 712-1 § 2 rétroagissant à la date de publication de la demande, une fois l'enregistrement de la marque opérée,
que les faits de contrefaçon par reproduction de la marque de 2005 sont établis (commercialisation par la société GENEDIS de produits revêtus de ladite marque steaks marqués [J]),
que la marque de 1998 a bien été exploitée durant la période de référence, correspondant à cinq années avant la demande de déchéance formée, le 20 octobre 2006, soit du 20 octobre 2001 au 20 octobre 2006,
que l'usage sérieux à titre de marque n'implique pas l'apposition de la marque sur les produits, mais peut être réalisé par l'apposition sur des sacs publicitaires en plastique donnés aux clients, sur le papier commercial, sur les factures, sur les bandeaux collés sur les emballages de barquettes de viande' dans une forme même modifiée mais sans altération du signe distinctif de la marque, l'élément distinctif « [E] [J] » qui permet d'assurer la fonction de la marque à savoir identifier l'origine du produit, figurait bien sur les produits, l'absence du slogan publicitaire étant sans effet,
que des faits distincts de concurrence déloyale ont été également commis au détriment de la S.A.R.L. Abattoirs de Provence par la société GENEDIS et par la société CHARAL Surgelés en livrant des produits marqués [J] qui étaient réservés à un réseau de distribution et en effectuant une large campagne de promotion de ces produits, sans qu'il puisse être invoqués une erreur d'étiquetage de la part de la société CHARAL Surgelés ou une absence de préjudice pour la S.A.R.L. Abattoirs de Provence,
qu'il convient d'instaurer une mesure d'instruction pour déterminer les différents préjudices (notamment le manque à gagner résultant de la contrefaçon comme de la concurrence déloyale, ainsi que de la rupture des relations commerciales imputable à la seule la société CHARAL Surgelés et non à des incidents de paiement survenus postérieurement à la saisie-contrefaçon), avec allocation d'indemnités provisionnelles à Monsieur [G] [E] [J] 150.000 € pour la contrefaçon, à la S.A.R.L. Abattoirs de Provence 150.000 € pour son atteinte aux droits de licenciée et 200.000 € pour la concurrence déloyale et à la S.A.R.L. Abattoirs de Provence 500.000 € pour la rupture des relations commerciales ;
Vu les prétentions et moyens de la S.A.S. CHARAL Surgelés dans ses conclusions récapitulatives en date du 5 janvier 2012 tendant à faire juger :
que la déchéance des droits de propriété de Monsieur [G] [E] [J] sur la marque de 1998 doit être prononcée pour non-usage sérieux pendant cinq années à compter du 23 octobre 1998, cet usage devant concerner tous les éléments distinctifs et devant être fait à titre de marque et non de dénomination sociale ou d'enseigne commerciale,
que même pour la période de référence proposée par Monsieur [G] [E] [J] les faits d'exploitation de la marque ne sont pas établis et les pièces produites sont dépourvues de pertinence comme étant équivoques (logo jouant le rôle de certification du caractère halal de la viande, modifications importantes du graphisme, absence de signes distinctifs'),
que Monsieur [G] [E] [J] ne peut se prévaloir de la marque de 2005, tous les actes antérieurs à la publication de l'enregistrement ne pouvant être retenus comme agissements de contrefaçon,
que la demande de la S.A.R.L. Abattoirs de Provence fondée sur le contrat de licence de marque est irrecevable, tous les faits allégués étant antérieurs à l'enregistrement dudit contrat, le 27 juin 2005,
qu'un accord verbal était intervenu entre la société CHARAL Surgelés et la S.A.R.L. Abattoirs de Provence pour une commercialisation par la société CHARAL Surgelés de produits marqués en direction du groupe Prodirest, dont dépend la société GENEDIS et qu'une erreur « ponctuelle » d'étiquetage et de gencode est à l'origine de la diffusion de produits marqués [J] si bien que des produits VBF (viande bovine française) ont porté en mai 2005 le logo [J] pour un tonnage de 11.415 kgs au lieu de porter la marque « Orient Halal » de la société CHARAL Surgelés ;
Vu les prétentions et moyens de la S.A.S. GENEDIS dans ses conclusions récapitulatives en date du 15 décembre 2011 tendant à faire juger :
- que Monsieur [G] [E] [J] est déchu de ses droits de propriété sur la marque de 1998, pour non-usage sérieux, l'usage d'un signe voisin non à titre de marque ne pouvant s'assimiler à l'usage sérieux exigé et cet usage devant avoir lieu dans les cinq années qui suivent la date de publication de l'enregistrement, soit le 23 octobre 1998, au demeurant pour d'autres périodes la preuve de l'usage sérieux n'est pas faite,
que les éléments prédominants distinctifs de la marque de 1998 ne sont pas apparents dans les éléments caractérisant selon Monsieur [G] [E] [J] et la S.A.R.L. Abattoirs de Provence l'usage sérieux de la marque et le justifiant,
que la demande en contrefaçon fondée sur la marque de 2005 est irrecevable comme reposant sur des faits antérieurs à la date de publication de l'enregistrement de la marque, au demeurant les faits évoqués résultent d'une erreur d'étiquetage commise pour des produits fabriqués au mois de mai 2005,
que la S.A.R.L. Abattoirs de Provence, en sa qualité de licenciée pour l'exploitation des marques de Monsieur [G] [E] [J], ne serait recevable à agir en contrefaçon que pour des faits commis postérieurement à la date de publication du contrat de licence de marque, soit le 27 juin 2005,
que Monsieur [G] [E] [J] et la S.A.R.L. Abattoirs de Provence avaient verbalement ou tacitement autorisé la société CHARAL Surgelés à vendre au groupe Prodirest des produits de marques [J] aux côtés de ceux marqués « Orient Halal »,
que l'erreur ponctuelle de l'étiquetage qui était destiné à assurer la traçabilité de la viande et qui n'était pas apposé à titre de marque, ne peut constituer des faits de contrefaçon, au demeurant la société CHARAL Surgelés devra la relever et garantir des condamnations prononcées au titre de la contrefaçon,
que l'insertion dans le catalogue « Promocash » d'une page promotionnelle concernant un produit marqué [J] ne constitue pas un agissement de concurrence déloyale ou pour le moins n'a pas causé de préjudice à la S.A.R.L. Abattoirs de Provence,
subsidiairement, que l'évaluation faite par Monsieur [G] [E] [J] et par la S.A.R.L. Abattoirs de Provence de leur préjudice est exagérée, aucun préjudice ne résultant d'ailleurs des faits incriminés ;
L'ordonnance de clôture de l'instruction de l'affaire a été rendue le 16 janvier 2012.
Attendu que seul Monsieur [G] [E] [J] a engagé une action en contrefaçon ; que la S.A.R.L. Abattoirs de Provence, licencié des deux marques litigieuses au titre de deux contrats de licence exclusive des marques semi-figuratives, qui ont été publiés sur le registre national des marques, les 27 juin 2005 et 20 février 2007, ne formule pas de demande au titre de la contrefaçon ;
Attendu que selon l'article L 716-2 du code de la propriété intellectuelle, « les faits antérieurs à la publication de la demande d'enregistrement de la marque ne peuvent être considérés comme ayant porté atteinte aux droits qui y sont attachés » ; que les droits de propriété attachés à une marque sont opposables aux tiers à compter de la publication de la demande d'enregistrement de la marque ; qu'il s'ensuit que l'action ne peut être engagée qu'à compter de cette date et pour des faits qui lui sont postérieurs ; qu'en l'espèce, l'action en contrefaçon intentée par Monsieur [G] [E] [J] et fondée notamment sur la marque n° 05/3.361.739 pour laquelle sa demande d'enregistrement auprès de l'Institut National de la Propriété Industrielle a été publiée, le 1er juillet 2005, est recevable en ce qu'elle concerne des faits postérieurs à cette date ; que Monsieur [G] [E] [J] est bien titulaire des droits de propriété de la marque n° 05/3.361.739 du fait de son enregistrement, le 4 novembre 2005, date de la publication de l'enregistrement au Bulletin Officiel de la Propriété Intellectuelle ; qu'en application de l'article L 712-1 alinéa 2 du code de la propriété intellectuelle édictant une rétroactivité, Monsieur [G] [E] [J] est propriétaire de la marque à compter du dépôt de sa demande d'enregistrement, soit le 27 mai 2005 ; que seront donc pris en considération pour fonder la contrefaçon de la marque n° 05/3.361.739, les seuls faits postérieurs à la date de publication de la demande d'enregistrement, soit le 1er juillet 2005 ;
Attendu sur la déchéance de la marque n° 98/731.917 que l'article L 714-5 du code de la propriété intellectuelle dispose que « le propriétaire d'une marque qui n'en a pas fait usage sérieux pour les produits visés dans l'enregistrement pendant une période ininterrompue de cinq ans, encourt la déchéance de ses droits » et que « l'usage sérieux de la marque commencé postérieurement à la période de cinq ans ne fait pas obstacle à la déchéance s'il a été entrepris dans les trois mois dans les trois mois précédant la demande de déchéance et après que le propriétaire a eu connaissance de l'éventualité de cette demande » ; que le point de départ de la période de cinq ans est la date de la publication de la marque au Bulletin Officiel de la Propriété Industrielle, marquant la fin de la procédure d'enregistrement, (soit en l'espèce, le 23 octobre 1998) ou le dernier acte d'exploitation de la marque ; que la déchéance d'une marque n'est pas automatique à l'issue de la période de cinq ans ; que l'exploitation sérieuse d'une marque, même entreprise à l'expiration de la période de cinq années, empêche le prononcé de la déchéance dès lors qu'aucune demande de déchéance n'a été déposée ; que le titulaire de la marque publiée doit, en toute hypothèse, qu'il ait ou non entrepris son exploitation pendant le délai de cinq ans commençant à courir le jour de la publication de la marque, en faire un usage sérieux et effectif, et à titre de marque, peu important la durée de cet usage ; que le caractère sérieux de l'usage d'une marque doit s'apprécier en considération de la fonction première de la marque qui est de garantir au consommateur ou à l'utilisateur final l'identité d'origine du produit en lui permettant de le distinguer, sans confusion possible, d'autres produits ayant une provenance différente ; que la fonction essentielle de la marque induit que son usage sérieux n'est constitué qu'ensuite de la mise sur le marché d'un produit revêtu d'une marque ;
Attendu qu'il était permis, le cas échéant, à Monsieur [G] [E] [J], selon la loi française et la réglementation européenne, d'entreprendre, à tout moment, à « l'expiration de la période ininterrompue -initiale- de cinq ans de non-usage », l'exploitation de sa marque ; qu'il convient de prendre en considération tous les faits d'exploitation allégués par Monsieur [G] [E] [J] qui sont survenus depuis, le 23 octobre 1998 et jusqu'au jour où il a revendiqué les droits attachés à sa marque, soit l'introduction de l'action en contrefaçon contre la S.A.S. CHARAL Surgelés, le 4 août 2005, après la saisie-contrefaçon pratiquée, le 27 juillet 2005 ; que Monsieur [G] [E] [J] allègue des faits d'exploitation de la marque n° 98/731.917 et propose d'en rapporter la preuve à compter de 2002, année durant laquelle il a consenti à la S.A.R.L. Abattoirs de Provence un contrat de licence de cette marque et durant laquelle la S.A.R.L. Abattoirs de Provence, en qualité de licenciée de la marque n° 98/731.917 a noué des relations d'affaires avec la S.A.S. CHARAL Surgelés ;
Attendu qu'il appartient à Monsieur [G] [E] [J], selon l'article L 714-5 du code de la propriété intellectuelle, de faire la preuve par tous moyens qu'il a exploité la marque semi-figurative dite « [E] [J] » dans des conditions telles (définies ci-dessus) que celle-ci remplisse sa fonction première de distinguer l'origine des produits qui, revêtus de la marque, sont mis à la disposition effective du public ;
Attendu que la marque semi-figurative comprend un élément verbal, [E] [J] et un logo : ses initiales entrelacées, outre un slogan publicitaire « la confiance en plus » ; que le caractère distinctif est constitué par l'élément verbal et les initiales, outre l'élément visuel : les deux couleurs : verte et rouge ; que l'exploitation de la marque s'agissant de produits alimentaires carnés surgelés est réalisée par l'apposition sur les barquettes de viandes de bandeaux autocollants reproduisant la marque dans tous ses éléments, y compris le slogan publicitaire « la confiance en plus » et par la confection d'emballages (sacs en plastique) reproduisant la marque et remis aux clients fréquentant les magasins (grande distribution ou clientèle de collectivités) diffusant les produits de boucherie ; que la preuve de l'usage massif, prolongé et non sporadique de la marque est faite pour les années 2002 à 2004 par les factures et l'attestation du fabricant des sacs en plastique, mentionnant des livraisons annuelles de plusieurs centaines de milliers de sacs et par des photographies prises, en 2004, par un tiers à l'occasion d'un reportage dans un magasin des boucheries [J], ces photographies représentant des barquettes de produits sur lesquelles était apposé le bandeau autocollant ;
Attendu que Monsieur [G] [E] [J] rapporte la preuve qui lui incombe qu'il a été fait un usage sérieux et effectif de sa marque n° 98/731.917 au sens de l'article L 714-5 du code de la propriété intellectuelle ; que la S.A.S. CHARAL Surgelés n'est pas fondée à soutenir que Monsieur [G] [E] [J] encourt la déchéance de ses droits de propriétaire sur sa marque n° 98/731.917 ;
Attendu que le procès-verbal de saisie-contrefaçon du 27 juillet 2005 permet de constater que des produits surgelés étaient mis en vente dans un magasin à l'enseigne « Promocash » de la S.A.S. GENEDIS à [Localité 4] sur des présentoirs mentionnant [J] et que les cartons *renfermant des lots des produits eux-mêmes et *visibles de la clientèle portaient également la mention [J] ; qu'en outre il a été saisi un catalogue publicitaire de la S.A.S. GENEDIS pour la période du 28 juillet au 10 août 2005 offrant un produit (steak haché) dont l'emballage individuel était revêtu de la marque n° 05/3.361.739, telle qu'elle avait été déposée et enregistrée ; que ces faits réalisent une contrefaçon par reproduction de la marque n° 05/3.361.739 et par imitation de la marque n° 98/731.917 ; que l'élément distinctif fort de la marque n° 98/731.917 promouvant le produit, à savoir le nom [J], a été imité pour des produits identiques dénommés « [J] » avec cette circonstance qu'il existe un risque réel de confusion dans l'esprit du public désireux d'acheter des produits de marques « [J] » et notamment ceux de la marque N° 98/731.917 ;
Attendu que la S.A.S. CHARAL Surgelés ne peut « excuser » ces faits de contrefaçon en invoquant des motifs contradictoires et cumulatifs qui en réalité s'excluent : elle aurait été autorisée par la S.A.R.L. Abattoirs de Provence à commercialiser des produits des marques « [J] » et cette mise sur le marché par vente à la S.A.S. CHARAL Surgelés proviendrait d'une erreur « ponctuelle » ou « exceptionnelle » d'étiquetage ; que le contrat du 26 février 2002 réserve à la S.A.R.L. Abattoirs de Provence l'exclusivité des produits fabriqués par la S.A.S. CHARAL Surgelés si bien que celle-ci ne pouvait les diffuser pour son propre compte ; que la preuve d'un accord verbal contraire au contrat n'est pas faite par l'attestation unique d'une négociatrice d'une centrale d'achats du groupe Carrefour mentionnant un « entretien de négociation commerciale » au cours duquel cet accord aurait été conclu ; que l'erreur d'étiquetage à la supposer avérée serait sans effet, la bonne foi étant inopérante dans les actions en contrefaçon de marques ; qu'en outre la parution d'une publicité dans le catalogue « Promocash » (page 20) reproduisant à l'identique la marque n° 05/3.361.739 contredit l'affirmation d'un erreur d'étiquetage qui ne peut s'appliquer qu'aux références apposées sur les emballages carton des produits et sur les présentoirs du magasin et non à l'insertion de publicités dans un catalogue ;
Attendu que la S.A.R.L. Abattoirs de Provence est recevable et bien fondée à agir à l'encontre de la S.A.S. CHARAL Surgelés sur le fondement contractuel pour le manquement caractérisé par un non-respect de l'engagement de la S.A.S. CHARAL Surgelés de réserver ses fabrications au réseau de distribution de la S.A.R.L. Abattoirs de Provence ; que, cependant, ce manquement n'est avéré que pour un fait isolé (une mise en vente de produits fabriqués par la S.A.R.L. Abattoirs de Provence en mai 2005 pour 11.415 kgs et diffusés par une entreprise tierce) ; que la S.A.R.L. Abattoirs de Provence a pris l'initiative de rompre la relation commerciale en en imputant la rupture à la S.A.S. CHARAL Surgelés ; que le contrat du 26 février 2002 stipule expressément une faculté de résiliation anticipée en cas de non-respect par l'une des parties « de ses obligations et engagements » et l'absence de versement d'une indemnité « au terme ou à la date d'effet de la résiliation du présent contrat » ; que de telles stipulations, dans la situation d'une résiliation intervenue dans des circonstances confuses et à la suite d'un manquement unique ne présentant pas un caractère de gravité affirmée eu égard au volume d'affaires entre les deux sociétés, peuvent recevoir application ; que la S.A.R.L. Abattoirs de Provence sera déboutée de sa demande en dommages-et-intérêts fondée sur le non-respect par la S.A.S. CHARAL Surgelés de ses obligations contractuelles ;
Attendu que la S.A.R.L. Abattoirs de Provence, en sa qualité de licenciée exclusive des deux marques, et notamment de la marque n° 05/3.361.739, est irrecevable à agir en contrefaçon contre la S.A.S. GENEDIS ; qu'à défaut d'avoir inscrit le contrat de licence de marque au registre national des marques antérieurement à l'assignation, l'article L 714-7 du code de la propriété intellectuelle dans sa rédaction issue de la loi du 4 janvier 1991, le lui interdit ; que par contre, la S.A.R.L. Abattoirs de Provence est recevable à agir en concurrence déloyale à l'encontre de la S.A.S. GENEDIS ; que, cependant, la S.A.R.L. Abattoirs de Provence ne fait pas la preuve que la S.A.S. GENEDIS a commis une faute ou un fait non intentionnel engageant sa responsabilité en mettant en vente des produits provenant de la S.A.S. CHARAL Surgelés ; qu'elle n'était pas tenue de procéder à une vérification préalable concernant la libre disposition des produits ; que le fait pour la S.A.S. GENEDIS d'avoir reproduit sur son catalogue une photographie d'un produit revêtu de la marque n° 05/3.361.739 constitue un acte de contrefaçon dont elle a déjà répondu vis-à-vis du titulaire de la marque, Monsieur [G] [E] [J] ; que ce fait sanctionné au titre de la contrefaçon ne peut donner lieu à une indemnisation au profit de la S.A.R.L. Abattoirs de Provence au titre de la concurrence déloyale ;
Attendu qu'il y a lieu de liquider le préjudice subi par le titulaire des deux marques sans recourir à une mesure d'instruction ; que son préjudice s'analyse en une atteinte portée par la S.A.S. CHARAL Surgelés et par la S.A.S. GENEDIS à ses droits privatifs à l'occasion d'une seule opération avérée de mise en vente de produits marqués dans l'ensemble du réseau de distribution « Promocash », le catalogue publicitaire mentionnant que le réseau GENEDIS comportait un grand nombre de magasins répartis sur tout le territoire national ; que ce préjudice sera suffisamment indemnisé par l'allocation d'une somme de 75.000 € ; qu'il n'y a pas lieu à publication de la présente décision eu égard aux faits de l'espèce ;
Attendu que la S.A.S. CHARAL Surgelés devra relever et garantir la S.A.S. GENEDIS de l'ensemble des condamnations prononcées « in solidum », comme elle s'y était engagée dans ses relations contractuelles avec son distributeur ;
Attendu que l'équité commande de faire application de l'article 7OO du code de procédure civile ; que les parties tenues aux dépens devront payer à Monsieur [G] [E] [J] une somme de 12.000 € au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
La Cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par sa mise à disposition au greffe de la Cour d'Appel d'AIX en PROVENCE à la date indiquée à l'issue des débats, conformément à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Reçoit les appels de Monsieur [G] [E] [J] et de la S.A.R.L. Abattoirs de Provence comme réguliers en leur forme.
Réforme le jugement attaqué dans toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau, condamne in solidum la S.A.S. CHARAL Surgelés et la S.A.S. GENEDIS à porter et payer à Monsieur [G] [E] [J] la somme de 75.000 € à titre de dommages-et-intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt et celle de 12.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne la S.A.S. CHARAL Surgelés à relever et garantir la S.A.S. GENEDIS de l'intégralité des condamnations prononcées à son encontre.
Déboute les parties de leurs plus amples ou contraires conclusions.
Condamne in solidum la S.A.S. CHARAL Surgelés et la S.A.S. GENEDIS aux entiers dépens de l'instance en application des articles 696 et 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT