COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
15e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 24 FEVRIER 2012
N° 2012/129
Rôle N° 11/00986
[S] [K] [B] épouse [D]
C/
CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL PROVENCE COTE D'AZUR
Grosse délivrée
le :
à : la SCP ERMENEUX CHAMPLY-LEVAIQUE
Me DUREUIL
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge de l'exécution du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 10 Janvier 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 10/4511.
APPELANTE
Madame [S] [D]
née le [Date naissance 1] 1939 à [Localité 2] (SENEGAL), demeurant [Adresse 4]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2011/007190 du 16/06/2011 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX EN PROVENCE)
représentée par la SCP ERMENEUX-CHAMPLY - LEVAIQUE, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, constitué aux lieu et place de la SCP ERMENEUX CHAMPLY-LEVAIQUE, avouéé, plaidant par Me Jérôme CAMPESTRINI, avocat au barreau de NICE
INTIMEE
CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL PROVENCE COTE D'AZUR, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège, demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Christian DUREUIL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, constitué aux lieu et place de la SCP DE SAINT FERREOL - TOUBOUL, avoués
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 11 Janvier 2012 en audience publique devant la Cour composée de :
Madame France-Marie BRAIZAT, Président
Monsieur Christian COUCHET, Conseiller
Monsieur Olivier BRUE, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : M. Alain VERNOINE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Février 2012.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Février 2012,
Signé par Madame France-Marie BRAIZAT, Président et M. Alain VERNOINE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Par acte authentique du 3 juin 1991 la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Provence Côte d'Azur a consenti à Mme [S] [D] un prêt d'un montant de 65.553,08 € dans la perspective de l'achat d'un bien immobilier, assorti d'une assurance décès-invalidité et incapacité totale de travail souscrite auprès de la Caisse Nationale de Prévoyance, laquelle a pris en charge le remboursement des mensualités jusqu'à la date anniversaire de 60 ans de l'intéressée.
Agissant en vertu de cet acte notarié la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Provence Côte d'Azur a fait pratiquer à l'encontre de Mme [D] la saisie de ses droits d'associée ou de valeurs mobilières entre les mains de l'agence du Crédit Agricole suivant procès-verbal du 31 mai 2010, pour paiement de la somme de 110.805,91 € avec dénonciation à la partie saisie par nouveau procès-verbal du 7 juin 2010.
Saisi par Mme [D] de demandes tendant à voir ordonner la mainlevée de cette mesure le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Nice, par jugement du 10 janvier 2011, a écarté la fin de non-recevoir tirée de la prescription, rejeté la contestation de la requérante et condamnée celle-ci aux entiers dépens.
Par déclaration du 16 janvier 2011 Mme [D] a relevé appel de ce jugement.
Par conclusions notifiées le 7 avril 2011 et déposées le 11 avril 2011 Mme [D] soutient, après le rappel des faits et de la procédure, que l'action engagée à son encontre est prescrite en vertu de l'article L. 110-4 du code de commerce, pour un emprunteur immobilier, à l'issue d'un délai de 10 ans avant la loi du 17 juin 2008, dont le point de départ doit être fixé au premier incident de paiement non régularisé, soit en l'espèce le 28 novembre 1999, ajoute sur ce point que la caisse intimée ne formule pas d'opposition, et conclut à l'absence d'interruption de la prescription d'autant plus que la 1ère phase amiable de la saisine de la commission de surendettement n'a pas pour effet de suspendre de plein droit les poursuites individuelles diligentées contre un débiteur, et que dans la seconde phase, en cas de constat d'échec des négociations, la saisine de la commission en vue de recommandations interrompt la prescription et les délais pour agir.
L'appelante conclut à l'absence de reconnaissance de dette valant interruption de la prescription contrairement au jugement entrepris, puisque seule la demande du débiteur adressée à la commission de surendettement aux fins de recommandations vaut reconnaissance de dette, et ce en référence à la loi du 8 février 1995 modifiant en profondeur le dispositif du traitement des situations de surendettement, relève à cet égard que la caisse intimée a fait parvenir à son ancien conseil un modèle de reconnaissance de dette pour signature, et estime que le Crédit Agricole n'est pas en mesure de se prévaloir des causes de suspension du nouvel article 2238 du code civil résultant de la loi du 17 juin 2008, lesquelles n'ont d'effet suspensif qu'à compter du jour où elles surviennent et si elles sont en cours au jour de l'entrée en vigueur de la loi soit le 19 juin 2008.
L'appelante demande à la cour de :
* réformer le jugement déféré en toutes ses dispositions, et de dire que la 1ère échéance non payée et non régularisée, en date du 28 novembre 1999, est constitutive du point de départ de la prescription décennale,
* considérer que l'adoption d'un plan conventionnel par la commission de surendettement n'a pas d'effet suspensif ou interruptif sur la prescription de l'action engagée à son encontre, laquelle est prescrite, et de juger également que le Crédit Agricole est irrecevable à faire pratiquer une mesure de saisie-attribution,
* d'ordonner la mainlevée totale et immédiate de la mesure contestée, sinon dans un délai de 15 jours à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 100 € par jour de retard,
* sauf à titre subsidiaire et de manière contractuelle à juger que la Caisse Nationale de Prévoyance était tenue de se substituer à elle et à prendre en charge le paiement des échéances du prêt au-delà de ses 60 ans, alors de plus qu'elle n'a pas été dûment informée de cette limite en sorte qu'elle n'est donc débitrice d'aucune somme à ce titre, et de condamner le Crédit Agricole à lui payer une indemnité de 1.500 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions déposées et signifiées le 30 mai 2011 la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Provence Côte d'Azur, après le rappel des faits et de la procédure, fait valoir que l'action en paiement d'une banque à l'encontre d'un emprunteur au titre d'un prêt immobilier obéit aux règles de prescription de droit commun conformément aux dispositions de l'article L. 110-4 du code de commerce dans sa version applicable avant la loi du 17 juin 2008, soit la prescription décennale dont le point de départ doit être fixé à la date de la première échéance impayée, en l'espèce le 28 novembre 1999, et ajoute que la saisine par le débiteur, quelle que soit sa forme, de la commission de surendettement des particuliers vaut reconnaissance des dettes qu'il déclare, dont résulte l'interruption de leur prescription en sorte que Mme [S] [D] ne peut contester avoir reconnu être débitrice en exécution du prêt notarié du 3 juin 1991.
L'intimée considère que l'engagement de paiement de l'appelante dans le cadre du plan conventionnel ne peut ainsi s'analyser que comme une reconnaissance de dette selon l'article 2240 du code civil, dont les dispositions ne sont pas modifiées par l'article L. 331-7 du code de la consommation relatif à la saisine de la commission de surendettement après échec de sa mission de conciliation, en déduit l'existence d'une interruption de la prescription décennale en vertu des articles 2248 ancien et 2240 nouveau du code civil, précise que le plan conventionnel de nouvel aménagement de la dette a pris effet le 9 novembre 2001 jusqu'au 9 novembre 2002, date à compter de laquelle un nouveau délai décennal a commencé à courir, et relève que la saisie des parts sociales de Mme [S] [D] a été régularisée le 31 mai 2010, avec dénonciation à son endroit par acte du 7 juin 2010, d'où une prescription décennale non acquise à l'époque des poursuites.
La Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Provence Côte d'Azur observe par ailleurs que la cessation de garantie de l'assurance était prévue contractuellement comme devant intervenir le jour du 60e anniversaire de l'assurée, circonstance échappant au contrôle du juge de l'exécution, souligne que la contestation de Mme [S] [D] devra donc être écartée et que la fin d'une telle garantie conduit à considérer qu'elle est débitrice des échéances non payées pour une somme de 110.215,03 € avec intérêts selon décompte arrêté au 6 mai 2010, et conclut que la cour devra confirmer le jugement entrepris et condamner l'appelante à lui payer une indemnité de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 décembre 2011.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
C'est en exécution de l'acte authentique du 3 juin 1991, valant prêt par la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Provence Côte d'Azur à Mme [S] [D] d'un montant de 65.553,08 € en vue de l'achat d'un bien immobilier, assorti d'une assurance décès-invalidité et incapacité totale de travail souscrite auprès de la Caisse Nationale de Prévoyance, laquelle a pris en charge le remboursement des mensualités jusqu'à la date anniversaire de 60 ans de l'intéressée, que le prêteur a fait pratiquer à son encontre la saisie de ses droits d'associée ou de valeurs mobilières entre les mains de l'agence du Crédit Agricole par acte du 31 mai 2010, pour paiement de la somme de 110.805,91 € avec dénonciation à la partie saisie par nouvel acte du 7 juin 2010.
Contrairement à l'argumentation de l'appelante, ne démontrant pas l'application d'une prescription spéciale plus courte, l'action en paiement d'une banque à son encontre au titre d'un prêt immobilier se prescrit à l'issue du délai de droit commun de 10 ans, conformément aux dispositions de l'article L. 110-4 du code de commerce dans sa version antérieure à la loi du 17 juin 2008, son point de départ étant fixé, ainsi que l'a conclu à raison l'intimée, à la date de la première échéance impayée, en l'espèce le 28 novembre 1999.
Au vu du plan conventionnel de nouvel aménagement de sa dette sollicité par Mme [S] [D], valant, en vertu de l'article 2240 du code civil, reconnaissance de la créance de l'intimée en exécution du prêt notarié susvisé du 3 juin 1991, et ce avec effet du 9 novembre 2001 au 9 novembre 2002, date à compter de laquelle un nouveau délai décennal a commencé à courir, l'action diligentée par la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Provence Côte d'Azur par procès-verbal du 31 mai 2010 pour paiement de la somme de 110.805,91 € avec dénonciation régulière à la débitrice par acte du 7 juin 2010, est parfaitement valable.
Dès lors les demandes formées de ce chef par l'appelante sont rejetées, sans aucune incidence dans le cadre du présent litige de la loi du 17 juin 2008 modificative du régime de la prescription.
Par ailleurs Mme [S] [D] n'apporte pas la preuve que la Caisse Nationale de Prévoyance serait tenue de se substituer à elle et de prendre en charge le paiement des échéances du prêt au-delà de ses 60 ans, et ne démontre pas davantage l'absence d'information de cette limite temporelle, en sorte qu'elle est déboutée de l'ensemble de ses prétentions
L'équité commande de condamner Mme [S] [D] au paiement de la somme de 800 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,
Reçoit l'appel,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne Mme [S] [D] à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Provence Côte d'Azur la somme de 800 € (huit cents) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette toute autre demande,
Condamne Mme [S] [D] aux entiers dépens, ceux d'appel étant recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier Le Président