COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
1re Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 25 OCTOBRE 2012
D.D-P
N° 2012/617
Rôle N° 11/12932
[M] [W]
SCI ARIELE
C/
[F] [R]
[I] [R]
Grosse délivrée
le :
à :
SCP ERMENEUX-CHAMPLY - LEVAIQUE
SELARL BOULAN / CHERFILS / IMPERATORE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 30 Juin 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 09/4085.
APPELANTES
Madame [M] [W]
née le [Date naissance 4] 1969 à [Localité 8] (ITALIE),
demeurant [Adresse 12]
La S.C.I. ARIELE , prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 5].
représentées par la SCP ERMENEUX-CHAMPLY - LEVAIQUE, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistées de Me Jean-Pierre LICARI, avocat au barreau de MONACO
INTIMES
Monsieur [F] [R]
né le [Date naissance 2] 1932 à [Localité 13] ,
demeurant [Adresse 1]
Monsieur [I] [R]
né le [Date naissance 3] 1962 à [Localité 13],
demeurant [Adresse 6]
représentés par la SELARL BOULAN / CHERFILS / IMPERATORE, avocats au barreau D'AIX-EN-PROVENCE constitué (e) aux lieu et place de la SCP BLANC CHERFILS, avoués, assistés de Me Evelyne RICCI, avocat au barreau de GRASSE
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 26 Septembre 2012 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur François GROSJEAN, Président , a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur François GROSJEAN, Président
Monsieur Hugues FOURNIER, Conseiller
Mme Danielle DEMONT-PIEROT, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Dominique COSTE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 25 Octobre 2012.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 25 Octobre 2012,
Signé par Monsieur François GROSJEAN, Président et Mme Dominique COSTE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
Mme [M] [W] est la gérante de la SCI ARIELE. Elle a été mariée à M. [I] [R].
M. [I] [R] et son père M. [F] [R], invoquant avoir prêté, pendant le mariage, à la SCI ARIELE respectivement les sommes de 682 800 € et 75 000 €, de consorts ont fait assigner le 10 décembre 2007 la SCI ARIELE, puis le 30 juillet 2009, Mme [W], en remboursement.
Par jugement contradictoire en date du 30 juin 2011, le tribunal de grande instance de Grasse a :
vu l'article 1315 du code civil,
- condamné la SCI ARIELE à verser :
* à M.[F] [R] la somme de 75 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 27 octobre 2007,
* à M.[I] [R] la somme de 682 800 euros avec intérêts au taux légal à compter du 27 octobre 2007,
- débouté la SCI ARIELE de ses demandes en dommages et intérêts pour abus du droit d'agir en justice, et de sa demande concernant la radiation de l'hypothèque provisoire suite à décision du juge de l'exécution en date du 8 novembre 2007,
- rejeté toute autre ou plus ample demande,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- et condamné la SCI ARIELE à verser à M.[F] [R] et à M.[I] [R] une somme de 4 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,outre les dépens.
Par déclaration remise au greffe le 20 juillet 2011, Mme [W] et la SCI ARIELE ont relevé appel de ce jugement.
Par conclusions déposées le 10 avril 2012 elles demandent à la cour:
- d'infirmer le jugement entrepris,
- d'écarter l'attestation de M.[F] [R] en date du 14 mai 2009, non conforme aux exigences de l'article 202 du code de procédure civile,
- de juger que les intimés qui n'étaient pas dans l'impossibilité morale de se procurer un écrit, au sens de l'article 1348 du Code civil, sont défaillants dans l'administration de la preuve des droits qu'ils revendiquent,
- de les débouter de l'ensemble de leurs demandes,
subsidiairement,
- de prononcer la mise hors de cause de Mme [W], et de déclarer irrecevables et malfondées les demandes de M. [I] [R],
- de condamner in solidum MM.[R] au paiement d'une somme de 20 000 € au profit de la SCI ARIELE, à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- condamner in solidum les consorts [R] au paiement d'une somme de 20 000 € au profit de Mme [W], à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- d'ordonner la radiation de l'inscription d'hypothèque provisoire déposée le 3 décembre 2007,
- et de condamner in solidum MM.[R] au paiement chacun d'une somme de 10 000 € au profit de la SCI ARIELE , et celle de 10 000 € au profit de Mme [W] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu' aux entiers dépens, ceux d'appel distraits .
Par conclusions déposées le 4 septembre 2012, MM.[F] et [I] [R] demandent à la cour, au visa des articles 1134, 1147, 1347, 1350, 1892 et suivants du code civil
- de confirmer le jugement critiqué,
y ajoutant,
- de condamner in solidum Mme [W] et la SCI ARIELE à leur payer la somme de
40 000€ à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire,
- de débouter Mme [W] et la SCI ARIELE de l'ensemble de leurs demandes,
si la cour l'estimait nécessaire,
- d' ordonner à Me [J], notaire à [Localité 14], de présenter les minutes de l'acte des 22 et 25 septembre 2006 de cession de parts sociales et de compte courant reçu en son étude pour la SCI ARIELE, ainsi que toutes les pièces annexées audit acte, afin d'en tirer toutes les conséquences de droit,
subsidiairement, vu l'article 951 du code civil monégasque,
- de constater que les époux [R]-[W] ont soumis leur régime matrimonial au droit monégasque, et que la donation a fait l'objet d'une révocation,
- de condamner en conséquence Mme [W] au paiement d'une somme de 75 000 € au profit de M.[F] [R], et celle de 682 800 € au profit de M.[I] [R], outre intérêts au taux légal à compter du 27 octobre 2007,
- et de condamner in solidum Mme [W] et la SCI ARIELE au paiement d'une somme de 20 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, y compris les frais de prise et de renouvellement des hypothèques judiciaires conservatoires, ceux d'appel distraits.
L'ordonnance de clôture est datée du 26 septembre 2012.
La cour renvoie aux écritures précitées pour l'exposé exhaustif des moyens des parties.
MOTIFS
Attendu que les consorts [R] font valoir au soutien de leurs demandes qu'ils ont prêté des sommes importantes à la SCI Ariele afin d'effectuer des travaux importants sur une propriété sise [Adresse 15] appartenant à cette société, Mme [W] ne disposant pas de liquidités pour les travaux qu'elle souhaitait faire dans sa villa ; que leurs créances sont confirmées par les virements successifs correspondants sur les comptes bancaires de la SCI Ariele qui avait été constituée par Mme [M] [W], sa mère et son beau-père ; que l'épouse de M. [I] [R] en étant la gérante, il existe donc une impossibilité morale à voir établir une reconnaissance de dette écrite de la SCI Ariele à l'égard de MM. [R] en application de l'article 1348 du code civil ; et que l'existence de dettes était consignée dans les documents comptables établis par le comptable de cette société, ce qui rendait d'autant moins utile la rédaction d'un écrit ;
Mais attendu qu'en application de l'article 1341 du Code civil il doit être passé devant notaire ou sous signatures privées de toutes choses excédant la somme de 1500 € ;
Attendu en premier lieu qu'aux termes de l'article 1347 cette règle reçoit exception lorsqu'il existe un commencement de preuve par écrit, défini par cet article comme un 'acte par écrit émané de celui contre lequel la demande est formée, ou de celui qu'il représente, et qui rend vraisemblable le fait allégué' ;
Attendu que les bilans annuels 2002-2006 établis par un cabinet comptable, non paraphés par la gérante, ou, à l'occasion de la rédaction d'un acte notarié de cession de parts sociales, la mention de la main du notaire de ce qu'il place en annexe lesdits bilans approuvés par l'assemblée générale des associés, ne valent pas commencement de preuve par écrit, faute d'émaner de la prétendue société débitrice elle-même, pour suppléer l'absence de contrat de prêt écrit entre les parties ;
Attendu que les intimés demandent à titre subsidiaire à la cour de surseoir à statuer afin d'ordonner, avant dire droit, à Me [J], notaire, de présenter les minutes de son acte des 22 et 25 septembre 2006 de cession de parts sociales et de compte courant reçu en son étude pour la SCI ARIELE, ainsi que toutes les pièces annexées audit acte, afin d'établir que les bilans qu'ils versent aux débats sont ceux qui ont été approuvés par l'assemblée générale des associés (la SCI produisant d'autres bilans pour les mêmes années), bilans approuvés qui vaudraient alors commencement de preuve par écrit émané la société ;
Mais attendu que les appelantes, pour s'y opposer, font valoir exactement qu'il appartient aux demandeurs qui rapporteraient un commencement de preuve par écrit de le parfaire par d'autres éléments, témoignages, présomption ou indices extérieurs ; qu'aucun autre complément de preuve n'est offert de nature à corroborer l'existence d'un prêt, les virements bancaires effectués par les intimés pour créditer la SCI étant insuffisants cet égard ;
Attendu que la demande de production de pièces par le notaire formée par les consorts [R], qui ne pourrait conduire à la preuve qui leur incombe du prêt qu'ils invoquent, sera en conséquence rejetée ;
Attendu en second lieu, en ce qui concerne le moyen tiré de l'impossibilité morale de se procurer un écrit au sens de l'article 1348 du code civil, que les consorts se bornent à invoquer les liens de parenté les unissant à la gérante sans alléguer les circonstances particulières de l'espèce qui auraient rendu impossible l'établissement d'une preuve littérale, s'agissant de surcroît non d'une dette personnelle de la gérante, mais d'une dette imputée à une société civile immobilière ;
Attendu enfin que leur demande présentée à titre subsidiaire au titre d'une révocation de donation des sommes litigieuses, dirigées non contre la SCI, mais contre Mme [W] en personne , non sans contradiction avec leur demande principale, n'est pas davantage fondée ;
Attendu que le jugement qui a fait droit à la demande de remboursement présentée par les consorts [R] doit donc être entièrement réformé ;
Attendu qu'aucun abus du droit d'ester en justice n'est à déplorer, d'où il suit le rejet de la demande de la société civile immobilière Ariele et de Mme [M] [W] tendant à l'octroi de dommages et intérêts de ce chef ;
Attendu que les consorts [R] succombant devant supporter la charge des dépens, et verser en équité la somme de 1500 € à chacune des appelantes , soit 3000€ au total au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ne pouvant eux-mêmes prétendre bénéfice de ce texte ;
PAR CES MOTIFS,
La cour statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,
Dit n'y avoir lieu de surseoir à statuer,
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau
Déboute MM. [F] [R] et [I] [R] de toutes leurs demandes,
Y ajoutant
Rejette la demande tendant à l'octroi de dommages et intérêts pour procédure abusive,
Ordonne la radiation de l'hypothèque provisoire déposée le 3 décembre 2007,
Condamne in solidum MM. [F] [R] et [I] [R] à payer à la société civile immobilière Ariele et à Mme [M] [W] la somme de 1500 € chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens, et dit que ceux-ci sont recouvrés conformément dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRESIDENT