COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
9e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 08 NOVEMBRE 2012
N°2012/
Rôle N° 11/03013
[G] [B]
C/
COFAVI
Grosse délivrée le :
à :
Me Mireille RODET, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Me Christian ROUSSE, avocat au barreau de MARSEILLE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AIX-EN-PROVENCE en date du 08 Février 2011, enregistré au répertoire général sous le n° 09/1259.
APPELANT
Monsieur [G] [B], demeurant [Adresse 4]
représenté par Me Mireille RODET, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Vanessa MARTINEZ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE
SAS CAVE DE LA BARGEMONE ANCIENNEMENT DENOMEE COFAVI, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Christian ROUSSE, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 26 Septembre 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Philippe ASNARD, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre
Madame Françoise GAUDIN, Conseiller
Monsieur Philippe ASNARD, Conseiller
Greffier lors des débats : Monsieur Guy MELLE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Novembre 2012
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Novembre 2012
Signé par Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre et Monsieur Guy MELLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCEDURE
[G] [B] a été engagé, le 30 novembre 1979, en qualité d'ouvrier agricole par la Société Commerciale des Métaux et Minerais (SCMM).
Par jugement en date du 28 septembre 2006, le Tribunal de Commerce de Paris a arrêté un plan de cession de l'activité viticole de la société SCMM au profit de la société dénommée COFAVl.
Par acte en date du 28 décembre 2006, en exécution du plan arrêté par le Tribunal de Commerce de Paris, la société SCMM a cédé à la société COFAVI l'exploitation viticole.
Le contrat de travail du salarié a été repris par la société COFAVI, qui est devenue ensuite S.A S CAVE DE LA BARGEMONE .
Le salarié a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour le 05 février 2007.
L'employeur a proposé au salarié un protocole transactionnel selon lequel il était convenu que les sommes suivantes lui soient versées :
Salaires et prime d'ancienneté de mars 2007 jusqu'au licenciement brut: 1.614,24 €
Deux mois de préavis plus ancienneté brut: 3.725,16 €
Solde de congés payés de 2005/2006: 337,83 €
indemnité de congés payés du 1er juin 2006 au 26 mai 2007 brut : 1.824,30 €
Soit un sous total au titre de la rémunération brute de : 7.701,53 €
indemnité de licenciement :
Un dixième pendant 10 ans
Prorata du 30 novembre 1979 au 31 décembre 1979: Net 15,52 €
1er janvier 1980 au 31 décembre 2006, 26 ans : Net 4.842,50 €
1er janvier 2007 au 26 mai 2007 prorata temporis : Net 77,60 €
Plus un quinzième depuis le 1er décembre 1999 : 1862,58 € divise par 15 × 208 divisé
par 12 égale 2.152,31 €
Soit un sous total au titre de l'indemnité de licenciement, net de : 7087,93 €
Indemnité transactionnelle d'un montant de 11.200,00 €
Total général : 25 989,46€
Par courrier en date du 20 mars 2007 le salarié a été licencié dans les termes suivants :
« le motif réel et sérieux que nous retenons est un volume de travail insuffisant préjudiciable à l'entreprise »
Le salarié a saisi le Conseil des prud'hommes d'Aix en Provence lequel a, par jugement en date du 08 février 2011 :
Dit que le protocole n'est pas recevable car non daté, et de ce fait, dit que la totalité des sommes versées viendra en déduction des sommes auxquelles la COFAVI a été condamnée,
Requalifié le licenciement en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamne l'employeur à payer les sommes suivantes au salarié :
11 200,00 € net a titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
3725,16 € net a titre d'indemnité compensatrice de préavis,
337, 83 € net à titre des congés payés,
7 087,93 € net a titre d'indemnité de licenciement,
1614, 84 € net a titre de salaire et prime d'ancienneté,
1824,30 € à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail,
900, 00 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
Ordonné la remise des documents suivants, sous astreinte de 150 € par jour de retard et par document a compter de la notification du présent jugement et pendant 30 jours .
Le salarié a régulièrement interjeté appel, limité aux dispositions de ce jugement lui étant défavorables, le 18 février 2011.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions, l'appelant demande de :
Confirmer le jugement rendu le 8 février 2011 par le Conseil de Prud'hommes d'Aix- en-Provence en ce qu'il a jugé nulle la a transaction et dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement de Monsieur [B],
Réformer en toutes ses autres dispositions le dit jugement,
Dire nul et de nul effet le protocole transactionnel régularisé entre les parties,
Dire que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse,
Condamner la société S.A S CAVE DE LA BARGEMONE anciennement dénommée COFAVI à lui payer les sommes suivantes :
60.000,00 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse;
337,83 € à titre d' indemnité compensatrice de congés payés,
1.614,24 € au titre des rappels de salaires et de la prime d'ancienneté,
161,42 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés y afférents,
3.725,16 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
372,51 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés y afférents,
7.087,93 € à titre d'indemnité de licenciement,
5.000,00 € à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail.
Il demande également la remise des documents de fin de contrat sous astreinte, la capitalisation des intérêts et la condamnation de l'employeur en une indemnité de 3000€ sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Il fait valoir, que la transaction a été signée avant le licenciement et lui a été extorquée par des manoeuvres dolosives, dans la mesure ou, comprenant mal le français il n'en a pas compris la portée. Il estime, en outre, que les sommes versées par l'employeur ne peuvent être considérées comme une concession réciproque et satisfaisante.
La partie intimée, faisant appel incident, demande de :
Au principal,
Dire et juger que le protocole transactionnel au regard des circonstances de l'espèce doit être date du 26 mars 2007,
Dire et juger en conséquence que la transaction est bonne et valable,
Débouter Monsieur [B] de toutes ses demandes fins et conclusions,
Subsidiairement,
Dire et juger que Monsieur [B] a été indemnisé de manière satisfaisante par les sommes allouées au titre de la transaction,
Dire et juger que Monsieur [B] a reçu les sommes dues au titre de la convention collective et du contrat travail,
Débouter Monsieur [B] de toutes ses demandes fins et conclusions,
Condamner Monsieur [B] à supporter les frais irrépétibles à concurrence d'un montant de 1.000 € sur le fondement l'article 700 du Code de procédure civile.
Pour plus ample exposé la cour renvoie aux écritures déposées par les parties et réitérées lors des débats oraux à l'audience.
SUR CE
sur la licéité de la transaction
La transaction, ayant pour objet de prévenir ou terminer une contestation, ne peut être valablement conclue par le salarié licencié, que lorsqu'il a eu connaissance effective des motifs du licenciement par la réception de la lettre de licenciement prévue à l'article L. 1232-6 du code du travail.
En l'absence de date portée sur le protocole transactionnel, l'employeur, a la charge de prouver que cet acte, a été conclu et donc signé par les deux parties, postérieurement au licenciement intervenu le 20 mars 2007.
En l'espèce, l'employeur produit 4 attestations de salariés, faisant état d'une réunion entre l'employeur et des salariés licenciés, dont Mr [B], s'étant déroulée le 26 mars 2007, ayant pour objet de négocier et signer les transactions.
Par ailleurs il est produit des chèques à l'ordre du salarié, datés du 26mars 2007 , portant versement des indemnités transactionnelles, un bulletin de salaire, arrêté au 26 mars 2007.
Pour sa part, le salarié produit 4 attestations de salariés, qui se bornent à faire état d'une réunion au cours de laquelle le salarié aurait signé le même jour son licenciement et la transaction. Or ces témoignages, qui ne datent pas la réunion en cause, imprécis et sur le même modèle, ne sont pas de nature à contredire les éléments fournis par l'employeur.
Ainsi, l'employeur rapporte la preuve, qui lui incombe, que la transaction a été conclue postérieurement au licenciement.
La transaction nécessite également, pour sa validité, des concessions réciproques, dont l'existence doit s'apprécier en fonction des prétentions des parties au moment de la signature de la transaction et partant, le bien-fondé des griefs invoqués par l'employeur, au soutien du licenciement, est un élément essentiel d'appréciation de la réalité des concessions réciproques.
En l'espèce, la lettre de licenciement, qui se borne à faire état d'un « volume de travail insuffisant », est insuffisamment motivée, de sorte que l'employeur s'exposait à des dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, pouvant être importants eu égard à l'ancienneté du salarié.
En conséquence, la transaction issue du licenciement est nulle et de nul effet, pour défaut de concessions réciproques, l'employeur, ayant payé une somme très inférieure à ce que le salarié pouvait prétendre devant la juridiction prud'homale pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le jugement querellé, qui a annulé le protocole transactionnel, doit par conséquent être confirmé.
Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement
Selon l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles.
La lettre de licenciement étant insuffisamment motivée, ce qui équivaut à une absence de motifs , le licenciement se révèle sans cause réelle et sérieuse et ouvre droit au salarié à l'indemnité de licenciement d'un montant de 7087,13 euros, à une indemnité compensatrice de préavis de 3725,16€ outre les congés payés y afférents pour 337,83€ et à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, qui compte tenu de l'ancienneté du salarié, de son salaire et du préjudice subi du fait de son licenciement, sera fixée à la somme de 30 000 €.
sur les rappels de salaires et la prime d'ancienneté
Les sommes réclamées par le salarié, correspondant à celles allouées au salarié, dans le cadre de la transaction annulée, il sera fait droit à cette demande à hauteur de 1614, 84 € .
Sur les dommages intérêts pour exécution fautive du contrat de travail
Eu égard au court délai, qui a séparé la reprise du contrat de travail du salarié dans le cadre du plan de cession et la mise en route de la procédure de licenciement, l'inexécution fautive du contrat est caractérisée, la décision des premiers juges, qui ont exactement fixé à 1824,30 € l'indemnité allouée au salarié en réparation du préjudice subi, étant confirmée.
Sur les demandes accessoires
La remise des documents sociaux de rupture étant de droit, il est fait droit à la demande du salarié, sans qu'une astreinte soit toutefois nécessaire.
Les créances salariales doivent porter intérêt au taux légal à compter de la convocation devant le bureau de conciliation, alors que les dommages intérêts portent intérêt à compter du présent arrêt.
Les intérêts seront capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du code civil.
La SAS CAVE DE LA BARGEMONE qui succombe sera condamnée aux entiers dépens.
Sur l'application de l' article 700 du code de procédure civile , la décision déférée sera confirmée et une somme de 500 euro sera allouée en sus à l'appelant pour les frais irrépétibles engagés en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour Confirme le jugement entrepris, sauf sur le montant des dommages intérêts allouées et en ce qu'il a ordonné une astreinte pour la remise des documents de rupture ;
Statuant à nouveau et y ajoutant :
Condamne la SAS CAVE DE LA BARGEMONE à payer à [G] [B] les sommes suivantes :
30 000€ a titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile en sus de l'indemnité allouée par les premiers juges.
Dit que les créances salariales doivent porter intérêt au taux légal à compter de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation, soit le 3 septembre 2009, alors que les dommages intérêts portent intérêt à compter du présent arrêt;
Dit que les intérêts seront capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du code civil;
Dit qu'il n'y a pas lieu à astreinte pour la remise de l'attestation POLE EMPLOI, du certificat de travail et du dernier bulletin de salaire rectifié;
Rejette les demandes plus amples ou contraires;
Condamne la SAS CAVE DE LA BARGEMONE aux entiers dépens.
LE GREFFIER LE PRESIDENT