COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
1re Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 08 NOVEMBRE 2012
HF
N° 2012/649
Rôle N° 11/18256
[O] [H] épouse [X]
C/
PROCUREUR GENERAL
PRES LA COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
Grosse délivrée
le :
à :
SCP MAYNARD SIMONI
Madame POUEY, substitut général
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 19 Octobre 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 10/00096.
APPELANTE
Madame [O] [H] épouse [X]
née le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 6] (Maroc),
demeurant [Adresse 2]
représentée par la SCP MAYNARD SIMONI, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Gérard BAUDOUX, avocat au barreau de NICE substitué par Me Amélie BENISTY, avocat au barreau de NICE
INTIME
LE PROCUREUR GENERAL
PRES LA COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
[Adresse 10]
représenté par Madame POUEY, substitut général.
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 04 Octobre 2012 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Hugues FOURNIER, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur François GROSJEAN, Président
Monsieur Hugues FOURNIER, Conseiller
Mme Danielle DEMONT-PIEROT, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Dominique COSTE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Novembre 2012.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Novembre 2012,
Signé par Monsieur François GROSJEAN, Président et Mme Dominique COSTE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS
Madame [H], née à [Localité 6] au Maroc, après avoir eu un enfant en [Date naissance 5] 2001 avec monsieur [F], de nationalité maroraine, dont elle divorçait le 11 mars 2002, se mariait le [Date mariage 3] 2002 à [Localité 9] avec monsieur [C] [X], de nationalité française.
Aucun enfant n'est issu de cette union.
Madame [H] souscrivait le 1er décembre 2004 une déclaration de nationalité française en raison de son mariage avec un Français, qui était enregistrée le 23 novembre 2005.
Le 31 mars 2006, les époux déposaient une requête en divorce par consentement mutuel et le divorce était prononcé le 4 juillet 2006.
Le 23 août 2007, madame [H] se remariait avec son premier époux à [Localité 6].
*
Par exploit du 16 décembre 2009, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nice faisait assigner madame [H] en annulation de la déclaration d'enregistrement de sa nationalité française sur le fondement de l'article 26-4 du Code civil selon lequel, dans le délai de deux ans suivant la date à laquelle il a été effectué, l'enregistrement peut être contesté par le ministère public si les conditions légales ne sont pas satisfaites, et l'enregistrement peut encore être contesté par le ministère public en cas de mensonge ou de fraude dans le délai de deux ans à compter de leur découverte, la cessation de la communauté de vie entre les époux dans les douze mois suivant l'enregistrement constituant une présomption de fraude.
Vu l'appel le 26 octobre 2011 par madame [H] du jugement prononcé le 19 octobre 2011 ayant rejeté le moyen tiré de la prescription, annulé l'enregistrement de la déclaration de nationalité française par elle souscrite, dit qu'elle n'était pas de nationalité française, laissé les dépens de l'instance à sa charge ;
Vu le reçu le 9 novembre 2011 par le ministère de la justice et des libertés de la copie de la déclaration d'appel ;
Vu les conclusions écrites du parquet général du 30 mai 2012 et les conclusions de madame [H] du 25 septembre 2012 ;
Vu la clôture prononcée le 4 octobre 2012;
*
En appel la discussion porte, en premier lieu, sur la prescription de l'action du ministère public, et à cet égard sur la détermination de l'autorité à qui la fraude doit être révélée pour fixer le point de départ de la prescription, et sur la date à laquelle le ministère public a eu effectivement connaissance de la cessation de la communauté de vie, et en second lieu et au fond sur l'existence d'une communauté de vie à la date de ladite déclaration, et à ce sujet sur la portée de la disposition du dernier alinéa de l'article 26-4 du Code civil instaurant une présomption de fraude, au regard d'une décision prononcée le 30 mars 2012 par le Conseil constitutionnel.
MOTIFS
1/ Aux termes de l'article 26-4 deuxième et troisième aliénas du Code civil, dans le délai deux ans suivant la date à laquelle il a été effectué, l'enregistrement peut être contesté par le ministère public si les conditions légales ne sont pas satisfaites, l'enregistrement peut encore être contesté par le ministère public en cas de mensonge ou de fraude dans le délai de deux ans à compter de leur découverte, et la cessation de la communauté de vie entre les époux dans les douze mois suivant l'enregistrement de la déclaration prévue à l'article 21-2 constitue une présomption de fraude.
