COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
18e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 13 NOVEMBRE 2012
N° 2012/822
Rôle N° 10/06075
SARL AGOLOC
C/
[S] [E]
Grosse délivrée
le :
à :
- Me Frédéric DELCOURT, avocat au barreau de TOULON
- Me Michel AMAS, avocat au barreau de MARSEILLE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULON en date du 12 Mars 2010, enregistré au répertoire général sous le n° 09/211.
APPELANTE
SARL AGOLOC, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Frédéric DELCOURT, avocat au barreau de TOULON
INTIMEE
Madame [S] [E], demeurant [Adresse 9]
comparante en personne, assistée par Me Michel AMAS, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Isabelle SCHENONE-AMAS, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 25 Octobre 2012 en audience publique devant la Cour composée de :
Madame Gisèle BAETSLE, Président
Madame Christine LORENZINI, Conseiller
Madame Fabienne ADAM, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Mme Julia DELABORDE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Novembre 2012.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Novembre 2012.
Signé par Madame Gisèle BAETSLE, Président et Mme Julia DELABORDE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES
Mme [E] a été embauchée le 8/12/2003 par la SARL AGOLOC sous contrat de qualification à l'issue duquel elle sera engagée à temps complet en qualité d'assistante commerciale.
Suite à une liquidation judiciaire, l'entreprise a été repris en mars 2005 par la SARL AGOLOC dont le gérant est M. [T].
Saisi, le 13/02/2009, par Mme [E] d'une demandes en résiliation judiciaire du contrat de travail en raison du harcèlement moral de la part de M. [B], directeur technique, dont elle a fait l'objet et en paiement de dommages-intérêts et de rappel de salaire, par jugement du 12/03/2010, le conseil de prud'hommes de Toulon a prononcé la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur, fixé la date d'effet de la rupture à la date du prononcé du jugement et a condamné la SARL AGOLOC à payer à Mme [E]
- 15.000 € de dommages-intérêts pour harcèlement moral
- 7307 € de dommages-intérêts pour rupture abusive
- 1500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
Le conseil de prud'hommes de Toulon a débouté Mme [E] de ses demandes en paiement d'heures supplémentaires et de rappel de salaire à temps complet et a ordonné l'exécution provisoire.
La SARL AGOLOC a régulièrement fait appel de cette décision.
Reprenant oralement leurs conclusions auxquelles il convient de se référer pour l'exposé de leurs moyens, la SARL AGOLOC sollicite la réformation de la décision entreprise , conclut à l'entier débouté de Mme [E] et réclame la somme de 3000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient qu'aucun manquement ne peut lui être imputé n'étant devenue l'employeur qu'à compter du mois de mars 2005 ; que la rupture du contrat de travail ne saurait être prononcée aux torts exclusifs de l'employeur et qu'en tout état de cause, Mme [E] ne rapporte pas la preuve des préjudices allégués que ce soit dans leur principe ou dans leur montant.
tandis que Mme [E] conclut à la confirmation du jugement déféré devant le cour en ce qui concerne les sommes qui lui ont été allouées et à sa réformation pour le surplus et demande les sommes supplémentaires suivantes :
-14833 € de rappel de salaire sur temps plein
- 7305,50 € au titre des heures supplémentaires outre 730,50 € de congés payés y afférents
- 1223,90 € d'heures de nuit
- 545,60 € d'indemnité de panier
- 3000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
MOTIVATION
Sur le harcèlement moral:
Aux termes de l'article L 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Selon l'article L 1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement du contrat pour avoir subi ou refuser de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.
L'article L 1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ses éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En l'espèce, Mme [E] reproche à son employeur de n'avoir cessé de la harceler, depuis qu'elle a été en arrêt maladie, prétendant qu'elle aurait détourné des fonds de la société pour son usage personnel, lui adressant volontairement des chèques raturés pour qu'elle ne puisse percevoir en temps utile le complément de l'Institut de Prévoyance des salariés de l'Automobile, qu'il lui aurait été imposé d'accomplir des tâches qui ne lui incombaient pas comme récupérer des véhicules volés dans des banlieues à risques, de ramener des véhicules sur des camions porte-voiture et même de faire le ménage de l'agence.
Pour étayer ses affirmations, Mme [E] produit un chèque raturé retourné par la banque, des attestations des trois autres salariées de l'agence, une de son frère, deux autres de sa soeur ainsi que celle de Mme [Z] [M] ainsi que des bilans sanguins et des attestations de paiement d'indemnités journalières .
Il sera constaté que:
- le seul chèque raturé produit est daté du 6 mai 2009, donc postérieur à la saisine du Conseil de Prud'hommes ;
- que les bilans sanguins n'apparaissent pas nécessairement en relation avec le harcèlement moral dont Mme [E] se dit avoir été victime ;
-que les attestations de sa soeur font état d'avis subjectifs sur l'état de santé de Mme [E] et sur un prêt d'argent en raison du défaut de paiement de deux mois de salaire à une date qui n'est pas précisée ;
-que l'attestation de son frère reprend les déclarations de Mme [E] selon lesquelles elle serait traitée comme 'une moins que rien', ce qu'il n'a pas constaté lui-même ; qu'elle rentrait régulièrement à des heures tardives de l'aéroport où elle était allée livrée des véhicules à l'aide d'un camion porte-voitures , sans ajouter qu'elle récupérait , au moins en partie selon l'attestation de Mme [Y]), ces heures de travail ; qu'il lui a prêté de l'argent à un moment où elle n'a pas été payée pendant deux mois, sans préciser la date ;
-que l'attestation de sa soeur ne fait état que de l'altération de son état de santé qu'elle attribue à son embauche chez AUTOLOC alors que les arrêt de travail de Mme [E] ne débutent qu'en 2008, soit 5 ans après ladite embauche ;
- Mme [M] atteste que Mme [E] était sollicitée régulièrement la nuit pour des livraisons de véhicules sur l'aéroport de [Localité 4] ou de [Localité 6] et qu'à deux reprises elle a est allée la récupérer avec le véhicule de cette dernière, ce qui n'apparaît donc que ponctuel en 6 années d'activité de Mme [E] auprès de l'agence Autoloc puis Agoloc. Mme [M] ajoute que Mme [E] se rendait le dimanche à l'agence de [Localité 8] afin de faire les retours de voitures et camions et rentrait tous ces véhicules dans le garage, sans expliquer de quelle manière et dans quelles circonstances elle a pu constater cette régularité alors qu'elle est esthéticienne domiciliée à [Localité 1] et qu'elle précise en fin d'attestation que Mme [E] refusait toutes sorties entre amis au prétexte qu'elle était épuisée.
-Mme [Y] , chef d'agence , atteste avoir 'constaté ' des faits qui se seraient déroulés à 5 heures du matin, dans des quartiers 'chauds' ou dans un bar sans expliquer les circonstances qui l'ont amenée à être également sur les lieux pour pouvoir constater ces faits.
Elle indique également que Mme [E] partait en dehors de ses heures de travail pour récupérer des voitures ou des clients sans bénéficier systématiquement de majorations d'heures de travail ou de récupération, sans préciser comment elle a été amenée à faire de telles constatations;.
Elle ajoute que lors de discordance de tarifs, M. [B] 'se faisait un plaisir de lui dire 'tu fais n'importe quoi tu n'as qu'un seul neuronne', sans préciser si les insultes étaient régulières..etc...
-les attestations de Mmes [U] et [I] comme celle de Mme [Y] ne sont pas circonstanciées, ne rapportent pas les mêmes faits. Ainsi Mme [I] et mme [U] attestent que Mme [E] faisait certaines semaines plus de 50 heures et le ménage dans l'agence entre 12 et 14 h, ce Mme [Y],chef d'agence tout de même , n'a pas constaté...
De plus, Mmes [Y], [E], [U] et [I] se sont établis des attestations réciproques dans les différentes instances introduites par elles devant le conseil de prud'hommes de Toulon ce qui laisse planer un doute sur leur objectivité.
Au regard des attestations produites par la SARL AGOLOC émanant du nouveau personnel de l'agence, en nombre plus restreint, qui toutes font état d'une ambiance sereine et normale dans l'entreprise, les attestations des anciennes salariées qui se contentent d'affirmer sans s'appuyer sur aucun élément objectif vérifiable, n'apparaissent pas crédibles.
Le rappel par M. [B] que la nature même de l'entreprise nécessite d'adapter les horaires en fonction de la clientèle mais que chaque dépassement d'horaire entraîne systématiquement une récupération très souvent à la convenance des collaborateurs, ce qui n'est pas démenti par Mme [E] , il n'apparaît ni anormal, ni vexatoire, ni brimant que Mme [E] ait eu dans ses fonctions celle de récupérer ou de livrer des véhicules certains soirs à l'aéroport de [Localité 4] ou de [Localité 6].
Par ailleurs, il apparaît pour le moins étonnant que, se plaignant avoir subi des faits de harcèlement depuis de longues années , Mme [E] n'en ait jamais informé ni la direction de la SARL AGOLOC, ni l'inspection du travail pour tenter d'y remédier , ni même son chef d'agence qui pourtant déclare en avoir été témoin.
En l'état des explications et des pièces fournies, la matérialité d'éléments de fait précis et concordants laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral n'est pas démontrée.
Les demandes relatives au harcèlement et à la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur doivent en conséquence être rejetées et le jugement déféré sera réformé à ce titre .
Sur le rappel de salaire à temps plein:
Pas plus qu'en première instance, Mme [E] ne justifie du bien fondé et du montant de sa demande, ne produisant par ailleurs aucun bulletin de salaire.
Le jugement déféré qui l'a débouté de cette demande sera donc confirmé par adoption de motifs.
Sur les heures supplémentaires , les heures de nuit et les indemnités de panier de nuit.
Mme [E] réclame le paiement d'environ 800 heures supplémentaires depuis 2006 dont elle entend justifier la réalisation en produisant un relevé global et succinct des heures supplémentaires effectuées par année.
Les heures supplémentaires se calculant à la semaine et non à l'année, ce seul document ne permet pas de faire droit à sa demande.
Il en est de même concernant les heures de nuit environ 30h en 2006 et 2007 et environ 20 h en 2008 et les indemnités paniers aéroport pour environ 30 en 2006 et 2007 et environ 20 en 2008.
L'approximation des heures ainsi effectuées, l'absence d'informations sur les jours et les horaires effectués par Mme [E] ne permet pas de faire droit à ces demandes.
En conséquence, le jugement déféré qui a débouté Mme [E] de ces chefs de demande sera confirmé.
Aucun élément tiré de l'équité ou de la situation économique des parties ne justifie en la cause l'application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Mme [E] qui succombe supportera les dépens.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant publiquement,
CONFIRME partiellement le jugement entrepris
et statuant à nouveau
DÉBOUTE Mme [E] de l'ensemble de ses demandes.
DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNE Mme [E] aux dépens.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT