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26/06/2012 | FRANCE | N°11/17428

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 1re chambre a, 26 juin 2012, 11/17428


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

1re Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 26 JUIN 2012

A.V.

N° 2012/













Rôle N° 11/17428







[L] [B] (MINEUR)





C/



[O] [P] (MINEUR)

SCP [P]





















Grosse délivrée

le :

à :Boulan

la SCP COHEN-GUEDJ

















Décision déférée à la Cour :r>


Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 06 Septembre 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 09/06540.





APPELANT



Monsieur [L] [B]

né le [Date naissance 4] 1961 à [Localité 9], demeurant [Adresse 2]



représenté par la SELARL BOULAN / CHERFILS / IMPERATORE, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, c...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

1re Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 26 JUIN 2012

A.V.

N° 2012/

Rôle N° 11/17428

[L] [B] (MINEUR)

C/

[O] [P] (MINEUR)

SCP [P]

Grosse délivrée

le :

à :Boulan

la SCP COHEN-GUEDJ

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 06 Septembre 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 09/06540.

APPELANT

Monsieur [L] [B]

né le [Date naissance 4] 1961 à [Localité 9], demeurant [Adresse 2]

représenté par la SELARL BOULAN / CHERFILS / IMPERATORE, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, constitué aux lieu et place de la SCP BLANC-CHERFILS avoués

assisté par Me Laurence DUMAS, avocat au barreau de PARIS

INTIMES

Maître [O] [P], demeurant [Adresse 1]

représenté par la SCP COHEN GUEDJ, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assisté par la SCP KUHN, avocats au barreau de PARIS

SCP [P], dont le siège social est [Adresse 1]

représentée par la SCP COHEN GUEDJ, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistée par la SCP KUHN, avocats au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 22 Mai 2012 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Mme VIDAL, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Jean-Paul LACROIX-ANDRIVET, Président

Monsieur Jean VEYRE, Conseiller

Madame Anne VIDAL, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mademoiselle Patricia POGGI.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 Juin 2012

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 Juin 2012,

Signé par Monsieur Jean-Paul LACROIX-ANDRIVET, Président et Mademoiselle Patricia POGGI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

Suivant acte d'huissier en date du 19 novembre 2009, M. [B] a fait assigner Me [P] et la SCP [P], notaires, devant le tribunal de grande instance de Nice pour voir dire que Me [P] avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité et obtenir la condamnation solidaire des défendeurs à lui verser une somme de 2.015.862 € à titre de dommages et intérêts, outre une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement en date du 6 septembre 2011, le tribunal de grande instance de Nice a débouté M. [B] de ses demandes à l'encontre de Me [P] et de la SCP [P], a débouté les défendeurs de leur demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts et a condamné M. [B] à leur payer une somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Il a retenu que la convention de prêt avait déjà été acceptée par M. [B] le 26 novembre 2006, soit deux mois avant l'acte authentique qui avait été passé pour prendre l'inscription hypothécaire, sans que le notaire soit intervenu dans les tractations relatives à cette opération, et que, dans l'acte authentique lui-même, Me [P] avait fait figurer une clause permettant de constater que l'emprunteur avait été informé des risques de cette opération, de sorte que M. [B] était parfaitement éclairé et qu'il n'établissait pas l'existence d'une faute du notaire.

M. [B] a interjeté appel de cette décision suivant déclaration électronique en date du 13 octobre 2011.

----------------------------------

M. [B], aux termes de ses conclusions récapitulatives en date du 26 avril 2012, sollicite l'infirmation du jugement déféré et demande à la cour :

De dire ses demandes recevables et bien fondées,

De dire que Me [P] a commis une faute de nature à engager sa responsabilité à son égard et qu'elle lui a causé un préjudice à hauteur de la somme de 2.314.851 €, outre intérêts à compter du 27 janvier 2011,

De condamner en conséquence solidairement Me [P] et la SCP [P] à lui verser la somme de 2.314.851 €, outre intérêts à compter du 27 janvier 2011,

De débouter Me [P] et la SCP [P] de leurs demandes à son encontre,

De les condamner solidairement à lui verser une somme de 7.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il fait grief au notaire d'avoir apporté son concours à une opération dans laquelle l'emprunteur était incapable de comprendre l'objet, la nature et la portée de son engagement, l'emprunt ayant servi à faire des investissements financiers sur des obligations islandaises qui ont perdu toute valeur en offrant en garantie son patrimoine familial. Il souligne que le notaire ne s'est pas contenté d'authentifier une convention déjà conclue et qu'en tout état de cause, il est débiteur d'un devoir d'éclairage des parties sur la portée de leurs engagements ; qu'en l'espèce, l'acte comporte des incohérences ou clauses contraires à l'ordre public ; qu'en insérant dans l'acte des références au code de la consommation, le notaire a apporté une illusion de sécurité mais n'a mis en place aucune des dispositions impératives régissant le crédit immobilier ; que l'avis de risque rédigé par la banque et annexé à l'acte notarié est peu clair et ne met pas l'emprunteur en garde sur le fait qu'il engage la totalité de son patrimoine familial.

Il ajoute que c'est sur la base de l'acte notarié comportant inscription hypothécaire que les fonds ont été versés par la banque et que c'est donc bien l'intervention du notaire qui est le fait générateur de son préjudice qui est égal au montant des pertes subies, soit le montant réclamé par les liquidateurs de la banque LANDSBANKI, en faillite, correspondant au principal du prêt assorti des intérêts. Il indique qu'il a lui-même déclaré une créance de 500.000 € à la faillite des établissements émetteurs des titres qu'il a acquis, soit 500.000 € pour les titres KAUPTHING et 1.531.000 € pour les titres LANDBANSKI ISLANDS.

Me MALLEGOL et la SCP [P], en l'état de leurs écritures déposées le 26 avril 2012, concluent à la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté M. [B] de toutes ses demandes à leur encontre, mais de l'infirmer en ce qu'il les a déboutés de leur demande en paiement de la somme de 20.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire.

Ils demandent en conséquence à la cour :

De dire M. [B] irrecevable et mal fondé en toutes ses demandes, fins et conclusions contre eux,

De dire que l'action menée par M. [B] contre eux revêt un caractère manifestement abusif et vexatoire leur causant un préjudice moral et matériel incontestable justifiant sa condamnation à leur verser une somme de 20.000 € à titre de dommages et intérêts,

De le condamner également à leur verser une somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils font valoir :

Que les parties avaient échangé leurs consentements bien avant la régularisation authentique, M. [B] ayant signé un acte de prêt sous seing privé le 7 novembre 2006,

Que, nonobstant le caractère limité de son intervention, Me [P] a pris le soin d'attirer l'attention de M. [B] sur les risques inhérents à une telle opération, notamment sur le fait que l'emprunteur peut subir des pertes et que celles-ci peuvent dépasser les biens nantis par l'emprunteur, l'avis de risque établi par la banque étant également annexé à son acte,

Que les réclamations de M. [B] sont fondées sur des considérations d'ordre économique, mais que l'acte de prêt mentionnait que les décisions d'investissements ressortissaient du choix et de la responsabilité de l'emprunteur, sur les conseils de la banque qui n'a pas été appelée en cause par M. [B],

Que M. [B] ne peut se plaindre du fait que certaines clauses ne respectent pas l'ordre public en matière de prêt car, de la volonté des parties dans l'acte sous seing privé, le prêt a été soumis à la loi luxembourgeoise, ce qui n'est pas interdit de manière contractuelle,

Qu'en tout état de cause, le non-respect des dispositions du code de la consommation visées dans l'acte n'est pas générateur d'un préjudice pour M. [B] puisqu'il peut invoquer la déchéance du droit aux intérêts,

Que le préjudice allégué procède d'une simple affirmation de M. [B] qui n'est étayée par aucun document,

Que les accusations portées contre eux sont injurieuses et que la présentation des faits est tendancieuse.

La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 9 mai 2012.

MOTIFS DE LA DECISION :

Attendu que M. [B] a souscrit auprès de la Landsbanki Luxembourg un contrat de prêt d'un montant de 1.700.000 € remboursable sur 20 ans ; que ce prêt, assorti d'une garantie hypothécaire sur le bien immobilier de l'emprunteur, [Adresse 3], a fait l'objet d'un acte authentique reçu le 12 février 2007 par Me [P], notaire à [Localité 5] ; que l'acte authentique comportait en annexe le contrat de prêt sous seing privé conclu entre M. [B] et la banque le 21 novembre 2006 ainsi que le contrat de gage sur un portefeuille de garanties constitué auprès de la Landsbanki Luxembourg ;

Que ce prêt était destiné à la réalisation d'investissements et que les sommes ainsi prêtées ont été investies dans des obligations islandaises Landsbanki et Kaupthing ; que les banques Landsbanki et Kaupthing ayant été mises en faillite, les titres ont perdu toute valeur et M. [B] a été dans l'obligation de déclarer sa créance au passif de ces banques ; que M. [B] indique avoir ainsi perdu la quasi-totalité de son portefeuille, alors même qu'il est engagé à l'égard de la Landsbanki Luxembourg, elle-même en procédure collective, pour un montant supérieur à 2.300.000 € ; que l'établissement prêteur a été mis en examen en octobre 2011 pour escroquerie, sur les plaintes de particuliers ayant procédé au même montage financier que M. [B] et que l'information pénale est actuellement en cours ;

Que M. [B] agit en responsabilité contre le notaire, Me [P], auquel il reproche d'avoir manqué à son obligation de conseil en qualité de rédacteur de l'acte de prêt avec affectation hypothécaire du 12 février 2007 ; qu'il soutient, d'une part que le notaire a apporté son concours à une opération dont il était incapable de comprendre la portée, notamment le fait qu'il offrait en garantie son patrimoine familial, sans l'informer de la portée de ses engagements, d'autre part que l'acte comporte des incohérences ou des clauses contraires à l'ordre public ;

Attendu, sur le premier grief tenant à l'obligation de conseil et d'information du notaire sur l'opération, que le tribunal a justement retenu, par des motifs pertinents que la cour adopte, d'une part, que, lors de la signature de l'acte authentique, le 12 février 2007, l'accord entre M. [B] et la Landsbanki Luxembourg était parfait puisque les parties avaient signé le contrat de prêt sous seing privé en novembre 2006, hors l'intervention du notaire, de sorte que Me [P] n'était pas tenu d'une obligation de conseil concernant l'opportunité économique du montage financier qui avait été négocié en dehors de lui et dont il n'avait pas les éléments d'appréciation, d'autre part, que, dans le cadre de son obligation d'information et d'efficacité des engagements résultant de l'acte reçu en son étude, le notaire justifiait avoir éclairé son client sur les risques inhérents à l'opération souscrite et sur la portée de ses engagements ;

Que l'acte notarié comporte une clause particulière dénommée « Risque et responsabilité en matière d'investissement » par laquelle l'emprunteur reconnaissait avoir été informé des placements envisagés, de leur « fort caractère spéculatif » et de la « prise de risque considérable de la part de l'emprunteur » ; qu'il y est notamment indiqué : « Si les pertes de l'emprunteur dépassent le montant des biens nantis par lui, le prêteur reste entièrement fondé à recouvrer l'intégralité de la somme restant due par l'emprunteur. » ; qu'il y est également rappelé que les décisions d'investissement concernant les fonds mis à disposition en vertu du contrat de prêt ne doivent être prises que par l'emprunteur et relèvent de sa seule responsabilité ;

Que l'acte notarié indique par ailleurs très clairement que l'immeuble de M. [B] est hypothéqué et affecté à la sûreté et à la garantie du prêt, de sorte que l'emprunteur avait parfaitement connaissance, au regard des mentions de l'acte, de ce qu'en cas de pertes dépassant le montant du portefeuille nanti à la banque, la banque pourrait rechercher le paiement sur son bien immobilier ;

Que le notaire a également annexé à l'acte authentique l'avis de risque formalisé par le prêteur et signé par l'emprunteur, M. [B], le 21 novembre 2006, par lequel ce dernier reconnaissait avoir été informé des risques impliqués sur les « leveraged investments » ainsi que sur les risques de certaines stratégies d'investissements et confirmait accepter ces risques ;

Que M. [B] ne peut donc prétendre ne pas avoir été informé de l'étendue de ses engagements et des risques encourus, en cas de perte, notamment sur son patrimoine immobilier ;

Attendu, sur le second grief tenant aux clauses de l'acte de prêt, que le tribunal a justement constaté que, si les dispositions du code de la consommation n'avaient pas été respectées, cela procédait de la volonté libre et expresse des parties au contrat de prêt sous seing privé signé par M. [B] le 21 novembre 2006 qui prévoyait que le contrat de prêt ainsi que toutes obligations nées de ce contrat seraient régis par le droit du Grand Duché de Luxembourg, la loi française n'étant applicable que pour l'inscription hypothécaire à prendre ;

Que, certes, l'acte notarié fait référence, sur certains points, au code de la consommation et à ses dispositions en matière de prêt immobilier, pourtant inapplicables au prêt souscrit par M. [B], notamment quant à l'offre de prêt et son acceptation ; mais que Me [P] rappelle à juste titre que rien n'interdit aux parties de soumettre volontairement les opérations qu'elles concluent aux dispositions du code de la consommation qui leur sont alors applicables ;

Qu'il convient de noter que le délai de 10 jours entre l'offre de prêt et son acceptation a été respecté et qu'au demeurant, le non-respect des conditions de forme de l'offre est sanctionné par la déchéance des intérêts, à l'exclusion d'une action en responsabilité ;

Attendu que la cour observe, en tout état de cause, que le préjudice subi par M. [B] tient à l'échec de ses investissements, opérés sur des établissements mis en faillite dans les quelques années suivant le montage de l'opération, et à la perte de valeur des placements faits par lui, et que sa réclamation à l'encontre du notaire est donc fondée sur des considérations d'ordre purement économique et sur les aléas financiers rencontrés dont il a été vu qu'ils échappaient au champ de responsabilité de celui-ci dès lors qu'il n'avait pas participé à l'élaboration du montage financier et que les décisions d'investissement des fonds empruntés relevaient de la seule responsabilité de l'emprunteur ;

Attendu que le tribunal a à bon droit rejeté la demande reconventionnelle des notaires en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire, la cour considérant que n'est pas rapportée l'existence d'une faute équipollente au dol commise par M. [B] dans l'exercice de l'action en justice engagée contre son notaire ;

Attendu qu'il convient en conséquence de débouter M. [B] de son appel et Me [P] et la SCP [P] de leur appel incident et de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Vu l'article 696 du code de procédure civile,

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, contradictoirement,

en matière civile et en dernier ressort,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne M. [B] à verser à Me [P] et à la SCP [P] ensemble une somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Le condamne aux dépens d'appel qui seront recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 1re chambre a
Numéro d'arrêt : 11/17428
Date de la décision : 26/06/2012

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1A, arrêt n°11/17428 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-06-26;11.17428 ?
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