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15/05/2012 | FRANCE | N°10/22468

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 17e chambre b, 15 mai 2012, 10/22468


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 15 MAI 2012



N° 2012/316

YR











Rôle N° 10/22468





[P] [L]





C/



Association VILLA SAINT CAMILLE







































Grosse délivrée le :



à :



Me Antoine LOUNIS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE





Me Pascal LAVISSE, avocat au barreau d'ORLEANS





Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CANNES en date du 22 Octobre 2010, enregistré au répertoire général sous le n° 09/189.







APPELANTE



Madame [P] [L], demeurant [...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 15 MAI 2012

N° 2012/316

YR

Rôle N° 10/22468

[P] [L]

C/

Association VILLA SAINT CAMILLE

Grosse délivrée le :

à :

Me Antoine LOUNIS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Me Pascal LAVISSE, avocat au barreau d'ORLEANS

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CANNES en date du 22 Octobre 2010, enregistré au répertoire général sous le n° 09/189.

APPELANTE

Madame [P] [L], demeurant [Adresse 4]

comparant en personne, assistée de Me Antoine LOUNIS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

Association VILLA SAINT CAMILLE, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Pascal LAVISSE, avocat au barreau d'ORLEANS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 20 Mars 2012 en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur Yves ROUSSEL, Président

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller

Madame Brigitte PELTIER, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Monique LE CHATELIER.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Mai 2012.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Mai 2012.

Signé par Monsieur Yves ROUSSEL, Président et Madame Monique LE CHATELIER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

L'association VILLA SAINT CAMILLE, exploite un établissement installé dans une propriété qui lui a été donnée à bail emphytéotique par la congrégation religieuse des Camilliens.

Mme [P] [L] a été embauchée par l'Association VILLA SAINT-CAMILLE à compter du ler juillet 2007, en qualité de directrice opérationnelle.

Dans le dernier état de la relation contractuelle, elle était classée cadre niveau G, moyennant un salaire mensuel de base d'un montant brut de 4.000,00 €, auquel s'ajoutaient des primes et avantages, la Convention Collective applicable étant celle du «Tourisme social et familial ».

Par courrier du 17 décembre 2008, l'association VILLA SAINT-CAMILLE a convoqué Mme [P] [L] à un entretien préalable en vue de son éventuel licenciement.

La rupture du contrat de travail a été notifiée par lettre du 22 janvier 2009 ainsi rédigée : « Les faits qui vous sont reprochés sont les suivants : 1- Absence de loyauté et de transparence au moment de votre embauche. L'ensemble des membres du Conseil d'Administration renouvelé vient de découvrir en cette fin d'année 2008, suite aux divers mouvements que vous avez provoqués et encouragés, la réalité de la situation, à savoir que votre candidature a été privilégiée parmi d'autres à l'initiative de Monsieur [X], auteur des « appréciations de candidatures », en occultant le fait que vous étiez en relations personnelles. Chacun a droit à sa vie privée et nul ne vous reproche vos choix de vie ; en revanche la préexistence de cette relation aurait dû loyalement être portée à la connaissance de l'ensemble des membres de la commission de recrutement et du Conseil d'Administration. Vous avez passé sous silence le fait que le rapporteur, auteur du questionnaire à remplir sur place avant entretien par souci d'égalité entre les candidats et auteur à la suite du compte rendu aussi exhaustif qu'élogieux à votre endroit, était votre compagnon. Ce rapporteur concluait à ce que votre candidature était incontestablement la meilleure. 2. Non respect volontaire des termes de l'embauche et incapacité à les respecter Le Directeur Général de la Maison Saint Camille, [H] [I], qui en a insufflé l'esprit depuis plusieurs dizaines d'années, approchant de la soixantaine, il avait été décidé par les organes associatifs de procéder au recrutement d'une directrice opérationnelle devant travailler à ses côtés pendant quelques années, en prenant en charge progressivement la gestion des tâches techniques alors que lui-même se déchargerait de celles-ci pour conserver des tâches plus spirituelles, relationnelles et d'impulsion. A terme et progressivement, après avoir appris les spécificités du management de cette maison associative, la directrice. opérationnelle devait reprendre le flambeau et la direction de la Maison. Quelques mois après votre arrivée, et en parfaite connivence avec monsieur [X]; vous avez manifesté un empressement total à obtenir une anticipation du départ de Monsieur [I] aux fins de reprise à votre profit, au moins provisoirement, de l'ensemble de ses attributions, en usant à ce titre de moyens pour le moins déplaisants. Tels n'étaient pas les termes de votre engagement. Votre empressement à obtenir immédiatement une place qui aurait pu être la vôtre dans quelques années est en lui-même tout à fait anormal et contraire aux intérêts de l'association. Les moyens employés ci-dessous décrits sont purement et simplement anormaux et inacceptables. Avec le recul, en tout état de cause, la présidence et les membres du Conseil d'Administration renouvelé considèrent que votre mode de management humain vis-à-vis du personnel, des résidents, des tiers et des administrations est en tout état de cause incompatible avec l'exercice de pouvoirs de direction à ce niveau. A ce titre, par exemple, nous constatons que le site internet de la Villa n'est toujours pas finalisé à ce jour, alors que cela constituait l'une de vos tâches techniques principales pour le développement de la maison familiale de vacances. 3 Dénigrement et man'uvres anormales en interne Dans le dessein de favoriser votre propre situation et d'accélérer votre évolution personnelle dans notre structure, vous avez créé, favorisé et développé une mésentente générale en divisant pour régner, en dénigrant les uns et les autres dès lors qu'ils n'allaient pas dans votre sens, en instrumentalisant tels ou tels membres du Conseil d'Administration, profitant des faiblesses d'une organisation associative telle que la nôtre qui impose la coexistence d'organes techniques de direction salariés et de membres élus et d'une Présidence élue. A ce titre et parmi les actes qui ont été découverts récemment l'on peut citer :- Le 23 décembre 2008, compte tenu de votre absence, mademoiselle [A] a accepté de témoigner du fait que, sous pression de perdre sa place en

hébergement, vous l'avez obligée à porter des accusations graves de harcèlement sexuel contre monsieur [F] vis-à-vis de [HS], créant ainsi un incident fictif à reprocher à ce très ancien salarié qui n'a pas l'heur d'être conforme à l'idée que vous vous faites du personnel de cuisine que vous souhaiteriez. Cette accusation a entraîné des effets très graves au plan personnel et familial pour ce monsieur et une grande mésentente et des rumeurs dans notre maison. - En lien avec ce qui précède nous avons reçu pour la première fois en décembre 2008, émanant de la CFDT SODEXO, un procès-verbal d'entretien interne à notre prestataire et partenaire fidèle par ailleurs, SODEXO, entretien auquel vous avez insisté pour participer faisant là encore pression sur les prétendus témoins et victimes. Il ressort de ce compte rendu objectif émanant de tiers que vous avez instrumentalisé l'incident [F], créé artificiellement par vous, pour mettre SODEXO en difficulté en interne au titre de nos relations contractuelles et pareillement nuire aux intérêts de Mr [I], ce dont se sont émus les rédacteurs de ce procès-verbal. - A de multiples reprises et sous de multiples formes ininterrompues jusqu'au changement de Présidence de l'association vous avez colporté des propos désobligeants, inexacts et infondés contre [H] [I] conduisant à ce que celui-ci, sur la base des comptes rendus et informations que vous avez donnés aux uns et aux autres, soit suspecté des pires forfaitures, de nature à nuire gravement à son honneur, ce qui a conduit à sa mise à l'écart provisoire que vous souhaitiez et à une proposition de modification de contrat de travail que vous avez inspirée, prévoyant de façon vexatoire qu'il devrait, surtout pour l'avenir, travailler à son domicile sans venir à la Maison Saint Camille. 4- Critiques et dénigrements en externe : Pire encore, vos critiques à l'endroit de l'ancienne direction et d'un certain nombre d'administrateurs ont franchi les portes de notre maison. Vous avez volontairement fait parvenir des informations souvent inexactes et toujours déplaisantes à nos partenaires collectivités publiques, administrations, et autres organismes privés et personnes avec qui nous sommes en relation de telle sorte que nombreux se sont émus de la situation au regard notamment de la persistance ou non des dotations qu'ils nous accordent. Le but était clairement de dénigrer l'ancienne direction et de favoriser un nouveau mode de management tant en technique salariale qu'associative, fût-ce en faisant courir des risques à notre Maison ou en contribuant à la propagation d'informations inexactes. A ce titre, fort opportunément, est intervenu un contrôle DDASS au titre du mode de personnes âgées au moment même où une Assemblée Générale était provoquée à la demande de membres de l'association émus par la situation délétère et irrationnelle que vous avez contribuée à encourager. Le comble est qu'il a été reproché à notre association l'absence d'avancée d'un projet relevant incontestablement des fonctions et compétences de la directrice opérationnelle que vous êtes. Vous aviez accepté la charge de faire évoluer ce dossier, ce que vous n'avez pas fait. Pire encore, au moment du contrôle sur place comme dans les semaines qui ont suivi, en ma qualité de nouveau Président je viens de découvrir qu'au lieu de défendre objectivement le dossier et notre maison votre attitude a consisté à dénigrer publiquement le travail fait par le Directeur Général et à apporter à ce titre des éléments incomplets et non sincères à l'organisme de contrôle. Au fil de l'évolution de ce dossier nous venons de constater que vous n'avez volontairement pas développé auprès de cet organisme un ensemble d'éléments du dossier dont par exemple un agrément provisoire. Vous avez géré ce problème non pas dans l'esprit de défense de notre Maison, mais en privilégiant votre situation personnelle allant jusqu'à dénigrer la direction auprès de membres de la famille de certains pensionnaires qui viennent de nous faire connaître qu'ils en ont été hautement choqués. Tout ceci constitue notamment une violation de l'article 6 de votre contrat. Dans ce cadre et alors que [H] [I] était, de votre fait, déstabilisé et normalement dessaisi de ses fonctions, vous avez choisi de maintenir votre départ en congés immédiatement après le contrôle et la réception d'une mise en demeure nous intimant de ne pas continuer l'hébergement, laissant en déshérence la gestion du problème technique et humain que vous n'avez pas géré par le passé et que vous avez attisé. 5 - Mésentente grave et avérée : Vous avez choisi et décidé d'entrer en conflit ouvert avec la Maison Saint Camille en n'admettant pas le jeu normal de la démocratie interne qui a conduit à un changement de Présidence et à un renouvellement des membres du Conseil d'Administration, dont vous pensez que, moins facilement qu'auparavant, vous pourrez obtenir ce que vous souhaitez à titre personnel. A ce titre la relecture attentive de vos mails, de vos courriers et notamment de votre lettre en date du 19 novembre 2008 permet d'observer que vous êtes en désaccord avec de nombreux animateurs majeurs de notre association, à savoir [Y] [N], [S] [G], et désormais moi-même à la lecture de votre lettre du 16 décembre 2008, personne ne trouvant grâce à vos yeux. Il n'est dans ces conditions pas possible de maintenir un contrat de travail qui impose un minimum de collaboration. Pareillement votre attitude, consistant à vous créer et rechercher des alliés à titre personnel, a conduit à créer, au sein de l'association, un climat de division entre les membres du personnel ce qui impose de restructurer et re- motiver les équipes dans l'intérêt non pas de tel ou tel mais dans celui de notre Maison qui est, rappelons-le, un corps associatif et social. 6 - Refus de tout dialogue et de toute solution : Après les diverses modifications intervenues et les changements notamment de Présidence il a été proposé dans un souci d'apaisement de vous maintenir l'avenant tel que proposé par l'ancienne Présidence, lequel conduisait à conforter votre position au sein de la Villa, en pensant que vous sauriez repartir sur de bonnes bases. Vous deveniez directrice à part entière, avec toutes les clés de la Maison. Nous avions obtenu de [H] [I] qu'il accepte un statut inférieur au vôtre, le statut de "Secrétaire Général". Votre refus de collaborer d'une quelconque façon avec lui ressort clairement de votre lettre, inutilement agressive, du 19 novembre 2008 de refus de l'offre faite par l'ancienne Présidence avec votre accord et sous votre impulsion. Cette offre était d'ailleurs confirmée par la nouvelle Présidence. Il faudrait que l'on licencie [H] [I] au terme de trente ans de collaboration. Et en tout état de cause vous ne voulez absolument pas travailler avec notre Conseil d'Administration dont vous contestez la composition et la qualité. Vous avez refusé par écrit et nous ne comprenons pas votre position puisque rien n'était modifié quant à votre statut. Dans ce même esprit; vous avez décidé seule de faire changer la serrure de votre bureau et êtes partie en congés comme en maladie sans en permettre l'accès pour les besoins du service. Vous avez encore refusé de venir participer à un entretien préalable prévu par la loi, lequel est précisément prévu pour mettre à plat tous les malentendus, se parler et essayer de se rapprocher.7 - Affirmation de propos grossièrement mensongers et travestissement grossier de la vérité : Vous avez osé m'adresser une lettre en date du 16 décembre 2008 qui en elle-même marque l'impossibilité de toute continuation saine de votre contrat de travail. Effectivement nous nous sommes rencontrés d'un commun accord à trois en un lieu, à votre demande, extérieur. La vérité est que vous nous avez clairement indiqué que de toute façon « JAMAIS VOUS NE REVIENDRIEZ A L'ENTREPRISE » et que pour clore le dossier « NOUS DEVIONS VOUS PAYER UN AN DE SALAIRE ». Choqués, nous vous avons répondu que cela était hors de question et que la seule chose que nous pouvions faire si vous souhaitiez partir, puisque vous étiez déçue de la tournure prise démocratiquement dont vous considériez qu'elle n'était pas conforme à vos intérêts, était que nous vous dispensions de l'exécution d'un préavis que visiblement vous ne voulez pas exécuter outre le paiement de votre encours soit quatre mois qui, sous vérification à opérer, pouvait vous être dû. Le contenu de votre lettre de pure stratégie est là encore déloyal et dénué de toute éthique élémentaire outre qu'il est anormalement menaçant à titre personnel à mon égard, alors que j'ai toujours fait montre à votre égard d'écoute et de patience. 8. Accusation artificielle de harcèlement : A travers vos derniers courriers il apparaît clairement que, souhaitant partir de votre poste, mais ne souhaitant pas démissionner, vous avez privilégié la rupture de tout dialogue et nous accusez ouvertement de harcèlement moral, en montant artificiellement votre dossier à ce titre. La réalité est que personne ne vous a jamais harcelée et que votre choix a été au début avec l'appui d'un certain nombre de personnes que vous avez ralliées à votre projet de prendre la direction générale par anticipation. Imaginant que cette perspective semblait s'éloigner vous avez décidé de ne pas continuer l'exercice de votre emploi. Une telle accusation à notre endroit rend là encore impossible une saine collaboration dont vous ne voulez en réalité plus et que vous avez refusée par écrit. Nous vous notifions donc votre licenciement pour causes réelles et sérieuses. Votre préavis d'une durée de trois mois qui commence à courir à compter de la date de première présentation de la présente ne sera rémunéré qu'à la condition qu'il soit exécuté. En l'état nous constatons que vous vous êtes fait consentir des arrêts maladie successifs que vous aviez annoncés avant qu'ils ne surviennent au demeurant, sachant que vous nous avez indiqué clairement ne plus vouloir revenir ».

Appelante, Madame [P] [L] fait valoir liminairement, que le défaut de motivation du jugement entrepris contrevient aux dispositions de l'article 455 du Code de Procédure Civile ; que l'article 458 sanctionne ce défaut de motivation par la nullité et demande à la cour de déclarer nul ledit jugement.

Au fond, elle fait valoir que dès son embauche, elle s'est trouvée en butte aux agissements déréglés de Monsieur [I], directeur général de l'association, avec qui il était prévu qu'elle partage les prérogatives de direction ; qu'il a empiété systématiquement sur son action ; que les principales missions qu'elle avait reçues étaient de « définir et conduire la mise en 'uvre du projet d'intervention sociale, piloter la déclinaison du projet associatif et des projets des différents services en adéquation avec les évolutions de l'environnement et des problématiques sociales ; garantir la qualité de l'accompagnement individuel et collectif des personnes accueillies ; animer et gérer les ressources humaines tant collectives qu'individuelles en cohérence avec la politique de l'Association ; garantir la gestion économique et financière de la structure, garantir la gestion technique et logistique » ; que cependant, elle n'a jamais été destinataire de sa fiche de poste et des moyens qui lui étaient attribués à cet effet ; que le caractère « flou » de son poste s'est révélé être un obstacle à l'exécution du contrat de travail, du fait du comportement de Monsieur [I] ; que la situation s'est singulièrement aggravée à compter du 24 avril 2008, lorsqu'elle a été rendue destinataire d'un courriel de Monsieur [C], chargé d'insertion de l'association, qui dénonçait des agissements de harcèlement sexuel commis par Monsieur [F], chef de cuisine, salarié de la société SODEXO ; que le 30 avril 2008, elle informait le Président de l'Association, Monsieur [J], de son projet de signalement des faits au Procureur de la République ; qu'or, Monsieur [I]  étant ami avec le salarié incriminé, il lui a tenu une extrême rigueur d'avoir infligé une sanction à l'intéressé ; qu'à ce climat délétère s'ajoutaient les difficultés financières de l'association; qu'ayant été finalement mise à l'écart elle dénonçait la situation par courrier recommandé du 17 juin 2008 (« En pratique je constate que sur de nombreux domaines le directeur général de l'association agit en totale autonomie sans me tenir informée de ses actions ou sans me consulter préalablement, (') en me plaçant devant le fait accompli (') le directeur général, de part ses prises de position et ses actions, s'affiche très fréquemment en opposition avec mon travail et le fait savoir ouvertement (')volonté de nuire et de dénigrer mon action auprès du personnel» ; que dans ce contexte, l'employeur prenait enfin des mesures en vue de définir le partage des fonctions et le 28 juin 2008, le Conseil d'Administration adoptait à l'unanimité une nouvelle répartition des fonctions de direction, elle-même devenant « directrice d'établissement » et Monsieur [I] « chargé de mission » ; que cependant Monsieur [I] a mis obstacle à cette décision, refusant de lui communiquer la moindre information utile ; que dans le même temps, Monsieur [I] s'employait à convaincre certains membres du Conseil d'Administration d'organiser une nouvelle Assemblée Générale extraordinaire, et obtenait gain de cause le 30 août 2008 ; qu'était alors désigné Monsieur [N] avec la mission de procéder à un « audit » ayant pour objet de « définir les fonctions et les tâches et les répartitions pour [P] [L] et [H] [I] » ; que durant cette période elle devait faire face à de très nombreuses difficultés, sa vie professionnelle devenant « invivable » ; que des problèmes de sécurité ayant également surgi, elle se voyait contrainte de les dénoncer à la DDASS, qui procédait à une inspection le 6 octobre 2008 puis le 9 octobre suivant, mettait en demeure l'association de prendre les mesures qui s'imposaient en matière de prise en charge des personnes âgées et dépendantes ; qu'un nouveau conseil d'administration se tenait alors le 11 octobre 2008, à la suite de la réception du rapport de l'audit décidé le 30 août 2008, où elle était victime de l'animosité générale et de celle de Monsieur [N], en particulier, auteur de l'audit qui énonçait dans son rapport avec partialité qu'elle devait « partir » ; qu'il était également décidé que Monsieur [I] occuperait désormais le poste de « Secrétaire Général » et qu'il serait son supérieur hiérarchique, ce qui modifiait radicalement l'économie de son recrutement ; que trois événements successifs survenaient alors ; que le 2 novembre 2008, elle était destinataire d'un courrier singulièrement virulent de Monsieur [I], qui la rendait responsable de tous les dysfonctionnements de l'association ; que le 8 novembre 2008, le Président, Monsieur [J], démissionnait, et se trouvait remplacé par le [Localité 3] [R] ; que le 19 novembre 2008, lui était soumis un avenant à son contrat de travail qu'elle refusait de signer, expliquant l'impossibilité d'occuper son poste dans un contexte de pressions avec la volonté manifeste de l'évincer ; qu'à compter du 26 novembre 2008, elle était placée en arrêt maladie en raison d'un « syndrome dépressif réactionnel, pression psychologique dans le cadre professionnel » ; qu'elle était alors convoquée par le nouveau Président dans une brasserie voisine de l'association, en présence de Monsieur [N], qui la menaçait de la faire « souffrir financièrement et moralement » si elle refusait la proposition indemnitaire qui lui était faite en contrepartie de son départ de la structure ; que c'est dans ce contexte que survenait la rupture du contrat de travail.

En premier lieu, Madame [L] considère que son licenciement est nul pour non-respect de la protection dont elle bénéficiait en vertu du code de l'action sociale et des familles et du code du travail, d'une part, et du harcèlement dont elle dit avoir été l'objet, d'autre part.

Elle fait ainsi grief à son employeur d'avoir basé le licenciement sur le fait qu'elle a dénoncé des faits de harcèlement et de maltraitance dont elle a eu connaissance à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, alors qu'il pèse, tant sur les responsables que les salariés des établissements sociaux une obligation de signalement à la DDASS et au Procureur de la République des cas de maltraitante constatés dans la structure à laquelle ils sont affectés ; qu'en contrepartie, les intéressés bénéficient d'une protection spéciale ; qu'en application des dispositions de l'Article L.313-24 du Code de l'Action Sociale et des Familles, « le fait qu'un salarié ou un agent a témoigné de mauvais traitements ou privations et infligées à une personne accueilli ou relaté de tels agissements ne peut être pris en considération pour (...) décider la résiliation de contrat de travail » ; que selon l'article L.1153-3 du Code du Travail « aucun salarié ne peut être sanctionné ou licencié pour avoir témoigné des agissements de harcèlement sexuels ou pour les avoir relatés », la violation de cette règle étant la nullité de la mesure litigieuse, en vertu de l'Article L.I153-4du Code du Travail ;que dès lors qu'elle a été licenciée pour avoir dénoncé des agissements de cette nature, dont Monsieur [F] était l'auteur, la rupture du contrat de travail apparaît comme une mesure de rétorsion frappée de nullité.

Quant au harcèlement moral, elle fait valoir qu'il résulte des pièces du dossier qu'elle a été constamment mise à l'écart par Monsieur [I], ce qui l'a mise dans l'impossibilité d'exercer effectivement ses fonctions.

Elle demande à la cour de déclarer nul le jugement entrepris, de dire que l'association VILLA SAINT-CAMILLE a exécuté le contrat de travail de manière lourdement fautive et commis des agissements de harcèlement moral, en violation des dispositions des Article L.1151-1 et L.1152-2 du Code du Travail, Subsidiairement, de dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, de condamner en conséquence l'Association VILLA SAINT-CAMILLE au paiement des sommes de 20 000,00 € à titre de dommages-intérêts pour exécution lourdement fautive du contrat de travail, 100.000,00 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul, en application des dispositions de l'article L.1152-3 du Code du Travail, Subsidiairement, du dernier chef uniquement, 60 000,00 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, en application des dispositions de l'Article L.1235-5 du Code du Travail, en tout état de cause, 5 000,00 € à titre d'indemnité pour inobservation des dispositions relatives à l'information sur le droit individuel à la formation, à raison de la violation des dispositions de l'article L.6323-19 du Code du Travail, 3 000,00 € à titre d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'Article 700 du Code de Procédure Civile, de dire qu'à titre d'indemnisation complémentaire, les sommes précitées produiront intérêts de droit à compter de la demande en Justice, avec capitalisation, en application des articles 1153-1 et 1154 du Code Civil et de condamner l'association défenderesse aux dépens.

L'association VILLA SAINT CAMILLE souligne le caractère social de sa mission et indique que Monsieur [I] est un ancien membre religieux de l'Ordre qu'il a quitté pour intégrer l'établissement sous contrat de travail ; que la singularité de la maison, où cohabitent des personnes d'âge et d'horizons divers a été saluée pendant des années par l'ensemble des intervenants sociaux, mais a aussi valu à Monsieur [I], jalousie et reproches infondés ; que le patrimoine immobilier exceptionnel géré par l'association, nourrit aussi beaucoup de convoitises ; que l'institution est gérée sous forme associative avec des bénévoles, avec à sa tête un président, et par une équipe de salariés , avec à leur tête un directeur général à une certaine époque puis un directeur opérationnel et un secrétaire général ; que courant 2007, 2008 divers mouvements ont secoué l'institution ; qu'il a été décidé que Monsieur [I], directeur général, avançant en âge céderait peu à peu ses pouvoirs et que dans un premier temps il serait le garant de l'esprit et des impulsions philosophiques de la Maison avec à ses côtés un directeur opérationnel en charge de la gestion technique et administrative ; que le nouveau président, Monsieur [J], par volonté de pouvoir et d'honneurs a voulu écarter la personnalité trop en avant de Monsieur [I] et a fait entrer dans le conseil d'administration nombre de ses proches afin de se constituer une majorité agissante ; que le recrutement parmi plusieurs candidats de Madame [L] a été favorisé par son compagnon de l'époque ; que très vite Madame [L] a fait comprendre qu'elle voulait les coudées franches et qu'il lui fallait obtenir le départ de Monsieur [I] ; que Monsieur [J], Madame [L] et son conjoint M. [X] ont mis en place une stratégie consistant à isoler Monsieur [I] par discrédit auprès du personnel ; que les plus déplaisants bruits ont couru sur de faux frais, des méthodes sectaires, un autoritarisme despotique ; qu'ils ont initié une procédure de rétrogradation et de licenciement au cours de l'été 2008 contre Monsieur [I], lui ôtant tout pouvoir de gestion effective, sans consultation de quiconque ; que, profitant de leur connaissance du secteur social ils ont aussi nourri des attaques extérieures via la DDASS ; que, sous le mandat de M. [R], élu nouveau président, Madame [L] ne supportant pas la non-obtention de la direction unique de la Maison s'est alors fait placer en arrêt maladie et a refusé le poste de directrice opérationnelle.

L'association VILLA SAINT-CAMILLE demande à la cour de confirmer le jugement entrepris ; de juger que le licenciement de Mme [L] est fondé ; de rejeter ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement nul, pour exécution lourdement fautive du contrat de travail, pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, pour inobservation des dispositions relatives au DIF et celle au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle sollicite sa condamnation à lui payer la somme de 5000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et celle de 3000 € au titre de l'article 700 code de procédure civile, outre les dépens.

Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, il est renvoyé au jugement, aux pièces et aux conclusions oralement reprises à l'audience.

SUR CE, LA COUR,

Sur la motivation du jugement,

Pour toute motivation le conseil de prud'hommes s'est borné à énoncer : « à la lecture des pièces apportés au dossier et des faits le Conseil dit et juge que le licenciement pour motifs réels et sérieux est fondé. Compte tenu des circonstances de la cause, Madame [L] sera déboutée de l'intégralité de ses demandes ».

Une telle motivation ne répond pas aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile.

Dès lors, et par application de l'article 458, ce jugement sera déclaré nul, la cour statuant à nouveau sur tous les chefs de demande.

Au fond, sur le licenciement,

1. L'association VILLA SAINT CAMILLE prétend que le nouveau Président [J] a accompagné la candidature de Mme [L] ; que celle-ci, par simulacre, a déposé une lettre de candidature et un curriculum vitae ; qu'en avril 2007 Mr [J] a chargé « son  ami »  [X] de l'organisation du recrutement du directeur opérationnel, commission composée de MM. [J],[D], [I] et [X] ; que M. [X] a préparé les épreuves écrites et orales, puis a vanté les qualités de Mme [L], au détriment de l'autre candidat ; que le 2 juillet 2007 Madame [L] a pris son poste, moyennant les conditions avantageuses du contrat rédigé par M. [X] ; qu'en août 2007, au décès de Mme [X] a été découverte par un petit nombre la relation personnelle qu'entretenait M. [X] avec Mme [L] puis qu'en décembre 2008 le conseil d'administration en son entier a été officiellement informé de la situation ; que M. [D] reconnaît dans un e-mail que cela le gêne.

Mais, l'association procède par voie d'affirmation, aucun élément n'établissant qu'une autre candidature a été anormalement écartée au profit de celle de Mme [L] et aucune pièce du dossier ne donnant corps à l'allégation selon laquelle Mme [L] entretenait une relation avec Monsieur [X] à l'époque de son recrutement.

De plus, les diplômes, le parcours professionnel diversifié de Mme [L] tel qu'il résulte de son curriculum vitae (p.4), la participation personnelle de M. [I] au processus de sélection des candidats (p.7), le caractère collégial des instances devant lesquelles ont été débattus les mérites des différentes candidatures ( p.11), le rapport argumenté et précis, long de deux pages déposé par M. [X] pour l'appréciation de la candidature [L] par les personnes en situation de décider (p.10), sont autant d'éléments qui autorisent Mme [L] à soutenir devant la cour que le processus de son recrutement, long et complexe, mis en 'uvre par l'Association VILLA SAINT CAMILLE n'a pris en compte que ses mérites et exclut que Monsieur [X] ait pu manipuler Monsieur [I] ou quiconque dans le dessein de promouvoir sa candidature.

Le grief n'est donc pas fondé.

2. L'association VILLA SAINT-CAMILLE fait valoir que jusqu'en mars 2008, Mme [L] terminant sa thèse n'a guère été disponible pour son travail ; qu'ensuite les activités se sont délitées avec la complaisance de M. [J] ; qu'elle n'a pas respecté les termes de l'embauche, a dénoncé tout et n'importe quoi, créant de faux problèmes. Elle vise les pièces 61,85, 90, 91, 92 et 93. Elle indique que pour mieux nuire à Mr [I] elle a suggéré à de multiples intervenants de se plaindre et vise les pièces 81 et 82 ; que préoccupée de satisfaire son ambition elle n'a pas effectué ses missions et a tout laissé « en chantier » (pièce 113) ; que sa première mission de finalisation du site internet a été totalement en déshérence.

Toutefois, les pièces produites, constituées par des échanges de courrier et par un compte-rendu du conseil d'administration, ne révèlent aucune anomalie et ne démontrent pas le grief.

En particulier, il ne résulte d'aucun élément que le courrier de mécontentement d'un usager, Mme [Z] en pièce 81 soit dû à l'initiative de Mme [L].

Il en est de même du courrier partiellement illisible des époux [K] en pièce 82.

Quant à la pièce 113 constituée par un e-mail de M. [B] à Mme [I] à propos du site Internet de la Villa Saint-Camille, elle est un élément isolé qui ne prouve pas le manquement allégué de Mme [L].

À l'inverse, Mme [L] produit une série de pièces dont il résulte qu'elle a incontestablement consacré du temps à la mise en place du site Internet de l'Association, le projet ayant été cependant retardé par l'arrêt-maladie d'un informaticien.

En toute hypothèse, l'employeur ne soutient ni n'établit qu'il a adressé des reproches à la salariée pour ses manquements en ce domaine dans le cours de l'exécution du contrat de travail.

Le grief n'est pas davantage établi.

3. L'association VILLA SAINT CAMILLE indique qu'au cours du conseil d'administration du samedi 28 juin 2008, Mme [L] a développé un certain nombre de griefs contre M. [H] [I], hors sa présence ;qu'après un simulacre de vote, Mme [L] était nommée directrice d'établissement et M. [H] [I], chargé de mission, décision purement vexatoire ; que le 30 août 2008, devant la levée de boucliers des administrateurs s'étant rendu compte de la manipulation, l'avenant de «chargé de mission » de M. [H] [I], refusé par lui, était annulé et remplacé par une proposition de poste de secrétaire général, Mme [L], dont les man'uvres finissaient par échouer, se voyant proposer quant à elle le poste technique de « directrice d'établissement ».

L'association VILLA SAINT CAMILLE prétend aussi que Madame [L] a « obligé » une jeune femme à dénoncer des faits de prétendu harcèlement sexuel de la part d'un salarié, chef de cuisine mis en place par la SODEXO ; que « terrifiée », la salariée avouera avoir subi cette pression en décembre 2008 ;que la CFDT SODEXO a alors alerté courant décembre 2008 le conseil d'administration sur les problèmes créés par Mme [L] afin de nuire à l'association ; que M. [F], visé à tort, a été muté du fait des accusations gravissimes de Madame [L].

Mais la décision de redéfinir les pouvoirs au sein de la direction  a été prise par le Conseil d'Administration du 28 juin 2008, instance collégiale composée ce jour-là de 13 membres et après audition de M. [I], aucun élément n'étayant l'affirmation selon laquelle cette décision a été le fruit d'un dénigrement imputable à Mme [L] ou d'une instrumentalisation des membres du conseil d'administration, la salariée s'appuyant quant à elle sur plusieurs attestations pour soutenir, à l'inverse, qu'elle a elle-même fait l'objet d'une campagne de dénigrement menée par Monsieur [I], destinée à provoquer son départ ; qu'ainsi Monsieur [M], salarié de la structure, témoigne qu'elle était qualifiée par Monsieur [I] de « poule de luxe ayant bénéficié d'une promotion canapé », et de «tueuse souhaitant licencier le personnel sous-qualifié » ; qu'un résident de l'établissement, Monsieur [O], atteste qu'elle n'a jamais dénigré le Directeur Général, qui au contraire, menait « une propagande massive ».

Quant à l'accusation de dénigrement en externe, elle est tout aussi infondée , puisqu'en effet, dans la position qui était la sienne, Mme [L] ne pouvait méconnaître les faits de harcèlement sexuel qui lui ont été rapportés par Monsieur [W] [C], salarié de l'association dans une lettre édifiante datée du 24 avril 2008 dans laquelle celui-ci indique avoir recueilli la plainte de Mlle [HS] [V] contre M. [F] pour harcèlement sexuel et les déclarations de cette dernière quant au comportement souvent obscène de ce salarié envers Mademoiselle [A] tant par gestes que par paroles( « regardez-moi ce cul, j'en mangerai, c'est comme la gélatine(') Qu'est-ce que tu penses du cul de [T] ' » pièce 18).

D'ailleurs, sur la base des déclarations concordantes de M. [C] et de Mme [V], auxquels se sont ajoutés dans un premier temps les déclarations très circonstanciées de Mademoiselle [A], la société SODEXO n'a pas hésité à prononcer une sanction disciplinaire contre son salarié, sans qu'aucun élément n'en établisse le caractère excessif ou arbitraire, comme cela est dit par l'association.

Quant au document établi durant le mois de décembre 2008 par le syndicat CFDT de la société SODEXO, dont excipe l'employeur, il n'a pas la portée que celui-ci lui donne dans ses rapports avec la société SODEXO, ayant été rédigé par le délégué syndical régional de la section syndicale CFDT, qui s'est exprimé en sa qualité de représentant du personnel et non pour le compte de l'entreprise SODEXO.

L'association VILLA SAINT-CAMILLE reproche également à Mme [L] d'avoir transmis à la DDASS un dossier à charge contre Monsieur [I] ; d'avoir rencontré la DDASS dans le cadre de réunions informelles dissimulées au conseil d'administration; d'avoir téléguidé d'autres contrôles administratifs ; d'avoir dénoncé M. [I] et l'association, son employeur ,pour des mauvais traitements à des personnes âgées qui étaient le plus souvent anciens bénévoles s'étant dévoués pour l'association, résidant sur place et qu'il était impossible de chasser du jour au lendemain sans leur porter un coup fatal. Elle fait valoir que toutes les familles sont entrées en divergence de vue avec Madame [L] sur le sujet ; qu'en définitive, le tribunal correctionnel a prononcé une relaxe et fustigé l'attitude de Madame [L] qui était d'ailleurs gestionnaire du service et que Mme [L] ne verse à titre d'attestations que des témoignages de ceux qui ont été ses complices dans ses man'uvres.

Mais, le caractère calomnieux des avis donnés aux administrations n'est pas avéré, pas plus qu'il n'est sérieusement établi que Mme [L] a pesé d'un poids quelconque dans la rédaction du rapport sévère de la DASS, exagérément qualifié de « brulot inobjectif et gravement inexact » dans les écritures de l'association ou sur la décision du procureur de la République de [Localité 2] d'engager des poursuites pénales contre l'association et M.[I] pour « accueil de personnes âgées dépendantes dans un établissement d'hébergement non conventionné ».

De fait, Mme [L] avait été alertée par des salariés de l'association, qui s'étaient émus des conditions de séjour de Madame [E], résidente âgée de 87 ans, dont la sécurité n'était pas assurée.

À défaut pour Monsieur [I], alerté à plusieurs reprises, de remédier à cette situation , elle n'a eu d'autre choix que d'alerter les autorités compétentes.

Au regard des pièces produites, elle est fondée à soutenir qu'elle n'était donc pas animée d'une intention de nuire, mais du seul souci de protéger les salariés et résidents de l'association.

L'association VILLA SAINT CAMILLE prétend également que Madame [L] n'a pas admis le fonctionnement démocratique de l'association ; qu'elle a entretenu la mésentente dans l'établissement ; qu'elle a refusé tout dialogue et toute solution à la crise qui est survenue, persistant dans la poursuite de son ambition démesurée ; que dans les semaines précédant son licenciement elle a exigé un rendez-vous dans un bar et a émis la prétention de percevoir une somme transactionnelle correspondant à 12 mois de salaire ; qu'elle a remplacé la serrure de son bureau ; que tout de suite après, bénéficiant d'arrêt maladie de complaisance elle a osé écrire en travestissant la vérité.

Mais, Mme [L] est en désaccord sur les circonstances de la rencontre dans un bar qui, en soi, ne peut constituer un grief à prendre en compte dans le cadre d'un licenciement.

Quant aux autres reproches, il ne s'agit que d'allégations non appuyées d'éléments tangibles.

En revanche, les pièces du dossier établissent qu'il existait des difficultés graves avant l'embauche de Mme [L] au sein de l'association ; que ce contexte conflictuel était lié pour partie au départ de l'ancienne directrice, Madame [I], épouse du directeur général ; qu'en raison de l'ampleur de la dégradation de la situation, le conseil d'administration a mandaté un intervenant extérieur, Monsieur [U], afin d'élaborer un nouveau projet de direction, l'évidence étant que deux clans se faisaient face avec hostilité réciproque.

Dès lors, c'est à juste titre que Madame [L] soutient que son licenciement est nul pour non-respect de la protection dont elle bénéficiait en vertu du code de l'action sociale et des familles et du code du travail.

En effet, pour avoir basé son licenciement sur le fait qu'elle a dénoncé des faits de harcèlement et de maltraitance dont elle a eu connaissance à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, alors qu'il pèse, tant sur les responsables que les salariés des établissements sociaux une obligation de signalement à la DDASS et au Procureur de la République des cas de maltraitante constatés dans la structure à laquelle ils sont affectés, l'employeur a contrevenu aux dispositions de l'article L.313-24 du Code de l'Action Sociale et des Familles, « le fait qu'un salarié ou un agent a témoigné de mauvais traitements ou privations et infligées à une personne accueilli ou relaté de tels agissements ne peut être pris en considération pour (...) décider la résiliation de contrat de travail ».

Il a également méconnu l'article L.1153-3 du Code du Travail « aucun salarié ne peut être sanctionné ou licencié pour avoir témoigné des agissements de harcèlement sexuels ou pour les avoir relatés », la violation de cette règle étant la nullité de la mesure litigieuse, en vertu de l'Article L.1153-4 du Code du Travail.

Par ailleurs, l'analyse des éléments produits devant la cour, à laquelle il vient d'être procédé dans le cadre de l'examen du bien-fondé du licenciement de Mme [L], témoigne de ce que, loin de s'être vu reconnaître le bénéfice des actions qu'elle a menées dans l'intérêt de l'association, elle a fait l'objet d'accusations infondées et de menées hostiles destinées à l'écarter de toute responsabilité et de propos diffamants, ce dont elle s'est ouverte à son employeur, sans succès, à de multiples reprises.

Ainsi qu'elle l'indique, elle a dû subir un traitement médical consécutif à un « syndrome dépressif réactionnel», directement lié aux conditions de travail qui lui étaient imposées, tous éléments caractérisant harcèlement moral.

Son licenciement est donc nul  et la demande reconventionnelle de l'employeur parfaitement infondée.

Sur les demandes,

En conséquence du harcèlement moral dont elle a été victime, Mme [L] est fondée à obtenir l'allocation d'une somme de 10.000 €, en réparation du préjudice subi.

Lorsqu'un licenciement est nul et que le salarié concerné ne sollicite pas sa réintégration, comme en l'espèce, le salarié est en droit d'obtenir des dommages-intérêts qui ne peuvent être inférieurs à douze mois de salaire, la disposition applicable étant codifiée à l'article L.1235-11 du Code du Travail.

En, conséquence, il sera alloué à ce titre à Mme [L] la somme de 55 000 €, à titre de dommages-intérêts.

Mme [L], fait valoir que, contrairement aux obligations qui étaient les siennes en la matière, l'employeur n'a pas fait figurer sur la lettre de licenciement la mention relative au droit individuel à la formation ; que pourtant elle avait acquis 20 heures à ce titre, en raison de son ancienneté d'un an et demi à la date de la rupture du contrat de travail ; qu'elle a été privée de la possibilité de bénéficier d'une formation, d'une validation des acquis de l'expérience ou d'un bilan de compétence durant le préavis ; que ceci lui cause nécessairement un préjudice qui doit être liquidé à la somme de 5000 €, à titre de dommages intérêts.

L'association réplique que Mme [L] a été licenciée le 22 janvier 2009 et que l'obligation de mentionner dans la lettre de licenciement les heures acquises au titre du DIF date de la loi n°2009-1437 du 24 novembre 2009, donc postérieurement au licenciement.

Mais, selon les dispositions de l'article L6323-18 du code du travail alors en vigueur au moment du licenciement, l'employeur avait l'obligation d'informer le salarié, dans la lettre de licenciement «  de ses droits en matière de droit individuel à la formation, notamment de la possibilité de demander pendant le préavis à bénéficier d'une action de bilan de compétences, de validation des acquis de l'expérience ou de formation ».

Le non-respect de cette obligation par l'employeur a nécessairement causé un préjudice à la salariée, qui sera indemnisée par l'allocation d'une somme de 500 €, à titre de dommages-intérêts.

Il n'y a pas lieu d'accorder une indemnisation complémentaire, sous forme d'intérêts à compter de la saisine du conseil de prud'hommes.

L'association Villa SAINT CAMILLE sera condamnée à payer à Mme [L] la somme de 1500 €, au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile et sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement et contradictoirement, en matière prud'homale.

PRONONCE la nullité du jugement,

STATUANT à nouveau,

DIT que le licenciement de Mme [P] [L] est nul,

CONDAMNE l'association VILLA SAINT CAMILLE à payer à Mme [P] [L], à titre de dommages-intérêts, la somme de 10 000 €, en réparation du préjudice causé par le harcèlement moral, la somme de 55 000 €, en réparation du préjudice causé par le licenciement nul, la somme de 500 €, en réparation du préjudice causé par l'absence de mention dans la lettre de licenciement du droit individuel à la formation, la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

REJETTE toute autre demande,

CONDAMNE l'association VILLA SAINT CAMILLE aux dépens,.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 17e chambre b
Numéro d'arrêt : 10/22468
Date de la décision : 15/05/2012

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 7B, arrêt n°10/22468 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-05-15;10.22468 ?
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