COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
11e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 07 SEPTEMBRE 2012
N° 2012/ 406
Rôle N° 10/13262
[P] [W]
C/
SARL SAINT JEAN 83
Grosse délivrée
le :
à :
SCP TOLLINCHI
SCP LATIL
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 14 Juin 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 08/2367.
APPELANT
Monsieur [P] [W]
né le [Date naissance 1] 1940 à [Localité 20], demeurant [Adresse 6]
représenté par la SCP TOLLINCHI PERRET VIGNERON, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Plaidant par Me MAUDUIT de la SELARL MAUDUIT LOPASSO & ASSOCIES, avocats au barreau de TOULON,
INTIMEE
SARL SAINT JEAN 83, prise en la personne de son représentant légal en exercice y domicilié, demeurant [Adresse 2]
représentée par la SCP LATIL PENARROYA-LATIL ALLIGIER, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
Plaidant par Me Philippe MARIN, avocat au barreau de TOULON substitué par Me Sophie MARCHESE, avocat au barreau de TOULON
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COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 30 Mai 2012 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Daniel ISOUARD, Président , a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Daniel ISOUARD, Président
Monsieur Jean-Claude DJIKNAVORIAN, Conseiller
Madame Sylvie PEREZ, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Mireille LESFRITH.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 Septembre 2012
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 Septembre 2012,
Signé par Monsieur Daniel ISOUARD, Président et Madame Mireille LESFRITH, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE :
Monsieur [W] avait donné en location commerciale à usage de camping à la société DUVAR les parcelles situées à [Localité 17] (Var) AC n° [Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 5],[Cadastre 7], [Cadastre 8], [Cadastre 9], [Cadastre 10], [Cadastre 11], [Cadastre 12] et [Cadastre 13]. Ce bail a été résilié d'un commun accord des parties le 8 juillet 2003 moyennant une indemnité au profit du preneur de 304 898,03 euros payée par compensation au prix de cession des parcelles n° [Cadastre 5] et [Cadastre 7].
Monsieur [W] désirant lotir dans un premier temps une partie des parcelles récupérées et dans un second temps une autre partie, le même jour intervenait entre les parties une convention d'occupation précaire prévoyant une occupation gratuite de la parcelle n° [Cadastre 4] par la société DUVAR jusqu'au 30 octobre 2004, après cette date, si l'administration opposait un sursis à statuer à la demande de lotir de Monsieur [W], la prorogation de cette convention d'occupation jusqu'à l'obtention du permis moyennant une redevance de
14 000 euros par an et contenant une promesse de bail commercial si le 31 décembre 2005 Monsieur [W] n'avait pas obtenu un permis de lotir ou de construire sur cette parcelle.
Les 28 et 30 décembre 2005, la société DUVAR retenant de Monsieur [W] n'avait pas obtenu le permis visé, a levé l'option afférente à la conclusion du bail commercial. Elle a cédé son fonds de commerce avec le prétendu droit au bail sur la parcelle litigieuse le
2 mars 2006 à la société Saint-Jean 83.
Monsieur [W] a saisi le tribunal de grande instance de Toulon afin de constat de la caducité de la convention d'occupation précaire du 8 juillet 2003 et, par jugement du 14 juin 2010, cette juridiction l'a débouté de l'ensemble de ses demandes et lui a enjoint de se présenter à toute convocation qui lui sera faite par la société Saint-Jean 83, en vue de la signature du bail commercial à effet au 1er janvier 2006 sous astreinte de 300 euros par jour de retard.
Le 12 juillet 2010, Monsieur [W] a interjeté appel de cette décision.
Il soutient que la convention d'occupation précaire prévoit, après une période d'occupation gratuite, sa prolongation durant la période d'instruction du dossier de lotir ou de construire sans limitation de durée et que ce n'est qu'en cas de refus d'une telle autorisation que la société DUVAR pouvait lever la promesse de bail commercial, qu'en décembre 2005, l'administration avait sursis à statuer sur sa demande de lotir et qu'en conséquence la société DUVAR ne pouvait pas réclamer le bénéfice d'un bail commercial.
Il prétend que cette interprétation est la seule possible en raison de la nécessité de faire produire effet aux clauses de la convention et de leur donner à chacune un sens qui résulte de l'acte entier.
Prétendant que la société Saint-Jean 83 ne peut se prévaloir d'aucun titre d'occupation du terrain, il demande son expulsion sous astreinte de 200 euros par jour de retard, passé le délai d'un mois suivant la signification de cette décision et sa condamnation à lui payer une indemnité d'occupation de 1 166 euros par mois depuis la cession du fonds de commerce jusqu'à son départ effectif ainsi que la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société Saint-Jean 83 conclut à la confirmation du jugement attaqué et à la condamnation de Monsieur [W] à lui payer la somme de 5 000 euros de dommages-intérêts pour procédure abusive et celle de 2 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elle soutient que le 31 décembre 2005 constituait une date butoir pour la convention d'occupation précaire et que l'absence d'autorisation de lotir ou de construire à cette date lui ouvrait son droit à réclamer un bail commercial.
Le 15 mai 2012, le magistrat de la mise en état a clôturé l'instruction de l'affaire. Le 30 mai 2012 Monsieur [W] a déposé de nouvelles conclusions pour la recevabilité desquelles il demande la révocation de l'ordonnance de clôture.
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MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la procédure :
L'article 784 du Code de procédure civile ne permet la révocation de l'ordonnance de clôture que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue.
Aucun moyen n'appuie la demande de Monsieur [W] en révocation de l'ordonnance de clôture étant relevé que les derniers actes avant cette ordonnance datent des 26 et 27 avril 2012.
Dès lors l'ordonnance de clôture doit être maintenue.
Par application de l'article 783 du Code de procédure civile qui prohibe après l'ordonnance de clôture le dépôt de conclusions sous peine d'irrecevabilité prononcée d'office, les conclusions de Monsieur [W] du 30 mai 2012 doivent être déclarées irrecevables.
Sur le fond :
La convention d'occupation précaire du 8 juillet 2003 établie par acte authentique met à la disposition de la société DUVAR la parcelle AC n° [Cadastre 4]. Ses clauses intéressant le litige sont celles relatives à la durée de la convention et à la promesse de bail commercial.
La première stipule :
'DURÉE DE LA CONVENTION
La présente convention est consentie et acceptée pour une durée qui commencera ce jour pour se terminer le 30 octobre 2004
Si l'Administration oppose un sursis à statuer à la demande d'autorisation de construire ci-après visée, Monsieur [W] s'oblige à proroger la présente convention jusqu'à l'obtention du permis moyennant une indemnité à calculer sur la base de 14 000 € par an'.
La seconde énonce :
'PROMESSE DE BAIL COMMERCIAL
Si à la date du 31 décembre 2005, Monsieur [W] n'a pas obtenu un permis de lotir ou de construire sur la parcelle objet des présentes, celui-ci promet de consentir à la SARL DUVAR ce qui est accepté par son gérant, un bail commercial conformément aux stipulations du bail joint et annexé aux présentes après mention.
Cette promesse est consentie jusqu'au 31 décembre 2005.
En cas de non obtention de l'autorisation sus visée, la SARL DUVAR aura un délai d'un mois à compter du 31 décembre 2005 pour lever l'option de la promesse aux conditions ci-dessus par lettre recommandée avec avis de réception'.
Cette convention envisage trois situations :
- une période d'occupation gratuite qui se termine au 30 octobre 2004,
- à partir de cette date, si l'administration a opposé à Monsieur [W] un sursis à statuer à sa demande de permis de lotir ou de construire, une prolongation de cette convention contre une redevance annuelle de 14 000 euros sans préciser dans son paragraphe sur la durée de la convention la durée de cette prolongation,
- au 31 décembre 2005, en cas de non-obtention du permis de lotir et de construire, une promesse de bail commercial que la société DUVAR devra lever dans un délai d'un mois à compter du 31 décembre 2005 soit avant le 31 janvier 2006.
Comme l'énonce l'article 1161 du Code civil 'toutes les clauses des conventions s'interprètent les unes par les autres en donnant à chacune le sens qui résulte de l'acte entier'.
Tout d'abord la date du 31 décembre 2005 contenue dans la promesse du bail commercial vise le cas où Monsieur [W] n'a pas obtenu un permis de lotir ou de construire et non pas celui où ce permis lui aurait été refusé ; la rédaction de la clause où elle figure est similaire de celle de la durée de la convention d'occupation précaire, montrant qu'elle s'insère dans une même opération. Ce défaut d'obtention est visé à deux reprises dans le même paragraphe.
Ensuite admettre comme le prétend Monsieur [W] que la convention d'occupation précaire se poursuit durant toute la durée de l'instruction du dossier par l'administration ou du sursis à statuer revient à priver de sens la date du 31 décembre 2005 visée à la promesse de bail commercial et dans ce cas le visa de cette date ne se comprend pas. Il s'explique encore moins que la société DUVAR disposait d'un délai d'un mois à compter du 31 décembre 2005 pour lever cette option ; donc si elle ne la levait pas avant le 31 janvier 2006 elle perdait le bénéfice du bail commercial.
Cela montre que le 31 décembre 2005 a été stipulé comme la date butoir de la convention d'occupation précaire offrant à la société DUVAR à compter de ce jour le droit de lever l'option de la promesse de bail commercial.
Ainsi c'est à juste titre qu'elle a levé cette option qui imposait à Monsieur [W] de lui consentir un bail commercial.
La confirmation du jugement attaqué s'impose.
La société Saint-Jean 83 ne démontre pas la faute qu'aurait commise Monsieur [W] en usant de son droit d'agir en justice ni ne cerne le préjudice qui en aurait découlé. Elle doit être déboutée de sa demande de dommages-intérêts.
Succombant à son recours, Monsieur [W] doit être condamné à payer à la société Saint-Jean 83 la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
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PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ;
Déclare irrecevables les conclusions de Monsieur [W] du 30 mai 2012 ;
Confirme le jugement du 14 juin 2010 du tribunal de grande instance de Toulon ;
Déboute la société Saint-Jean 83 de sa demande en dommages-intérêts ;
Condamne Monsieur [W] à payer à la société Saint-Jean 83 la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamne Monsieur [W] aux dépens d'appel et dit qu'ils seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT