COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
9e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 10 MAI 2012
N° 2012/428
Rôle N° 10/01655
Société TNT EXPRESS FRANCE
C/
[C] [F]
Grosse délivrée le :
à :
Me Bruno DEGUERRY, avocat au barreau de LYON
Me Jacqueline LESCUDIER, avocat au barreau de MARSEILLE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Arrêt de Cour de Cassation en date du 16 Décembre 2009, enregistré au répertoire général sous le n° M08/43/834.
APPELANTE
Société TNT EXPRESS FRANCE, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Bruno DEGUERRY, avocat au barreau de LYON substitué par Me Céline VIEU DEL BOVE, avocat au barreau de LYON
INTIME
Monsieur [C] [F], demeurant [Adresse 1]
comparant en personne, assisté de Me Jacqueline LESCUDIER, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 01 Mars 2012 en audience publique devant la Cour composée de :
Monsieur Michel VANNIER, Président
Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller
Madame Laure ROCHE, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame Monique LE CHATELIER
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Mai 2012.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Mai 2012.
Signé par Monsieur Michel VANNIER, Président et Mme Nadège LAVIGNASSE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE :
La société Tnt Express France (la société), entreprise spécialisée dans le transport, occupant habituellement plus de 10 salariés, a engagé le 1er avril 1995 monsieur [F] en qualité de chef de trafic IDG, statut employé de la convention collective nationale des transports routiers ; au dernier état de sa collaboration, le salarié occupait un poste de technicien comptoir, coefficient 140, statut employé, moyennant une rémunération mensuelle de 1.513,00 euros.
Le 21 juillet 2004, monsieur [F] saisissait le conseil de prud'hommes de Martigues d'une demande de requalification professionnelle et de rappel de salaire ; le 4 mars 2005, la société adressait par télécopie une proposition transactionnelle qui était acceptée le jour même par le conseil de monsieur [F].
Par jugement de départage du 15 décembre 2006, le conseil de prud'hommes écartait la fin de non recevoir présentée par la société et fondée sur l'existence de la transaction au motif que les parties 'n'étaient pas encore parvenues à un accord clair et précis sur l'ensemble des termes de la transaction et qu'une négociation était encore nécessaire' et il condamnait l'employeur à rétablir monsieur [F] dans la qualification de chef de trafic, 1er degré, niveau superviseur 2ème degrés, à rectifier en conséquence les bulletins de salaire du salarié depuis le 1er janvier 1999 et à lui payer la somme de 32.946,94 euros de rappel de salaires ainsi que celle de 20.000,00 euros en application de l'article 1154 du code civil en réparation de son préjudice.
Par arrêt du 21 juin 2008, la 9ème chambre B de cette cour confirmait le jugement déféré et y ajoutant, condamnait la société à payer au salarié 3.294,69 euros de congés payés afférents au rappel de salaires pour la période du 1er janvier au 15 décembre 2006, 15.776,60 euros de rappel de salaire pour la période du 15 décembre 2006 au 31 (sic) avril 2008, 1.577,66 euros de congés payés afférents, 289,58 euros d'heures supplémentaires, 28,95 euros de congés payés afférents et 1.500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par arrêt du 16 décembre 2009, la Cour de cassation a cassé et annulé, dans toutes ses dispositions l'arrêt de la cour d'appel, au motif que 'dans sa télécopie du 4 mars 2005, le conseil du salarié répondait à une proposition précise de transaction formulée dans une télécopie du même jour par le conseil de l'employeur en faisant connaître son acceptation dans des termes dépourvus d'équivoque', et elle a remis en conséquence la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée.
La société conclut à la réformation du jugement déféré et demande à la cour de dire que les parties ont, par courriers du 4 mars 2005, régularisé une transaction qui est revêtue de la chose jugée, que la société est fondée à opposer à monsieur [F] une fin de non recevoir et, partant, de déclarer ses prétentions irrecevables et de le condamner au paiement de 3.000,00 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et 2.000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Monsieur [F] demande à la cour d'écarter la fin de non recevoir tirée de la transaction, de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Martigues et il forme appel incident pour demander la condamnation de l'employeur à lui payer les sommes suivantes :
- 15.776,60 euros de rappel de salaire pour la période du 15 décembre 2006 au 30 avril 2008 et 1.577,66 euros de congés payés afférents,
- 3.294,69 euros de congés payés afférents au rappel de salaires pour la période du 1er janvier au 15 décembre 2006,
- 289,58 euros d'heures supplémentaires et 28,95 euros de congés payés afférents,
- 2.000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
il sollicite en outre que l'employeur soit condamner à rectifier sous astreinte ses bulletins de paie et que les sommes allouées produisent intérêts à compter de la demande en justice avec bénéfice de l'anatocisme.
Pour un plus ample exposé des faits de la procédure, des moyens et prétentions des parties, il y a lieu de se référer à la décision déférée et aux écritures déposées, oralement reprises à l'audience du 1er mars 2012.
MOTIFS DE LA DECISION :
Constitue une transaction au sens de l'article 2044 du code civil un accord qui a pour objet de mettre fin à un différend s'étant élevé entre les parties et qui comporte des concessions réciproques, quelle que soit leur importance relative, qui doivent s'apprécier en fonction des prétentions des parties au moment de la signature de l'acte ; en outre, selon l'article 2052 du même code, les transactions ont, entre les parties, l'autorité de la chose jugée et elles ne peuvent être attaquées pour cause d'erreur de droit ni pour cause de lésion.
En l'espèce, monsieur [F], qui percevait alors une rémunération brute mensuelle de base de 1.502,79 euros, avait saisi le conseil de prud'hommes de Martigues le 21 juillet 2004 des demandes suivantes :
- une provision sur salaires et accessoires du salaire d'un montant de 12.000,00 euros,
- un rappel de salaire depuis le 1er janvier 1999 de 24.429,15 euros,
- la délivrance sous astreinte de 150 euros par jour de retard des bulletins de salaire conformes des mois de janvier 1999 au jour de la demande,
- l'attribution d'une qualification professionnelle et d'un coefficient conformes aux fonctions réellement exercées,
- le versement d'une somme de 50.000,00 euros à titre de dommages-intérêts.
C'est donc en fonction de ces prétentions que doit être appréciée la proposition faite le 4 mars 2005 par l'avocat, conseil de l'employeur, qui a transmis au délégué syndical, conseil du salarié, à 10h29 une télécopie confirmée par courrier du même jour comportant une proposition transactionnelle ainsi libellée :
'(...) En tout état de cause et comme je vous l'ai téléphoniquement indiqué [la veille], mes clients sont disposés à transiger dans ce dossier moyennant :
- le paiement de dommages et intérêts à hauteur de 20 000,00 € nets de C.S.G. et de C.R.D.S. au regard de l'ensemble des demandes présentées ;
- la proposition du poste de Chef d'Equipe, statut Agent de Maîtrise, coefficient 157.5 ;
- une rémunération brute mensuelle de 1 800,00 € à compter du 1er avril 2005.
Je vous laisse le soin de me fixer par retour de courrier afin que, le cas échéant, nous puissions faire dresser procès-verbal de conciliation totale à la barre du Conseil...' .
Or, à cette proposition précise de transaction, le conseil du salarié faisait connaître ce même 4 mars 2005, à 15h45, son acceptation dans des termes dépourvus d'équivoque puisque la télécopie qui la contient est ainsi rédigée :
'J'ai bien reçu votre Fax sur ce dossier pour transiger et nous acceptons votre proposition. J'attends votre appel pour formaliser cette transaction'.
Il est ainsi démontré que le 4 mars 2005, les parties, qui désiraient mettre fin à leur différend porté devant la juridiction prud'homale, ont passé un accord ferme qui comportait des concessions réciproques au regard des prétentions formulées à cette date par monsieur [F]; l'existence de la transaction n'est donc pas sérieusement discutable et cette transaction est opposable au salarié.
Enfin, et surabondamment puisque monsieur [F] se contente de soutenir que la transaction lui serait inopposable mais n'en demande pas l'annulation, il convient d'observer :
- que, selon l'article 2045 du code civil, pour transiger il faut avoir la capacité de disposer des objets compris dans la transaction et qu'il résulte des articles 411 et 417 du code de procédure civile que le mandataire ad litem est réputé avoir reçu pouvoir de transiger à l'égard du juge et de la partie adverse ; or, en l'espèce, monsieur [F] ne saurait utilement faire soutenir (page 20 de ses conclusions) qu' 'il n'a pas donné pouvoir spécial à Monsieur [V] [le délégué syndical] pour transiger pour son compte' alors même qu'il reconnaît (page 17 de ses conclusions) qu'après avoir reçu la proposition transactionnelle de l'employeur, son conseil l'a contacté et lui a expliqué la proposition faite par la société Tnt Express ce qui ressort d'ailleurs de l'analyse grammaticale de la réponse même du conseil de monsieur [F] qui mentionne à la première personne du singulier j'ai bien reçu votre Fax mais à la première personne du pluriel nous acceptons votre proposition ;
- que, contrairement à ce que le salarié prétend par ailleurs, il a bien disposé du temps nécessaire pour donner une réponse éclairée à la proposition de transaction de son employeur - laquelle était extrêmement précise et ne nécessitait pas une longue analyse juridique pour la comprendre - puisqu'en effet il ressort des échange de correspondances que cette proposition a d'abord été faite téléphoniquement le 3 mars 2005 avant d'être confirmée par télécopie du 4 mars ; ainsi, monsieur [F] a disposé de bien plus de 5 heures pour faire connaître son acceptation.
En conséquence, il convient de faire droit à la fin de non-recevoir de la société Tnt Express et de déclarer monsieur [F] irrecevable en ses demandes ; le jugement déféré sera donc infirmé en toutes ses dispositions.
Il n'est pas démontré que monsieur [F] a abusé du droit reconnu à tout justiciable dans une société démocratique de faire juger sa cause par la juridiction compétente de sorte que la société ne peut qu'être déboutée de sa demande de dommages-intérêts.
Il n'est pas inéquitable que chacune des parties conserve la charge de ses frais irrépétibles et de ses dépens.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant préalablement été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Martigues du 15 décembre 2006,
Dit que les parties ont régularisé une transaction le 4 mars 2005 qui a autorité de la chose jugée,
Reçoit la fin de non recevoir et déclare monsieur [F] irrecevable en ses demandes,
Dit que chacune des parties conservera la charge de ses frais irrépétibles et de ses propres dépens.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT