COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
9e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 20 SEPTEMBRE 2012
N° 2012/
Rôle N° 10/19384
[T] [V]
C/
SAS PRESTAFER
Grosse délivrée
le :
à :
Me Jérôme FERRARO, avocat au barreau de MARSEILLE
Me Lyne KLIBI, avocat au barreau de MARSEILLE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARTIGUES en date du 21 Septembre 2010, enregistré au répertoire général sous le n° F10/169.
APPELANT
Monsieur [T] [V], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Jérôme FERRARO, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
SAS PRESTAFER, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Lyne KLIBI, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 13 Juin 2012 en audience publique devant la Cour composée de :
Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre
Madame Brigitte BERTI, Conseiller
Madame Françoise GAUDIN, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Monsieur Guy MELLE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Septembre 2012.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Septembre 2012.
Signé par Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre et Monsieur Guy MELLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
M. [V] a été employé par la société PRESTAFER en qualité de cariste manutentionnaire à compter du 1er juillet 2006 suivant contrat de travail à durée indéterminée. Il a été licencié le 9 octobre 2009 pour motif économique.
Suivant jugement rendu le 21 septembre 2010 le conseil de prud'hommes de MARTIGUES a :
Dit le licenciement de M. [V] fondé pour motif économique
Débouté M. [V] de ses demandes
M. [V] a relevé appel de cette décision par acte du 28 octobre 2010 dont la régularité n'est pas contestée.
Vu les conclusions de M. [V] développées oralement à l'audience par lesquelles il est demandé à la cour de :
« A titre principal, Dire et juger que le licenciement de chacun des appelants est nul, car intervenu en violation (délibérée) de l'obligation d'établir un «plan de sauvegarde de l'emploi»,
A titre subsidiaire, Dire et juger que les licenciements litigieux sont dépourvus de cause réelle et sérieuse,
A titre infiniment subsidiaire, Dire et juger que les licenciements litigieux sont intervenus en violation des critères d'ordre de licenciement,
Condamner, en conséquence, la société intimée au paiement des sommes suivantes:
Pour M. [G] :
30 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul (à titre principal), voire dépourvu de cause réelle et sérieuse (à titre subsidiaire), voire intervenu en violation des critères d'ordre (à titre infiniment subsidiaire),
Pour M. [U] :
30 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul (à titre principal), voire dépourvu de cause réelle et sérieuse (à titre subsidiaire), voire intervenu en violation des critères d'ordre (à titre infiniment subsidiaire),
Pour M. [K] :
30 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul (à titre principal), voire dépourvu de cause réelle et sérieuse (à titre subsidiaire), voire intervenu en violation des critères d'ordre (à titre infiniment subsidiaire),
Pour M. [V] :
35 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul (à litre principal), voire dépourvu de cause réelle et sérieuse (à titre subsidiaire), voire intervenu en violation des critères d'ordre (à titre infiniment subsidiaire),
La condamner au paiement d'une somme de 2000 €, sur le fondement des dispositions de l'Article 700 du C.P.C., ce à l'égard de chacun des concluants,
Dire que l'intégralité des sommes allouées à MM. [G] et autres portera intérêts légaux à compter de la demande en Justice, avec capitalisation »
Dans le corps de ses conclusions, M. [V] a également réclamé le paiement d'une indemnité de requalification du contrat de travail temporaire du 4 janvier 2006 en contrat de travail à durée indéterminée à hauteur de 1.391,99 € ;
Vu les conclusions de la société PRESTAFER développées oralement à l'audience par lesquelles il est demandé à la cour de confirmer le jugement entrepris, de débouter M. [V] de l'ensemble de ses demandes et de condamner celui-ci au paiement de la somme de 2.500 € pour frais irrépétibles.
MOTIFS DE LA DECISION
La lettre de rupture du 9 octobre 2009 est ainsi libellée :
« Une restructuration de notre entreprise est rendue nécessaire par la perte de 50 % de notre chiffre d'affaires depuis novembre 2008, conséquence de la forte baisse de la production d'acier à traiter, cumulée aux suspensions d'activité de notre principal client «ASCOMETAL FOS», impacté par la crise dans le secteur des aciers.
Le seuil de rentabilité de la société n'ayant pu être atteint depuis le début de la chute d'activité, nous accusons aujourd'hui un déficit égal à 13 % de notre chiffre d'affaires, soit l'équivalent d'une perte de 50 % des capitaux propres de« PRESTAFER ».
Malgré la mise en place de mesure de chômage partiel depuis cette date, et pour l'ensemble de l'année 2009, l'adaptation des horaires de travail par rapport aux fermetures de postes, les licenciements économiques déjà effectués, cette situation difficile persiste et aucune perspective d'amélioration ne se présente.
Pour assurer la survie de notre entreprise et sauvegarder sa compétitivité, nous sommes donc amenés à supprimer de nouveau des postes d'opérationnels sur le site, directement impactés par cette chute d'activité (deux postes de cariste manutentionnaire, un poste d'opérateur manutentionnaire meuleur cariste, un poste d'opérateur sur machine, deux postes d'opérateur manutentionnaire scieur, un poste d'ouvrier polyvalent, deux postes d'opérateur manutentionnaire carotteur).
Conformément à la réglementation applicable, nous avons effectué des recherches de reclassement en interne.
Malheureusement, la taille de notre structure (établissement unique, n'appartenant à aucun groupe industriel national ou international) ne nous permet pas, à ce jour de vous proposer un poste de reclassement adapté, tous les postes d'opérateur de toutes les catégories étant pourvus. »
Sur la nullité du licenciement :
A l'appui de son recours, M. [V] soutient que la société PRESTAFER a violé son obligation de mise en 'uvre d'un plan de sauvegarde de l'emploi ; qu'elle a procédé à neuf licenciements le 12 mars 2009 pour des motifs identiques à ceux invoqués à l'appui des neuf licenciements, dont le sien, intervenus le 9 octobre 2009 ;
M. [V] ajoute que dès le mois de février 2009, il était certain, ou à tout le moins prévisible, selon lui, que les difficultés rencontrées avec le client ASCOMETAL dans le secteur fils allaient s'étendre au secteur barres ;
M. [V] estime que les causes étant les mêmes et connues dès la fin de l'année 2008, la réorganisation aurait dû être faite au niveau de l'entreprise et non au niveau des salariés affectés à tel ou tel marché, ce qui aurait entraîné le dépassement du seuil de neuf salariés et la mise en 'uvre d'un plan de sauvegarde de l'emploi ;
La société PRESTAFER est une entreprise de sous-traitance dont l'activité de manutention est exercée avec un seul client la société ASCOMETAL sur deux secteurs : le lot n° 4 correspondant au secteur fils et le lot n° 3 correspondant au secteur barres, activités distinctes avec des salariés spécialement affectés ;
Contrairement à ce que soutient M. [V] la lecture des procès-verbaux des comités d'entreprise des 13 février 2009 et 3 septembre 2009 ne permet nullement de retenir que la société PRESTAFER était à même de prévoir dès la fin de l'année 2008 que les difficultés rencontrées sur le lot fils impacteraient le lot barres alors que seule l'activité correspondant au lot n° 4 avait fortement chuté du fait de la crise ;
Le fait de procéder à un nombre de licenciements limité dans la partie de l'activité de l'entreprise essentiellement touchée par la crise en se basant sur une hypothèse de sortie de crise ne saurait être assimilé à une volonté de frauder les dispositions relatives à la mise en place d'un plan de sauvegarde de l'emploi ;
Par ailleurs, les premiers juges ont exactement retenu qu'aucun élément objectif ne permet de mettre en doute les quatre ruptures conventionnelles intervenues entre les mois de mai et d'août 2009 non plus que celle de M. [H] intervenue postérieurement au licenciement de M. [V] à savoir courant novembre 2009 ;
Dès lors, la tentative de « morcellement » des licenciements afin d'éviter la mise en 'uvre d'un plan de sauvegarde de l'emploi n'est nullement avérée et le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté M. [V] de sa demande pour licenciement nul ;
Sur le défaut de cause réelle et sérieuse :
En l'absence d'élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que les premiers juges, par des motifs pertinents qu'elle approuve, ont exactement retenu que le licenciement de M. [V] est fondé pour motif économique et que l'employeur a respecté son obligation de reclassement ;
Sur l'ordre des licenciements :
Par une exacte analyse des faits et une juste application du droit, les premiers juges ont retenu que les critères de licenciement ont été régulièrement présentés au comité d'entreprise et ont été respectés, étant précisé que concernant M. [S], en position d'arrêt pour accident du travail, ni l'existence d'une cause économique de licenciement, ni l'application des critères de l'ordre des licenciements ne suffisent, contrairement à ce que soutient M. [V], à caractériser l'impossibilité de maintenir le contrat pour un motif non lié à l'accident ;
Doit en découler la confirmation du jugement entrepris ;
Le jugement est enfin confirmé en ce qu'il a débouté M. [V] en sa demande en paiement d'une indemnité de requalification, la société PRESTAFER ayant disposé de nouveaux marchés ponctuels justifiant le recours à des intérimaires.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement et contradictoirement,
- Confirme le jugement entrepris dans toutes ses dispositions,
- Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamne M. [V] aux entiers dépens.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT