COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
4e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 06 JUILLET 2012
N°2012/342
Rôle N° 11/00821
[F] [C] [R] [D]
[P] [Z] épouse [D]
C/
SCI HARTIGNY
[Y] [G]
[B] [D] épouse [G]
Grosse délivrée
le :
à :SCP BADIE
SCP DESOMBRE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 16 Décembre 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 09/05809.
APPELANTS
Monsieur [F] [C] [R] [D]
né le [Date naissance 4] 1941 à [Localité 16] (TUNISIE), demeurant [Adresse 5]
Madame [P] [Z] épouse [D]
née le [Date naissance 2] 1942 , demeurant [Adresse 5]
représentés par Me Sébastien BADIE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE de la SCP BADIE SIMON-THIBAUT et JUSTON aux lieu et place de la SCP DE SAINT FERREOL - TOUBOUL , avoués, plaidant par la SCP CADJI & ASSOCIES, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
INTIMES
SCI HARTIGNY, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège, demeurant [Adresse 6]
Monsieur [Y] [G]
né le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 12], demeurant [Adresse 6]
Madame [B] [D] épouse [G]
née le [Date naissance 3] 1968 à [Localité 12], demeurant [Adresse 6]
représentés par la SCP DESOMBRE M & J, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, aux lieu et place de la SCP GIACOMETTI - DESOMBRE , avoués, plaidant par Me Sébastien DUCHARNE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 785, 786 et 910 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 05 Juin 2012 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Paul ASTIER, Président, et Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller,
Monsieur Jean-Paul ASTIER, Président, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Jean-Paul ASTIER, Président
Monsieur Jean-Luc GUERY, Conseiller
Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Sylvie AUDOUBERT.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Juillet 2012.
ARRÊT
Contradictoire,
Magistrat rédacteur: Monsieur Jean-Paul ASTIER, Président
Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Juillet 2012.
Signé par Monsieur Jean-Paul ASTIER, Président et Madame Sylvie AUDOUBERT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
FAITS ET PROCEDURE
Par acte du 3 mai 2002 Mr [F] [D], agent immobilier et marchand de biens, et son épouse, Mme [P] [Z], ont vendu un hôtel particulier sis [Adresse 7] à la SCI HARTIGNY, constituée entre leur fille, Mme [B] [D], et leur gendre, Mr [Y] [G], pour le prix de 304 898 euros ; faisant valoir qu'il a été convenu verbalement qu'ils continueraient à occuper un appartement situé au 2ème étage de l'immeuble, mais qu'avec le temps ils ont été victimes de menaces, puis de violences, destinées à le leur faire quitter, le 15 avril 2009 Mr et Mme [D] ont assigné la SCI HARTIGNY et Mr et Mme [G] en annulation de la vente pour inexistence et fictivité du prix, et subsidiairement si elle était requalifiée en donation déguisée, en révocation pour ingratitude du donataire ;
Par jugement du 16 décembre 2010 le Tribunal de grande instance de MARSEILLE a statué ainsi :
'DIT que le prix de la vente consentie le 3 mai 2002 de l'immeuble [Adresse 7] a été librement déterminé et consenti par les époux [D],
DEBOUTE les époux [D] de leur demande en nullité de la vente,
DIT que la vente ne peut s'analyser en une donation et déboute les époux [D] de ce chef de demande,
DEBOUTE les époux [G] de leur demande en dommages et intérêts,
CONDAMNE les époux [D] à payer la somme de 3.000 € (trois mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE les époux [D] aux dépens,
ORDONNE l'exécution provisoire' ;
Mr et Mme [D] ont relevé appel de cette décision le 14 janvier 2011 ;
Au terme de dernières conclusions du 4 juin 2012 qui sont tenues pour intégralement reprises ici, ils formulent les demandes suivantes :
'Vu le Jugement rendu le 16 décembre 2010 par le Tribunal de Grande Instance de Marseille, Vu les articles, 696, 699 et 700 du Code de Procédure Civile,
Vu les articles 1591, 953 et suivants du Code Civil
Vu les explications qui précèdent et les pièces versées aux débats,
DEBOUTER les intimés de toutes leurs demandes, fins et conclusions et notamment du moyen de prescription soulevé,
REFORMER le jugement entrepris en ce qu'il a :
- dit que le prix de la vente consentie le 3 mai 2002 a été librement déterminé et consenti par les époux [D]
- débouté les époux [D] de leur demande de nullité de la vente,
DIRE que le prix de vente de l'hôtel particulier sis à [Adresse 13], est non seulement dérisoire mais également fictif,
En conséquence,
PRONONCER la nullité de la vente immobilière conclue le 3 mai 2002 par devant Maître [H], Notaire, au profit de la SCI HARTIGNY et publiée le 3 juillet 2002 au 2ème Bureau de la Conservation des Hypothèques de Marseille, Vol 2002 P n03397.
A titre subsidiaire,
DESIGNER tel expert immobilier qu'il plaira à la Cour avec pour mission de donner une estimation de la valeur en 2002 de l'Hôtel particulier du [Adresse 7] selon les prix du marché de l'époque de la vente.
CONSTATER l'absence d'intention libérale.
A titre infiniment subsidiaire, si par impossible la Cour requalifiait ladite vente de donation déguisée,
REVOQUER ladite donation pour cause d'ingratitude sur le fondement des articles 953 et suivants du Code Civil,
ORDONNER la publication de la décision à intervenir à la Conservation des hypothèques,
CONDAMNER conjointement et solidairement Monsieur et Madame [G] au paiement de la somme de 35.000 euros en réparation du préjudice matériel et moral subi par Monsieur et Madame [D].
CONDAMNER conjointement et solidairement Monsieur [Y] [G], Madame [B] [G] et la SCI HARTIGNY au paiement de la somme de 5.000 euros en remboursement des frais irrépétibles au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
CONDAMNER les intimés aux entiers dépens de l'instance distraits au profit de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD et JUSTON, avocats postulant aux offres de droit' ;
Au terme de dernières conclusions du 21 mai 2012 qui sont tenues pour intégralement reprises ici, la SCI HARTIGNY et Mr et Mme [G] formulent les demandes suivantes :
'VU les articles 1304, 1583, 1591, 957 du Code Civil
VU les pièces produites énumérées in fine et les décisions de Justice
CONSTATER que l'action des époux [D] à l'encontre du contrat de vente du 3 mai 2002, soumise à la prescription quinquennale de l'article 1304 du Code civil et introduite par exploit d'Huissier en date du 15 avril 2009, est irrecevable puisque prescrite ;
Sur le fond, CONFIRMER le jugement du 16 DECEMBRE 2010 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté les époux [G] de leur demande de dommages et intérêts et, statuant à nouveau,
CONDAMNER solidairement les époux [D] à payer aux époux [G] compte tenu de leur mauvaise foi manifeste, de leurs actions dilatoires et du préjudice moral qu'ils leur font ainsi subir, la somme de 50 000 € à titre de dommages et intérêts ;
CONDAMNER solidairement les époux [D] à payer à la S.C.I. HARTIGNY et aux époux [G] la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
CONDAMNER solidairement les époux [D] aux entiers dépens distraits au profit de la S.C.P. GIACOMETTI et DESOMBRE, avocat, sous son affirmation d'y avoir pourvu' ;
L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 juin 2012, avant l'ouverture des débats ;
MOTIFS DE LA DECISION
L'appel est régulier en la forme et a été interjeté dans les délais ; il est recevable
En droit, dans tous les cas où l'action en nullité ou en rescision d'une convention n'est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans ; pour conclure à l'application de la prescription trentenaire, Mr et Mme [D] font valoir que leur action est fondée sur le prix vil ou fictif de la vente, qui frapperait celle-ci d'une nullité absolue ; or le contrat conclu pour un prix dérisoire ou vil n'est pas inexistant, mais nul pour défaut de cause, et s'agissant d'une nullité relative, qui relève d'intérêt privé, l'action en nullité de ce contrat est soumise à la prescription quinquennale ; au demeurant la minoration du prix de la vente, justifiée par les liens de parenté unissant vendeurs et acquéreurs par société interposée, ne permet pas de considérer celui-ci comme inexistant ; en effet Mr [D], professionnel de l'immobilier, et son épouse n'expliquent pas autrement pourquoi le 3 mai 2002 ils auraient vendu leur résidence principale à la SCI HARTIGNY pour un prix vil ou fictif, sans même prendre la précaution de faire inscrire dans l'acte leur droit, convenu 'oralement', de continuer à occuper les lieux, et pourquoi le 28 décembre 2006 encore celui-là aurait également vendu son agence immobilière à la Sarl IMMOBILIERE [G] [D] pour un prix 'modique' ; l'assignation étant en date du 15 avril 2009, l'action en nullité est donc prescrite ;
Il n'appartient pas à la Cour de requalifier la vente en donation déguisée, alors que ni les vendeurs ni les acquéreurs ne le demandent ; au reste si tel devait être le cas, l'action en révocation de Mr et Mme [D] serait aussi irrecevable ; en effet en vertu de l'article 957 du code civil, expressément visé par les intimés dans leurs conclusions et sur lequel les appelants ont répondu, la demande en révocation pour cause d'ingratitude doit être formée dans l'année, à compter du jour du délit imputé par le donateur au donataire, ou du jour que le délit aura pu être connu par le donateur ; or force est de constater que Mr et Mme [D] auraient quitté les lieux 'sous la contrainte' exercée par Mr et Mme [G] le 10 ou 11 avril 2008, le fait qu'ils aient pu être ultérieurement empêchés d'y revenir n'ajoutant rien à la chose, alors que l'assignation est en date du 15 avril 2009 ; ils seront donc débouté de leur prétention à ce titre ;
Les pièces du dossier ne permettent pas à la Cour de déterminer qui, de Mr et Mme [D] ou de Mr et Mme [G], est responsable de la dégradation des relations familiales et d'affaires qui les unissaient, au point de dégénérer en menaces de mort et de destruction ; les demandes réciproques de dommages et intérêts seront donc rejetées ;
Il n'y a pas lieu d'allouer aux défendeurs, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, d'autre somme que la juste indemnité déjà accordée par le premier juge ;
Mr et Mme [D] qui succombent doivent supporter les entiers dépens ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort, par mise à disposition au Greffe,
Reçoit l'appel ;
Réforme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mr et Mme [D] de leur demande de nullité de la vente, et statuant à nouveau,
Déclare l'action en nullité irrecevable comme prescrite ;
Confirme la décision déférée pour le surplus ;
Rejette toutes autres demandes ;
Condamne Mr et Mme [D] aux entiers dépens, et dit que ceux d'appel pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;
LE GREFFIER LE PRESIDENT
S.AUDOUBERT J.P.ASTIER