COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
1re Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 08 MARS 2012
FG
N° 2012/177
Rôle N° 11/05113
SCI DES GOELANDS
[Y] [S]
C/
[R] [N]
[I] [U]
Grosse délivrée
le :
à :
SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE
SCP COHEN GUEDJ
SCP ERMENEUX-CHAMPLY - LEVAIQUE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 17 Février 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 08/13405.
APPELANTS
SCI DES GOELANDS,
dont le siège social est [Adresse 7]
agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.
Monsieur [Y] [S]
né le [Date naissance 4] 1943 à [Localité 6],
demeurant [Adresse 3]
représentés par la SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE constitué (e) aux lieu et place de la SCP BOTTAI GEREUX BOULAN, avoués, ayant pour avocat la SCP BLANC-GILLMANN - BLANC, avocats au barreau de MARSEILLE
INTIMES
Maître [R] [N]
né le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 11] (13),
notaire
[Adresse 9]
représenté par la SCP COHEN GUEDJ, avocats au barreau D'AIX-EN-PROVENCE, ayant pour avocat la SELARL CARISSIMI-PROVANSAL-D'JOURNO-GUILLET, avocats au barreau de MARSEILLE,
Maître [I] [U]
né le [Date naissance 2] 1951 à [Localité 10] (MAROC),
avocat au barreau d'Aix en Provence
demeurant en cette qualité [Adresse 5]
représenté par la SCP ERMENEUX-CHAMPLY - LEVAIQUE, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, ayant pour avocat Me David BERNARD, du cabinet BERNARD HUGUES JEANNIN ARNAUD PETIT, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 08 Février 2012 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur François GROSJEAN, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur François GROSJEAN, Président
Monsieur Hugues FOURNIER, Conseiller
Mme Danielle DEMONT-PIEROT, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Dominique COSTE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Mars 2012.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Mars 2012,
Signé par Monsieur François GROSJEAN, Président et Mme Dominique COSTE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DES FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS,
La société civile immobilière Les Goélands a été constituée pour acquérir un bâtiment à [Localité 11], situé en zone maritime, moyennant l'obtention d'un contrat d'amodiation de la ville de [Localité 11] dans le seul but de louer.
M°[I] [U], avocat, était chargé de rédiger les statuts de la société civile immobilière. Ces statuts ont été enregistrés le 20 mars 1989.
Le contrat d'amodiation qui avait été conclu auparavant entre la ville de Marseille et la Sarl OMM, puis entre la ville de Marseille et la SCI les Goélands, précisait que l'emplacement faisant l'objet de l'amodiation ne pouvait être cédé ni sous loué.
Par devant M°[R] [N], notaire, la SCI les Goélands a acquis par acte des 12 et 13 avril 1989 un immeuble à usage commercial situé à Marseille, anse du Pharo (13007) situé sur un terrain appartenant au domaine maritime. L'acte précisait que l'ensemble objet de la vente était destiné à la location.
Les 2 juillet et 31 décembre 2008, la SCI Les Goélands et M.[Y] [S] ont fait assigner Mes [N] et [U] devant le tribunal de grande instance de Marseille en responsabilité civile.
Par jugement contradictoire en date du 17 février 2011, le tribunal de grande instance de Marseille a :
- rejeté la demande de révocation de l'ordonnance de clôture rendue le 28 juin 2010, présentée par M.[Y] [S] et la SCI Les Goélands,
- déclaré irrecevable l'exception de nullité de l'assignation soulevée par M°[I] [U],
- dit que l'action en responsabilité professionnelle de M°[N], notaire associé à Marseille, engagée par M.[Y] [S] et la SCI Les Goélands est prescrite,
- débouté M.[Y] [S] et la SCI Les Goélands de l'ensemble de leurs demandes à l'égard de M°[R] [N] et M°[I] [U],
- débouté M°[R] [N] et M°[I] [U] de leurs demandes reconventionnelles,
- laissé les dépens de l'instance à la charge de M.[Y] [S] et la SCI Les Goélands, dont distraction au profit des avocats constitués à la cause qui en ont fait la demande.
Par déclaration de la SCP BOTTAI GEREUX BOULAN, avoués, en date du 21 mars 2011, la SCI les Goélands et M.[Y] [S] ont relevé appel de ce jugement.
Par leurs dernières conclusions, déposées et notifiées le 25 janvier 2012, faisant suite à ses conclusions antérieures du 12 octobre 2011, dont le dispositif est identique, la SCI Les Goélands et M.[Y] [S] demandent à la cour d'appel, au visa des articles 1382 et suivants et 1147 et suivants du code civil, de :
- réformer le jugement,
- condamner solidairement M°[U] et M°[N] au paiement d'une somme de 1.143.380 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice économique subi par la SCI Les Goélands et ses associés et gérants,
- condamner solidairement M°[U] et M°[N] au paiement d'une somme de 500.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par ses associés,
- condamner solidairement M°[U] et M° [N] au paiement d'une somme de 15.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner solidairement M°[U] et M° [N] aux entiers dépens, dont ceux d'appel distraits au profit de la SCP BOULAN CHERFILS IMPERATORE.
Dans ses conclusions du 25 janvier 2012, comme dans les conclusions antérieures du 12 octobre 2011, la SCI Les Goélands et M.[S] exposent que M°[U], avocat, a manqué à son obligation de conseil en n'attirant pas leur attention sur les limites tenant au contrat d'amodiation et en conseillant la création d'une SCI au lieu d'une société commerciale et en n'intégrant pas dans les statuts une clause relative à la sous-location.
La SCI Les Goélands et M.[S] estiment que M°[N], notaire, aurait dû attirer leur attention sur l'impossibilité de louer.
Ils considèrent que M°[U] et M°[N] les ont laissés s'engager dans une opération ruineuse.
Par ses dernières conclusions avant ordonnance de clôture, déposées et notifiées le 5 décembre 2011, M°[I] [U] demande à la cour d'appel de :
- déclarer la SCI Les Goélands et [Y] [S] irrecevables et mal fondés en leur appel du jugement,
- débouter la SCI Les Goélands et [Y] [S] de leurs demandes contre lui, alors que sa responsabilité civile n'est manifestement pas engagée en l'absence de manquement fautif et/ou de lien causal direct et certain et/ou de perte de chance suffisamment sérieuse pour être indemnisable au visa des pièces produites par la partie demanderesse,
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a rejeté la demande en réparation de M°[I] [U] pour procédure abusive et vexatoire et sa demande d'indemnité de procédure au titre des frais irrépétibles ,
- statuant de nouveau de ces chefs, dire M°[U] recevable et bien fondé en son appel incident et condamner in solidum la SCI Les Goélands et M. [S] au paiement d'une somme de 8.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire sur le fondement des articles 1382 et 1383 du code civil,
- condamner in solidum la SCI Les Goélands et M.[S] au paiement d'une somme de 15.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner in solidum la SCI Les Goélands et M. [S] aux entiers dépens, dont ceux d'appel distraits au profit de la SCP ERMENEUX-CHAMPLY et LEVAIQUE, avocats.
M°[U] expose qu'à l'intérieur des nombreux événements qui se sont déroulés sur 20 ans, son intervention a consisté à établir un projet de contrat de société entre [Y] [S], [T] [A], [M] [F], [P] [C] et [B] [L], et établir un contrat de société entre [Y] [S], [T] [A], [M] [F] et [P] [C]. Il précise qu'il n'a jamais eu en mains le contrat d'amodiation. Il observe que la commune de Marseille était en tout état de cause libre d'inclure dans le nouveau contrat d'amodiation une clause permettant la sous-location.
M°[U] précise que les associés lui ont demandé de constituer une société civile immobilière, ce qui était d'ailleurs pertinent dans l'optique d'une acquisition et d'une revente, alors qu'il n'avait pas été du tout question d'une activité de restaurant.
M°[U] estime avoir respecté la volonté de ses clients, en tout cas sur ce qu'ils lui ont exposé de leurs projets.
Par ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 7 septembre 2011, M°[R] [N] demande à la cour d'appel, au visa de l'article 1382 du code civil, de :
- dire irrecevables et prescrites les prétentions des demandeurs à son encontre,
- subsidiairement, les débouter de toutes leurs demandes, fins et conclusions,
- en toute hypothèse, condamner la SCI Les Goélands et M.[S] au paiement d'une somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la SCI Les Goélands et M.[S] aux entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de la SCP COHEN GUEDJ.
M°[N] fait observer que l'acte qu'il a reçu est des 12 et 13 avril 1989, que par courrier du 29 avril 1991, il avait indiqué aux demandeurs que l'article 3 du contrat d'amodiation interdisait la sous-location, et qu'en conséquence l'action est prescrite.
L'instruction de l'affaire a été déclarée close le 26 janvier 2012.
M°[I] [U] a encore conclu, après clôture, le 30 janvier 2012, pour demander la délocalisation du dossier au titre de l'article 47 du code de procédure civile, ce qu'il avait abandonné dans ses dernières conclusions avant clôture.
Ces conclusions, présentées après clôture, sont irrecevables.
M°[U] demande que, dans ce cas, les dernières conclusions du 25 janvier 2012 de la SCI Les Goélands et de M.[S], notifiées la veille de la clôture, soient déclarées irrecevables, pour non respect du contradictoire.
MOTIFS,
Les conclusions de la SCI Les Goélands et de M.[S], du 25 janvier 2012, notifiées la veille de l'ordonnance de clôture, ne respectent pas le principe du contradictoire.
La cour statuera au vu des dernières conclusions de la SCI Les Goélands et de M.[S], notifiées et déposées le 12 octobre 2011.
-Sur la responsabilité de M°[U], avocat :
Cette action a un fondement contractuel, sur la base du mandat.
A la demande de M.[Y] [S], conseil financier, de M.[T] [A], expert, de M.[M] [F], gérant de société, et de M.[P] [C], gérant de société, M°[I] [U], avocat, a établi un contrat de société civile immobilière la SCI Les Goélands dont l'objet était d'acquérir tous immeubles bâtis ou non bâtis en vue de leur location et de leur gestion, et plus particulièrement une construction édifiée sur les lots 36, 37, 38 du terrain donné en amodiation par la ville de Marseille.
Le 16 février 1989 la commune de Marseille a passé avec le gérant de la société civile immobilière en cours d'immatriculation SCI Les Goélands, un contrat intitulé 'contrat d'amodiation de terre-plein' ainsi libellé :
'Article 1 :La Ville de Marseille amodie à la SCI Les Goélands qui accepte, la (ou les) parcelle(s) de terre-pleins désigné(s) ci-après, pour une durée de 30 ans à compter du 1.1.1989. Port : [Adresse 12] - lot 28, 36, 37, 38.
Surface non bâtie : 501 m², surface bâtie : 339 m², surface totale : 840 m²
amodiation à caractère commercial.
Article 2 : cette amodiation est consentie moyennant le versement d'une redevance définie en application des tarifs d'amodiation des terre-pleins approuvés par le conseil municipal et payable une seule fois et d'avance.
Article 3 : L'emplacement faisant l'objet de la présente amodiation ne peut être ni cédé ni sous -loué.....
.......
Clauses particulières : .... Conformément au décret 84.941 du 24.10.1984, l'amodiataire s'engage à exercer sur les parcelles amodiées, $gt;.'
Lorsque le gérant de la SCI Les Goélands en cours d'immatriculation a signé ce contrat d'amodiation avec le représentant de la commune de Marseille, il a clairement accepté les termes de ce contrat précisant que l'emplacement ne pouvait être ni cédé, ni sous-loué.
Il lui était loisible le 16 février 1989 de négocier éventuellement d'autres conditions, ou de renoncer à s'engager dans cette opération.
Le gérant de la SCI Les Goélands en cours d'immatriculation a accepté la clause particulière relative aux activités permises. Là encore, il lui était loisible de préciser le contrat ou de renoncer à le signer si les conditions prévues ne lui convenaient pas.
Les contraintes du contrat d'amodiation, dont se plaignent la SCI Les Goélands et M.[S] sont la conséquence des accords passés par ceux-ci avec la commune de Marseille et non de la rédaction des statuts d'une société civile immobilière par M°[U], avocat.
Il n'est pas prétendu que ce serait M°[U], avocat, qui aurait eu mandat de négocier ce contrat avec la commune de Marseille.
M°[U] n'est en rien responsable des négociations effectuées par des personnes qui se prévalent de leurs compétences financières ou juridiques, hors son intervention, hors de son mandat.
Le jugement sera confirmé sur le débouté de l'action à son égard, avec adoption de motifs pour le surplus.
-Sur la responsabilité de M°[N], notaire :
Le régime de la prescription applicable à cette action délictuelle, selon les termes de l'article 2270-1 du code civil en sa version applicable à ces faits antérieurs à la date d'application des dispositions de la loi du 17 juin 2008, est de dix ans à compter de la manifestation du dommage ou son aggravation.
M°[N] a reçu les 12 et 13 avril 1989 un acte de vente par la société Outboard Motors Marseille Sarl à la SCI Les Goélands d'un immeuble à usage commercial situé [Adresse 8] édifié sur un terrain appartenant au domaine maritime, dont la venderesse était propriétaire pour les avoir fait édifier sur une parcelle de terre-plein donnée en amodiation par la ville de Marseille à la société Picon Location devenue Outboard Motors Marseille.
Par courrier du 29 avril 1991, M°[N] a écrit à M.[S], gérant de la SCI Les Goélands, pour lui rappeler que le contrat d'amodiation interdisait la location ou sous-location de l'emplacement faisant l'objet de l'amodiation.
Le dommage allégué, consistant en l'impossibilité de louer, était connu de M.[S] et de la SCI Les Goélands depuis le 29 avril 1991 au moins.
Ils le connaissaient d'ailleurs auparavant pour avoir passé le contrat d'amodiation le 16 février 1989, avant même de passer l'acte devant M°[N].
En tout état de cause, l'action intentée contre M°[N] les 2 juillet et 31 décembre 2008 était prescrite depuis plusieurs années avant l'introduction de l'instance.
La demande reconventionnelle de M°[U] en dommages et intérêts n'est pas fondée alors qu'il ne peut être dit que l'action aura été fautive.
Le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions.
PAR CES MOTIFS,
Statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 17 février 2011 par le tribunal de grande instance de Marseille,
Y ajoutant,
Condamne la SCI Les Goélands et M.[Y] [S] à payer en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel, en plus de ceux de première instance, les sommes de :
-huit cents euros (800 €) à M.[I] [U],
-huit cents euros (800 €) à M.[R] [N],
Condamne la SCI Les Goélands et M.[Y] [S] aux dépens d'appel, avec distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT