COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
4e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 12 JUIN 2012
OM
N° 2012/ 257
Rôle N° 11/05360
[J] [I]
[C] [S] épouse [I]
[U] [I]
[T] [I]
C/
SCI DES [Adresse 19]
GROUPEMENT FONCIER AGRICOLE DES [Adresse 19]
COMMUNE DE [Localité 20]
Grosse délivrée
le :
à :
la SCP ERMENEUX CHAMPLY-LEVAIQUE
la SCP JOURDAN - WATTECAMPS
SELARL BOULAN
la SCP BOISSONNET-ROUSSEAU
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de DIGNE-LES-BAINS en date du 16 Février 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 06/442.
APPELANTS
Monsieur [J] [I]
né le [Date naissance 5] 1948 à [Localité 23] (83), demeurant [Adresse 31]
Madame [C] [S] épouse [I]
née le [Date naissance 3] 1948 à [Localité 22] (59), demeurant [Adresse 31]
Monsieur [U] [I]
né le [Date naissance 4] 1935 à [Localité 23] (83), demeurant [Adresse 2]
Monsieur [T] [I]
né le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 23] (83), demeurant [Adresse 2]
représentés par la SCP ERMENEUX-CHAMPLY - LEVAIQUE, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assistés de Me Yves ROSE, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
INTIMEES
SCI DES [Adresse 19], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège ,
[Adresse 25]
représentée par la SCP J F JOURDAN - P G WATTECAMPS, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
assistée de M° MAGNAN pour la SCP MAGNAN - ANTIQ, avocats au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE,
GROUPEMENT FONCIER AGRICOLE DES [Adresse 19], pris en la personne de son dirigeant en exercice domicilié en cette qualité au siège [Adresse 11]
représenté par la SELARL BOULAN / CHERFILS / IMPERATORE, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, constituée aux lieu et place de la SCP BLANC-CHERFILS
assisté de Me Michel BRUNET, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE PROVENCE
COMMUNE DE [Localité 20], représentée par son Maire en exercice domicilié en cette qualité [Adresse 26]
représentée par la SCP BOISSONNET ROUSSEAU, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assistée de Me Christian BOITEL, avocat au barreau de NICE substitué par Me Philippe AONZO, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Odile MALLET, Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Mme Odile MALLET, Président
Monsieur Jean-Luc GUERY, Conseiller
Madame Valérie GERARD-MESCLE, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : .
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Juin 2012
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Juin 2012,
Signé par Mme Odile MALLET, Président et Madame Agnès BUCQUET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCÉDURE
La SCI [Adresse 19] ( la SCI) est propriétaire de diverses parcelles situées commune de [Localité 20], au hameau de [Localité 18] qu'elle a acquise du GFA des [Adresse 19] ( le GFA).
Exposant que son fonds est enclavé et qu'il a toujours été desservi par un chemin situé entre la chapelle et le château d'eau situé pour partie sur les parcelles K n°[Cadastre 6], [Cadastre 7] et [Cadastre 8] appartenant à Monsieur [J] [I] et son épouse Madame [C] [S], la SCI a assigné ces derniers, sur le fondement des articles 682 et 685 du code civil, aux fins de voir constater l'état d'enclave de son fonds et se voir accorder un droit de passage sur les parcelles K n°[Cadastre 6], [Cadastre 7] et [Cadastre 8].
Par ordonnance du 18 octobre 2006 le juge de la mise en état a ordonné une expertise confiée à Monsieur [F] [G].
Par acte du 10 août 2007 les époux [I] ont appelé à la cause le GFA et le 29 juin 2007 ce dernier a appelé à l'instance la commune de [Localité 20].
Par ordonnance du 19 décembre 2007 le juge de la mise en état a déclaré les opérations d'expertise communes et opposables aux appelés en cause, puis par ordonnance du 21 janvier 2009 à Messieurs [U] et [T] [I], copropriétaires de la parcelle I n°[Cadastre 7].
