COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
9e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 13 SEPTEMBRE 2012
N°2012/
Rôle N° 10/17049
SARL FICOGRAPHIE
C/
[Z] [W]
Grosse délivrée le :
à :
Me Jean yves CABRIEL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Me Aurélie CLERC, avocat au barreau de MARSEILLE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARTIGUES en date du 01 Septembre 2010, enregistré au répertoire général sous le n° 09/722.
APPELANTE
SARL FICOGRAPHIE, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège, demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Jean yves CABRIEL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Jean FAYOLLE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIME
Monsieur [Z] [W], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Aurélie CLERC, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Jérôme FERRARO, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 11 Juin 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre
Madame Brigitte BERTI, Conseiller
Madame Françoise GAUDIN, Conseiller
Greffier lors des débats : Monsieur Guy MELLE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Septembre 2012
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Septembre 2012
Signé par Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre et Monsieur Guy MELLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCEDURE
[Z] [W] a été engagé par la Sarl Fico Graphie, à compter du 17 septembre 2007 dans le cadre de contrat 'nouvelles embauches' requalifié le 18 juillet 2008 en contrat à durée indéterminée et ce en qualité d'opérateur PAO ( publication assistée par ordinateur) Groupe V B moyennant une rémunération brute mensuelle de 1900 €, la relation de travail relevant de la convention collective des industries graphiques.
Par courrier en date du 17 avril 2009 envoyé le 23 avril 2007, l'employeur a notifié au salarié un avertissement portant sur son activité désinvolte tant dans son travail que dans son comportement.
Le 22 avril 2009, le salarié a formulé une demande de congé individuel de formation intitulée ' brevet de capitaine de voile' devant se dérouler d'octobre 2009 à mars 2010.
Après remise le 20 mai 2009 en main propre d'une convocation à un entretien préalable fixé au 5 juin 2009 avec mise à pied conservatoire et par lettre recommandée du 11 juin 2009 avec avis de réception, l'employeur a licencié le salarié en ces termes :
« Nous avons eu à déplorer de votre part des agissements constitutifs d'une faute grave, à savoir :
-Téléchargement et utilisation sur le lieu de travail de logiciels sans licence valable constituant une infraction pénale selon la loi n°78-17 du 6 janvier 1978.
En effet, comme l'ensemble du personnel vous avez été informé par une note en date du 10 avril 2009 sur les risques encourus par notre entreprise et ses dirigeants en cas d'utilisation de licences et logiciels piratés.
Soucieux d'éviter toute difficulté, notre société a contacté notre fournisseur habituel, la société POMPRINT pour s'assurer que notre parc de logiciels ne décelait pas de logiciels sans licences valables. Il nous a été signalé, par courrier du 6 mai 2009, la présence d'une licence ADOBE CS3 piratée.
Nous n'avons dans ces conditions eu d'autre solution que de faire établir le 20 mai 2009 un constat d'huissier établi par Maître [L] dont il est ressorti que cette licence était installée et utilisée sur votre poste de travail habituel.
La présence de cette licence illégalement obtenue expose notre entreprise, et moi-même en ma qualité de gérant, à de lourdes sanctions civiles et pénales, comme il vous l'a été rappelé à la suite de la diffusion de la note d'information à l'ensemble du personnel sur le piratage informatique en date du 10 avril 2009 valant avenant à l'article IV de notre règlement intérieur.
Votre conduite met en cause la bonne marche de notre société et les explications que nous avons pu recueillir auprès de vous au cours de notre entretien du 5 juin 2009, tenu conformément aux dispositions de l'article L.1232-2 du Code du Travail et en présence d'un conseiller du salarié, ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation à votre
sujet.
Ainsi que nous vous l'avons indiqué, notre entreprise ne peut tolérer de tels agissements, aussi compte tenu de la gravité de ceux-ci, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible et votre licenciement prend donc effet immédiatement à la date d'envoi de cette correspondance sans indemnité de licenciement ni de préavis
Nous vous rappelons que vous faites l'objet d'une mise à pied à titre conservatoire.
Par conséquent la période non travaillée courant du 20 mai 2009, à ce jour, nécessaire pour effectuer la procédure de licenciement ne sera pas rémunérée.
Nous vous adressons, par courrier séparé, le solde de votre compte, votre certificat de travail et l'attestation destinée à l'ASSEDIC ».
Contestant la légitimité de son licenciement, [Z] [W] a le 31 août 2009 saisi le conseil de prud'hommes de Martigues lequel section industrie par jugement en date du 1er septembre 2010 a:
*dit que l'avertissement du 17 avril 2009 maintenu,
*dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse,
*fixé la moyenne des 12 derniers mois de salaire à 2002 €,
*condamné l'employeur à payer au salarié:
- 2002 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 200,20 € pour les congés payés afférents,
- 734 € à titre d'indemnité de licenciement,
- 1360,55 € à titre de rappel de salaire pour la mise à pied conservatoire et 136,06 € pour les congés payés afférents,
- 11'000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 1200 €sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
*dit que les sommes allouées porteront intérêts au taux légal à compter de la saisine,
*rappeler l'exécution provisoire de droit en application des dispositions des articles R1454 - 15, R1454 - 28 et R1245-1 du code du travail,
*débouté le salarié du surplus de ses demandes et l'employeur de l'intégralité de ses réclamations,
*condamné l'employeur aux entiers dépens.
La Sarl Fico Graphie a le 23 septembre 2010 interjeté régulièrement appel de ce jugement.
Par ordonnance en date du 17 janvier 2011, le délégué de la Première Présidente a rejeté la demande de la Sarl Fico Graphie aux fins de suspension de l'exécution provisoire du jugement sus visé.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Dans ses conclusions, la société appelante demande à la cour de:
* confirmer le jugement déféré sur l'avertissement et le réformer pour le surplus,
*dire régulier à la forme et légitime en son motif la rupture du contrat de travail, constater que l'attitude de l'intimée est constitutive d'une faute grave,
*en conséquence, débouter l'intimé de ses demandes au titre de la rupture, de sa demande à titre de dommages-intérêts pour perte du droit au DIF, prétention qui est en outre irrecevable pour être nouvelle, de sa réclamation pour frais irrépétibles,
*à titre reconventionnel, constater que la procédure diligentée par l'intimé est particulièrement préjudiciable, déloyale et abusive et le condamner à lui payer:
- 3000 € à titre de dommages-intérêts,
- 9636,10 € au titre de la réparation intégrale du préjudice causé,
- 1500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre sa condamnation aux entiers dépens.
Elle souligne:
-que l'avertissement n'a jamais été contesté par le salarié avant la saisine de la juridiction prud'homale,
- qu'elle démontre par les pièces qu'elle produit l'existence des griefs invoqués,
-que l'intimé n'apporte aucun élément de nature à contredire ces griefs, ni à justifier d'un quelconque préjudice à ce titre.
Elle réfute point par point l'argumentation adverse sur le licenciement, rappelant que la version piratée découverte sur l'ordinateur de l'intimé est une version supérieure à celle pour laquelle la société disposait des licences, que la version supérieure n'empêche pas ensuite une fois le document créé de le convertir en format lisible pour la version inférieure, ce qui ne lui permettait pas de déceler la licence utilisée par l'intimé.
Elle précise que l' intimé était coutumier du téléchargement des licences piratées pour son activité professionnelle indépendante, que contrairement aux allégations de l'intimé, elle n'a pas continuer à utiliser une version piratée pour créer des documents mais a au contraire engagé des frais pour faire sous-traiter la reprise d'une partie des travaux entamés par [Z] [W] avait la licence piratée.
Elle critique le jugement déféré et prétend que quand bien même l'intimé a pris la précaution de faire apparaître la date de création de logiciels piratés qui lui procure un alibi pour montrer ne pas être à l'origine de l'installation de ces logiciels, il n'a eu pas le même réflexe lorsqu'il a procédé à des mises à jour qui ont modifié le fichier et qui porte la date du 3 mars 2009 ainsi que l'a constaté l'huissier de justice, date à laquelle le salarié était bien à son poste de travail.
Aux termes de ses écritures, l'intimé conclut à :
* la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse et lui a octroyé les indemnités de préavis , de licenciement et le rappel de salaire pour la mise à pied conservatoire,
*sa réformation pour le surplus sollicitant l'annulation de l'avertissement du 17 avril 2009 et la condamnation de l'employeur à lui payer :
- 18'000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 5000 € pour exécution fautive du contrat de travail,
- 1098 € à titre de dommages-intérêts pour perte du droit au DIF,
- 2000 € à titre de frais irrépétibles en sus de la somme allouée en première instance,
* à ce qu'il soit dit que l'intégralité des sommes allouées produira intérêts au taux légal à compter de la demande de la justice et capitalisation.
Il fait valoir que l'employeur ne produit aucun élément pour étayer les griefs objet de l'avertissement, griefs qu'il conteste,
Il soutient d'autre part:
-que l'employeur ne démontre pas qu'il a procédé à l'installation du logiciel piraté Adobe CS3, puisque le constat fait état d'une installation le 25 mars 2008 alors qu'à cette date, il était hors du territoire français au Sénégal dans le cadre d'une mission humanitaire,
-que l'utilisation du logiciel s'est faite au vu et au su de l'employeur et même à sa demande puisque l'ordinateur était le seul outil de travail qui était mis à sa disposition.
Il relève que si l'employeur a effectivement appris le 6 mai 2009, l'existence de ce logiciel sur son ordinateur, pourquoi ne l'a t il pas mis en demeure de cesser cette utilisation et pourquoi a t il attendu 14 jours pour faire venir un huissier; il invoque la mauvaise foi de l'employeur lequel a admis lors de l'entretien préalable qu'il continuait à utiliser le logiciel piraté.
Il indique n'avoir jamais été destinataire de la note de service invoquée qui ne lui ait pas opposable pour ne pas avoir respecté la procédure de modification du règlement intérieur comme l'ont jugé les premiers juges,
Il met en cause la valeur des constatations faites par l'huissier qui n'ont été que partielles sur trois postes de travail.
Il précise que contrairement aux allégations adverses, il n'a pu bénéficier de la formation de capitaine de voile, l'employeur s'étant désintéressé de sa demande et n'a pas pris la peine de remplir la partie du dossier le concernant et de l'adresser à l'organisme financeur Fongecif, ce qui constitue une violation des articles 1134 du code civil et L 1221-1 du code du travail.
Il s'oppose aux réclamations reconventionnelles de l'appelante.
Pour plus ample exposé, la cour renvoie aux écritures déposées par les parties et réitérées oralement à l'audience.
SUR CE
I sur l'avertissement
L'article L1333-1 du code du travail dispose que:
' En cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction.
L'employeur fournit au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction.
Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.'
L'article L 1333-2 précise: ' le conseil de prud'hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise'
Le contrôle judiciaire a vocation à s'exercer sur l'avertissement en litige dans les termes des articles susvisés, étant rappelé qu'il importe peu que le salarié ait ou non contesté cette sanction après sa notification
En l'état, aucun observation n'est soulevée au titre de la régularité de la sanction étant précisé que l'avertissement n'est pas soumis à la procédure de l'entretien préalable.
Sur le fond, dans la longue lettre notifiant l'avertissement auquel la cour renvoie, le salarié est sanctionné pour différents motifs à savoir :
-l'encombrement de son bureau professionnel avec son ordinateur personnel,
- l'utilisation du matériel et de son temps de présence dans l'entreprise pour régler des problèmes domestiques et personnel ce qui engendrait inévitablement un manque de concentration et la nécessité de reprendre son travail,
- le stationnement de son camping car sur le parking de l'entreprise,
-les relations des clients, les prises de positions partiales, la remise en cause de la politique commerciale de l'entreprise.
Or, en l'état, il apparaît que l'employeur ne verse au débat la moindre pièce pour justifier les reproches retenus et en conséquence l'avertissement prononcé.
Il est permis de constater que l'employeur ne démontre pas avoir notifié la moindre mise en demeure notamment quant au premier reproche, qu'il ne produit aucun élément sur le deuxième reproche ni la réalisation d'un travail personnel ou règlement de difficultés domestiques pendant le travail et ni les prétendues conséquences et pas même le guide pratique 2008 de la ville de [Localité 7] citée dans la lettre pour démontrer la spectaculaire incohérence du lexique de ce guide réalisé par le salarié .
En outre, il doit être relevé que s'agissant du troisième grief, l'employeur avoue dans ses écritures qu'il avait toléré la présence du camping car sur le parking de l'entreprise, qu'il lui appartenait donc s'il voulait mettre fin à cette tolérance de faire injonction préalable au salarié, ce qu'il n'a pas fait.
Enfin, en ce qui concerne le dernier reproche, il n'est visé ni justifié d' aucun dossier précis.
Dans ces conditions, l'annulation de cet avertissement doit être prononcée.
II sur le licenciement
La faute grave se définit comme la faute qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis sans risque de compromettre les intérêts légitimes de l'employeur.
Il appartient à l'employeur qui invoque la faute grave de son salarié d'en rapporter seul la preuve.
La société appelante produit au débat notamment:
- la correspondance en date du 8 mars 2009 par laquelle l'association BSA a attiré son attention en tant que société utilisatrice de logiciels sur la responsabilité des dirigeants dans le cadre d'utilisation au sein de leur société de logiciel sans licence d'exploitation,
- la note d'information à l'ensemble du personnel en date du 10 avril 2009 ayant pour objet le piratage informatique rappelant brièvement les obligations légales, les conséquences judiciaires et indiquant au personnel que l'entreprise allait mettre en oeuvre une politique rigoureuse de contrôle et de gestion des logiciels d'entreprise,
- la demande faite le 14 avril 1009 à la société Pomprint spécialisée dans le conseil et la maintenance informatique spécifique au monde des arts graphiques pour lui demander d'effectuer un inventaire du parc informatique et des logiciels contenus conformément aux préconisations de l'association BSA,
- le rapport de la société Pomprint en date du 6 mai 2009 indiquant avoir détecté l'installation de plusieurs logiciels de marque Adobe CS3 sans licence valable et attirant l'attention du dirigeant sur le fait que les licences dont il est propriétaire ne concernaient que la version dénommée CS2,
- le procès-verbal de Maître [L] huissier de justice en date du 20 mai 2009 établi à la demande de la Sarl Fico Graphie et en présence de M [E] responsable de la société Pomprint procédant aux recherches des trois postes mis en cause et constatant que l'unique poste de travail contenant des logiciels Adobe CS3 sans licence d'exploitation était celui tenu et affecté à [Z] [W],
- les attestations pièce 13 à 15 de messieurs [T] [P], [M] [X], [O] [S]( conformes toutes les trois aux formes légales et déclarant que la note de service du 10 avril 2009 a bien été affichée sur le tableau destiné à cet effet et que le contenu de cette note a fait l'objet de commentaires entre les salariés,
- l'attestation du gérant de la Société Pomprint Conseil et Maintenance spécialisée dans le domaine informatique (pièce 16) précisant que dès lors que les logiciels sont piratés, aucune des informations contenues sur l'origine de ce logiciel sur le numéro de licence sur sa date de création et sur sa date d'installation ne peuvent plus être garantie,
-la commande le 26 mai 2009 (pièce 20) auprès de la société Baurel et Feraud pour finaliser la mise en page d'une brochure dont les fichiers avaient été créés par l'intimé à partir du logiciel Adobe CS3 et l'attestation du gérant de cette société sous traitante (pièce 21),
-divers documents concernant l'entreprise individuelle de PSP Philippe Senant Production, radiée le 21 avril 2009,
-le relevé d'absence au cours du mois de mars 2009.
Au vu des ces pièces, un doute subsiste quant à l'installation proprement dite le 25 mars 2008 époque où le salarié se trouvait à l'étranger ainsi qu'il en justifie; toutefois, si le téléchargement incriminé à l'origine ne peut lui être imputé , il apparaît qu'il est parfaitement établi que le logiciel a été modifié le 3 mars 2009 époque où il se trouvait bien à son poste et que l'ensemble des derniers documents sur ce poste était fait par lui même sous CS3 sans licence.
En conséquence, si on ne peut tenir la faute grave du salarié en l'absence de preuve de ce qu'il a procédé au téléchargement, faute de preuve de l'installation initiale, il y a eu de sa part un comportement fautif constituant une cause réelle et sérieuse de licenciement pour avoir procédé à la modification de ce logiciel sans licence et l'avoir utilisé.
Il doit être rappelé que quand bien même, le salarié n'aurait pas eu connaissance de la note de service du 10 avril 2009 et que cette note ne peut valoir additif à l'article IV du règlement intérieur, faute de justification de l'accomplissement des formalités légales, il s'avère qu'en tant qu'infographiste et ayant été entrepreneur indépendant dans le même domaine antérieurement à son emploi auprès de la Sarl Fico Graphie, [Z] [W] ne pouvait ignorer que les obligations légales et les conséquences judiciaires de l'utilisation de logiciels piratés.
Le jugement déféré qui a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse doit être en conséquence réformé.
Seule la cause réelle et sérieuse étant retenue et non la faute grave, le salarié a droit au paiement des sommes suivantes telles que fixées par les premiers juges:
- 2002 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 200,20 € pour les congés payés afférents,
- 734 € à titre d'indemnité de licenciement,
- 1360,55 € à titre de rappel de salaire pour pour la mise à pied conservatoire et 136,06 € pour les congés payés afférents.
III Sur les autres demandes
Sur l'exécution fautive du contrat de travail, il y a lieu d'octroyer à l'intimé la somme de 300 € et ce dès lors que l'employeur qui a le 28 avril 2009 accusé réception de la demande de formation du salarié pour le brevet de capitaine de voile ne justifie pas l'avoir traité avant le 22 mai comme il en avait l'obligation, étant toutefois précisé que le salarié qui n' a pu suivre cette formation a bénéficié néanmoins postérieurement à son licenciement de la formation d'agent de maintenance en marine de plaisance du 5 octobre 2009 au 25 juin 2010 ce qui limite son préjudice.
Sur le défaut d'information sur le droit individuel à la formation, cette demande nouvelle en appel est parfaitement recevable. En l'état, il ne peut être constesté que dans la lettre de rupture l'employeur n'a pas mentionné le droit individuel à la formation dont pouvait bénéficier le salarié. Le non-respect des dispositions légales cause nécessairement un préjudice et doit être indemnisé à hauteur de 500€ eu égard au nombre d'heures auquel le salarié pouvait prétendre en application de l'article L 6323-1 et D 6323-1 du code du travail, aucun élément ne justifiant qu'il ait depuis le début du contrat effectué une quelconque formation.
Sur la réclamation reconventionnelle à hauteur de 9636,10 € correspondant selon l'appelante à l'achat de cinq licences CS4 et d'autant de séminaires de formation pour le personnel ( soit 6976, 10 €) ainsi que de le remboursement de la facture d'appel au sous traitant équipé de la licence CS3 pour rendre le fichier ouvert par l'intimé sous ce format ( 2660 € ), le débouté s'impose dans la mesure où l'employeur demande ainsi le paiement de sommes liées à son activité sans démontrer l'existence d'un prejudice en lien avec le comportement du salarié lequel ne peut voir en toute hypothèse sa responsabilité recherchée qu'au cas de faute lourde ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
Aucun dommage et intérêt pour procédure abusive ne saurait être octroyé, le salarié licencié étant parfaitement en droit de contester devant la juridiction prud'homale le licenciement dont il a fait l'objet et rien dans son attitude ne démontrant qu'il a abusé de ce droit.
Les intérêts au taux légal avec capitalisation en application de l'article 1154 du code civil sur les sommes sus visées seront dus dans les conditions précisées au dispostif.
Il y a lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile et d'allouer à ce titre à l'intimé 1200 € à titre d'indemnité globale.
L'employeur qui succombe au moins en partie ne peut bénéficier de cet article et doit être tenu aux dépens.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Réforme le jugement déféré dans son intégralité pour une meilleure compréhension,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Annule l'avertissement en date du 17 avril 2009 notifié le 23 avril 2009,
Dit le licenciement fondé non sur une faute grave mais sur une cause réelle et sérieuse,
Condamne la Sarl Fico Graphie à payer à [Z] [W] les sommes suivantes:
- 2002 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis ,
- 200,20 € pour les congés payés afférents,
- 734 € à titre d'indemnité de licenciement,
- 1360,55 € à titre de rappel de salaire pour la mise à pied conservatoire,
-136,06 € pour les congés payés afférents,
- 500€ à titre dommages et intérêts pour le défaut d'information sur le droit individuel à la formation,
-300 € à titre de dommages et intérêts pour inexécution fautive du contrat de travail,
-1200 € application de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que les intérêts au taux légal avec capitalisation en application de l'article 1154 du code civil sont dus sur la créance salariale ( rappel de salaires, indemnités de licenciement et de préavis) à compter du 20 septembre 2009 date de l'accusé de réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation, et à compter du présent arrêt pour les autres sommes.
Rejette les demandes reconventonnelles de la Sarl Fico Graphie.
Condamne la Sarl Fico Graphie aux dépens d'appel.
LE GREFFIERLE PRESIDENT