COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
18e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 11 SEPTEMBRE 2012
N°2012/
Rôle N° 10/18272
[I] [B]
C/
Société ERDF
Société GRDF
Grosse délivrée le :
à :
Me Jérôme LEFORT, avocat au barreau de TOULON
Me Michel MATTEI, avocat au barreau de TOULON
Copie certifiée conforme délivrée le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULON en date du 02 Mars 2009, enregistré au répertoire général sous le n° 08/194.
(Réinscription après radiation numéro 571/10 du 07 Septembre 2010 - ancien numéro RG 09/5513)
APPELANT
Monsieur [I] [B], demeurant [Adresse 2]
comparant en personne, assisté de Me Jérôme LEFORT, avocat au barreau de TOULON
INTIMÉES
Société EDF, prise en la personne de son gérant actuellement en fonction ayant son siège, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Michel MATTEI, avocat au barreau de TOULON
Société GRDF, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Michel MATTEI, avocat au barreau de TOULON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 26 Janvier 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Fabienne ADAM, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Gisèle BAETSLE, Président
Monsieur Alain BLANC, Conseiller
Monsieur Guénael LE GALLO, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Lydie BERENGUIER.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 Avril 2012 prorogé au 11 septembre 2012.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 11 septembre 2012
Signé par Madame Fabienne ADAM, Conseiller pour le Président empêché, et Madame Julia DELABORDE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Pour l'exposé des faits, la cour renvoie aux faits tels que relatés dans la décision frappée d'appel.
Il est rappelé que Monsieur [I] [B] a saisi le conseil de prud'hommes de Toulon le 25 février 2008 aux fins d'entendre dire et juger qu'il avait fait l'objet d'un traitement discriminatoire dans le déroulement de sa carrière et dès lors condamner l'entreprise EDF à lui payer diverses sommes. Par jugement en date du 2 mars 2009, il a été débouté de l'intégralité de ses demandes et condamné aux dépens.
Le 19 mars 2009, il a relevé appel de cette décision.
Par arrêt du 7 septembre 2010, la radiation de l'instance a été ordonnée.
Par acte du 8 octobre 2010, l'affaire a été réinscrite au rôle.
Aux termes des conclusions déposées et soutenues à l'audience, auxquelles la cour se réfère pour un plus ample exposé des faits et moyens, il est constaté que chacune des parties ne fait que reprendre les moyens et conclusions déjà présentées en première instance, sauf à relever, dans les conclusions de M. [B], d'une part une demande d'annulation du jugement pour défaut de base légale, puis, d'autre part, une augmentation des demandes chiffrées en conséquence de la discrimination dont il affirme avoir été l'objet dans le déroulement de sa carrière.
' En effet, dans ses écritures développées à la barre, M. [B], demande à la cour :
-d'annuler le jugement déféré,
puis par l'effet dévolutif de l'appel,
-de condamner la société EDF à reconstituer sa carrière,
-de condamner la société EDF à lui verser les sommes suivantes au titre :
*des dommages et intérêts pour le préjudice matériel, 103.196 €,
*des indemnités de congés payés, 10.319 €,
*des indemnités pour perte de capacité d'épargne, 50.000 €,
*de provision sur le supplément d'impôt dont il devra s'acquitter, 20.000 €,
*des dommages et intérêts pour préjudice moral, 40.000 €,
*de l'article 700 du code de procédure civile, 1.500 €.
' Dans ses écritures également soutenues sur l'audience, la société ELECTRICITE RESEAU DISTRIBUTION FRANCE ( ERDF ) et la société GAZ RESEAU DISTRIBUTION FRANCE ( GRDF ) concluent à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [B] de l'intégralité de ses demandes et à sa réformation en ce qu'il les a déboutées de leur demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et en conséquence, les intimées sollicitent la condamnation de M. [B] au paiement à leur profit de la somme de 3.000 € sur ce fondement.
MOTIFS DE L'ARRÊT :
Sur la recevabilité de l'appel :
La recevabilité de l'appel n'est pas discutée. Les éléments du dossier ne conduisent pas la cour à le faire d'office.
Sur le fond :
-sur la nullité du jugement-
La cour constate que le jugement entrepris est motivé, en droit et en fait et qu'il ne saurait dès lors être annulé pour défaut de base légale ainsi que cela a été indiqué par l'appelant.
-sur la discrimination-
Il appartient à celui qui allègue une discrimination pour l'un des motifs visés par l'article L. 1132-1 - anciennement codifié L. 122-45 - du code du travail d'établir les éléments la laissant supposer et à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des motifs étrangers à toute discrimination.
Les éléments apportés par M. [B] censés laisser supposer que le déroulement de sa carrière tant en ce qui concerne le groupe fonctionnel (GF ) que le niveau de rémunération ( NR ) est entâché de discrimination sont les suivants : les fiches de déroulement de carrière C01 de 10 salariés qu'il considère comme ayant des situations à peu près semblables à la sienne (au niveau des dates d'entrée en fonction, des diplômes, de l'âge) mais ayant pourtant eu des carrières différentes de la sienne. Il insiste particulièrement sur la situation de M. [J]. Il produit la fiche C01 le concernant pour pouvoir effectuer la comparaison. Il communique également des graphiques établissant la courbe de ces évolutions de carrière pour chacun de ces salariés comparée à la sienne. Enfin, il fournit des attestations de certains de ces salariés qui témoignent du bon travail de M. [B] et s'étonnent d'un manque d'évolution dans sa carrière.
Les intimées, qui nient toute discrimination, insistent d'abord sur le fait que M. [B] a eu un déroulement de carrière émaillé de nombreuses ruptures dont plusieurs d'entre elles lui sont imputables, en soulignant ensuite que dans les avancements au choix ( au nombre de quatre ), il a été tenu compte de son « savoir être » de son « savoir faire » et de sa « contribution aux résultats du groupe », résultats et comportement jugés insuffisants pour envisager l'attribution d'un avancement notamment en raison d'un manque de motivation professionnelle empêchant de lui confier des chantiers particuliers et en raison de son refus de participer aux entretiens individuels avant 2004 ( réponse faite à M. [B] à son courrier d'octobre 2006 ), et qu'en agissant ainsi l'employeur n'a fait qu'exercer son pouvoir de surveillance et de contrôle, et enfin que son classement actuel, dans la fonction de « chargé de maintenance courants forts », en GR 6 et NF 110, ne présente aucune anomalie, comparativement avec la situation des autres agents de ce groupe, agents dont il est fourni quelques fiches C01, et il est rappelé par l'employeur que ce dernier double avancement ( en GF et en NR ) est intervenu le 1er décembre 2007, dans le cadre d'une mutation sur appel de candidature et qu'auparavant M. [B] avait déjà bénéficié d'un autre double avancement le 1er janvier 2006, ce qui démontrerait une plus grande motivation professionnelle de la part de cet agent.
Il n'est en effet pas contesté que M. [B] a eu un déroulement de carrière ( au vu des fiches C01 ) qui diffère de celui des autres salariés puisque, débutant en octobre 1978, il a :
-effectué son service militaire de janvier 1980 à janvier 1981,
-fait l'objet d'une absence non rémunérée de février 1993 à juin 1993,
-été absent pour longue maladie de janvier 1996 à janvier 1997,
-bénéficié d'une convention de travail à temps partiel ( 32 h ) en février 2000 pour trois ans,
-bénéficié d'un renouvellement de cette convention de travail à temps partiel en février 2003,
-bénéficié d'un congé « épargne temps » d'août 2003 à janvier 2004,
-bénéficié d'un nouveau congé « épargne temps » d'avril 2004 à octobre 2004,
-bénéficié en octobre 2005 d'un congé parental de travail à mi-temps,
-bénéficié en octobre 2006 d'un nouveau congé parental à mi-temps.
Au vu des fiches de déroulement de carrière produites par M. [B], il est effectivement le seul à présenter de telles particularités. De plus, il sera noté, toujours au vu de ces fiches, que tous les autres salariés ont effectués divers perfectionnements jusqu'à des dates assez récentes ( 2004, 2005, 2006 ) par rapport à la date de levée de ces fiches ( 2006), notamment M.[J] avec qui M. [B] opère particulièrement une comparaison ( derniers perfectionnements 2005, 2006) alors que le dernier perfectionnement noté pour M. [B] est de 1995. Certes, il fournit désormais un relevé actualisé des formations et perfectionnements suivis, il sera constaté qu'il sont datés de 2007 et 2008, donc très récents, mais qu'il n'y a eu aucune réalisation de formation entre 1995 et 2007. De même, M. [B] ne répond pas à l'observation de l'employeur au sujet de son refus de participer aux entretiens avant 2004, élément revêtant pourtant une réelle importance pour l'évolution d'une carrière. Par ailleurs, les tableaux fournis par M. [B] qui représentent la courbe des déroulés de carrière de chacun des agents cités comparés avec le sien, à défaut de précisions sur leur établissement, ne peuvent pas constituer un élément objectif.
Il doit être relevé également que les avancements au choix sont destinés à valoriser la reconnaissance du professionnalisme des agents au regard des compétences démontrées dans l'emploi. Là aussi l'examen des fiches C01 démontre que ces avancements au choix n'interviennent pas toujours au même moment dans les mêmes conditions pour chacun sans que pour autant cela soit un signe de discrimination.
Enfin, le salarié ne conteste pas sa situation actuelle et les avancements évoqués par l'employeur, démontrant que par suite d'une motivation plus marquée, les avancements au choix sont intervenus.
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En conclusion, les éléments de fait soumis par le salarié ne sont pas susceptibles de caractériser une différence de traitement dont il aurait été victime et en conséquence, le jugement déféré ayant débouté M. [B] de sa demande de reconnaissance de discrimination et de ses demandes subséquentes ( reconstitution de carrière avec indemnisation du préjudice matériel consistant en un rappel de salaire et des heures supplémentaires qu'il aurait pu exécuter, des congés payés correspondant à ces sommes et des dommages et intérêts pour les préjudices particuliers découlant de cette situation ), sera confirmé.
-sur l'article 700 du code de procédure civile-
Aucune considération d'équité ne commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile, le jugement sera confirmé sur ce point et les parties seront déboutées de leurs demandes respectives faites en ce sens en cause d'appel
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, en matière prud'homale, par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe,
Reçoit l'appel,
Confirme le jugement entrepris,
Déboute Monsieur [I] [B] de toutes ses demandes,
Déboute les parties de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Monsieur [I] [B] aux dépens d'appel.
LE GREFFIERLE CONSEILLER
POUR LE PRÉSIDENT EMPÊCHÉ.