COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
9e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 31 MAI 2012
N° 2012/
Rôle N° 10/08735 jonction avec 10/9169
[T] [I]
C/
SA MAJ
Société REGIONALE DE LOCATION ET DE SERVICES TEXTILES
Grosse délivrée
le :
à :
Me Marc LECOMTE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
SELARL CAPSTAN, avocats au barreau de MARSEILLE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARTIGUES en date du 16 Avril 2010, enregistré au répertoire général sous le n° 09/670.
APPELANT
Monsieur [T] [I], demeurant [Adresse 7]
représenté par Me Marc LECOMTE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMEES
SA MAJ, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège, concerne l'établissement sis [Adresse 11], demeurant [Adresse 2]
représentée par la SELARL CAPSTAN, avocats au barreau de MARSEILLE substituée par Me Tristane BIUNNO, avocat au barreau de MARSEILLE
Société REGIONALE DE LOCATION ET DE SERVICES TEXTILES, demeurant [Adresse 1]
représentée par la SELARL CAPSTAN, avocats au barreau de MARSEILLE substituée par Me Tristane BIUNNO, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 14 Mars 2012 en audience publique devant la Cour composée de :
Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre
Madame Brigitte BERTI, Conseiller
Madame Françoise GAUDIN, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Monsieur Guy MELLE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 31 Mai 2012..
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 31 Mai 2012.
Signé par Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre et Monsieur Guy MELLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Dans l'instance les opposant, M. [I] et la société MAJ ont respectivement les 5 et 12 mai régulièrement relevé appel d'une décision en date du 16 avril 2010 rendue par le conseil de prud'hommes de MARTIGUES qui a :
Dit le licenciement de M. [I] sans cause réelle et sérieuse
Condamné la société MAJ au paiement des sommes suivantes :
13.000 € à titre de dommages et intérêts
1.200 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile
Débouté M. [I] du surplus de ses demandes
M. [I] a fait citer devant cette cour, par voie d'huissier de justice, le 1er septembre 2011 la société REGIONALE DE LOCATION ET SERVICES TEXTILES.
Vu les conclusions de M. [I] développées oralement à l'audience par lesquelles il est demandé à la cour de :
« REFORMER le Jugement entrepris, à l'exception de sa disposition ayant alloué au concluant la somme de 1 200,00 € (MILLE DEUX CENTS EUROS) à titre d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'Article 700 du Code de Procédure Civile.
Y AJOUTANT pour le surplus,
DIRE que sont solidairement engagées les sociétés M.A.J. et REGIONALE DE LOCATION ET SERVICES TEXTILES.
DIRE le licenciement notifié le 10 novembre 2008 frappé de nullité, à raison de la violation du statut protecteur attaché aux mandats de Délégué du Personnel et de membre titulaire du Comité d'Entreprise détenus par le salarié.
Subsidiairement, DIRE le licenciement litigieux dépourvu de cause réelle et sérieuse.
CONDAMNER en conséquence solidairement les sociétés M.A.J. et REGIONALE DE LOCATION ET SERVICES TEXTILES au paiement des sommes suivantes :
- 42 098,07 € (QUARANTE DEUX MILLE QUATRE VINGT DIX HUIT EUROS ET SEPT CENTIMES) à titre de dommages-intérêts pour violation du statut protecteur,
- 22 000,00 € (VINGT DEUX MILLE EUROS) à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul, à raison de la violation des dispositions des Articles L.2411-1, L.2411-5, L.2411-8 et L.2421-3 du Code du Travail et par référence aux dispositions de l'Article L.1235-11 du même Code,
SUBSIDIAIREMENT. des deux derniers chefs seulement.
- 20 000,00 € (VINGT MILLE EUROS) à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, en application des dispositions de l'Article L.1235-3 du Code du Travail (Article L122-14-1 ancien),
EN TOUT ETAT DE CAUSE.
- 5 000,00 € (CINQ MILLE EUROS) à titre de dommages-intérêts pour abus de droit,
- 2 500,00 € (DEUX MILLE CINQ CENTS EUROS) à titre d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'Article 700 du Code de Procédure Civile, l'indemnité allouée de ce chef par le Premier Juge étant expressément maintenue.
DIRE qu'à titre d'indemnisation complémentaire, les sommes précitées, à l'exclusion de l'indemnité allouée sur le fondement des dispositions de l'Article 700 du Code de Procédure Civile, produiront intérêts de droit à compter de la demande en Justice, soit le 18 août 2009, avec capitalisation, en application des articles 1153-1 et 1154 du Code Civil »
Vu les conclusions de la société MAJ ainsi que de la société REGIONALE DE LOCATION ET SERVICES TEXTILES développées oralement à l'audience par lesquelles il est demandé à la cour de :
Constater l'absence de violation du statut protecteur de M. [I]
Constater que le licenciement de M. [I] repose sur une cause réelle et sérieuse
Débouter M. [I] de l'ensemble de ses demandes
MOTIFS DE LA DECISION
Dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, il convient d'ordonner la jonction des procédures N°10/08735 et N°10/09169 ;
M. [I] a été employé par la société REGIONALE DE LOCATION ET SERVICES TEXTILES exploitant sous l'enseigne LOCALINGE centre de [Localité 10] à compter du 19 avril 1999 en qualité de chauffeur livreur ;
M. [I] était, notamment, délégué du personnel ;
A compter du 7 janvier 2008, il a exercé ses fonctions au sein de la société MAJ centre de [Localité 9] ;
La société REGIONALE DE LOCATION ET SERVICES TEXTILES et la société MAJ sont des sociétés associées à la société en nom commun ELIS ;
Sur la nullité du licenciement :
M. [I] soutient que son licenciement est nul au motif que, salarié protégé, aucune modification du contrat de travail ne pouvait intervenir sans son accord exprès ;
En l'espèce, M. [I] fait valoir qu'il a été muté à compter du 7 janvier 2008 au sein de l'établissement de la société MAJ sis à [Localité 6] sans son accord ;
A l'appui de sa position il indique qu'il n'a pas retourné, accompagné de sa signature, le courrier que lui a adressé l'employeur le 21 janvier 2008 afin de confirmer son transfert ;
Il ajoute que ses frais de déménagement lui ont été intégralement remboursés ce qui n'aurait pas été le cas si, comme le soutient l'employeur, il s'était porté volontaire pour être muté à [Localité 6] ;
Toutefois, il est versé aux débats le dossier de mutation interne portant mention « mutation souhaitée par le salarié » ainsi que l'indication rapportée par M. [H] qui a reçu l'intéressé le 21 novembre 2007 pour l'entretien de mutation quant à la motivation de M. [I] « projet familial » ;
M. [H] témoigne, en outre, ainsi : « Quand j'ai pris mes fonctions sur le centre de [Localité 10], mi octobre 2007, j'ai tout de suite été informé de la demande de mutation de M. [I], demande qui avait été validée par le centre de [Localité 6]. Je l'ai reçu en entretien le 21 novembre 2007 et là, il m'a confirmé son souhait d'aller travailler dans le sud pour des raisons personnelles » ;
Mme [F], assistante du personnel, témoigne également : « En septembre 2007, Monsieur [Y] m'a informé que M. [I] souhaitait être muté dans un des centres de [Localité 6]. J'ai rencontré ce dernier qui m'a expliqué qu'il en avait assez du Nord, qu'il souhaitait partir « au soleil », et que sa compagne allant chercher un emploi après la naissance de leur enfant, il lui serait plus facile d'en trouver là bas qu'ici »
M. M. [Y], responsable logistique, confirme « M. [I] m'a demandé d'être muté sur un des centres de [Localité 6] ».
Mme [U], assistante de direction, précise « M. [I] m'a expliqué qu'il était très content qu'ELIS ait accédé à sa demande de mutation dans le sud. Il m'a même précisé que sa maman était triste de le voir partir mais que, lui et son amie, étaient décidés et enthousiastes de partir du nord » ;
Il ressort de ces témoignages précis et concordants que M. [I] a sollicité sa mutation auprès de son employeur pour un des centres de [Localité 6], étant précisé que le fait que les témoins soient salariés de l'entreprise ne permet pas de mettre en doute la véracité de leurs déclarations ;
Par ailleurs, le seul fait que les frais de déménagement aient été pris en charge par le centre de [Localité 9] ne permet pas à lui seul de retenir qu'il s'agit d'une mutation imposée alors que l'employeur précise qu'il s'agit d'une pratique en vigueur pour toute mutation inter groupe ELIS ;
M. [I] ne peut donc sérieusement soutenir que l'employeur ne justifie pas de son accord exprès à une modification de son contrat de travail alors qu'il a lui-même sollicité une telle modification ;
Doit en découler le débouté de M. [I] en ses demandes de dommages et intérêts pour violation du statut protecteur et pour licenciement nul ;
Sur le bien fondé du licenciement :
La lettre de licenciement en date du 10 novembre 2008 est ainsi libellée :
« Au mois d'août dernier, nous avons eu l'occasion à plusieurs reprises de vous alerter à l'occasion de dysfonctionnements répétés dans l'exercice de vos fonctions. Nous citerons pour exemple :
- le 8/08/08, le client LITT DIFFUSION n'a pas été livré lors de votre tournée ; nous vous avons alors demandé le 11/08 de dépanner ce client et vous avons fourni un GPS. Malgré cela le client n'a pas été livré. C'est votre responsable qui a dû effectuer le dépannage le lendemain (avec ce même GPS).
- Le 22/08/08, le client HOlAN était en rupture de stock depuis 2 semaines suite à votre non livraison du 06/08/08 que vous ne nous avez pas signalé. Nous avons dû établir un avoir au client.
Depuis, nous n'avons constaté aucune amélioration. A titre d'exemple, nous citerons les faits suivants :
- Le 15/10/08, vous deviez effectuer le retrait de 24 appareils sanitaires chez le client BUREAU ACTIMAR et de 18 appareils chez le client HERMELYTE URBANIA. Vous n'avez pas assuré cette prestation. En tout et pour tout au cours de cette journée, vous avez vu un client pour le changement de 3 filtres (20 mn) et un autre pour un retrait de 3 appareils (10 minutes).
Vous avez alors indiqué ne pas avoir trouvé les clients: pourtant à aucun moment de la journée, vous n'avez appelé votre responsable pour l'informer de cette situation.
- Le 16/10/08, lors d'une installation de fontaine à eau chez le client UNIVERSITE [4], vous n'avez pas rempli les quantités livrées en bonbonnes et gobelets et n'avez pas remis le bon de dépôt initial au client.
- Le 17/10/08, vous n'avez pas livré en PH400 le client ST MICRO ELECTRONIQUE, ce qui a nécessité un dépannage.
- le 22/10/08, un avis de non livraison du client (17/10/08) FIBRE DE BERRE pour une rupture de bonbonne eau et bobine essuie-main non signalé et non inscrit sur le bordereau dépannage fait par l'adjoint logistique. (tournée 44).
Les faits ci-dessus démontrent une négligence répétée dans l'exercice de votre fonction qui est tout à fait inacceptable pour un salarié de votre ancienneté et expérience dans le métier d'agent de service.
Tous les moyens ont été mis à votre disposition pour réaliser votre travail conformément à nos standards.
Par ailleurs, comme tout agent de service, vous êtes tenu de rencontrer à votre retour de tournée votre responsable pour effectuer un débriefing de la tournée de livraison. Malgré plusieurs rappels à l'ordre, vous refusiez d'effectuer ce débriefing, faisant du mauvais esprit et allant jusqu'à proférer des menaces à l'encontre de votre responsable. »
M. [I] conteste les griefs qui lui sont reprochés mais ne justifie d'aucune manière de la réalité de ses allégations ;
Pour sa part, la société MAJ fournit le témoignage de M. [G], qui confirme que M. [I] n'a pas livré la société LITT DIFFUSION même après qu'un GPS lui ait été remis afin de faciliter la livraison ; le témoin ajoute « à plusieurs reprises, j'ai rappelé à M. [I] que le débriefing de retour de tournée est une procédure obligatoire dans tous les centres ELIS, qu'il a refusé et à ces moments là, il avait des expressions agressives voire même menaçantes » ;
La société MAJ justifie avoir délivré à la société HOIAN un avoir afin de compenser une rupture de deux semaines en raison du défaut de livraison de M. [I]
En ce qui concerne les clients BUREAU ACTIMAR et HERMELYTE URBANIA, M. [I] indique que son responsable lui avait transmis leurs adresses incomplètes ;
A cet égard, les bons de retrait relatifs à ces deux sociétés mentionnent leurs adresses complètes et M. [I] ne justifie d'aucune manière avoir tenté de prendre contact avec son employeur afin d'obtenir d'éventuelles précisions ;
La société MAJ produit le bon de dépôt relatif au client UNIVERSITE [4] qui révèle que M. [I] n'a pas mentionné la quantité livrée ;
M. [I] soutient que le 17 octobre 2008, il a livré le client société ST MICRO ELECTRONIQUE avec les produits qui se trouvaient dans le véhicule mais que le magasin étant fermé à six heures du matin, il n'a pu compléter son chargement des produits manquants ;
Toutefois, le listing des livraisons dudit client révèle une absence totale de livraison ce jour là ;
S'agissant du client FIBRES DE BERRE, la société MAJ produit un avis de non livraison pour le 17 octobre 2008, M. [I] ne justifiant d'aucune manière avoir reçu une consigne de non livraison ce jour là ;
M. [I] excipe enfin d'un défaut de formation lui permettant de se familiariser avec l'itinéraire des tournées ;
Force est de relever que M. [I] reconnaît pourtant lui-même qu'il a participé à un certain nombre de formations précisant qu'il prenait des notes par dictaphone pour répondre à M. [K], agent de service remplaçant, qui atteste de la formation « tout le long de l'année sur les tournées qu'ils sont susceptibles de remplacer. M. [I] ne prenait aucune note écrite » ;
Et, M. [M], chauffeur livreur, témoigne qu'un point est effectué quotidiennement avec le chef de service afin de communiquer les éléments importants pour la journée du lendemain ;
D'ailleurs, M. [I] n'a rencontré aucune difficulté durant plus de six mois jusqu'au mois d'août 2008 ;
Les griefs sont donc avérés et révèlent plusieurs manquements réitérés de M. [I] à ses obligations professionnelles qui ont nui à la bonne marche de l'entreprise ;
Dès lors, le licenciement de M. [I] pour une cause réelle et sérieuse est justifié ;
Doit en découler l'infirmation du jugement entrepris et le débouté de M. [I] de l'ensemble de ses demandes.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant publiquement et contradictoirement,
- Ordonne la jonction des procédures N°10/08735 et N°10/09169,
- Infirme le jugement entrepris et statuant à nouveau,
- Déboute M. [I] de l'ensemble de ses demandes,
- Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamne M. [I] aux entiers dépens.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT