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28/09/2012 | FRANCE | N°08/21673

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 11e chambre a, 28 septembre 2012, 08/21673


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

11e Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 28 SEPTEMBRE 2012



N° 2012/ 451













Rôle N° 08/21673







[W] [J]

[I] [P] épouse [J]

S.A.R.L. TALIA





C/



[L] [M] [O]





















Grosse délivrée

le :

à :



SCP BADIE SIMON THIBAUD

Me JANSOLIN













©cision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 03 Novembre 2008 enregistré au répertoire général sous le n° 07/12093.





APPELANTS



Monsieur [W] [J] né le [Date naissance 4] 1935 à [Localité 10] (ALGERIE) demeurant [Adresse 3]

représenté par la SCP BADIE, SIMON-THIBAUT et JUSTON, avoc...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

11e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 28 SEPTEMBRE 2012

N° 2012/ 451

Rôle N° 08/21673

[W] [J]

[I] [P] épouse [J]

S.A.R.L. TALIA

C/

[L] [M] [O]

Grosse délivrée

le :

à :

SCP BADIE SIMON THIBAUD

Me JANSOLIN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 03 Novembre 2008 enregistré au répertoire général sous le n° 07/12093.

APPELANTS

Monsieur [W] [J] né le [Date naissance 4] 1935 à [Localité 10] (ALGERIE) demeurant [Adresse 3]

représenté par la SCP BADIE, SIMON-THIBAUT et JUSTON, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE aux lieu et place de la SCP MJ DE SAINT FERREOL ET COLETTE TOUBOUL, Avoués

Plaidant par Maître PIERI de l' ASS PIERI ETIENNE / DUPIELET FABIEN, avocats au barreau de MARSEILLE,

Madame [I] [P] épouse [J] née le [Date naissance 2] 1930

à MARSEILLE demeurant [Adresse 3]

représenté par la SCP BADIE, SIMON-THIBAUT et JUSTON, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE aux lieu et place de la SCP MJ DE SAINT FERREOL ET COLETTE TOUBOUL, Avoués

Plaidant par Maître PIERI de l' ASS PIERI ETIENNE / DUPIELET FABIEN, avocats au barreau de MARSEILLE,

S.A.R.L. TALIA agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié ès qualité audit siège, demeurant [Adresse 3]

représenté par la SCP BADIE, SIMON-THIBAUT et JUSTON, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE aux lieu et place de la SCP MJ DE SAINT FERREOL ET COLETTE TOUBOUL, Avoués

Plaidant par Maître PIERI de l' ASS PIERI ETIENNE / DUPIELET FABIEN, avocats au barreau de MARSEILLE,

INTIMEE

Madame [L] [M] [O] exploitant à l'enseigne FUN BEAUTE, [Adresse 1]

née le [Date naissance 5] 1946 à [Localité 7] (ALGERIE) (99), demeurant [Adresse 6]

représentée et plaidant par Me Jacques JANSOLIN, avocat au barreau de MARSEILLE aux lieu et place de la SCP BLANC CHERFILS, Avoués

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 20 Juin 2012 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Daniel ISOUARD, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Daniel ISOUARD, Président

Monsieur Jean-Claude DJIKNAVORIAN, Conseiller

Madame Sylvie PEREZ, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Mireille LESFRITH.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 Septembre 2012

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 Septembre 2012,

Signé par Monsieur Daniel ISOUARD, Président et Madame Mireille LESFRITH, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE :

Le 1er août 1994 Monsieur et Madame [J] ont donné en location commerciale à Madame [O] un local situé à [Adresse 12] qui appartiendrait à la société TALIA dont Monsieur [J] est le gérant, à destination de vente de produits de beauté, parfumerie, textiles, chaussures, maroquinerie, solderie permanente. Le plafond de ce local s'est effondré dans la nuit du 19 octobre 2005 empêchant son exploitation.

Par arrêt du 16 décembre 2010, statuant sur appel d'un jugement du 3 novembre 2008 du tribunal de grande instance de Marseille, cette Cour a :

- confirmé le jugement déféré en ce qu'il avait condamné solidairement Monsieur et Madame [J] et la société TALIA à payer à Madame [O] les sommes de :

- 7 444,72 euros au titre des remboursements de loyer jusqu'en juin 2006,

- 111 295,50 euros au titre des pertes d'exploitation jusqu'au 31 décembre 2007,

- infirmé la décision attaquée pour le surplus et :

- dit n'y avoir lieu à ordonner la remise en état des lieux,

- ordonné la restitution par Madame [O] à Monsieur et Madame [J] de la somme de 11 867,20 euros (solde de la provision sur travaux),

- condamné solidairement Monsieur et Madame [J] et la société TALIA à payer à Madame [O] les sommes de 53 000 euros, 55 000 euros et 55 000 euros au titre des pertes d'exploitation pour les années 2008 et 2009 ainsi que pour la période du 1er janvier 2010 au 30 septembre 2010, avec intérêts au taux légal,

- condamné solidairement Monsieur et Madame [J] et la société TALIA à payer à Madame [O] la somme de 15 000 euros pour préjudice moral,

- débouté Madame [O] de sa demande d'indemnisation pour la perte de ses droits à la retraite,

- reconnu la validité du congé donné le 7 mars 2006 par Monsieur et Madame [J] pour le 30 septembre 2006,

- dit que ce congé ouvrait droit à une indemnité d'éviction et, avant dire droit sur son montant, a ordonné une expertise pour recueillir les éléments permettant sa fixation.

Madame [R], l'expert commis, a déposé son rapport le 6 février 2012, proposant une indemnité principale de 100 000 euros, une indemnité pour trouble commercial de 854 euros, une indemnité pour frais de licenciement de 2 478 euros et estimant les frais assurés par Madame [O] depuis le dernier trimestre 2011 et lors de l'année 2012 à la somme de 5 598 euros.

Madame [O] conclut à la condamnation in solidum de Monsieur et Madame [J] et de la société TALIA à lui payer les sommes de :

- 250 000 euros d'indemnité d'éviction avec intérêts au taux légal depuis le 7 mars 2006 capitalisés à compter du 19 octobre 2010,

- 188 500 euros de dommages-intérêts pour perte d'exploitation du 4ème trimestre 2011 à la fin de l'année 2012 et une somme annuelle de 90 000 euros majorée de 15 % jusqu'au paiement de l'indemnité d'éviction,

- 15 125 euros pour trouble commercial,

- 20 000 euros, montant des frais de licenciement,

- 78 551 euros représentant les charges incompressibles,

- 100 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Monsieur et Madame [J] et la société TALIA sollicitent la réduction de l'indemnité d'éviction à la somme de 72 000 euros, valeur du droit au bail et offrent celle de 3 031 euros pour frais de licenciement. Ils réclament une indemnité d'occupation de 17 670 euros par an à compter du 1er octobre 2006 et concluent au rejet des autres prétentions de Madame [O].

* *

* * *

* *

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur l'indemnité d'éviction :

L'article L. 145-14 du Code de commerce énonce : 'Le bailleur peut refuser le renouvellement du bail. Toutefois, le bailleur doit, sauf exceptions prévues aux articles L. 145-17 et suivants, payer au locataire évincé une indemnité dite d'éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement. Cette indemnité comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre'.

Pour proposer une indemnité d'éviction de 100 000 euros, l'expert judiciaire a retenu le chiffre d'affaires moyen hors taxes des quatre derniers exercices (142 336 €) et y a appliqué un coefficient de 70 % en raison des barèmes des différentes activités permises par le bail, de l'emplacement du local, des désordres fonciers qui l'affectent et du caractère déficitaire du fonds avant le sinistre.

L'expert judiciaire a aussi calculé la valeur du droit au bail l'estimant entre 23 785 euros et 82 000 euros selon les méthodes retenues aboutissant à une moyenne de 64 000 euros valeur 2005 et 81 000 euros valeur 2011.

Les bailleurs proposent une indemnité d'éviction de 72 000 euros arguant qu'en raison de la cessation de l'exploitation, la valeur du fonds de commerce se réduit à celle du droit au bail.

Mais si l'indemnité d'éviction doit être appréciée à la date la plus proche de celle où le juge statue, la consistance du fonds de commerce indemnisable s'apprécie à l'époque du refus de renouvellement soit en l'espèce le 30 septembre 2006.

À cette date, l'exploitation du fonds par Madame [O] avait cessé, en raison des désordres, depuis moins d'une année, durée insuffisante pour faire disparaître la clientèle, et la valeur du fonds ne se réduisait pas à celle de son droit au bail.

Pour réclamer une indemnité d'éviction de 250 000 euros, Madame [O] se réfère à un protocole transactionnel du 19 février 2008 signé notamment par Monsieur et Madame [J] et qui stipule une indemnisation de 200 000 euros pour la perte de son fonds de commerce.

En réalité, ce protocole prévoit l'achat par la SCI Peolis, l'autre copropriétaire de l'immeuble, du local appartenant à Monsieur et Madame [J] ou à la société TALIA et la renonciation par Madame [O] du bail commercial dont elle bénéficie contre une indemnité de 200 000 euros versée par la SCI Peolis couvrant ses différents préjudices.

Mais ce protocole d'accord ne s'est pas concrétisé, la SCI Peolis n'ayant pas acquis l'immeuble. Au surplus la somme de 200 000 euros promise à Madame [O] ne couvre pas seulement la valeur de son fonds de commerce mais tous ses préjudices dont elle continue à réclamer réparation.

Ainsi, le fonds de commerce de Madame [O] doit être estimé à la somme de 100 000 euros et son indemnité d'éviction fixée à ce montant outre intérêts au taux légal à compter de ce jour, date de sa fixation, capitalisé année par année.

Vainement, Madame [O] soutient-elle que si cette somme de 100 000 euros était retenue, ses adversaires qui ont conclu un accord secret avec la SCI Peolis effectueraient avec cette société les travaux de remise en état permettant un enrichissement reposant entre la valeur vénale théorique et la valeur vénale réelle du fonds de commerce et justifiant une indemnisation complémentaire de 150 000 euros. En effet, rien n'appuie cet accord et le projet de réfection de l'immeuble et au surplus l'indemnité d'éviction ne se calcule pas entre la différence de la valeur de l'immeuble libre et celle de l'immeuble occupé par un fonds de commerce.

Sur le trouble commercial :

L'indemnité pour trouble commercial répare le préjudice subi par le locataire pendant la période de déménagement et de réinstallation ou, à défaut de réinstallation, celui résultant de l'arrêt de l'exploitation.

Madame [O] énonce dans ses écritures qu'âgée de 66 ans (en 2012), elle ne reprendra pas son activité et qu'il n'y aura ni réinstallation ni déménagement d'un fonds à un autre.

Elle ne fournit aucun élément établissant que l'arrêt de l'exploitation lui a causé un préjudice distinct de celui réparé au titre des pertes d'exploitation ou des charges incompressibles. En absence de réinstallation, elle ne peut se prévaloir d'une perte de revenus durant la période de transfèrement du fonds.

Madame [O] doit être déboutée de sa demande pour trouble commercial.

Sur les pertes d'exploitation et le remboursement des charges incompressibles :

Madame [O] distingue les pertes d'exploitation qui d'après elle correspondent au bénéfice qu'elle aurait réalisé si elle n'avait pas dû cesser l'exploitation du fonds et les charges incompressibles de ce fonds.

Elle évalue les pertes d'exploitation par référence à l'estimation de l'expert-comptable [B], sapiteur de l'expert [X], nommé par le premier juge. Cet expert a calculé la perte d'exploitation comme égale à la marge brute du chiffre d'affaires corrigée de certaines économies réalisées en raison de l'arrêt de l'exploitation.

Cette méthode de calcul correspond aux dépenses effectuées par Madame [O] pour poursuivre le maintien du fonds sans exploitation. Compte tenu de leur mode de calcul les pertes d'exploitation ne sauraient s'assimiler aux bénéfices non réalisés depuis la fermeture du fonds ; d'ailleurs, il convient de noter que le montant des pertes d'exploitation estimé par l'expert-comptable [B] diffère grandement du résultat d'exploitation qui était négatif pour les trois dernières années.

Elles incluent le remboursement des charges incompressibles et la demande de Madame [O] pour pertes d'exploitation et celle pour charges incompressibles font double emploi.

Si la méthode de l'expert-comptable [B] a été pertinente au début de la cessation d'activité alors que la reprise d'activité était envisageable et a pu être maintenu par l'arrêt du 16 décembre 2010 pour la période se terminant au 30 septembre 2010, elle n'apparaît plus adéquate après cette date, l'arrêt rejetant la demande de remise en état des lieux et donc la possibilité pour Madame [O] de reprendre son activité.

Les documents versés à l'expert [R] permettent de fixer à la somme de 5 598 euros les frais assumés par Madame [O] du 1er octobre 2010 au 31 décembre 2011. Aucune justification de dépenses depuis cette date n'est produite.

Sur les frais de licenciement :

Madame [O] expose que la cessation d'exploitation l'a obligée à licencier ses deux salariés et qu'outre l'indemnité de licenciement (3 031 €) elle a dû supporter les salaires durant la période de fermeture du magasin, les charges sociales et les autres indemnités soit un total de 17 567,33 euros qu'elle arrondit à la somme de 20 000 euros.

En réalité il ressort du rapport du sapiteur [B] que le coût salarial a été pris en compte pour déterminer les pertes d'exploitation du 4ème trimestre 2005 et des exercices 2006 et 2007, le licenciement étant intervenu cette année-là.

Madame [O] ne peut inclure les salaires versés à ses deux employés de l'arrêt de l'exploitation à leur licenciement et les charges sociales afférentes étant d'ailleurs noté que l'expertise [B] montre que ces salariés ont été mis en chômage partiel et que le coût de celui -ci a été intégré dans les charges d'exploitation.

Il convient de lui allouer le seul remboursement des indemnités de licenciement soit la somme non contestée de 3 031 euros.

Sur l'indemnité d'occupation :

Monsieur et Madame [J] ne peuvent prétendre à une indemnité d'occupation depuis le 30 septembre 2006, date pour laquelle ils ont donné congé.

En effet si l'article L. 145-28 du Code de commerce prévoit une telle indemnité de la date d'effet du congé au paiement de l'indemnité d'occupation calculée comme le loyer commercial, encore faut-il que les lieux soient exploitables, ce qui n'a plus le cas depuis le 19 octobre 2005.

Restant débiteurs, Monsieur et Madame [J] et la société TALIA doivent être condamnés in solidum à payer à Madame [O] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

* *

* * *

* *

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ;

Vu l'arrêt du 16 décembre 2010 ;

Condamne in solidum Monsieur et Madame [J] et la société TALIA à payer à Madame [O] la somme de 100 000 euros d'indemnité d'éviction avec intérêts au taux légal à compter de ce jour capitalisé année par année ;

Condamne in solidum Monsieur et Madame [J] et la société TALIA à payer à Madame [O] la somme de 3 013 euros en remboursement des indemnités de licenciement ;

Rejette le surplus des demandes de Madame [O] ;

Déboute Monsieur et Madame [J] de leur demande en indemnité d'occupation ;

Condamne in solidum Monsieur et Madame [J] et la société TALIA à payer à Madame [O] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne in solidum Monsieur et Madame [J] et la société TALIA aux dépens et dit qu'ils seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 11e chambre a
Numéro d'arrêt : 08/21673
Date de la décision : 28/09/2012

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence A1, arrêt n°08/21673 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-09-28;08.21673 ?
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