COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
15e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 24 FEVRIER 2012
N° 2012/123
Rôle N° 10/16666
[J] [F]
C/
SARL LES 4 SAISONS
[L] [S] veuve [X]
SARL SAINT MICHEL
Grosse délivrée
le :
à : la SELARL BOULAN-CHERFILS-IMPERATORE
la SCP BOISSONNET-ROUSSEAU
Décision déférée à la Cour :
Arrêt prononcé sur saisine de la Cour suite à l'arrêt rendu par la Cour de Cassation en date du 17 Juin 2010 qui a partiellement cassé et annulé l'arrêt rendu le 19 mars 2009 par la 15ème Chambre B de la Cour d'appel de céans enregistré au répertoire général sous le n° de pourvoi A09-15-906.
APPELANT
Monsieur [J] [F]
né le [Date naissance 2] 1939 à [Localité 5]/ALGERIE, demeurant [Adresse 1]
représenté par la SELARL BOULAN-CHERFILS-IMPERATORE, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, constitué aux lieu et place de la SCP BOTTAI-GEREUX-BOULAN, avoués, plaidant par Me Karine TRILOFF, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEES
SARL LES 4 SAISONS, anciennement Clinique les 4 saisons, prise en la personne de son gérant en exercice y domicilié es qualité audit siège, demeurant [Adresse 4]
Madame [L] [S] veuve [X]
née le [Date naissance 3] 1935 à [Localité 6], demeurant [Adresse 7]
SARL SAINT MICHEL, demeurant [Adresse 4]
toutes représentées par la SCP BOISSONNET ROUSSEAU, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, constitué aux lieu et place de la SCP BOISSONNET-ROUSSEAU, avoués, plaidant par la SCP DI MARINO G - DI MARINO H -, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 11 Janvier 2012 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame France-Marie BRAIZAT, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame France-Marie BRAIZAT, Président
Monsieur Christian COUCHET, Conseiller
Monsieur Olivier BRUE, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : M. Alain VERNOINE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Février 2012.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Février 2012,
Signé par Madame France-Marie BRAIZAT, Président et M. Alain VERNOINE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Monsieur [N] [X], aujourd'hui décédé, et son épouse Madame [S] étaient, tant titulaires d'actions de la société LES QUATRE SAISONS que porteurs de parts de la société SAINT-MICHEL, ces sociétés, dont ils disposaient du contrôle, exploitant deux centres médicaux de post-cure ; la société LES QUATRE SAISONS contrôlait en outre une société exploitant un centre de thalassothérapie et balnéothérapie.
Monsieur [F], médecin, qui, en 1974 avait acquis 25 % des parts de la Société SAINT-MICHEL, a prêté aux époux [X] diverses sommes pour leur permettre de faire face aux difficultés financières de ces établissements.
Le 30 mars 1978, les époux [X] / [S] et Monsieur [F] ont conclu une convention aux termes de laquelle les époux [X] / [S] ont cédé à Monsieur [F] la moitié des actions représentations de la Société CLINIQUE DES QUATRE SAISONS et le quart des parts de la société SAINT-MICHEL pour leur valeur nominale.
Monsieur [F] a abandonné la totalité de ses créances constituées notamment par des apports en compte courant dans la société SAINT-MICHEL et par des prêts consentis aux époux [X] / [S] et aux sociétés.
Par arrêt du 7 janvier 1999, la Cour d'Appel d'AIX EN PROVENCE a constaté la nullité de la convention du 30 mars 1978 au motif que la cession des actions et parts sociales ne comportait aucun prix déterminé ni même déterminable et a débouté Monsieur [F] de sa demande à l'encontre de Madame [S] veuve [X] tant à titre personnel qu'en qualité d'héritière de son mari.
Puis, par acte du 5 août 1999, Monsieur [F] a assigné devant le Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE Madame [S] veuve [X], la société CLINIQUE DES QUATRE SAISONS, Madame [X] épouse [K] et la SARL SAINT-MICHEL.
Il demandait au tribunal de juger parfaite une cession de parts conclue par acte du 25 avril 1978, de déterminer le montant des revenus et dividendes lui revenant depuis cette cession et de condamner les défendeurs à lui rembourser les créances qu'il aurait consenti en 1974 et 1975.
Par jugement du 15 juin 2006, le Tribunal a :
- constaté que Monsieur [F] se désistait de son instance contre la société CLINIQUE SAINT-MICHEL,
- dit que Madame [X] veuve [K] a renoncé à la succession de son père, [N] [X], par déclaration du 8 novembre 1999 et déclaré irrecevable l'action diligentée à son encontre par Monsieur [F],
- condamné Madame [S] veuve [X] à payer à Monsieur [F] la somme de 762,25 euros au titre des avances qu'il lui a personnellement consenties et, dans la limite de ses droits successoraux, la somme de 67.123,62 euros correspondant aux avances effectuées au profit de feu [N] [X],
- dit que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter du 5 août 1999,
- ordonné la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil,
- débouté Monsieur [F] de sa demande de dommages et intérêts,
- débouté Madame [S] veuve [X] de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- condamné Madame [S] veuve [X] à payer Monsieur [F] la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Sur appel de Monsieur [F], la Cour d'Appel d'AIX EN PROVENCE, par arrêt du 19 mars 2009, a :
- infirmé le jugement attaqué,
Statuant à nouveau,
- dit que le désistement de Monsieur [F] envers la CLINIQUE SAINT-MICHEL n'était pas parfait,
- rejeté l'exception de nullité des assignations et la fin de non recevoir soulevée par Madame [X] et la CLINIQUE SAINT-MICHEL,
- condamné Madame [X] à payer à Monsieur [F] une somme de 4.573,47 euros avec intérêts à compter du 5 août 1999 et capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du Code civil,
- débouté Monsieur [F] des demandes présentées envers la CLINIQUE SAINT-MICHEL,
- débouté Monsieur [F] des réclamations formulées au titre de dommages et intérêts et des frais irrépétibles,
- débouté Madame [X] de sa demande de mainlevée des nantissements,
- débouté Madame [X] et la CLINIQUE DES QUATRE SAISONS de leurs demandes de dommages et intérêts,
- condamné Monsieur [F] à payer, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile :
' 2.000 euros à Madame [X],
' 2.000 euros à la Société CLINIQUE SAINT-MICHEL,
' 2.000 euros à la CLINIQUE DES QUATRE SAISONS,
- l'a condamné aux dépens de première instance et d'appel,
Sur pourvoi de Monsieur [F], la Cour de Cassation, par arrêt du 17 juin 2010, a cassé et annulé, mais seulement en ce qu'il a limité la condamnation prononcée au bénéfice de Monsieur [F] à l'encontre de Madame veuve [X] à la somme de 4.573,47 euros avec intérêts à compter du 5 août 1999 et capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du Code civil et en ce qu'il a condamné Monsieur [F] à payer à Madame veuve [X] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, a remis sur ces points la cause et les parties concernées dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et les a renvoyé devant la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence autrement composée.
La Cour de Cassation a rappelé que, pour condamner Madame [X] à payer la somme principale de 4.573,47 euros à Monsieur [F] qui lui réclamait celle de 990.918,61 euros, la Cour d'Appel avait retenu que le prétendu aveu judiciaire sur lequel était fondé le montant de cette prétention ne pouvait être admis puisqu'il s'appuyait sur des écritures signifiées au cours d'une précédente instance.
La Cour a considéré qu'en s déterminant ainsi sans répondre aux conclusions de Monsieur [F] qui faisait valoir que l'aveu dont il se prévalait en raison du contenu des écritures déposées au cours d'une précédente instance, pourrait constituer un aveu extrajudiciaire s'il n'était pas tenu pour un aveu judiciaire, la Cour d'Appel n'avait pas satisfait aux exigences de l'article 455 du Code de procédure civile.
La Cour d'Appel d'AIX EN PROVENCE a été saisie par déclaration de Monsieur [F] à l'égard de Madame [S] veuve [X], la société LES QUATRE SAISONS et la Société SAINT-MICHEL.
Aux termes de ses conclusions signifiées le 29 avril 2011, Monsieur [F] demande à la Cour de :
- infirmer le jugement rendu le 15 juin 2006 par le Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en ce qu'il a fait très partiellement droit à la demande de Monsieur [F] et a condamné Madame [S] veuve [X] à payer à Monsieur [F], dans la limite de ses droits successoraux, la somme de 67.123,62 euros correspondant aux avances effectuées au profit de feu [N] [X],
A TITRE PRINCIPAL
- condamner Madame [S] et [X] à payer à Monsieur [F] la somme de 1.970.655 euros en principal avec intérêts au taux légal à compter du 5 août 1999 et capitalisation annuelle desdits intérêts,
A TITRE SUBSIDIAIRE
- condamner Madame [S] veuve [X] à payer à Monsieur [F] la somme de 990.918,61 euros en considération de l'aveu extrajudiciaire par lequel Madame [S] veuve [X] a reconnu le principe de la créance détenue par Monsieur [F] et en a chiffré unilatéralement le montant à cette somme de 990.918,61 euros dans ses conclusions prises dans le cadre d'une précédente instance ayant abouti au jugement rendu par la Cour d'Appel d'AIX EN PROVENCE du 7 janvier 1999 ;
- condamner Madame [S] veuve [X] à payer à Monsieur [F] la somme de 15.000 euros, au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner Madame [S] veuve [X] aux entiers dépens.
Par conclusions du 17 juin 2011, Madame [S] veuve [X], la société LES QUATRE SAISONS et la société SAINT-MICHEL demandent à la Cour de :
- déclarer irrecevable la déclaration de saisine à l'encontre de la société SAINT-MICHEL et de la société LES QUATRE SAISONS,
- dire que Monsieur [F] ne justifie pas de créance à l'égard de Madame [S] veuve [X] répondant aux exigences des articles 1315, 1326 et 1341 du Code civil,
- dire que Monsieur [F] n'établit pas l'existence d'une dette personnelle de Madame [S] veuve [X] correspondant à un aveu extrajudiciaire qu'aurait fait cette dernière,
- dire que l'aveu extrajudiciaire invoqué ne correspond pas aux demandes formulées dans l'exploit introductif d'instance,
- rejeter les demandes de Monsieur [F] et le condamner à payer à Madame [S] veuve [X] une somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Attendu que la déclaration de saisine du 14 décembre 2010 a été faite, non seulement à l'encontre de Madame [S] veuve [X], mais également à l'encontre de la société LES QUATRE SAISONS et de la société SAINT-MICHEL ;
Mais attendu que la Cour de Cassation, dans son arrêt du 17 juin 2010, a mis hors de cause ces deux sociétés ; qu'en conséquence, la déclaration de saisine est irrecevable en ce qui les concerne ;
* *
*
Attendu que dans le cadre de la présente instance, Monsieur [F] a prétendu que les époux [X] / [S] avaient signé divers reconnaissances de dettes et s'est prévalu d'un aveu judiciaire, ou extrajudiciaire, qu'aurait fait Madame [S] veuve [X] dans le cadre de l'instance ayant abouti à l'arrêt de la Cour d'Appel d'AIX EN PROVENCE du 7 janvier 1999, en proposant le paiement de la somme de 990.918,61 euros (6,5 millions de francs) pour solde de tout compte ;
Attendu que l'aveu judiciaire ne peut produire effet que s'il est donné au cours d'une même instance, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ; qu'il convient cependant de rechercher si les déclarations de Madame [S] veuve [X] sont constitutives d'un aveu extra judiciaire ;
Attendu que la procédure au cours de laquelle Madame [S] veuve [X] et son mari ont proposé 6,5 millions de francs pour payer le docteur [F] et qui a abouti à l'arrêt de cette Cour du 7 février 1999 concerne, ainsi que cela a été rappelé ci-dessus, la convention du 30 mars 1978 relative à la cession, par les époux [X] / [S], à Monsieur [F], des parts et actions des sociétés LES QUATRE SAISONS et SAINT-MICHEL, et à des prêts consentis par Monsieur [F] au centre de Thalassothérapie et de Balnéothérapie, à la société SAINT-MICHEL et aux époux [X] / [S] ;
Attendu que dans le présent litige, les demandes formées par Monsieur [F] ne concernent que les seules avances qu'il aurait faites à titre personnel aux époux [X] / [S] et donc, suite au décès de Monsieur [X], à Madame [S] veuve [X].
Attendu qu'ainsi, l'offre de 6.500.000 francs faite par Madame [S] veuve [X] visait à résoudre des litiges qui avaient une portée différente de celle objet de la présente instance ;
Attendu en conséquence que la déclaration de Madame [S] veuve [X], est insuffisamment probante pour rapporter la preuve de la créance alléguée par Monsieur [F] ;
Que Monsieur [F] est donc infondé à se prévaloir de cette offre de règlement ;
Attendu que pour obtenir le remboursement de prêts qu'il soutient avoir octroyés aux époux [X], Monsieur [F] doit pouvoir remettre des actes répondant aux exigences de l'article 1326 du Code civil ;
Qu'il produit une première reconnaissance de dette rédigée le 27 septembre (année illisible) par Monsieur [X] d'un montant de 30.000 francs qui indique qu'un prêt a été consenti 'notamment pour les activités professionnelles de Monsieur [X]' que le libellé de cet acte constitue une reconnaissance de dette valable dont Madame [S] veuve [X] doit assurer le remboursement ;
Qu'un second acte date du 27 novembre 1975 et portant la mention 'reçu de Monsieur [F]' sans qu'il soit fait état d'un prêt ou d'un remboursement, ne peut s'analyser comme une reconnaissance de dette ;
Attendu que Monsieur [F] remet aux débats divers chèques qu'il a tirés au profit de Monsieur [X], ou tirés à son ordre par la CLINIQUE SAINT-MICHEL et qu'il a endossés au profit de Monsieur [X] ;
Que par application de l'article 1347 du Code civil, un chèque qui comporte indication des sommes dues en chiffres et en lettres n'a pas valeur de reconnaissance de dettes en l'absence de présomption complétant les mentions du chèque litigieux ;
Que les relevés de compte bancaires relatifs à des décaissements ne démontrent pas l'existence de prêts allégués par Monsieur [F] ;
Attendu que Monsieur [F] produit aux débats deux rapports non contradictoires qu'il a fait établir par Monsieur [T] et 'rédigés dans son intérêt' ;
Que ce technicien part d'ailleurs du postulat que 'la réalité des créances du Docteur [F] n'est pas contestable, Madame [X] en ayant fait l'aveu dans ses conclusions devant le Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE' ;
Que c'est à partir de cette assertion erronée que Monsieur [T] chiffre la créance de son client ;
Que ces rapports ne présentent donc pas la moindre valeur probante et sont inopérants pour constituer une présomption de créance au profit de l'appelant ;
Attendu que Madame [S] veuve [X] est donc débitrice envers Monsieur [F] d'une somme de 30.000 francs (4.573,47 euros) avec intérêts à compter de l'assignation du 5 août 1999 et capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du Code civil ;
Que Monsieur [F] est donc débouté de ses réclamations subséquentes ;
Attendu que le jugement entrepris sera infirmé dans ce sens ;
Attendu qu'il n'y a pas lieu, en équité, à application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Vu l'article 696 du Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,
Vu l'arrêt de la Cour de Cassation du 17 juin 2010,
Déclare irrecevable la déclaration de saisine en ce qu'elle est dirigée contre la société SAINT-MICHEL et la société LES QUATRE SAISONS,
Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné Madame [S] veuve [X] à payer à Monsieur [F] la somme de 762,25 euros au titre des avances qu'il lui a personnellement consenti et, dans la limite de ses droits successoraux, la somme de 67.123,62 euros correspondant aux avances effectuées au profit de feu [N] [X],
Statuant à nouveau,
Condamne Madame [S] veuve [X] à payer à Monsieur [F] une somme de 4.573,47 euros avec intérêts à compter du 5 août 1999 et capitalisation des intérêts conformément à l'article 115-4 du Code civil,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Madame [S] veuve [X] aux dépens de l'instance, et dit qu'ils seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,