COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
4e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 20 MARS 2012
om
N° 2012/ 136
Rôle N° 10/04647
S.A.S [Adresse 9]
C/
S.C.I. MARE NOSTRUM
SNC L'AUBRAC
[H] [H]
Grosse délivrée
le :
à : SELARL BOULAN
M° SIDER
SCP BADIE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 11 Février 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 07/6396.
APPELANTE
S.A.S [Adresse 9], prise en la personne de son Dirigeant en exercice domicilié en cette qualité au siège social
[Adresse 1]
représentée par la SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE , constituée aux lieu et place de la SCP BLANC-CHERFILS
INTIMES
S.C.I. MARE NOSTRUM, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social
[Adresse 5]
représentée par la SCP BADIE-SIMON THIBAUD & JUSTON ,avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE , constituée aux lieu et place de la SCP DE SAINT FERREOL - TOUBOUL
assistée de M° Patrice ZOLEKO S substituant Me Sophie VICHATZKY, avocat au barreau de PARIS,
S.N.C. L'AUBRAC, prise en la personne de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité au siège, [Adresse 4]
Monsieur [H] [H]
né le [Date naissance 2] 1948 à [Localité 8] (TUNISIE), demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Jean Michel SIDER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE , constitué aux lieu et place de la SCP SIDER
assisté de M° NEVEU pour la SELARL NEVEU CHARLES & ASSOCIES, avocats au barreau de NICE,
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 24 Janvier 2012 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Odile MALLET, Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Mme Odile MALLET, Président
Monsieur Jean-Luc GUERY, Conseiller
Madame Valérie GERARD-MESCLE, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Agnès BUCQUET.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Mars 2012.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Mars 2012,
Signé par Mme Odile MALLET, Président et Madame Agnès BUCQUET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCÉDURE
Suivant acte authentique du 8 décembre 2006 Monsieur [H] [H] a acquis de la SCI Mare Nostrum, pour le prix de 950.000 €, une parcelle cadastrée commune de [Localité 7], section AB n°[Cadastre 6] sur laquelle est exploité un restaurant par la SNC L'Aubrac.
Suivant acte sous seings sous privé dénommé 'pacte de préférence' en date du 28 décembre 2006 Monsieur [H] s'est engagé à vendre à la SAS [Adresse 9] la parcelle AB [Cadastre 6] au prix de 3.500.000 €.
Par jugement du 12 octobre 2007 confirmé par un arrêt du 11 décembre 2008 le tribunal de grande instance de Nice a déclaré parfaite la vente conclue entre Monsieur [H] et la société View Star. Ce jugement a condamné la société View Star à payer à Monsieur [H] la somme de 3.500.000 € dont 2.200.000€ demeureront consignés jusqu'au 31 décembre 2008 pour le cas où dans ce délai la société Mare Nostrum engagerait une action en lésion.
Par actes des 15 octobre 2007 et 3 janvier 2008 la société View Star a assigné Monsieur [H] et la SCI Mare Nostrum aux fins de voir déclarer lésionnaire la vente intervenue le 8 décembre 2006. La SNC l'Aubrac, exploitant le restaurant situé sur la parcelle AB [Cadastre 6], est intervenue volontairement à l'instance.
Par acte du 3 septembre 2008 la SCI Mare Nostrum a assigné Monsieur [H] et la société View Star aux fins de voir juger lésionnaire la vente du 8 décembre 2006.
Ces deux procédures ont fait l'objet d'une jonction.
Par jugement du 11 février 2010 le tribunal de grande instance de Nice a :
rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de publication de l'assignation soulevée par Monsieur [H],
rejetée la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée soulevée par Monsieur [H],
reçu la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir soulevée par Monsieur [H] et de la SNC L'Aubrac et déclaré en conséquence irrecevable la société View Star en son action en rescision pour lésion ainsi qu'en ses demandes subséquentes,
déclaré recevable l'intervention de la société View Star, en sa qualité de tiers acquéreur, dans le cadre de l'action en rescision pour lésion intentée par la société Mare Nostrum,
déclarée irrecevable l'action en rescision pour lésion de la vente du 8 décembre 2006 intentée par la SCI Mare Nostrum,
débouté la société View Star de toutes ses prétentions,
débouté Monsieur [H] de sa demande de dommages et intérêts formée à l'encontre de la SCI Mare Nostrum,
condamné la société View Star à payer à Monsieur [H] une somme de 30.000 € à titre de dommages et intérêts,
ordonné l'exécution provisoire du jugement,
condamné les sociétés View Star et Mare Nostrum aux dépens et à payer à Monsieur [H] et à la SNC L'Aubrac une somme de 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Le 10 mars 2010 la SAS View Star a interjeté appel de ce jugement. Le 24 mars 2010 la SCI Mare Nostrum a également formalisé un appel.
Par ordonnance du 4 octobre 2010 le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevable l'appel interjeté par la SCI Mare Nostrum.
POSITION DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions en date du 9 juillet 2010 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, la société View Star demande à la cour :
d'infirmer le jugement,
de constater l'exercice, par la SCI Mare Nostrum, de l'action légale en rescision pour lésion,
de dire et juger que le prix d'acquisition du bien immobilier payé par Monsieur [H] à la SCI Mare Nostrum est lésionnaire,
de fixer , au vu de l'article 1681 du code civil, à 2.200.000 € le supplément de prix, outre intérêts en vertu de l'article 1682 du code civil,
de dire que le montant devra être versé à la SCI Mare Nostrum par prélèvement sur le prix d'acquisition consigné à la demande de la société View Star,
de condamner Monsieur [H] à lui payer la somme de 50.000 € en réparation de son préjudice,
de condamner Monsieur [H] aux entiers dépens et au paiement d'une somme de 10.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans leurs dernières conclusions en date du 20 janvier 2012 auxquelles il est également renvoyé pour l'exposé des moyens, Monsieur [H] et la société L'Aubrac demandent au contraire à la cour :
de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré la société View Star irrecevable à former une action en rescision pour lésion et déclarer en conséquence cette société irrecevable en son appel,
de constater que l'appel principal formé par la société Mare Nostrum a été déclaré irrecevable par ordonnance du 4 octobre 2010,
de déclarer irrecevable l'appel incident provoqué formé par la société Mare Nostrum, faute de tout intérêt nouveau résultant de l'appel principal,
subsidiairement, de déclarer irrecevable l'appel incident en l'état de l'irrecevabilité de l'appel principal, et à titre subsidiaire au regard de l'autorité de la chose jugée,
subsidiairement, de confirmer le jugement,
de condamner les sociétés View Star et Mare Nostrum à payer à Monsieur [H] une somme de 100.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
de condamner les sociétés View Star et Mare Nostrum aux entiers dépens et au paiement d'une somme de 10.000 € à Monsieur [H], en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions en date du 12 janvier 2012 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, la SCI Mare Nostrum demande à la cour :
de la déclarer recevable en son appel incident,
d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a déclarée irrecevable en son action en lésion et l'a condamnée à payer une somme de 5.000 € à Monsieur [H] en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens,
de confirmer le jugement en ses autres dispositions,
de la déclarer recevable en son action en rescision pour lésion de la vente du 8 décembre 2006 et désigner, aux frais de Monsieur [H], trois experts afin d'établir qu'elle a été lésée de plus de 7/12° et déterminer le supplément du juste prix au sens de l'article 1681 du code civil,
le cas échéant, de constater qu'elle a rapporté la preuve de la lésion et condamner Monsieur [H] à lui payer la somme de 2.200.000 € au titre du supplément du juste prix, sous réserve du choix appartenant à ce dernier,
de condamner Monsieur [H] aux entiers dépens et au paiement d'une somme de 10.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
* sur l'appel incident de la société mare nostrum
Aux termes de l'article 549 du code de procédure civile l'appel incident peut émaner, sur l'appel principal ou incident qui le provoque, de toute personne, même non intimée, ayant été partie en première instance.
Si l'appel incident est recevable en tout état de cause, il doit découler de l'appel principal en ce sens que cet appel principal doit être de nature à modifier les droits de l'intimé de telle sorte que ce dernier a un intérêt nouveau à user de la voie de droit qu'il n'avait pas précédemment exercée.
Dans le cas présent, par ordonnance du 4 octobre 2010 le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevable pour être tardif l'appel principal interjeté le 24 mars 2010 par la société Mare Nostrum.
Par conclusions du 12 janvier 2012 cette société a formé un appel incident aux fins de voir infirmer le jugement et statuer sur sa demande en rescision pour lésion de la vente intervenue le 8 décembre 2006, dans le litige l'opposant à Monsieur [H].
Toutefois, l'appel principal interjeté par la société View Star est exclusivement dirigé contre Monsieur [H] et la société L'Aubrac, il n'est pas de nature à aggraver la situation de la société Mare Nostrum. Il en résulte que l'appel incident ne découle pas de l'appel principal et ne constitue en réalité qu'un appel interjeté hors délai.
En conséquence la société Mare Nostrum sera déclarée irrecevable en son appel incident.
* sur l'appel de la société view Star
La société View Star, qui n'avait pas obtenu satisfaction devant le premier juge, a interjeté appel dans les formes et délais prévus par la loi. En conséquence son appel sera déclaré recevable.
En revanche aux termes des articles 1674 et 1683 du code civil l'action en rescision pour lésion n'est ouverte qu'au vendeur.
Il en résulte que la société View Star, qui a acquis le 28 décembre 2006 la parcelle litigieuse entre les mains de Monsieur [H], n'a pas qualité pour former une action en rescision pour lésion de cette vente dans laquelle elle est intervenue en tant qu'acheteur.
En conséquence le jugement sera confirmé en ce qu'il a déclaré la société View Star irrecevable en sa demande pour défaut de qualité à agir.
* sur les demandes de dommages et intérêts
Echouant en ses demandes la société View Star ne justifie pas d'un préjudice ouvrant droit à réparation.
La discussion instaurée par les sociétés View Star et Mare Nostrum ne révélant aucun abus dans l'exercice de leur droit d'agir et se défendre en justice, le jugement sera partiellement infirmé et Monsieur [H] sera débouté de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.
* sur les dépens
Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles.
La société Mare Nostrum dont l'appel est déclaré irrecevable et la société View Star qui succombe en ses demandes seront toutes deux déboutées de leur demandes formées en application de l'article 700 du code de procédure civile. Il n'y a pas lieu de majorer en cause d'appel l'indemnité allouée, à ce titre par le premier juge à Monsieur [H].
Les dépens d'appel seront supportés pour moitié par la société View Star et pour moitié par la société Mare Nostrum, avec droit de recouvrement prévus à l'article 699 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Constate que l'appel principal formalisé par la SCI Mare Nostrum a été déclaré irrecevable par ordonnance du 4 octobre 2010.
Déclare irrecevable l'appel incident formé par la SCI Mare Nostrum.
Déclare recevable l'appel interjeté par la SAS [Adresse 9].
Infirme le jugement en date du 11 février 2010 rendu par le tribunal de grande instance de Nice en ce qu'il a condamné la SAS [Adresse 9] à payer à Monsieur [H] [H] une somme de 30.000 € à titre de dommages et intérêts.
Statuant à nouveau,
Déboute Monsieur [H] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Confirme le jugement en toutes ses autres dispositions.
Y ajoutant,
Déboute chacune des parties de sa demande formée en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel.
Dit que les dépens seront supportés pour moitié par la SAS [Adresse 9] et pour moitié par la SCI Mare Nostrum avec droits de recouvrement prévus à l'article 699 du code de procédure civile.
le greffier le président