COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
9e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 08 NOVEMBRE 2012
N°2012/726
Rôle N° 11/06576
SAS LJM
C/
[U] [V]
Grosse délivrée le :
à :
Me Laurent DEBROAS, avocat au barreau d'AVIGNON
Me Luc BERGEROT, avocat au barreau de MARSEILLE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE en date du 30 Mars 2011, enregistré au répertoire général sous le n° 08/2702.
APPELANTE
SAS LJM, demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Laurent DEBROAS, avocat au barreau d'AVIGNON
INTIME
Monsieur [U] [V], demeurant [Adresse 1]
comparant en personne, assisté de Me Luc BERGEROT, avocat au barreau de MARSEILLE
PARTIE(S) INTERVENANTE(S)
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 10 Septembre 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Laure ROCHE, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur Michel VANNIER, Président
Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller
Madame Laure ROCHE, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Nadège LAVIGNASSE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Novembre 2012
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Novembre 2012
Signé par Monsieur Michel VANNIER, Président et Mme Nadège LAVIGNASSE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le 8 avril 2011, la société LJM a régulièrement interjeté appel du jugement de départage rendu par le conseil des prud'hommes de Marseille le 30 mars 2011 qui l'a condamnée à verser à monsieur [U] [V] les sommes suivantes
-heures supplémentaires : 5370,37 euros
-congés payés afférents : 537,03 euros
-indemnité de préavis : 1632,25 euros
-congés payés afférents : 163,22 euros
-indemnité de licenciement : 11588,97 euros
-dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 19450,97 euros
-article 700 du code de procédure civile:1200 euros
Ce jugement a également condamné l'employeur à régulariser les heures supplémentaires auprès des organismes concernés et à délivrer à monsieur [V] des bulletins de salaire rectifiés .
Monsieur [V] a été embauché par la société LJM le 10 juillet 1979.
Il a démissionné de son poste le 8 janvier 2007 .
Le 9 janvier , l'employeur lui a demandé de préciser s'il souhaitait être dispensé d'exécution de préavis et lui a indiqué , que dans l'affirmative , le préavis ne serait pas payé .
Le 18 janvier , monsieur [V] a adressé à la société LJM un courrier lui faisant divers reproches et expliquant que sa démission était motivée par ses manquements .
La société LJM critique le jugement déféré en faisant valoir que le courrier de démission de monsieur [V] ne comporte aucune réserve et que ce n'est que lorsque le salarié a été avisé qu'il ne serait pas dispensé de préavis qu 'il a prétendu que sa démission était due à ses conditions de travail .
Elle conclut que que monsieur [V] n'apporte pas le moindre commencement de preuve relatif aux heures supplémentaires qu'il aurait accomplies , se contentant de procéder par simple affirmation.
Il précise que monsieur [V] n'a jamais formulé de réclamation à ce sujet .
Par ailleurs , elle fait valoir que monsieur [V] n'a jamais rempli la fonction de chef de dépôt ainsi qu'il le prétend.
Elle soutient qu'il occupait, ainsi qu'indiqué sur ses bulletins de paie , un poste de chef de magasin , classé au niveau IV par la convention collective du commerce de gros et que s'il lui est arrivé de remplacer , pour l'exécution de menus travaux , le chef de dépôt lorsqu'il était absent, il n'a jamais exercé les responsabilités inhérentes au poste de niveau VI qu'il revendique .
Elle ajoute qu'il percevait un salaire supérieur au minimum conventionnel correspondant à sa classification et même à celle qu'il réclame.
Enfin , elle conclut que l'absence totale de considération de la part de sa hiérarchie qu'il allègue est infirmée par les témoignages qu'elle produit .
Elle demande la condamnation de monsieur [V] à lui verser 2000 euros pour procédure abusive , et à lui verser une indemnité compensatrice de préavis égale à deux mois de salaire soi t3264,50 euros.
Elle chiffre ses frais irrépétibles à 2500 euros .
Monsieur [V] réplique qu'il a expliqué les raisons de sa démission par une lettre du 18 janvier 2007, laquelle doit s'analyser en une prise d'acte de la rupture .
Il fait valoir que son expérience et les tâches qu'il remplissait justifie la revalorisation de sa classification au niveau VI .
Il réclame, outre des dommages et intérêts de 15000 euros pour non respect des stipulations de la convention collective ,des rappels de salaire, pour chacune des années 2002, 2003 ,2004 et 2005, de 930,67 euros et 93 euros pour les congés payés afférents , pour l'année 2006, un rappel de salaire de 1118,26 euros ,ainsi que 111,82 euros pour les congés payés afférents .
Il demande également la condamnation , sous astreinte,de l'employeur à procéder à la régularisation de sa situation auprès des caisses concernées et à lui délivrer des bulletins de salaire rectifiés.
Il conclut par ailleurs que les attestations qu'il produit établissent le manque de considération dont l'employeur a fait preuve à son égard .
Enfin , il soutient, qu'ainsi qu'il résulte du relevé qu'il a rédigé, il a effectué 424,20 heures supplémentaires au titre des quelles il sollicite 5620,65 euros , avec une incidence des congés payés de 562,06 euros .Il demande en outre la somme de 9650,40 euros pour travail dissimulé .
Il conclut que du fait des manquements de l'employeur, sa prise d'acte de la rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et demande les sommes suivantes :
-indemnité de préavis : 1632,25 euros
-congés payés afférents : 163,22 euros
-indemnité de licenciement : 11588,97 euros
-dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse:20000 euros
-préjudice moral:15000 euros
Il sollicite enfin la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile .
MOTIFS
La lettre du 18 janvier 2007 adressée par monsieur [V] à l'employeur , peu de temps après la précédente, exprime sans ambiguïté qu'il a démissionné en raison du comportement de l'employeur .
Cette lettre s'analyse en une prise d'acte de la rupture.
Il convient donc de rechercher si les reproches formulés à l'encontre de l'employeur sont établis et suffisamment graves pour justifier une rupture aux torts de ce dernier .
-sur les heures supplémentaires
Monsieur [V] produit cinq calendriers annotés par ses soins pour chacune des années 2002 à 2006 , laissant apparaître le nombre d'heures supplémentaires effectuées certains jours .
L'employeur produit neuf attestations de salariés dont il résulte que les heures supplémentaires effectuées en période de sur activité ,la société LJM commercialise des glaces, étaient récupérées durant la dernière quinzaine du mois de décembre chaque année . Quatre de ces salariés , membres du comité d'entreprise ou délégués du personnel ajoutent n'avoir jamais eu connaissance d'une réclamation relative aux heures supplémentaires .
Monsieur [V] produit un lettre simple en date du 7 juillet 2006 destinée à l'employeur dans laquelle il se plaint du non paiement d'heures supplémentaires et de propos choquants de la part du directeur .
La société LJMaffirme n'avoir pas reçu cette lettre.Le courriel adressé par monsieur [V] à l'inspection du travail le 11 juillet 2008 faisant état d'un courrier , sans autre précision , ne permet pas d' établir que l'employeur ou l'inspection du travail auraient été alertés .
En conséquence, le relevé rédigé par monsieur [V] est infirmé par les nombreuse attestions fournies par l'employeur et n'est corroboré par aucun élément produit par le salarié .
Il n'est donc pas suffisant pour étayer la demande de monsieur [V] , laquelle sera rejetée .
-sur la classification
Le poste de chef de magasin occupé par monsieur [V] était classé au niveau IV.
Ce niveau , selon la convention collective , correspond à la mise en 'uvre de techniques et de méthodes ainsi que de prise d'initiative avec l'autonomie nécessaire à la réalisation d'un objectif spécifique à l'emploi .
Le niveau VI revendiqué par monsieur [V] est ainsi défini : exercice d'une fonction spécifique comportant réalisation de travaux très qualifiés, organisation et relation avec les autres services .Technicité de niveau supérieur.
Pour démontrer que ses tâches correspondaient à cette définition , monsieur [V] produit les attestations résumées ci-dessous :
-monsieur [O] : monsieur [V] exerçait les mêmes fonctions que les miennes , (chef magasinier ) et en plus remplaçait le chef de dépôt pendant ses congés
-monsieur [N] : monsieur [V] était responsable du magasin et les cinq préparateurs étaient sous ses ordres ,Il remplaçait le chef de dépôt lorsque celui-ci était absent ,il faisait partie des responsables du magasin ,lorsqu'il nous arrivait , nous les chauffeurs , d'avoir des retours de marchandises ou des problèmes rencontrés pendant les livraisons.
L'employeur indique que monsieur [V] remplaçait partiellement le chef de dépôt lorsque celui ci était absent . Trois des salariés dont il a produit les attestations confirment que le chef de dépôt préparait avant son départ en congé les commandes, et qu'une partie de ses tâches était remplie par le directeur et l'autre par monsieur [V] .
Monsieur [V] ne démontre donc pas que ses tâches relevaient du niveau VI.
-sur l'attitude de l'employeur
Messieurs [O] et [N] attestent ,pour le premier, que le frère du Pdg se permet souvent des remarques désobligeantes à la limite de la grossièreté , pour le deuxième, qu'il a pu constater une pression sur le personnel , et qu'il a du faire preuve de patience car la hiérarchie harcelait les chauffeurs moralement . De même , monsieur [K] fait état d'une pression intense de la part de la direction et de l' attitude de la hiérarchie qui le diminuait constamment .
Ces attestations ne font état d'aucun fait concernant personnellement monsieur [V].
Les salariés dont les attestations ont été produites par l'employeur indiquent que l'ambiance au sein de l'entreprise était normale ou bonne .
Le certificat médical en date du 22 septembre 2009 selon lequel monsieur [V] présentait un état anxio dépressif invalidant qui « semblait » réactionnel aux conditions de travail de l'intéressé établit que monsieur [V] était malade mais n'a aucune valeur probante quant à ses conditions de travail que le médecin n'a connues qu'au travers des dires de son patient et n'a pas personnellement constatées.
En conclusion aucun élément précis ne permet d 'établir que monsieur [V] aurait subi de la part d el'employeur un comportement ou des propos témoignant d'un manque de considération.
L'employeur n'ayant pas manqué à ses obligations, la prise d'acte de la rupture par monsieur [V] produit les effets d'une démission .
Monsieur [V] sera donc débouté de toutes ses demandes .
Il n'a pas abusé de son droit d'agir en justice .La demande formée par la société LJM pour procédure abusive sera rejetée.
Selon la convention collective du commerce de gros , les employés sont tenus à un préavis d'un mois en cas de démission. Monsieur [V] n'ayant pas effectué ce préavis et n'en ayant pas été dispensé, devra verser à l'employeur la somme , égale à un mois de salaire , de 1632,25 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe
Vu l'article 696 du code de procédure civile
Infirme le jugement déféré
Déboute monsieur [V] de l'ensemble de ses demandes
Le condamne à verser à la société LJM une indemnuité compensatrice de préavis de 1632,25 euros ainsi qu'au titre de l'article 700 du code de procédure civile la somme de 1000 euros .
Dit que les dépens seront supportés par monsieur [V]
Le greffier Le président