Madame [H] estime que l'action du ministère public est prescrite aux motifs que le point de départ de la prescription de l'action de ce dernier est celui de la découverte d'une prétendue fraude, et non celle de la transmission, à son intention, de l'information sur cette fraude, que l'autorité compétente, chargée d'enquêter sur la fraude, l'a nécessairement découverte entre le 4 janvier 2007 et le 11 septembre 2007, de sorte que l'action introduite le 16 décembre 2009 était prescrite, et qu'en tout état de cause le parquet a nécessairement eu connaissance de la cessation de la vie commune par la mention du divorce en marge de l'acte de naissance, soit avant le 18 juin 2007.
Seul le ministère public territorialement compétent (Nice) pouvant agir en annulation de l'enregistrement pour fraude, c'est à la date à laquelle celui-ci (et non une autre autorité) l'a découverte que court le délai biennal d'exercice de son action.
Madame [H] n'est pas fondée à soutenir que le point de départ du délai de prescription est la date à laquelle le ministère public aurait dû 'nécessairement' découvrir, par la consultation des registres d'état civil, la mention de son divorce, ledit délai ne commençant à courir qu'à la date de la découverte effective, et non pas théorique, par le ministère public, des faits susceptibles de constituer une fraude.
N'établissant pas par d'autres éléments que le parquet de Nice ait eu connaissance, avant la date du 22 février 2008, date selon lui de sa découverte, des faits susceptibles de constituer une fraude, et celui-ci ayant introduit son action moins de deux ans après cette découverte, madame [H] doit être déboutée de sa fin de non-recevoir tirée de la prescription de ladite action.
2/ Aux termes d'une décision publiée le 31 mars 2012, le Conseil constitutionnel a dit que la présomption prévue par la seconde phrase du troisième alinéa de l'article 26-4 ne saurait s'appliquer que dans les instances engagées dans les deux années de la date de l'enregistrement de la déclaration; que dans les instances engagées postérieurement, il appartient au ministère public de rapporter la preuve du mensonge ou de la fraude invoquée, et que, sous cette réserve, l'article 26-4 du Code civil ne méconnaît pas le respect des droits de la défense.
En vertu de décisions prononcées le 25 mars 2011 par ledit Conseil, une déclaration d'inconstitutionnalité prend effet à compter de la publication de sa décision, et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de cette publication, sauf application des dispositions de l'article 62 de la Constitution lui réservant le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration.
Ce principe ne peut que valoir également pour les réserves assortissant une déclaration de conformité.
Dans sa décision du 31 mars 2012, le Conseil n'a assorti sa réserve de constitutionnalité d'aucune précision ou disposition quant à sa mise en application, de sorte qu'elle doit s'appliquer, aux instance en cours à sa date, et en particulier à celle dont la cour est aujourd'hui saisie.
Il s'ensuit en l'espèce, étant rappelé que l'action a été introduite après l'expiration d'un délai de deux ans suivant l'enregistrement, que le ministère public ne peut s'autoriser d'une présomption de fraude, et qu'il lui appartient de prouver la cessation de la communauté de vie entre le mariage et la déclaration d'acquisition.
Il rapporte la preuve, non seulement de cette cessation, mais encore d'une absence de communauté de vie originelle, dès le mariage, par défaut d'intention matrimoniale réelle de la part de madame [H] concernant son union avec monsieur [X], au sujet de laquelle il est fondé à estimer qu'elle n'a eu pour seule finalité, en dehors de toute communauté sentimentale et affective, et ce nonobstant les diverses attestations qui sont versées au débat, qui soit n'offrent pas un caractère d'objectivité suffisant (pour émaner de membres de la famille proche de madame [H], ou de monsieur [X]), soit ne révèlent rien d'une communauté de vie affective et sentimentale, que de permettre à celle-ci d'acquérir la nationalité française, et ce par la seule évocation, qu'il rappelle, de la chronologie de la vie maritale de madame [H], à savoir son premier divorce d'avec son premier mari au Maroc, son remariage avec monsieur [X] moins de sept mois après, son divorce d'avec monsieur [X] moins de 8 mois après l'enregistrement de sa déclaration acquisitive de la nationalité française, et son remariage avec son premier mari, père de son seul enfant, un peu plus d'un an après.
Madame [H] est donc déboutée de son appel contre le jugement ayant annulé l'enregistrement de sa déclaration de nationalité et dit qu'elle n'était pas française.
3/ Les dépens de première instance et ceux de l'appel vidé dans le cadre du présent arrêt sont supportés par madame [H].
*
Il suit de l'ensemble de ce qui précède que le jugement doit être confirmé en toutes ses dispositions.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement et contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe
Confirme le jugement.
Dit que madame [H] supporte les dépens de l'appel vidé par le présent arrêt.
LE GREFFIER LE PRESIDENT