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11/09/2012 | FRANCE | N°09/20182

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 14e chambre, 11 septembre 2012, 09/20182


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

14e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 11 SEPTEMBRE 2012



N°2012/725





Rôle N° 09/20182





SOCIETE PORT PIN ROLLAND



C/



[V] [G]

[W] [G]

[U] [K]

[O] [G] épouse [X]

[M] [X]

[B] [C]

[T] [G] épouse [C]

[I] [C]

[P] [N] veuve [G]

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAR



FIVA

ETAT FRANCAIS MINISTERE DE LA SANTE ET DES SPORTS pris en la pers. de l'agent judiciaire du trésor>
ETAT FRANCAIS MINISTERE DE LA DEFENSSE pris en la personne de l'Agent Judiciaire du Trésor

MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SÉCURITÉ SOCIALE





Grosse délivrée le :



à :

SCP TEISSONNIER...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

14e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 11 SEPTEMBRE 2012

N°2012/725

Rôle N° 09/20182

SOCIETE PORT PIN ROLLAND

C/

[V] [G]

[W] [G]

[U] [K]

[O] [G] épouse [X]

[M] [X]

[B] [C]

[T] [G] épouse [C]

[I] [C]

[P] [N] veuve [G]

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAR

FIVA

ETAT FRANCAIS MINISTERE DE LA SANTE ET DES SPORTS pris en la pers. de l'agent judiciaire du trésor

ETAT FRANCAIS MINISTERE DE LA DEFENSSE pris en la personne de l'Agent Judiciaire du Trésor

MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SÉCURITÉ SOCIALE

Grosse délivrée le :

à :

SCP TEISSONNIERE ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS

Me Jacques DEPIEDS, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Marie-laure BREU-LABESSE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

copie certifiée conforme

délivrée

le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de VAR en date du 12 Octobre 2009,enregistré au répertoire général sous le n° 20702403.

APPELANTE

SOCIETE PORT PIN ROLLAND, demeurant [Adresse 16]

représentée par Me Jean-Louis LAGADEC, avocat au barreau de TOULON substitué par Me Aurélie BOUKORRAS, avocat au barreau de TOULON

INTIMES

Monsieur [V] [G], demeurant [Adresse 19]

représenté par la SCP TEISSONNIERE ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS

Monsieur [W] [G], demeurant [Adresse 1]

représenté par la SCP TEISSONNIERE ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS

Mademoiselle [U] [K], demeurant [Adresse 10] SUR M. [Y] [A]

représentée par la SCP TEISSONNIERE ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS

Madame [O] [G] épouse [X], demeurant [Adresse 9] SUR M. [Y] [A]

représentée par la SCP TEISSONNIERE ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS

Monsieur [M] [X], demeurant [Adresse 6] M. [Y] [A]

représenté par la SCP TEISSONNIERE ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS

Monsieur [B] [C], demeurant [Adresse 3] M. [Y] [A]

représenté par la SCP TEISSONNIERE ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS

Madame [T] [G] épouse [C], demeurant [Adresse 3] M. [Y] [A]

représentée par la SCP TEISSONNIERE ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS

Monsieur [I] [C], demeurant [Adresse 3] M. [Y] [A]

représenté par la SCP TEISSONNIERE ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS

Madame [P] [N] veuve [G], demeurant [Adresse 17] SUR M. [Y] [A]

représentée par Me Jean Paul TEISSONNIERE, avocat au barreau de PARIS

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAR, demeurant [Adresse 22]

représenté par Me Jacques DEPIEDS, avocat au barreau de MARSEILLE

PARTIE(S) INTERVENANTE(S)

FIVA, demeurant [Adresse 21]

non comparant

ETAT FRANCAIS MINISTERE DE LA SANTE ET DES SPORTS pris en la pers. de l'agent judiciaire du trésor, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Marie-laure BREU-LABESSE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Clémence AUBRUN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

ETAT FRANCAIS MINISTERE DE LA DEFENSSE pris en la personne de l'Agent Judiciaire du Trésor, demeurant [Adresse 5]

représentée par Me Marie-laure BREU-LABESSE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Clémence AUBRUN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE, demeurant [Adresse 4]

non comparant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 19 Juin 2012 en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Bernadette AUGE, Président

Madame Florence DELORD, Conseiller

Monsieur Jean-Luc CABAUSSEL, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 Septembre 2012

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 11 Septembre 2012

Signé par Madame Bernadette AUGE, Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE - PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Monsieur [H] [G] a été employé en qualité de mécanicien de bord par la Société PORT PIN ROLLAND.

Il est tombé malade, en 2004, à l'âge de 72 ans, un cancer bronchique ayant été diagnostiqué et il a souscrit, le 22 juillet 2004, une déclaration de maladie professionnelle sur la base du certificat médical initial du 25 juin 2004.

Le caractère professionnel de la maladie a été reconnu par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Var le 28 octobre 2004 et un taux d'incapacité permanente partielle de 100 % lui a été notifié, le 22 décembre 2004 à compter du 25 juin 2004.

Monsieur [H] [G] a saisi, le 20 janvier 2005, la CPAM du Var d'une demande de conciliation dans le cadre de la procédure en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur. Il devait décéder des suites de sa maladie professionnelle le [Date décès 8] 2005 .

Le lien entre la maladie professionnelle et le décès de Monsieur [G] a été reconnu par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Var et une rente d'ayant droit a été notifiée à Madame [N] Veuve [G] à compter du 1er février 2005 .

Par acte du 17 août 2005, les consorts [G] ont saisi le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale du Var.

Par jugement en date du 12 octobre 2009 cette juridiction a :

Déclaré recevable et non prescrite l'action engagée par les Consorts [G];

Dit que la maladie dont était atteint Monsieur [H] [G] résulte de la faute inexcusable de son employeur: la Société PORT PIN ROLLAND ;

Fixé au maximum la majoration de la rente perçue par Monsieur [G] à compter du 25 juin 2004 ;

Accordé l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L452-3 du Code de la Sécurité Sociale;

Fixé comme suit l'indemnisation du préjudice de Monsieur [H] [G]:

$gt; Souffrances physique:50.000 euros

$gt; Souffrances morale : 45.000 euros

$gt; Préjudice d'agrément : 20.000 euros

Soit au total CENT QUINZE mille euros (115.000 €) ;

Débouté sur la demande de réparation du préjudice esthétique de feu Monsieur [G];

Fixé l'indemnisation du préjudice moral subi par les consorts [G] de la façon suivante :

Madame [N] Veuve [G] 10.000 €

Monsieur [W] [G] (son fils)6.000 €

Madame [O] [X] (sa fille) 6.000 €

Madame [T] [C] (sa fille) 6.000 €

Mademoiselle [U] [K] (sa petite-fille) 3.000 €

Monsieur [M] [X] (son petit-fils) 3.000 €

Monsieur [B] [C] (son petit-fils) 3.000 €

Monsieur [I] [C] (son petit-fils) 3.000 €

Débouté Monsieur [V] [G] de sa demande de réparation de son préjudice moral ;

Fixé à 1.500 euros le montant des frais irrépétibles à verser au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile aux consorts [G] par la société PORT PIN ROLLAND.

Le 5 novembre 2009, la société PORT PIN ROLLAND a relevé appel de cette décision.

Elle conclut à titre principal à la prescription de l'action des consorts [G] et à titre subsidiaire à l'absence de faute inexcusable. Elle demande à être relevée et garantie par l'Etat Français de toute condamnation qui pourrait être mise à sa charge et elle réclame le paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

S'agissant de la reconnaissance de la faute inexcusable, elle expose qu'il appartient au salarié ou en cas de décès à ses ayants droit d'établir l'origine de l'accident de manière certaine et le lien de cause à effet entre la faute de l'employeur et l'accident. Elle ajoute que la faute inexcusable doit s'entendre d'une faute d'une gravité exceptionnelle dérivant d'un acte ou d'une omission volontaire, de la conscience du danger que devait en avoir son auteur et de l'absence de toute cause justificative.

Elle estime que les attestations produites par le salarié sont des attestations de complaisance, que Monsieur [G] n'a été employé par elle que durant six ans et que sa maladie n'a été mise en évidence que 17 ans après sa sortie de l'entreprise de sorte qu'il est improbable qu'il ait contracté cette maladie au sein de la société PORT PIN ROLLAND. Elle estime que les fonctions du salarié ne l'exposaient pas à l'amiante. Par ailleurs, elle soutient qu'aucune faute ne peut lui être reprochée dès lors qu'elle ne fabrique pas et n'utilise pas l'amiante.

Elle soutient que l'intimé ne rapporte pas la preuve exigée tant sur le plan des manquements que sur celui de la conscience du danger.

Elle ajoute que la responsabilité de l'Etat doit être retenue pour n'avoir pas pris les mesures de prévention en matière d'amiante et qu'au surplus, Monsieur [G] a travaillé en qualité de mécanicien pour la Marine nationale de 1950 à 1975.

Les consorts [G] soutiennent que leur action n'est pas prescrite puisqu'elle a été introduite dans les deux ans à compter de la prise en charge de la maladie dont était atteint Monsieur [G].

Ils exposent sur la reconnaissance de la faute inexcusable que l'employeur est tenu d'une obligation de sécurité de résultat; que l'activité de Monsieur [G] au sein de l'entreprise PORT PIN ROLLAND du 1er septembre 1980 au 13 février 1987 , en qualité de mécanicien de bord , l'a amené de façon habituelle à travailler dans un environnement chargé d'amiante.

Ils font en outre observer que la société n'a pris aucune mesure nécessaire pour préserver la santé de ses salariés dont lui-même.

Ils demandent la réformation de la décision uniquement sur les indemnisations et sollicitent l'indemnisation de leur préjudice ainsi qu'il suit:

Au titre du préjudice de Monsieur [G]

- souffrances physiques : 80.000 euros

- souffrances morales :80.000 euros

- préjudice d'agrément :80.000 euros

- préjudice esthétique : 15.000 euros

Au titre du préjudice moral des ayants droit :

- Mme veuve [G] : 60.000 euros

- M. [W] [G] : 30.000 euros

-Mme [O] [G] épouse [X] : 30.000 euros

-Mme [T] [G] épouse la somme de euros à titre de dommages et intérêts Mascio : 30.000 euros.

Ils réclament la réparation du préjudice moral de Monsieur [V] [G] à hauteur de 5.000 euros.

Ils demandent la majoration de la rente d'ayant droit de Mme veuve [G].

Ils réclament également la condamnation de la société appelante à leur payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

L'Agent Judiciaire du Trésor conclut à l'irrecevabilité et au mal fondé des demandes de la société PORT PIN ROLLAND à son égard.

Il expose que n'ayant été mise en cause qu'en appel, aucune évolution du litige ne vient justifier cette mise en cause qui se trouve irrecevable en application des articles 554 et 555 du code de procédure civile.

Par ailleurs, il fait valoir que Monsieur [G] est un salarié de droit privé embauché par une société privée, aucun élément n'établissant une relation contractuelle et le statut d'employeur de l'Etat Français.

La Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Var s'en rapporte sur l'existence d'une faute inexcusable de l'employeur et conclut à la confirmation de l'évaluation des préjudices.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer aux écritures de celles-ci reprises oralement à l'audience.

La DRJSCS et le FIVA, régulièrement convoqués ne comparaissent pas.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la prescription

Attendu que d'une part, en application des dispositions de l'article L. 431-2 du Code de la Sécurité Sociale, les droits de la victime au bénéfice de la législation professionnelle se prescrivent par deux ans, à compter du jour de l'accident ou de la cessation du paiement de l'indemnité journalière; que l'article L.461-1 du même code indique qu' « en ce qui concerne les maladies professionnelles la date à laquelle la victime est informée par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle est assimilée à la date de l'accident »;

Attendu que d'autre part, l'action en reconnaissance du caractère professionnel de la maladie introduite dans les deux années suivant l'un de ces deux événements interrompt la prescription de l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur et fait courir un nouveau délai de deux ans dans lequel la victime doit introduire cette action; que la prescription court notamment à compter de la reconnaissance de l'origine professionnelle de la maladie ou de l'accident;

Attendu qu'enfin la saisine de la caisse primaire aux fins de conciliation avec l'employeur interrompt la prescription biennale puisque, constituant un préalable à l'introduction d'une instance contentieuse, la tentative de conciliation équivaut à une demande en justice;

Attendu qu'en l'espèce, Monsieur [G] a eu connaissance du lien possible entre sa maladie et son activité professionnelle par un certificat médical établi le 25 juin 2004; qu'il disposait d'un délai de deux ans pour faire reconnaître le caractère professionnel de sa maladie; qu'il a adressé sa demande à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Var le 22 juillet 2004 soit dans le délai; que le caractère professionnel a été reconnu par une décision de la caisse en date du 28 octobre 2004; qu'à compter de cette date, la victime disposait d'un délai de deux ans soit jusqu'au 28 octobre 2006 pour introduire son action en faute inexcusable à l'encontre de son employeur;

Attendu que Monsieur [G] a saisi la Caisse d'une requête tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable de la société PORT PIN ROLLAND le 20 janvier 2005 soit dans le délai de deux ans; que la tentative de conciliation n'ayant pu être organisée et la victime étant décédée le [Date décès 8] 2005, ses ayants droit ont saisi le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale par lettre recommandée avec accusé de réception du 10 août 2005 reçue le 17 août 2005 et versée aux débats; que les ayants droit peuvent réclamer devant le tribunal non seulement l'indemnisation de leur préjudice personnel mais également celle du préjudice subi par la victime décédée;

Attendu que la mention dans la lettre du conseil d'une saisine du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale le 22 mars 2005 ' du vivant de Monsieur [H] [G]' constitue une erreur dès lors que Monsieur [G] est décédé le [Date décès 8] 2005; que par ailleurs la notification de l'absence de conciliation possible est intervenue après le décès;

Attendu que la saisine du tribunal a été effectuée uniquement par les ayants droit de la victime par lettre recommandée avec accusé de réception reçue le 17 août 2005 soit dans le délai de deux ans;

Attendu que c'est à juste titre que le premier juge a constaté que l'action n'était pas atteinte par le prescription biennale;

Attendu que la société appelante invoque également la prescription de l'action des consorts [G] pour n'avoir pas saisi le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale dans le délai de deux mois à compter de la décision de non conciliation; qu'elle vise les dispositions de l'article R.142-18 du Code de la Sécurité Sociale;

Attendu que cet article concerne la procédure diligentée contre la décision d'une caisse de sécurité sociale, de prestations familiale, de retraite ou contre l'URSSAF prévoyant la saisine obligatoire avant toute action devant le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de la Commission de Recours Amiable de l'organisme social; que l'article R.142-18 du Code de la Sécurité Sociale qui exige, à peine de forclusion que le tribunal soit saisi dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision de la Commission de Recours Amiable n'est pas applicable à l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur; que c'était à tort que l'organisme social avait indiqué à Monsieur [G] qu'il devait saisir le tribunal dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'absence de conciliation;

Attendu que l'action des consorts [G] n'étant pas prescrite se trouve donc recevable;

Sur le caractère professionnel de la maladie

Attendu que les éléments constants relatifs aux faits en cause sont les suivants :

- [H] [G] né le [Date naissance 7] 1932 a été employé par la société PORT PIN ROLLAND du 1er septembre 1980 au 13 février 1987 en qualité de mécanicien de bord ,

- l'activité principale de la société est la vente, la location, l'entretien et le gardiennage de bateaux de plaisance ainsi que l'accastillage nécessaire à la construction des bateaux de plaisance, de commerce professionnel et de tous engins pouvant naviguer,

-le 22 juillet 2004, à l'âge de 72 ans, [H] [G] a fait une déclaration de maladie professionnelle en visant la pathologie inscrite au tableau n° 30bis ' cancer bronchique'mise en évidence par une première constatation médicale en date du 25 juin 2004,

- la maladie a été reconnue et prise en charge à titre professionnel le 28 octobre 2004, le taux d'IPP a été fixé à 100%,

- Monsieur [G] est décédé le [Date décès 8] 2005 et une rente a été attribuée par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie à son épouse;

Attendu que la société appelante soutient que la qualification professionnelle de la maladie par le certificat médical du 25 juin 2004 et la prise en charge de celle-ci par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie ne peuvent suffire à démontrer l'origine professionnelle de la pathologie de Monsieur [G];

Attendu que sont présumées maladies professionnelles, sans que la victime ait à prouver le lien de causalité entre son affection et son travail, les maladies inscrites et définies aux tableaux prévus par les articles L.461-2 et R.461-3 du Code de la Sécurité Sociale et ce, dès lors qu'il a été établi que le salarié qui en est atteint a été exposé de façon habituelle au cours de son activité professionnelle, à l'action d'agents nocifs;

Attendu qu'il appartient à l'employeur qui entend contester le caractère professionnel de la maladie de combattre la présomption par la production d'éléments probants, ce que ne fait pas la société appelante qui n'apporte au débat aucun élément ou pièce utile permettant d'établir sa contestation autrement que par voie d'affirmations;

Attendu qu'en outre, la société PORT PIN ROLLAND figure dans l'annexe I 'modifications apportées à la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à l'ACAATA, dans la réparation et la construction navales, figurant en annexe de l'arrêté du 7 juillet 2000 modifié'; que la modification en date du 20 septembre 2002 porte sur la période concernée puisque, fixée au départ 'de 1974 à 1980", elle est devenue 'depuis 1974" ; que Monsieur [G] a travaillé pour la société appelante postérieurement à 1974;

Attendu que le moyen sera rejeté et ce, d'autant que la Caisse Primaire d'Assurance Maladie a admis la réunion des conditions administratives et médicales requises;

Sur la faute inexcusable

Attendu que l'employeur est tenu en vertu du contrat de travail le liant à son salarié d'une obligation de sécurité de résultat en ce qui concerne la santé et la sécurité de ses salariés du fait des produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise ou de l'activité de celle-ci;

Que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver; que depuis 2002, la jurisprudence n'exige plus que la faute soit d'une gravité exceptionnelle impliquant l'imputation à l'employeur d'un acte ou d'une omission volontaire;

Qu'il importe de rappeler que pour faire retenir la faute inexcusable de l'employeur, le salarié doit nécessairement établir de manière circonstanciée d'une part l'imputabilité de la maladie à son activité au sein de l'entreprise et donc qualifier l'exposition au risque et d'autre part la réalité de la conscience du danger auquel l'employeur exposait ses salariés;

Sur l'exposition au risque amiante

Attendu que compte tenu de l'activité de Monsieur [G], celui-ci était directement exposé à l'amiante de 1980 à 1987, en qualité de mécanicien, ses activités l'amenant à manipuler des composants protégés par de l'amiante, cette substance servant à isoler les parties chaudes des navires, de sorte que tant au moment de la construction que pour l'entretien, les salariés procédaient au calorifugeage et au décalorifugeage notamment des tuyauteries, chaudières et autres parties chaudes;

Attendu que ces faits sont confirmés par des attestations de salariés ayant travaillé avec Monsieur [G] ( [L], [D]) au sein de la société PORT PIN ROLLAND et que rien de sérieux ne permet de remettre en cause ; que ces attestations indiquent que 'l'amiante était fortement utilisée dans les chantiers de constructions navales, car elle entrait dans le processus de fabrication des bateaux comme matériau résistant au feu et servant d'isolation sur les parties chaudes des navires'

Attendu qu'il importe peu que la société appelante n'ait pas participé à un processus de fabrication ou de transformation de l'amiante, dès lors qu'elle l'utilisait comme isolant et que les salariés qui procédaient à l'entretien et aux réparations étaient en contact avec ce produit;

Attendu enfin que le fait que Monsieur [G] ait travaillé pour un autre employeur chez lequel il aurait été exposé au risque ne fait pas obstacle à ce qu'il poursuive l'employeur de son choix;

Attendu qu'eu égard aux attestations produites et aux fonctions occupées par la victime, il doit être admis que Monsieur [G] a été en contact habituel avec l'amiante durant une période de 7 ans au sein de la société PORT PIN ROLLAND et donc exposé au risque professionnel en relation avec l'apparition de la maladie professionnelle;

Sur la conscience du danger

Attendu que Monsieur [G] a travaillé pour la société appelante de 1980 à 1987 soit postérieurement à la parution du décret du 17 août 1977 mettant à la charge des entreprises manipulant ce produit à l'air libre diverses obligations telles qu'établissement d'un taux de concentration maximum de fibres d'amiante dans l'atmosphère, contrôle régulier de l'atmosphère des lieux de travail, mise à disposition d'appareils respiratoires, conditionnement des déchets, information par l'employeur des salariés des risques encourus ;

Attendu que l'activité professionnelle de la victime, mécanicien de bord, s'exerçait dans un milieu confiné de sorte que le risque d'inhalation était encore plus important; que ce décret avait été précédé d'autres textes et notamment ceux sur les poussières et ceux prévoyant l'inscription au tableau des maladies professionnelles de pathologies liées à l'inhalation de poussières d'amiante, textes antérieurs à la période d'activité de Monsieur [G];

Attendu qu'à la suite des décrets de 1977, à partir desquels l'absence de conscience du danger ne pouvait être véritablement invoquée par une entreprise exposant ses salariés au contact avec l'amiante, il n'est pas établi que des mesures de protection aient été prises par la société PORT PIN ROLLAND afin de protéger ses salariés de l'amiante; que cette absence de mesures est confirmée par les attestations produites qui indiquent : 'aucune protection particulière collective ou individuelle ne nous était fournie pour ses protéger de l'amiante' ;

Attendu que la société PORT PIN ROLLAND aurait dû avoir conscience du danger auquel elle exposait Monsieur [G] et n'a pas pris les mesures utiles pour le protéger pendant le temps de présence dans l'entreprise; que c'est par une juste appréciation des faits de la cause que le premier juge a retenu la commission d'une faute inexcusable en relation directe avec la pathologie et le décès du salarié;

Sur la mise en cause de la responsabilité de l'Etat Français

Attendu que l'Agent Judiciaire du Trésor fait valoir que les demandes de la société PORT PIN ROLLAND à son encontre sont irrecevables en application des dispositions des articles 554 et 555 du code de procédure civile;

Attendu qu'en effet, il résulte de ces textes que les personnes qui n'ont été ni parties, ni représentées en première instance peuvent être appelées devant la cour, même aux fins de condamnation, quand l'évolution du litige implique leur mise en cause;

Attendu qu'en l'espèce, aucune révélation d'une circonstance de fait ou de droit, née du jugement ou postérieure à celui-ci et modifiant les données juridiques du litige n'est invoquée par la société appelante;

Attendu que cette dernière n'ignorait pas en première instance que Monsieur [G] avait travaillé dans les mêmes qualifications professionnelles au sein de la Marine Nationale entre 1950 et 1975 puisqu'elle demandait au tribunal de le constater, sans pour autant appeler l'ancien employeur devant le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale et demander à son encontre une quelconque condamnation à la relever et garantir;

Attendu que les demandes à l'encontre de l'Etat Français en sa qualité d'ancien employeur, représenté par l'Agent Judiciaire du Trésor sont irrecevables;

Attendu qu'il en est de même des demandes à l'encontre du même en tant que puissance publique, les décisions du Conseil d'Etat reconnaissant la responsabilité de l'Etat 'du fait de sa carence fautive à prendre les mesures de prévention des risques liés à l'exposition des travailleurs au poussières d'amiante' comme l'invoque la société appelante ayant été rendues le 3 mars 2004, donc antérieurement à la procédure de première instance;

Sur les conséquences de la faute inexcusable

Attendu que le jugement sera confirmé en ce qu'il a accordé l'indemnité forfaitaire de l'article L 452-3 du Code de la Sécurité Sociale du fait du taux d'incapacité de 100% ainsi que la majoration de la rente perçue par Monsieur [G];

Attendu qu'il résulte des demandes des consorts [G] reprises dans la jugement qu'il n'a pas été statué sur celle concernant la majoration de la rente d'ayant droit perçue par la veuve de la victime; qu'il convient d'ordonner cette majoration à compter du 1er février 2005;

1/ Sur les préjudices complémentaires subis par Monsieur [G]

Au titre des souffrances physiques et morales

Attendu que le cancer bronchique a été diagnostiqué alors que [H] [G] était âgé de 72 ans; que la victime a été soumise à de nombreux examens et traitements; qu'il a subi des essoufflements évoluant vers une sensation d'étouffement avec douleurs thoraciques; qu'il est décédé des suites de sa maladie professionnelle;

Attendu qu'il a également été soumis à une angoisse tenant au caractère incurable, évolutif et irréversible des maladies pulmonaires; qu'il savait que de nombreux salariés ayant travaillé dans les mêmes conditions que lui chez le même employeur étaient décédés; qu'il ressentait l'injustice de sa situation dès lors qu'il avait appris que le caractère dangereux du produit qu'il était amené à manipuler ou à inhaler lui avait été dissimulé;

Attendu que ce poste de préjudice a été justement évalué par le premier juge qui a accordé la somme totale de 95.000 euros;

Au titre du préjudice d'agrément

Attendu que dans le cadre de l'application de l'article L.452-3 du Code de la Sécurité Sociale, la réparation d'un poste de préjudice personnel distinct dénommé préjudice d'agrément se rattache à l'indemnisation de la perte de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante;

Que l'altération de la capacité respiratoire, importante dans le cas de [H] [G] ainsi que la fatigue engendrée par la maladie ont nécessairement eu une répercussion sur ses conditions d'existence;

Attendu que ce poste de préjudice a été justement évalué à 20.000 euros par le premier juge;

Au titre du préjudice esthétique

Attendu que c'est à tort que le premier juge a rejeté la demande à ce titre, dès lors que la maigreur extrême et la perte de cheveux occasionnées par la malade et les traitements ont indéniablement causé un préjudice esthétique à la victime; qu'il sera alloué à ce titre la somme de 3.000 euros;

Au titre des préjudices personnels des ayants-droit

Attendu que concernant les préjudices moraux des ayants-droits, la cour rappelle que la maladie de [H] [G] a été diagnostiquée alors qu'il était âgé de 72 ans et qu'il est décédé sept mois plus tard;

Que l'annonce de ses pathologies puis son décès ont, d'évidence, causé un préjudice à sa famille, le grand attachement affectif des intéressés n'étant pas contestable;

Attendu que la cour considère, au vu des éléments de fait, notamment de l'âge de la victime au moment de la découverte de sa maladie puis de son décès et de la durée de leur vie commune, que le préjudice moral de Mme [P] [N] veuve [G] doit être indemnisé à hauteur de 32.000 euros;

Attendu que les enfants de la victime, [W], [O] et [T] étaient respectivement âgés de 45, 40 et 36 ans au moment du décès de leur père; qu'ils ne vivaient plus au foyer de leurs parents; qu'il leur sera alloué à chacun la somme de 12.000 euros;

Attendu qu'en ce qui concerne les petits-enfants, [U] [K], [M] [X] ainsi que [B] et [I] [C], le premier juge a fait une exacte appréciation de l'indemnisation de leur préjudice;

Attendu qu'en ce qui concerne [V] [G] âgé de 13 mois à la date du décès de son grand-père, il lui sera alloué compte tenu de son jeune âge la somme de 1.500 euros;

Attendu que la société appelante sera condamnée au paiement aux consorts [G] de la somme de 2.000 euros et à Mme l'Agent Judiciaire du Trésor de la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile;

Attendu que la procédure devant les juridictions de la sécurité sociale est gratuite et sans frais conformément aux dispositions de l'article R 144-6 du Code de la Sécurité Sociale et qu'il n'y a donc pas lieu de statuer sur les dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière de sécurité sociale,

Confirme le jugement entrepris, sauf en celles de ses dispositions ayant rejeté les demandes au titre du préjudice esthétique de [H] [G] et du préjudice moral de [V] [G] et évalué les préjudices moraux de Mme [G] et des enfants de la victime à 10.000 € et 6.000 €

Et statuant à nouveau sur ces chefs :

- Fixe l'indemnisation du préjudice esthétique de [H] [G] à la somme de 3.000 euros,

- Fixe le préjudice moral de [V] [G], petit-fils de la victime à la somme de 1.500 euros,

- Fixe le préjudice moral de Mme [P] [N] veuve [G] à la somme de 32.000 euros

- Fixe le préjudice moral de [W], [O] et [T] [G], enfants de la victime à la somme de 12.000 euros chacun,

Y ajoutant,

Déclare irrecevables les demandes formées par la société PORT PIN ROLLAND contre l'Etat Français représenté par Mme l'Agent Judiciaire du Trésor,

Dit que l'action des consorts [G] n'est pas prescrite sur le fondement de l'article R.142-18 du Code de la Sécurité Sociale,

Fixe au maximum la majoration de la rente d'ayant droit servie à Mme [P] [N] veuve [G] à compter du 1er février 2005,

Condamne la société PORT PIN ROLLAND au paiement aux consorts [G] de la somme de 2.000 euros et à Mme l'Agent Judiciaire du Trésor de la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile

Dit n'y avoir lieu à statuer sur les dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 14e chambre
Numéro d'arrêt : 09/20182
Date de la décision : 11/09/2012

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 14, arrêt n°09/20182 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-09-11;09.20182 ?
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