La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/05/2012 | FRANCE | N°10/20118

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 10e chambre, 30 mai 2012, 10/20118


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

10e Chambre



ARRÊT AVANT DIRE DROIT

DU 30 MAI 2012



N° 2012/242













Rôle N° 10/20118







[J] [L]





C/



[Y] [B]

AXA FRANCE

LE COMITE REGIONAL D'EQUITATION ALPES COTE D'AZUR





















Grosse délivrée

le :

à :

















Décision déférée Ã

  la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 14 Octobre 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 09/03009.





APPELANTE



Madame [J] [L]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 10

née le [Date naissance 3] 1989 à [Localité 8] ([Localité 8]), demeurant [Adresse 7]

représentée p...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

10e Chambre

ARRÊT AVANT DIRE DROIT

DU 30 MAI 2012

N° 2012/242

Rôle N° 10/20118

[J] [L]

C/

[Y] [B]

AXA FRANCE

LE COMITE REGIONAL D'EQUITATION ALPES COTE D'AZUR

Grosse délivrée

le :

à :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 14 Octobre 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 09/03009.

APPELANTE

Madame [J] [L]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 10

née le [Date naissance 3] 1989 à [Localité 8] ([Localité 8]), demeurant [Adresse 7]

représentée par la SCP BOISSONNET ROUSSEAU, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistée de Me Marie-claire ROCA, avocat au barreau de GRASSE

INTIMEES

Madame [Y] [B]

née le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 18] ([Localité 18]), demeurant Le Haras de l'Espinette [Adresse 6]

représentée et assistée par Me Lauriane COUTELIER, avocat au barreau de TOULON

AXA FRANCE, prise en la personne de son représentant légal en exercice, [Adresse 2],

représentée par la SELARL BOULAN / CHERFILS / IMPERATORE, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE constitué aux lieu et place de la SCP BOTTAI GEREUX BOULAN, avoués

assistée de la ASS LEVY-BOUCLON, avocats au barreau de TOULON,

LE COMITE REGIONAL D'EQUITATIONALPES COTE D'AZUR, prise en la personne de son représentant légal en exercice, Maison des sports - [Adresse 11]

représentée par la SELARL LIBERAS BUVAT MICHOTEY, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

ayant Me Patrick K. DE CHESSE, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 10 Avril 2012 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Laure BOURREL, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Mme Brigitte VANNIER, Présidente

Madame Laure BOURREL, Conseiller

Madame Patricia TOURNIER, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Geneviève JAUFFRES.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Mai 2012

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Mai 2012,

Signé par Mme Brigitte VANNIER, Présidente et Madame Geneviève JAUFFRES, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Faits, procédure, moyens et prétentions des parties

Le 31 Mai 2008, pendant la manifestation équestre Jump'Var qui se déroulait sur l'hippodrome de [Localité 12] (83), était organisé par Mme [Y] [B] qui exploite en nom personnel le Haras de l'Espinette à [Localité 17] (83), le championnat départemental de la Fédération française d'équitation de Barrel Racing.

À l'issue des épreuves, Mme [Y] [B] a organisé une course de vitesse à laquelle a participé Mme [J] [L] avec le cheval [R].

Après la ligne d'arrivée, Mme [J] [L] et son cheval [R] ont violemment percuté Mme [Y] [B] et son cheval [P] qui était au trot et s'était positionnée à cet endroit afin de ralentir les cavaliers ayant participé à la course.

Compte tenu de la nature de ses blessures, le cheval [P] a dû être euthanasié, et Mme [J] [L] et son cheval [R] ont été blessés.

Par exploit du 27'mai 2009, sur le fondement des articles 1382, 1383 et 1385 du Code civil, Mme [Y] [B] a assigné Mme [J] [L] et l'assureur de celle-ci, la compagnie Axa France, afin que soit constatée la responsabilité de plein droit de Mme [L], que Mme [L] et la compagnie Axa France soient condamnées solidairement à lui payer la somme de 15'945,53 € au titre de son préjudice matériel, celle de 10'000 € au titre de son préjudice moral, celle de 5'000 € pour résistance abusive ainsi que la somme de 3500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La compagnie Axa France a appelé en garantie le comité régional d'équitation Provence Alpes Côte d'Azur par exploit du 28 septembre 2009 et a dénié devoir sa garantie à Mlle [J] [L].

Mme [J] [L] a conclu que seule la responsabilité contractuelle était applicable, a sollicité le débouté de Mme [Y] [B], subsidiairement elle a conclu que la faute commise par Mme [Y] [B] l'exonérait à hauteur de 80 %, que la compagnie Axa France soit condamnée à la relever et garantir des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre, et reconventionnellement, elle a demandé à ce que Mme [Y] [B] et le comité régional d'équitation Provence Alpes Côte d'Azur soient condamnés in solidum à lui payer la somme de 7'000 € au titre de son préjudice matériel et celle de 7'000 € au titre de son préjudice moral outre la condamnation de Mme [Y] [B] à lui payer la somme de 5'000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le comité régional d'équitation Provence Alpes Côte d'Azur ne s'est pas fait représenter en première instance.

Par déclaration du 9 novembre 2010, Mme [J] [L] a relevé appel du jugement du tribunal de grande instance de Toulon du 14 octobre 2010 qui l'a condamnée à payer à Mme [Y] [B] la somme de 10'484,84 € à titre de dommages et intérêts, toutes causes de préjudice confondues, et la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'a condamnée à payer à la compagnie Axa France la somme de 800 € au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux dépens, a débouté les parties de leurs autres demandes et a ordonné l'exécution provisoire.

Par ordonnance du 11 octobre 2011, le conseiller de la mise en état a débouté Mme [Y] [B] de sa demande de radiation de l'instance d'appel sur le fondement de l'article 526 du code de procédure civile, a constaté que le désistement partiel de Mme [J] [L] à l'égard du comité régional d'équitation Alpes Côte d'Azur n'était pas accepté par celui-ci, a dit que ce désistement ne pouvait en conséquence produire effet, s'est déclaré incompétent pour statuer sur la demande de dommages-intérêts formulée par le comité régional d'équitation Alpes Côte d'Azur, a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et a condamné Mme [Y] [B] aux dépens de l'incident.

Par conclusions du 9 mars 2011, qui sont tenues pour entièrement reprises, Mme [J] [L] demande à la cour de :

« Vu la jurisprudence et les pièces versées,

Vu les articles 1134, 1147, 1382, 1385 du Code civil,

Vu la police d'assurance n° 35900052794587 souscrite auprès de la société Axa France IARD,

Recevoir Mme [J] [L] en son appel.

La déclarer recevable et bien-fondée.

Ce faisant,

Réformer le jugement rendu par la deuxième chambre du tribunal de grande instance de Toulon en date du 14 octobre 2010.

En conséquence,

Faire droit aux demandes de Mlle [J] [L].

Constater que la responsabilité contractuelle de Mme [Y] [B] et du comité régional d'équitation Provence Alpes Côte d'Azur est engagée dans l'accident intervenu le 31 mai 2008.

Subsidiairement, et pour le cas où la responsabilité contractuelle de Mme [Y] [B] et du comité régional d'équitation Provence Alpes Côte d'Azur n'était pas retenue, constater que la responsabilité délictuelle de Mme [Y] [B] du comité régional d'équitation Provence Alpes Côte d'Azur est engagée dans l'accident intervenu le 31 mai 2008.

Constater que Mme [Y] [B] avait accepté les risques en se plaçant en amont de la course avec sa monture.

Constater que Mme [Y] [B] a commis une faute qui est la cause exclusive du dommage.

Par conséquent,

Constater que l'acceptation des risques encourus et la faute commise par Mme [Y] [B] exonère totalement Mlle [L] de toute responsabilité.

Condamner in solidum Mme [Y] [B] et le comité régional d'équitation Provence Alpes Côte d'Azur a versé à Mlle [J] [L] la somme de 7'000 € au titre du préjudice matériel subi.

Condamner in solidum Mme [Y] [B] et le comité régional d'équitation Provence Alpes Côte d'Azur à verser à Mlle [J] [L] la somme de 10'000 € au titre du préjudice physique subi.

Condamner in solidum Mme [Y] [B] et le comité régional d'équitation Provence Alpes Côte d'Azur à verser à Mlle [J] [L] la somme de 10'000 € au titre du préjudice moral subi.

Condamner Mlle [B] à verser à Mlle [J] [L] une somme de 3000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Condamner la compagnie Axa France à régler à Mlle [L] la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, ceux d'appel distraits comme en matière d'aide juridictionnelle. »

Par conclusions du 12 mai 2011, qui sont tenues pour entièrement reprises, Mme [Y] [B] demande à la cour de :

«Vu les articles 1382, 1383 et 1385 du Code civil,

Débouter Mlle [L] ainsi que la compagnie Axa France IARD de l'ensemble de leurs demandes.

Confirmer le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité de Mlle [L].

Constater la responsabilité de plein droit de Mlle [L] sur le fondement de l'article 1385 du Code civil ainsi que la responsabilité fondée sur les articles 1382 et 1383 du Code civil dans l'accident survenu le 31 mai 2008.

À titre reconventionnel,

Infirmer le jugement entrepris.

Condamner solidairement Mlle [L] ainsi que son assureur Axa à payer au profit de Mme [B] la somme de 15'945,53 € au titre du préjudice matériel, ainsi que 10'000 € au titre du préjudice moral.

Condamner solidairement Mlle [L] ainsi que son assureur Axa à payer à Mme [B] la somme de 5'000 € pour résistance abusive.

Condamner solidairement Mlle [L] ainsi que son assureur Axa au paiement de 3500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens de l'instance et d'appel, distraits au profit de la SCP Blanc Cherfils. »

Par conclusions du 9 mai 2011, qui sont tenues pour entièrement reprises, la SA Axa France demande à la cour de :

« À titre principal :

Réformer le jugement du tribunal de grande instance de Toulon en date du 14 octobre 2010 en ce qu'il a retenu la responsabilité de Mlle [L].

Dire et juger que la faute de Mme [B] est la cause exclusive du dommage.

Débouter Mme [B] de toutes ses demandes, fins et conclusions.

À titre subsidiaire :

Confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Toulon en date du 14 octobre 2010 en ce qu'il a rejeté la demande de garantie formulée par Mlle [L] à l'encontre de la compagnie Axa France.

À titre très subsidiaire :

Si la responsabilité de Mlle [L] était retenue, et si la garantie d'Axa France était retenue, condamner le comité régional d'équitation Provence Alpes Côte d'Azur à relever et garantir Axa de toutes condamnations en principal, intérêts, frais et dépens.

En tout état de cause :

Débouter Mlle [L] de sa demande d'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de la compagnie Axa France.

Condamner tout succombant à payer à la compagnie Axa France la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de la SCP Bottaï Géreux Boulan, avoués près la

cour. »

Par conclusions du 22 avril 2011, qui sont tenues pour entièrement reprises, le comité régional d'équitation Alpes Côte d'Azur demande à la cour de :

« Mettre hors de cause le comité régional d'équitation Provence Alpes Côte d'Azur.

Condamner solidairement Mme [L], Axa France et Mme [B] à verser au comité régional d'équitation la somme de 1000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, outre celle de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les condamner sous la même solidarité, aux entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de Me Michotey, avoués aux offres de droit.

Les condamner aux entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de la SCP P.Libéras R.Buvat F.Michotey, société titulaire d'un office d'avoués près la cour d'appel d'Aix en Provence, y demeurant [Adresse 4], qui en ont fait l'avance. »

L'instruction de l'affaire a été close le 3 avril 2012.

Motifs

Préalablement, il convient d'écarter d'office des débats les dernières conclusions deMme [Y] [B] qui n'ont pas été jointes par RPVA du 22 mars 2012 et dont l'exemplaire papier n'a pas été déposé au greffe.

Par ailleurs, le comité régional d'équitation qui couvre les départements des Alpes-Maritimes et du Var se dénomme comité régional d'équitation de Côte d'Azur.

Pour sa part, le comité régional d'équitation de Provence couvre les départements des Hautes-Alpes, de Haute-Provence, des Bouches-du-Rhône et du Vaucluse.

Dans la présente instance, a été appelé en la cause le comité régional d'équitation de Côte d'Azur.

Sur la responsabilité de Mme [J] [L] à l'égard de Mme [Y] [B]

Mme [Y] [B] avait été chargée par les instances officielles de la fédération française d'équitation d'organiser le championnat départemental de Barrel Racing FFE, dans le cadre de la manifestation Jump'Var, le 31 mai 2008 sur l'hippodrome de [Localité 12] (83).

Mme [J] [L] n'a pas participé à ces épreuves mais à celles organisées sur le même site par l'association AREW PACA (association régionale d'équitation western de la région PACA).

Comme annoncé sur le programme, après les différentes épreuves officielles, Mme [Y] [B] a organisé une course de vitesse sur l'hippodrome ouverte à tous les cavaliers qui le souhaitaient, qui étaient tous novices comme leur monture en matière de galop.

En sa qualité d'organisatrice, elle a fait effectuer la reconnaissance du terrain aux cavaliers et a donné plusieurs consignes qui seront examinées ci-dessous.

C'est à l'arrivée de la première course de chevaux, après celle des poneys, que Mme [J] [L] montée sur le cheval [R] est venue heurter violemment le cheval [P] monté par Mme [Y] [B].

Celle-ci, qui ne participait pas à la course, s'était positionnée après la ligne d'arrivée avec deux autres cavalières pour ralentir les chevaux.

Nonobstant l'absence d'échanges financiers puisque cette course était gratuite et facultative, un lien contractuel liait Mme [Y] [B] en sa qualité d'organisatrice et Mme [J] [L] en sa qualité de participante.

Il suit de là que les articles 1382, 1383 et 1385 du Code civil ne sont pas applicables en l'espèce.

En conséquence, l'action de Mme [Y] [B] à l'encontre de Mme [J] [L] est mal fondée et à défaut d'avoir conclu subsidiairement sur le fondement de l'article 1147 du Code civil, Mme [Y] [B] sera déboutée de ses demandes, fins et conclusions tant à l'égard de l'appelante qu'à l'égard de la compagnie Axa France.

Compte tenu de la solution adoptée par la cour, Mme [Y] [B] sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive formée à l'encontre de Mme [J] [L] et de la compagnie Axa France.

Sur la responsabilité contractuelle de Mme [Y] [B] à l'égard de Mme [J] [L]

En sa qualité d'organisatrice, l'obligation de sécurité qui pesait sur Mme [Y] [B] est une obligation de moyens.

Par ailleurs, le fait non imprévisible ni inévitable de la victime ne constitue une cause d'exonération partielle pour celui qui a contracté une obligation de sécurité que s'il présente un caractère fautif.

La course était organisée sur une des deux lignes droite de l'hippodrome de [Localité 12] qui mesurent 400 m.

La ligne d'arrivée n'était pas matérialisée au sol mais par un panneau de signalisation vert sur le côté de la piste.

8 cavaliers ont pris le départ.

Il résulte des divers témoignages produits et en particulier de ceux des autres participants à la course, qu'avant le départ, Mme [Y] [B] avait donné pour consigne de courir en ligne droite, de doubler sur sa ligne, et de ralentir dès la ligne d'arrivée atteinte.

Elle a aussi indiqué qu'elle se trouverait avec deux autres cavaliers après la ligne d'arrivée pour ralentir les chevaux, parce qu'une corde interdisait aux organisateurs et donc aux participants des diverses épreuves, d'utiliser le virage de l'hippodrome, elle-même se positionnant sur la gauche et les deux autres cavaliers sur la droite de la piste, entre la ligne d'arrivée et ladite corde.

Mme [Y] [B] indique en page 4 de ses écritures qu'elle se trouvait à 200 m de la ligne d'arrivée, ce qui apparaît peu probable compte tenu de la forme ovoïde et de la longueur habituelle de la piste de galop d'un hippodrome.

Les attestations produites indiquent au demeurant une distance de 20 m ou de 100 m, selon qu'il s'agisse des témoins de Mme [J] [L] ou de Mme [Y] [B] et, dans son courrier de déclaration de sinistre en date du 6 juin 2008 adressé au cabinet d'assurances Pezant, Mme [Y] [B] a indiqué qu'elle se trouvait à 'plusieurs mètres' de la ligne d'arrivée, ce qui accrédite la version de Mme [J] [L] selon laquelle l'organisatrice se trouvait à environ 20 m après la ligne d'arrivée.

Compte tenu de la vitesse d'un cheval au galop, soit entre 20 et 30 km heure, et corrolairement, de la distance nécessaire à un cheval pour ralentir, Mme [Y] [B] est une professionnelle de l'équitation qui a commis deux fautes en organisant une course alors qu'il n'y avait pas la distance nécessaire pour ralentir des chevaux lancés en pleine vitesse et en imaginant de constituer des obstacle vivants avec trois cavaliers.

Pour s'exonérer de sa responsabilité, Mme [Y] [B] invoque les fautes de Mme [J] [L] qui d'une part, n'aurait pas ralenti sa monture après la ligne d'arrivée, et d'autre part, alors qu'elle était positionnée à droite sur la ligne d'arrivée, n'aurait pas conservé sa ligne et aurait dépassé d'autres cavaliers en traversant de droite à gauche.

Mme [Y] [B] produit un nombre important d'attestations qui pour la plupart ne sont pas spontanées puisqu'elles sont rédigées après avoir lu certaines attestations du dossier de Mme [J] [L], soit les déclarations de celles-ci et de Mme [G] [V], propriétaire du cheval [R], ou après avoir visionné les différents films pris par les spectateurs.

Toutefois, Mme [Y] [B] a produit deux photographies sur lesquelles elle identifie Mme [J] [L], et un CD-ROM (pièce n° 109).

Le visionnage de ce document, qui cependant ne comporte pas d'images de l'accident lui-même, permet de voir qu'aucun des cavaliers ne peut maîtriser sa monture dans sa ligne de course initiale, lesquelles ne sont pas matérialisées sur l'herbe, qu'il est impossible de dire que Mme [J] [L] avait continué à pousser sa monture après qu'elle soit passée devant la caméra, qu'elle se trouvait en troisième ou quatrième position à partir de la droite sur la ligne de départ, soit plus tôt au centre sur la ligne de départ et qu'elle a fini sa course à gauche de la piste de course.

Compte tenu, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, de l'inexpérience des cavaliers et des chevaux en matière de course de galop qui ont pris part à cette course, le fait de ne pas conserver sa ligne et le fait qu'un cavalier se trouve sur la gauche de la piste de course à l'arrivée, nonobstant son emplacement sur la ligne de départ, n' étaient ni imprévisible ni inévitable.

Il ne peut être davantage considéré comme fautif alors que le visionnage de l'enregistrement visuel, a démontré qu'aucun des cavaliers n'avait été en mesure de conserver sa place dans sa ligne d'où il se déduit que, pour ces participants, la consigne était impossible à respecter.

Mme [J] [L] n'a donc commis aucune faute ayant contribué partiellement à la réalisation de son dommage.

Sur la responsabilité du comité régional d'équitation de Côte d'Azur

Mme [J] [L] ne développe aucun grief à l'encontre du comité régional d'équitation de Côte d'Azur, lequel conteste être concerné par l'organisation de cette course, qui s'est déroulée à l'issue des épreuves d'un championnat départemental.

Mme [J] [L] et la compagnie Axa France seront donc déboutées de leurs demandes dirigées à l'encontre du comité régional d'équitation de Côte d'Azur.

Sur le préjudice de Mme [J] [L]

Préjudice matériel

Le cheval [R] a été blessé au point que celui-ci ne pourra plus être monté.

Ce cheval n'appartient pas à Mme [J] [L] mais il lui avait été prêté par sa propriétaire pour concourir et elle s'entraînait avec celui-ci depuis plus de cinq mois au moment de l'accident.

De façon contradictoire, Mme [J] [L] demande d'une part, à être indemnisée du préjudice matériel qu'elle subit pour ne plus avoir de monture pour sortir en concours, et d'autre part, du préjudice moral qu'elle subit du fait de n'avoir jamais plus pu remonter à cheval ensuite de ses séquelles physique et psychique.

Par ailleurs, elle ne fournit aucune explication chiffrée et a fortiori, de justificatif.

Mme [J] [L] sera déboutée de ce chef de demande.

Préjudices physique et moral

Mme [J] [L] produit à l'appui de ses prétentions un rapport non contradictoire effectué par M. [D] [W], ostéopathe, que Mme [Y] [B] conteste pour avoir été établi par un praticien connaissant la victime, celle-ci étant au moment de cet examen étudiante en troisième année à l'ISO (Institut Supérieur d'Ostéopathie) d'[Localité 8].

Par ailleurs, l'article L.376 ' 1 du code de la sécurité sociale impose à la victime d'appeler l'organisme social dont elle dépend en déclaration de jugement commun, et en cas d'inobservation de cette obligation, la sanction est que la nullité du jugement sur le fond peut être demandée pendant deux ans à compter de la date à partir de laquelle le jugement est devenu définitif, par le ministère public ou les caisses de sécurité sociale intéressées ou le tiers responsable y ayant intérêt.

C'est pourquoi, avant dire droit, le docteur [F] [U] sera commis d'office en qualité de médecin expert afin d'examiner contradictoirement Mme [J] [L] et il sera enjoint à celle-ci d'appeler à en la cause l'organisme social dont elle dépend.

La mission du médecin expert sera développée dans le dispositif de la présente décision.

Les frais d'honoraires du médecin expert seront avancés par le Trésor Public puisque la victime bénéficie de l'aide juridictionnelle totale.

Enfin, dans le poste d'indemnisation du préjudice corporel, l'indemnisation des souffrances endurées inclut le retentissement psychologique et le préjudice moral avant consolidation, l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent inclut le retentissement psychologique postérieur à la consolidation et le préjudice spécifique d'agrément inclut l'impossibilité pour la victime de pouvoir pratiquer une activité sportive ou de loisirs.

C'est pourquoi, il sera également sursis à statuer sur la demande présentée par Mme [J] [L] au titre de son préjudice moral, lequel avec son préjudice physique constitue son préjudice corporel.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive du comité régional d'équitation de Côte d'Azur

Le comité régional d'équitation de Côte d'Azur a été appelé en la cause en première instance par la compagnie Axa France qui avait été induite en erreur par l'assignation de Mme [Y] [B] laquelle dans son premier paragraphe indiquait que l'organisateur des différentes épreuves sportives officielles était le dit comité régional.

Celui-ci ne s'étant pas constitué en première instance, il était légitime que l'appelante, Mme [J] [L], forme son recours à l'encontre de toutes les parties appelées en première instance.

Pour sa part, Mme [Y] [B] n'a formé aucune demande à l'encontre du comité régional d'équitation de Côte d'Azur.

Il suit de là qu'aucun abus du droit d'ester en justice n'est démontré à l'encontre de quiconque.

Le comité régional d'équitation de Côte d'Azur sera donc débouté de ce chef de demande.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

L'équité commande de faire bénéficier Mme [J] [L], nonobstant la décision d'aide juridictionnelle totale dont elle bénéficie, et le comité régional d'équitation de Côte d'Azur des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, à l'exclusion de toute autre partie.

Il sera sursis à statuer sur les dépens.

Par ces motifs

La cour,

Écarte d'office des débats les dernières écritures de Mme [Y] [B],

Infirme la décision entreprise,

Et statuant à nouveau,

Déboute Mme [Y] [B] de toutes ses demandes dirigées à l'encontre de Mme [J] [L] et de la compagnie Axa France,

Déboute Mme [J] [L] et la compagnie Axa France de leurs demandes dirigées à l'encontre du comité régional d'équitation de Côte d'Azur,

Déboute Mme [J] [L] de sa demande d'indemnisation de son préjudice matériel,

Dit que Mme [J] [L] a droit à l'indemnisation de son entier préjudice corporel,

Avant dire droit, enjoint à Mme [J] [L] d'assigner l'organisme social dont elle dépend dans le délai de deux mois à compter de la date du présent arrêt,

Ordonne une mesure d'expertise médicale,

Désigne pour y procéder le docteur [F] [U] demeurant [Adresse 5], lequel aura pour mission de :

*convoquer et entendre les parties

*recueillir leurs observations et se faire remettre toutes pièces utiles à l'accomplissement de sa mission

*examiner Mme [J] [L]

*indiquer son état antérieur à l'accident du 31 mai 2008

*décrire les lésions qui lui ont été causées par cet accident

*en exposer les conséquences

-estimer la durée du déficit fonctionnel temporaire total et/ou partiel en indiquant la date de consolidation des blessures

-apprécier le degré des souffrances physiques et/ou psychiques endurées

-évaluer le taux de déficit fonctionnel permanent qui peut subsister avec le cas échéant, sa répercussion sur la vie professionnelle

-indiquer si l'état de la victime nécessite l'assistance d'une tierce personne

-donner son avis sur le préjudice esthétique

-ainsi que sur le préjudice d'agrément spécifique

*indiquer l'évolution prévisible dans le temps de l'état de la victime

*répondre précisément aux dires des parties après leur avoir fait part de ses conclusions provisoires et leur avoir imparti un délai pour présenter ces dires qui ne sauraient être inférieurs à un mois,

Dit que l'expert pourra, s'il le juge nécessaire, recueillir l'avis d'un autre technicien,

Dit que l'expert devra déposer son rapport au greffe de la cour d'appel dans les quatre mois de sa saisine,

Dit que les frais seront avancés par le Trésor Public,

Désigne le conseiller de la mise en état de la 10e chambre de la cour de céans pour contrôler l'expertise ordonnée,

Condamne Mme [Y] [B] à payer à Mme [J] [L] la somme de 2000 € et au comité régional d'équitation de Côte d'Azur la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires,

Renvoie la cause et les parties à l'audience de la mise en état du 6 novembre 2012 ,

Réserve les dépens.

Le greffier,Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 10e chambre
Numéro d'arrêt : 10/20118
Date de la décision : 30/05/2012

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 10, arrêt n°10/20118 : Expertise


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-05-30;10.20118 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award