COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
1re Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 08 NOVEMBRE 2012
FG
N° 2012/650
Rôle N° 11/19723
[Z] [L]
S.A.S. [E] [Y]
C/
[N] [B]
Grosse délivrée
le :
à :
SCP MAYNARD SIMONI
SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-PROVENCE en date du 07 Novembre 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 10/00266.
APPELANTES
Madame [Z] dite [H] [L]
née le [Date naissance 4] 1929 à [Localité 13] (75),
demeurant [Adresse 3]
S.A.S. [E] [Y] ,
dont le siège social est sis [Adresse 5]
représentée par son Président en exercice, domicilié en cette qualité audit siège
représentées par la SCP MAYNARD SIMONI, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistées de Me Jean-pierre RAYNE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIME
Monsieur [N] [B]
né le [Date naissance 1] 1987 à [Localité 10],
demeurant [Adresse 2]
représenté par la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Johann LEVY de la SCP A. VIDAL-NAQUET AVOCATS ASSOCIES, avocats au barreau de MARSEILLE substituée par Me Mathieu CEZILLY, avocat au barreau de MARSEILLE,
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 10 Octobre 2012 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur François GROSJEAN, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur François GROSJEAN, Président
Monsieur Hugues FOURNIER, Conseiller
Mme Danielle DEMONT-PIEROT, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Dominique COSTE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Novembre 2012
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Novembre 2012,
Signé par Monsieur François GROSJEAN, Président et Mme Dominique COSTE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DES FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS,
Mme [Z] [L], propriétaire d'un appartement au 3ème étage de l'immeuble en copropriété sis [Adresse 6] venderesse, a désiré vendre ce bien immobilier.
Une promesse synallagmatique de vente a été signée les 13 et 17 mars 2009 avec M.[N] [B], par l'entremise de l'agence immobilière [E] [Y], moyennant un prix de 160.000 €, outre 10.000 € de commission d'agence.
Une condition suspensive d'obtention d'un prêt de 48.000 € maximum sur 15 ans au taux maximum de 5,5 %, était prévue dans cette promesse. La réception de l'offre de prêt devait intervenir au plus tard le 13 mai 2009.
Avant que l'acte ne soit réitéré, M.[N] [B] a entrepris des travaux dans l'appartement, percé le plancher des parties communes de l'immeuble pour y faire passer des fils et des tuyaux, et annexé une partie des communs par l'installation d'une porte.
Alors que des constats d'huissiers étaient dressés tant par la copropriété que par le vendeur, les 17 et 23 avril 2009, M.[N] [B] a renoncé à l'acquisition, faute d'obtention d'un prêt.
Par ordonnance de référé en date du 4 août 2009, M.[C] était commis pour évaluer les dégradations, et concluait le 8 décembre 2009 pour un montant de 26.194 € TTC.
Pendant ce temps, sommation était adressée par le vendeur à l'acquéreur pour la réitération de l'acte de vente le 2 octobre 2009.
Le 7 décembre 2009, Mme [Z] [L] et la Sas [E] [Y] ont fait assigner
M.[N] [B] devant le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence en responsabilité civile contractuelle (paiement de la clause pénale) et délictuelle (réparation des dégradations).
Par jugement en date du 7 novembre 2011, le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence a :
- dit que M.[N] [B] a commis une faute engageant ainsi sa responsabilité délictuelle sur le fondement de l'article 1382 du code civil au préjudice de Mme [Z] [L],
- condamné M.[N] [B] à payer à Mme [Z] [L] la somme totale de 38.194 euros à titre de dommages et intérêts,
- débouté Mme [Z] [L] du surplus de ses demandes,
- condamné M.[N] [B] à payer à Mme [Z] [L] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté la Sas [E] [Y] de l'ensemble de ses demandes,
- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné M.[N] [B] aux dépens de l'instance, en ce compris les frais de constats d'huissier et les frais d'expertise distraits au profit M°Jean Pierre RAYNE, avocat,
- laissé à la charge de la Sas [E] [Y] ses propres dépens.
Par déclaration de la SCP MAYNARD SIMONI, avoués, en date du 18 novembre 2011, Mme [Z] [L] a relevé appel de ce jugement.
Par une autre déclaration de la SCP MAYNARD et SIMONI, avoués, en date du 18 novembre 2011, la société [E] [Y] Sas a relevé appel de ce jugement.
Par leurs dernières conclusions, déposées et notifiées le 1er juin 2012, Mme [Z] [L] et la Sas [E] [Y] demandent à la cour d'appel de :
- réformer partiellement le jugement,
- condamner M.[B] à payer à Mme [L] la somme de 28.303,54 € au titre des travaux de remise en état, la
- condamner M.[B] à payer à Mme [L] la somme de 16.000 € au titre de la clause pénale,
- condamner M.[B] à payer à Mme [L] la somme de 14.400 € à titre de dommages et intérêts complémentaires pour le préjudice de jouissance et la perte de chance de louer le bien,
- condamner M.[B] au paiement d'une somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M.[B] aux entiers dépens, dont ceux d'appel distraits au profit de la SCP MAYNARD SIMONI.
Mme [L] se prévaut de la clause pénale prévue dans la promesse synallagmatique de vente. Elle considère que M.[B] n'a pas fait les démarches nécessaires pour obtenir son prêt.
Mme [L] fait état des dégradations résultant des travaux effectués par M.[B].
Elle considère que le moyen relatif à une fin de non recevoir pour non respect de la clause de conciliation est une demande nouvelle en appel, et irrecevable.
Par ses conclusions, déposées et notifiées le 9 mai 2012, M.[N] [B] demande à la cour d'appel, au visa des articles 1152 et suivants du code civil, des articles 1175 et suivants du code civil, des articles 1134 et 1147 du code civil, de :
-I) sur les demandes de Mme [L]:
* Ã titre principal :
- réformer le jugement en toutes ses dispositions,
- dire que les demandes de Mme [L] sont irrecevables à défaut de respect le préalable contractuel de conciliation devant la chambre des notaires et d'avoir agi dans le délai contractuel de forclusion d'un mois,
- débouter en conséquence Mme [L] de l'intégralité de ses demandes,
* Ã titre subsidiaire :
- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes fondées sur la clause pénale, en l'état de la défaillance de la condition suspensive, compte tenu du refus opposé par le Crédit Foncier de France d'accorder le prêt,
- le réformer pour le surplus,
- dire qu'aucune condamnation ne pouvait intervenir à l'encontre de M.[B] au titre d'une prétendue perte locative alors que la promesse synallagmatique de vente stipulait clairement que le bien était vendu libre de toute occupation et n'était pas loué et que Mme [L] n'établit pas que le bien était en état d'être loué ni qu'elle ait entrepris des démarches à cet effet, débouter Mme [L] de ses demandes au titre de prétendues pertes locatives,
- dire que le montant des travaux de remise en état retenu en première instance ne correspond à aucune réalité à défaut pour Mme [L] d'apporter la preuve de la réalisation des travaux de remise en état et montant réellement exposé pour leur réalisation et ce par la production des factures acquittées et preuves de paiement,
- débouter Mme [L] de ses demandes au titre du coût de la remise en état, faute de preuve des dépenses exposées,
- débouter Mme [L] de toutes ses demandes, faute de démonstration de son préjudice,
- débouter Mme [L] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, une issue amiable ayant été écartée par la demanderesse,
II) sur les demandes de la Sas [E] [Y]:
-dire qu'en vertu des dispositions d'ordre public de la loi Hoguet, aucun versement de commission ne peut intervenir alors que la condition suspensive d'obtention du prêt est défaillie, dire que l'agent immobilier ne peut percevoir sa commission que si l'opération est effectivement conclue,
- débouter la Sas [E] [Y] de l'ensemble de ses demandes, faute de réalisation de la vente,
- condamner la Sas [E] [Y] au paiement d'une somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la Sas [E] [Y] et Mme [L] aux entiers dépens, dont ceux d'appel distraits au profit de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD & JUSTON, avocats.
L'instruction de l'affaire a été déclarée close le 26 septembre 2012.
MOTIFS,
-Sur la clause de conciliation :
La promesse synallagmatique de vente prévoit qu'en cas de litige, les parties conviennent, préalablement à toute instance judiciaire, de soumettre leur différend à un conciliateur désigné qui sera missionné par le président de la chambre des notaires.
Il y a lieu d'observer que M.[B] n'a pas opposé cette clause à Mme [L] en première instance et que ce n'est qu'en cause d'appel qu'il s'en prévaut pour la première fois. Il appartenait à M.[B] de l'opposer à Mme [L] dès l'assignation. En se défendant au fond sur la demande de Mme [L], il a admis que ce préalable de conciliation n'était que facultatif. Le débat a été accepté par lui devant le tribunal. Il est forclos à se prévaloir maintenant de cette clause alors qu'il a accepté le débat devant le tribunal.
-Sur la clause pénale :
La promesse synallagmatique de vente contenait les conditions suspensives usuelles relatives aux pièces d'urbanisme, à l'état hypothécaire et au non exercice d'un droit de préemption.
Il était prévu une condition suspensive d'obtention de prêt.
Le prêt envisagé dans cette condition suspensive était de 48.000 € au maximum, avec un taux d'intérêt de 5,50% au plus hors assurances, et avec une durée de remboursement de 15 ans ou plus.
L'acquéreur devait justifier dans les 30 jours des démarches effectuées pour obtenir ce prêt. Le vendeur avait la faculté d'en exiger les justifications par lettre recommandée avec avis de réception.
La réception de l'offre devait intervenir au plus tard le 13 mai 2009. L'obtention ou la non obtention du prêt devra être notifiée par l'acquéreur au vendeur par lettre recommandée avec avis de réception dans les trois jours suivant l'expiration du délai. A défaut de réception de cette lettre dans le délai fixé, le vendeur a la faculté de mettre l'acquéreur en demeure de lui justifier sous huitaine de la réalisation ou la défaillance de la condition.
Mme [L] ayant appris que M.[B] avait commencé des travaux dans son appartement s'en est inquiétée.
Par courrier du 6 mai 2009, le notaire, M°[G] [M], choisi par les parties pour rédiger l'acte authentique, écrivait à l'agence [E] [Y] pour l'informer de ce que M.[B] avait eu son accord de prêt et pour transmettre une lettre de M.[B].
Dans cette lettre du 23 avril 2009 de M.[B], celui-ci expliquait pourquoi il s'était autorisé à commencer des travaux, précisant je vous rappelle que je suis en mesure de vous fournir l'attestation d'assurance de l'appartement ainsi que l'attestation d'accord de prêt$gt;$gt;.
Cet attestation d'accord de prêt est un courrier du 27 avril 2008 du Crédit Immobilier de France qui lui écrit: nous faisons suite à votre demande de prêt immobilier relatif à l'opération suivante: projet à financer acquisition seule d'un type à usage d'habitation : [Adresse 6], montant total des prêts sollicités : 48.000 €, durée 180 mois. Ce préaccord a été accordé sous réserve de pièces justificatives et des assurances.$gt;$gt;
C'est seulement le 19 juin 2009, que M.[B] informait M°[M], notaire, qu'il ne souhaitait plus faire l'acquisition du bien sous les motifs du refus de prêt et de ce que l'agence immobilière lui aurait menti en indiquant qu'il achetait deux lots et non un seul.
M.[B] avait fait savoir avant la date du 13 mai 2009 qu'il avait eu son prêt.
Il avait d'ailleurs commencé des travaux comme s'il était déjà propriétaire, considérant que la condition suspensive était levée.
Ce n'est qu'après la date du 13 mai 2009, qu'il a fait état d'un refus de prêt, alors qu'avant cette date, il s'était prévalu d'un accord de prêt pour justifier d'avoir fait des travaux.
Par lettre recommandée avec avis de réception envoyée le 17 juillet 2009, Mme [L] a sommé M.[B] de justifier d'un refus de prêt.
M.[B] a alors produit un courrier non signé daté du 30 avril 2008 du Crédit Immobilier de France qui lui écrit: nous faisons suite à votre demande de prêt immobilier relatif à l'opération suivante: projet à financer acquisition seule d'un type à usage d'habitation : [Adresse 6], montant total des prêts sollicités : 48.000 €, durée 180 mois. Nous vous informons que nous sommes au regret de ne pouvoir donner une suite favorable à votre demande.$gt;$gt;
Ce courrier est éminemment suspect alors que trois jours avant le même établissement financier donnait son pré-accord sous réserve de pièces justificatives et des assurances;
M.[B], en procédant à des travaux dans l'appartement, le considérait déjà acquis, il se prévalait d'un accord de financement. Le courrier du 6 mai 2009 ne faisait pas état de la lettre de refus de prêt du 30 avril 2009, mais de l'accord de prêt du 27 avril 2009.
Il suffisait à M.[B] de ne pas donner les pièces justificatives au Crédit Immobilier de France pour, par son inertie, avoir un refus de prêt. Il ne justifie pas avoir donné ces pièces.
Ce refus doit être considéré comme de son fait.
Par son courrier et son attitude M.[B] a informé Mme [L] que les conditions suspensives étaient levées. Il a même écrit pour rappeler que le compromis de vente valait vente pour se justifier des travaux. Il renonçait pas là à se prévaloir de toute condition suspensive.
En conséquence, M.[B] ne peut se prévaloir de la condition suspensive d'obtention de prêt pour se désengager.
Par application de la clause pénale figurant dans la promesse synallagmatique de vente est due. Son montant est de 16.000 €, soit dix pour cent du prix de vente.
Son montant est manifestement excessif, et la cour le réduira par application de l'article 1152 du code civil à 8.000 €.
-Sur les dommages et intérêts suite aux travaux effectués par M.[B] :
Mme [L] demande, sur le fondement de l'article 1382 du code civil, les sommes de 28.303,54 € au titre des travaux de remise en état, et de 14.400 € pour le préjudice de jouissance et la perte de loyers.
Le tribunal lui a alloué 26.194 € au titre des travaux de remise en état et 12.000 € pour perte de loyers.
En ce qui concerne le montant des travaux de remise en état, le premier juge s'en est justement tenu au montant résultant de l'expertise. La cour fait siennes les motivations et l'appréciation du premier juge à ce sujet.
En ce qui concerne le préjudice de jouissance et la perte de loyers, comme l'a relevé le premier juge le constat d'huissier démontre que l'appartement ne pouvait plus être occupé compte tenu des dégradations commises par M.[B].
Cela a occasionné une perte de chance pour Mme [L] de louer ce bien ou de pouvoir l'occuper pendant le temps de la remise en état, soit un préjudice de 4.000 €.
Le montant total des dommages et intérêts sera de 26.194 € + 4.000 €, soit 30.194 €.
L'agence [E] [Y] est présente à l'instance. Elle ne demande rien, sauf la condamnation de M.[B] aux dépens .
M.[B] sera condamné aux dépens d'appel et tous ceux de première instance,
Il ne sera pas alloué d'avantage de frais irrépétibles en appel, la somme de 3.000 € couvrant la première instance et l'appel et les appelants n'ont pas clairement demandé des frais irrépétibles distincts en appel de ceux de première instance.
PAR CES MOTIFS,
Statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,
Confirme partiellement le jugement rendu le 7 novembre 2011 par le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence en ce qu'il a
- dit que M.[N] [B] a commis une faute engageant ainsi sa responsabilité délictuelle sur le fondement de l'article 1382 du code civil au préjudice de Mme [Z] [L],
- condamné M.[N] [B] à payer à Mme [Z] [L] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M.[N] [B] aux dépens de l'instance, en ce compris les frais de constats d'huissier et les frais d'expertise distraits au profit M°Jean Pierre RAYNE, avocat,
Le réforme pour le surplus,
Condamne M.[N] [B] à payer à Mme [Z] [L] la somme de huit mille euros (8.000 €) au titre de la clause pénale,
Condamne M.[N] [B] à payer à Mme [Z] [L] la somme de trente mille cent quatre-vingt-quatorze euros (30.194 €) à titre de dommages et intérêts,
Condamne M.[N] [B] à payer les dépens de première instance exposés par la société [E] [Y],
Y ajoutant,
Condamne M.[N] [B] aux dépens d'appel avec distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT