COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
1re Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 29 MAI 2012
L.A.
N° 2012/
Rôle N° 11/12116
[D] [F]
SCP [F]
C/
[O] [Z] [E] veuve [W]
[M] [X]
[N] [L] [V] épouse [X]
SCI [T]
[B] [A]
[Y] [A]
[J] [K]
Grosse délivrée
le :
à :Badie
Boulan
la SCP JOURDAN - WATTECAMPS
la SCP TOLLINCHI - PERRET-VIGNERON - BARADAT-BUJOLI-TOLLINCHI
la SCP COHEN-GUEDJ
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 14 Juin 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 07/2792.
APPELANTS
Maître [D] [F]
demeurant [Adresse 8]
représenté par la la SCP BADIE, SIMON-THIBAUT et JUSTON, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, constituée aux lieu et place de SCP MJ DE SAINT FERREOL ET COLETTE TOUBOUL, avoués
assisté par Me Guy FERREBOEUF, avocat au barreau de GRASSE
S.C.P [F] agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice y domicilié, [Adresse 14]
représenté par la la SCP BADIE, SIMON-THIBAUT et JUSTON, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, constituée aux lieu et place de SCP MJ DE SAINT FERREOL ET COLETTE TOUBOUL, avoués
assisté par Me Guy FERREBOEUF, avocat au barreau de GRASSE
INTIMES
Madame [O] [Z] [E] veuve [W]
née le [Date naissance 6] 1926 à [Localité 16] (MAROC), demeurant Chez Madame [Adresse 13]
représentée par la SELARL BOULAN / CHERFILS / IMPERATORE, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, constitué aux lieu et place de la SCP BLANC CHERFILS, avoués
assistée par Me Danielle CHARRA, avocat au barreau de GRASSE
Monsieur [M] [X]
né le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 11] (ALLEMAGNE), demeurant [Adresse 2]
représenté par la SCP J F JOURDAN - P G WATTECAMPS, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assisté par Me Marcel SICARD, avocat au barreau de GRASSE
Madame [N] [L] [V] épouse [X]
née le [Date naissance 7] 1971 à [U] (ALLEMAGNE), demeurant [Adresse 3]
représentée par la SCP J F JOURDAN - P G WATTECAMPS, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assistée par Me Marcel SICARD, avocat au barreau de GRASSE
S.C.I .[T] prise en la personne de son représentant légal en exercice y domicilié, [Adresse 9]
représentée par la SCP TOLLINCHI PERRET VIGNERON, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
assistée par Me Letterio SETTINERI, avocat au barreau de GRASSE
Monsieur [B] [A]
né le [Date naissance 5] 1960 à [Localité 10], demeurant [Adresse 9]
représenté par la SCP TOLLINCHI PERRET VIGNERON, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assisté par Me Letterio SETTINERI, avocat au barreau de GRASSE
Madame [Y] [A]
née le [Date naissance 4] 1963 à [Localité 17], demeurant [Adresse 9]
représentée par la SCP TOLLINCHI PERRET VIGNERON, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assistée par Me Letterio SETTINERI, avocat au barreau de GRASSE
Maître [J] [K],
demeurant [Adresse 15]
représenté par la SCP COHEN GUEDJ, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assisté par Me GENISSIEUX, avocat au barreau de BASTIA
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 17 Avril 2012 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, M.LACROIX-ANDRIVET, Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Jean-Paul LACROIX-ANDRIVET, Président
Monsieur Jean VEYRE, Conseiller
Madame Anne VIDAL, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mademoiselle Patricia POGGI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 Mai 2012
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 Mai 2012,
Signé par Monsieur Jean-Paul LACROIX-ANDRIVET, Président et Mademoiselle Patricia POGGI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Vu le jugement rendu entre les parties le 14 juin 2011 par le Tribunal de Grande Instance de GRASSE ayant dit que Maître [F] avait commis une faute à l'origine du préjudice allégué par Madame [E], débouté cette dernière de ses autres demandes et commis un expert pour déterminer la valeur de l'immeuble vendu,
Vu la déclaration d'appel du 7 juillet 2011 de Maître [D] [F],
Vu les conclusions récapitulatives déposées le 12 avril 2012 par cette dernière,
Vu les conclusions récapitulatives déposées le 27 mars 2012 par Maître [J] [K],
Vu les conclusions déposées le 12 mars 2012 par Madame [O] [E],
Vu les conclusions déposées le 13 janvier 2012 par les époux [X],
Vu les conclusions déposées le 7 décembre 2011 par la SCI [T] et Monsieur et Madame [A],
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 17 avril 2012,
SUR CE,
Attendu que, par acte authentique reçu les 30 juin et 2 juillet 1998 en l'étude de Maître [D] [F], les époux [X] ont acquis, moyennant le prix de 750.000 francs, une propriété appartenant à Madame [E] qui est domicilié au Canada et qui était représentée à l'acte par Monsieur [P] en vertu d'une procuration établie le 26 juin 1998 devant Maître [J] [K], notaire à [G] ;
Que, par acte reçu le 26 mars 1999 en l'étude de Maître [S] avec le concours de Maître [F] les époux [X] ont revendu le bien à la SCI [T] représentée par son gérant, Monsieur [A], moyennant le prix de 830.000 francs ;
Qu'ayant appris la vente de sa propriété à son insu, Madame [E] a déposé plainte pour escroquerie devant le doyen des juges d'instruction du Tribunal de Grande Instance de GRASSE ;
Que cette procédure a abouti à la condamnation d'un sieur [C] devant le Tribunal Correctionnel de GRASSE et à un arrêt du 14 mars 2007 sur intérêts civils condamnant Monsieur [P] à payer la somme de 150.000 euros à titre de dommages-intérêts à Madame [E] en réparation de son préjudice moral et ayant sursis à statuer sur son préjudice matériel dans l'attente d'une décision dans l'instance civile qu'elle avait engagée parallèlement ;
Attendu que le jugement dont appel a rejeté l'action en revendication de Madame [E], dit qu'aucune faute ne pouvait être retenue à l'encontre de Maître [K] et que Maître [F] avait commis des fautes en ne vérifiant pas le domicile du vendeur et en ne réclamant pas la délivrance du titre de propriété, fautes qui ont permis de passer l'acte de vente des 30 juin et 2 juillet 1998 ;
Sur le faux
Attendu que, devant la Cour, la recevabilité de l'inscription de faux incidente formée par Madame [E] n'est plus discutée ;
Attendu sur le fond qu'il convient de rappeler qu'aux termes de l'article 307 du Code de procédure civile, le juge se prononce sur le faux à moins qu'il ne puisse statuer sans tenir compte de la pièce arguée de faux ;
Qu'en l'espèce c'est pour des motifs pertinents que la Cour adopte que le tribunal a été en mesure de statuer sans tenir compte de la pièce arguée de faux ;
Sur l'action en revendication
Attendu que s'il n'est pas contesté que Madame [E] n'avait pas consenti aux ventes litigieuses, il lui incombe en outre de démontrer que le vendeur avait toutes les apparences du propriétaire aux yeux de l'acquéreur ;
Attendu que, pour caractériser la mauvaise foi de la SCI [T] et des époux [A], Madame [E] invoque en premier lieu le caractère dérisoire du prix de vente, soit 850.000 francs ;
Qu'elle fait notamment valoir qu'un agent immobilier, Monsieur [H], lui avait précédemment proposé un prix de 5 millions de francs ;
Mais attendu qu'il ressort du procès-verbal d'audition qu'elle verse elle-même aux débats (pièce n°16-22) que ce dernier avait fait cette proposition car il croyait que le POS lui permettrait de créer trois lots sur la propriété ;
Qu'il précise qu'ultérieurement, soit en mai 1998, il a refusé d'acquérir au prix de 1,2 millions de francs dans la mesure où, renseignement pris auprès de la mairie, seul était possible un agrandissement de la maison de l'ordre de 60 m² ;
Qu'ainsi, à supposer même que le versement en espèces allégué par la SCI [T] ne soit pas justifié, il n'est pas établi que le prix réglé par celle-ci était dérisoire ;
Attendu que c'est également en vain que Madame [E] reproche à Monsieur [A] son attitude au cours de l'instruction, en ce que le seul fait d'estimer opportun de préparer son audition avec son conseil ne saurait, à l'évidence suffire à établir sa mauvaise foi ;
Qu'elle ne peut davantage lui reprocher d'avoir répondu à la sommation interpellative par l'intermédiaire de son avocat ;
Attendu de même qu'elle ne peut sérieusement s'étonner de ce que Monsieur [A] connaisse son nom et qu'elle se prétende légitime propriétaire de l'immeuble acquis par lui puisque c'est elle qui a fait délivrer la sommation interpellative du 28 juillet 1999 (pièce n°3), laquelle mentionne expressément sa qualité de propriétaire de la villa 'les syrtes' ;
Qu'au vu de l'ensemble de ces éléments c'est à bon droit que le tribunal a débouté Madame [E] de son action en revendication, étant ici rappelé que ni les époux [X] ni les époux [A] n'ont été condamnés ni même poursuivis au cours de l'instance pénale ;
Sur la responsabilité des notaires
Attendu que Madame [E] reproche en premier lieu à Maître [F] de ne pas avoir vérifié l'identité du vendeur, à savoir Madame [W], son conjoint étant intervenant à l'acte, et qu'elle ne peut s'abriter derrière le fait que la procuration a été reçue par Maître [K] et non par elle-même dès lors que c'est elle qui l'avait préparée ;
Mais attendu que ce fait, au demeurant non contesté et conforme à la pratique notariale ne suffit pas à caractériser une faute à son encontre ;
Qu'en effet ce n'est pas elle mais son confrère de [G] qui a reçu le couple prétendument [W] qui a eu en mains leur carte d'identité, dont il a fait une photocopie, avant de leur faire signer la procuration ;
Que, dans ces conditions, rien ne permettait à Maître [F] de penser que s'étaient présentées devant son confrère des personnes qui n'étaient pas Monsieur et Madame [W] alors que, par hypothèse, elle n'a jamais été en présence de ceux-ci ;
Attendu de même que Madame [E] est mal fondée à lui reprocher de ne pas avoir communiqué plus tôt l'acte de vente de 1957 alors que, se prétendant légitime propriétaire, elle devait elle-même en détenir un exemplaire ;
Qu'il est vrai que cet acte (pièce n°18) ne manque pas d'intérêt puisque Madame [E] n'était pas présente lors de sa signature, s'étant fait représenter par un clerc de l'étude notariale ;
Qu'ainsi, quand bien même Maître [F] se serait-elle procuré cet acte avant de recevoir celui des 30 juin et 2 juillet 1998, elle n'aurait pas été en mesure de comparer les signatures de Madame [E] ;
Attendu que, pour les motifs exposés plus haut, le prix de vente n'était pas davantage susceptible d'attirer son attention et qu'enfin les conditions de paiement, qualifiées d'anormales par Madame [E], sont à l'évidence sans incidence sur l'usurpation d'identité du vendeur et ce d'autant plus que les anomalies allégués émanaient de l'acquéreur ;
Qu'il convient dans ces conditions de réformer de ce chef la décision querellée ;
Attendu que, s'agissant de Maître [K], c'est en vain que Madame [E] soutient qu'il aurait du faire preuve d'une plus grande prudence compte tenu de la réputation de Monsieur [C] de l'apparence des fausses pièces d'identité produites, de la législation de la signature de la fausse Madame [W] pour un règlement de 130.000 francs en espèces et du choix d'un notaire en Haute-Corse ;
Attendu que, s'agissant du chevauchement de la signature du délégué du préfet sur la 'Marianne' apposée sur les CNI, il convient de relever que cette affirmation n'est vraie que pour la fausse CNI au nom de Monsieur [W] (pièces n°16-23) mais non pour la fausse CNI au nom de Madame [E] et qu'il en va de même pour leurs vrais documents d'identité ;
Que cette première affirmation est donc sans valeur probatoire ;
Attendu par ailleurs que Madame [E] n'établit pas que Maître [K] connaissait la réputation de Monsieur [C] qui ressort seulement de l'enquête pénale diligentée postérieurement ;
Qu'elle ne démontre pas davantage que le notaire savait, au moment où il a légalisé la signature de Madame [E], que le versement de 130.000 francs avait été effectué en espèces ;
Qu'enfin l'intervention d'un notaire de Haute Corse a pu apparaître plausible à Madame [K] dès lors qu'il lui avait été indiqué que les mandants étaient en vacances à [Localité 12] ;
Attendu qu'au vu de ce qui précède les différentes demandes de garantie et la mesure d'instruction ordonnée par le premier juge devienne sans objet ;
Attendu qu'aucune considération d'équité ne commande l'application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a dit que Maître [F] avait commis une faute et commis Madame [R] comme expert,
Statuant à nouveau de ces seuls chefs,
Déboute Madame [O] [E] veuve [W] de ses demandes à l'encontre de Maître [F],
Dit n'y avoir lieu à mesure d'instruction,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamne Madame [E] aux dépens de première instance et d'appel dont distraction dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,