L'expert a déposé son rapport le 9 avril 2009. Il ressort des investigations réalisées par l'expert les éléments suivants :
les parcelles I n°[Cadastre 13],[Cadastre 14], [Cadastre 15] et [Cadastre 16] et toutes celles incluses dans le hameau de [Localité 18] sont enclavées,
l'accès se faisait par deux chemins : l'accès historique le plus court depuis [Localité 20] par le VO 4 et le VO 5 qui est un accès muletier sur sa partie VO5,
l'accès liaison [Localité 30] à [Localité 18] a toujours été emprunté par les habitants des deux hameaux, c'est également un accès muletier notamment au sortir du hameau de [Localité 30] sur un sentier parallèle à la piste d'eau qui date des années 1970/1971 et permet le passage de 4x4.
L'expert propose deux solutions pour désenclaver le fonds de la SCI :
1° le VO 4 et le VO 5 et la piste GFA dans les parcelles K [Cadastre 10] et [Cadastre 12] mais de très importants travaux sont à réaliser et ceux de terrassements ne seraient pas conformes au PLU puisqu'ils présentent une pente à 25 % sur 400m (plan annexe 19)
2° le VO1 puis le VO 3 ce qui nécessite des travaux de première urgence minimes ; il faudrait conforter le mur est de l'église ; la pente reste à 25 % sur un tronçon de 100m (plan annexe 18).
Par jugement du 16 février 2011 le tribunal de grande instance de Digne les Bains a :
rejeté le moyen tiré de l'enclave volontaire,
constaté que les parcelles I [Cadastre 13], [Cadastre 14], [Cadastre 15] et [Cadastre 16] et toutes les parcelles incluses dans le périmètre du hameau de [Localité 18] et toutes celles jouxtant la voie communale n°3 sont parfaitement enclavées au sens de l'article 682 du code civil,
homologué la solution n°2 définie par l'expert judiciaire ( annexe 18) pour assurer le désenclavement des parcelles des demandeurs,
accordé à la SCI un droit de passage permanent pour cause d'enclave pour piéton et tout véhicule inférieur à 2 tonnes sur les parcelles du fonds servant cadastrées I n° [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 8] et [Cadastre 9] au bénéfice des parcelles I n° [Cadastre 13], [Cadastre 14], [Cadastre 15] et [Cadastre 16] et toutes les parcelles incluses dans le hameau de [Localité 18] et toutes celles jouxtant la voie communale n°3 appartenant à la SCI pour l'exploitation et l'aménagement de ces fonds,
rappelé que la consécration d'un droit de passage pour cause d'enclave n'emporte aucun droit d'aucune sorte à l'encontre des ouvrages publics situés sur le bord de l'assiette de son tracé, ni aucune exonération en termes de responsabilité civile pour les dommages éventuellement infligés à ces ouvrages publics,
rejeté les prétentions tirées de la prescription de l'assiette de la servitude de passage pour cause d'enclave,
rejeté les demandes de dommages et intérêts,
condamné les époux [I] à payer à la SCI la somme de 2.000 € et au GFA celle de 1.500€ en application de l'article 700 du code de procédure civile,
condamné les époux [I] à supporter les entiers dépens de la procédure qui comprendront les frais de l'expertise,
rejeté les autres demandes formées de ces chefs,
ordonné l'exécution provisoire.
Appel de ce jugement a été interjeté par les consorts [I].
POSITION DES PARTIES
Dans leurs dernières conclusions en date du 28 février 2012 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, les consorts [I] demandent à la cour :
de déclarer irrecevable la demande de désenclavement présentée par la SCI,
de débouter la SCI de sa demande en constatant qu'elle n'a pu prescrire le passage sur le fonds [I], que le désenclavement devra être pris sur le fonds du GFA puisque l'enclave résulte de la division de ce fonds, qu'enfin le passage sur le fonds [I] constituerait le trajet le plus dommageable,
de condamner la SCI à leur payer une somme de 15.000 € à titre de dommages et intérêts pour les passages et dégradations effectués,
dans le cas où le passage serait pris sur le fonds [I], fixer l'indemnité de désenclavement à la somme de 80.000 €, sauf à ordonner une expertise aux frais de la SCI, et dans ce cas la condamner à leur payer une indemnité provisionnelle de 30.000 €,
de condamner la SCI à leur payer une somme de 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
de rejeter la demande nouvelle de désenclavement formée par le GFA et condamner ce dernier aux dépens, au paiement d'une somme de 3.000 € à titre de dommages et intérêts outre celle de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
subsidiairement, d'ordonner une nouvelle expertise aux frais avancés par la SCI et le GFA.
Dans ses dernières conclusions en date du 18 août 2011 auxquelles il est également renvoyé pour l'exposé des moyens, la SCI demande à la cour :
de confirmer le jugement,
de condamner les époux [I] à lui payer une somme de 8.000 € à titre de dommages et intérêts pour entrave au droit de passage prescrit par usucapion,
de condamner les époux [I] aux dépens de première instance et d'appel qui comprendront les frais de l'expertise et au paiement d'une somme de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions en date du 28 juillet 2011 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, le GFA demande à la cour :
de débouter les consorts [I] de leur appel et confirmer le jugement en ce qu'il a accordé un droit de passage permanent pour cause d'enclave, pour piéton et tout véhicule inférieur à 2 tonnes au bénéfice de toutes les parcelles incluses dans le périmètre du hameau de [Localité 18] dont celles du GFA et toutes les parcelles jouxtant la voie communale n°3 appartenant à la SCI,
de condamner les consorts [I] aux entiers dépens, y compris les frais de l'expertise, et au paiement d'une somme de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières écritures en date du 14 mars 2012 auxquelles il convient également de se reporter pour l'exposé des moyens, la commune de [Localité 20] demande à la cour :
d'infirmer le jugement
de constater que l'état d'enclave de la SCI est la conséquence directe de l'acquisition de son fonds, résulte de son propre fait et qu'elle ne peut se prévaloir d'une acquisition de la piste [I] par l'effet de la prescription trentenaire,
s'il y a lieu à désenclavement de retenir la solution n°1 proposée par l'expert,
de condamner la SCI aux dépens de première instance et d'appel et à lui payer une somme de 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
* sur la recevabilité de la demande du gfa
Devant le premier juge, le GFA s'était associé aux demandes formées par la SCI et, aux termes de ses dernières écritures, avait demandé au tribunal de constater l'état d'enclave 'des parcelles situées dans le hameau de [Localité 18]', 'des propriétés concernées'.
Au vu de cette prétention, le premier juge, a constaté l'état d'enclave de toutes les parcelles jouxtant la voie communale n°3 et accordé un droit de passage à toutes les parcelles incluses dans le périmètre du hameau de [Localité 18].
Dès lors qu'il a été discuté devant le premier juge de l'état d'enclave de toutes les parcelles situées dans le hameau de [Localité 18], les consorts [I] ne sont pas fondés à soutenir que la demande du GFA tendant à se voir accorder un droit de passage pour cause d'enclave au profit des parcelles dont il est propriétaire dans le hameau de [Localité 18] serait irrecevable pour être nouvelle.
* sur l'état d'enclave
Aux termes de l'article 682 du code civil le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n'a sur la voie publique aucune issue ou qu'une issue insuffisante est fondé à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds.
En application de ce texte l'état d'enclave est caractérisé par l'absence ou l'insuffisance d'issue donnant sur la voie publique.
Dans le cas présent le tènement de la SCI tout comme celui du GFA bénéficient dans leur partie nord d'une issue sur le chemin vicinal n°3 puisque plusieurs de leurs parcelles confrontent ce chemin qui se présente, selon les constatations effectuées par l'expert, comme une piste empierrée. Dans sa partie sud la propriété de la SCI comme celle du GFA bénéficient d'une issue donnant sur le chemin vicinal n°4 qui est, selon l'expert, un chemin communal empierré puisque, là encore plusieurs de leurs parcelles jouxtent ce chemin.
La SCI et le GFA ne sauraient donc soutenir que leurs fonds situés au hameau de [Localité 18] qui disposent de deux issues donnant sur la voie publique, l'une au nord, l'autre au sud, seraient enclavés au motif qu'il existe des difficultés pour traverser le hameau suivant, dénommé village de Villars, situé à environ 1km 500 de leurs propriétés, en raison de l'étroitesse du chemin vicinal n°3 entre la chapelle et le réservoir d'eau.
En conséquence, le jugement sera infirmé et la SCI et le GFA seront déboutés de leurs demandes tendant à voir constater l'état d'enclave de leurs fonds et se voir accorder un droit de passage sur la propriété des consorts [I].
* sur les demandes de dommages et intérêts
Dès lors que le fonds des consorts [I] n'est grevé d'aucun droit de passage au profit de la SCI ceux-ci ne sauraient avoir engagé leur responsabilité pour entrave à un prétendu droit de passage. En conséquence le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la SCI de sa demande de dommages et intérêts.
Les consorts [I] réclament paiement à la SCI d'une somme de 15.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation des dégradations commises sur leur propriété et indiquent justifier de ce chef de préjudice par leurs pièces n° 37 et 40.
La pièce n°37 qui est un procès-verbal de constat dressé le 4 mars 2011 comprend des photographies du chemin préconisé en solution 2 par l'expert pour désenclaver le hameau de [Localité 18] outre des clichés aériens et plans. La pièce n°40 comprend six photographies de très mauvaise qualité représentant une portion de chemin.
Ces pièces ne rapportant pas la preuve des dégradations alléguées, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté les consorts [I] de leur demande de dommages et intérêts.
La discussion élevée étant insuffisante à caractériser un abus du GFA dans l'exercice de son droit d'agir et se défendre en justice, les consorts [I] seront déboutés de leur demande en paiement d'une somme de 3.000 € à titre de dommages et intérêts formée contre le GFA.
* sur les dépens et frais irrépétibles
Le jugement sera infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles. Echouant en cause d'appel la SCI et le GFA seront condamnés in solidum aux dépens de première instance et d'appel, qui comprendront les frais de l'expertise, et ne peuvent, de ce fait, prétendre au bénéfice de l'article 700 du code de procédure civile. A ce titre ils seront condamnés à payer une somme de 2.500 € aux consorts [I] et la SCI sera condamnée à payer la somme de 2.000 € à la commune de [Localité 20].
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement en date du 16 février 2011 rendu par le tribunal de grande instance de Digne les Bains en ses dispositions relatives aux dommages et intérêts.
L'infirme en ses autres dispositions.
Statuant à nouveau,
Constate que les propriétés de la SCI [Adresse 19] et du GFA des [Adresse 19], situées commune de [Localité 20], au hameau de [Localité 18] ne sont pas enclavées.
En conséquence déboute la SCI [Adresse 19] de sa demande de désenclavement.
Déclare le GFA des [Adresse 19] recevable mais mal fondé en sa demande de désenclavement.
Y ajoutant,
Déboute Monsieur [J] [I], Madame [C] [S] épouse [I], Monsieur [U] [I] et Monsieur [T] [I] de leur demande de dommages et intérêts dirigé contre le GFA des [Adresse 19].
Déboute la SCI [Adresse 19] et le GFA des [Adresse 19] de leurs demandes formées en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne in solidum la SCI [Adresse 19] et le GFA des [Adresse 19] à payer aux consorts [I] une somme de deux mille cinq cents euros (2.500,00 €) en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne la SCI [Adresse 19] à payer à la commune de [Localité 20] une somme de deux mille euros (2.000,00 €) en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne in solidum la SCI [Adresse 19] et du GFA des [Adresse 19] aux dépens de première instance et d'appel, qui comprendront les frais de l'expertise et dit que ceux d'appel pourront être recouvrés directement contre eux conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
le greffier le président