COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
1re Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 06 DECEMBRE 2012
FG
N° 2012/732
Rôle N° 11/20467
[M] [T]
C/
[D] [T] épouse [N]
Grosse délivrée
le :
à :
SELARL BOULAN / CHERFILS / IMPERATORE
SCP COHEN L ET H GUEDJ
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 10 Octobre 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 07/05163.
APPELANT
Monsieur [M] [T]
né le [Date naissance 1] 1950 à [Localité 20] (LOIRE),
demeurant [Adresse 16] (MAROC)
représenté par la SELARL BOULAN / CHERFILS / IMPERATORE, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, ayant pour avocat Me Marc CONCAS, avocat au barreau de NICE
INTIMEE
Madame [D] [T] épouse [N],
née le [Date naissance 5] 1947 à [Localité 15]
demeurant [Adresse 6]
représentée par la SCP COHEN L ET H GUEDJ, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant par Me MOSCHETTI de l'association DEPLANO-MOSCHETTI-SALOMON, avocats au barreau de NICE
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 08 Novembre 2012 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur François GROSJEAN, Président , a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur François GROSJEAN, Président
Monsieur Hugues FOURNIER, Conseiller
Mme Danielle DEMONT-PIEROT, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Dominique COSTE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Décembre 2012.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Décembre 2012,
Signé par Monsieur François GROSJEAN, Président et Mme Dominique COSTE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DES FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS,
Mme [R] [J] [Y] veuve [T], née le [Date naissance 2] 1926 à [Localité 14] (Loire) est décédée le [Date décès 3] 2004 à [Localité 19] (Alpes Maritimes), laissant pour lui succéder ses trois enfants issus de son mariage avec M.[I] [T], soit Mme [D] [T] épouse [N], née le [Date naissance 5] 1947, M.[M] [T], né le [Date naissance 1] 1950 et Mme [A] [T] veuve [L], née le [Date naissance 4] 1952.
Mme [R] [J] [Y] veuve [T] avait ouvert un compte à la Monte Paschi Banque, agence de [Localité 17], avec comme adresse chez Mme [D] [N], [Adresse 6] aux Etats-Unis, compte n°[XXXXXXXXXX08].
Mme [D] [T] épouse [N] affirme que ce compte ne doit pas entrer dans l'actif de la succession de sa mère, alors que ce compte lui permettait de déposer ses actifs à elle, [D] [T] épouse [N], et que la Monte Paschi Banque a manqué de diligence en ne retransférant pas cet argent vers son compte personnel avant le décès de sa mère, malgré un ordre en ce sens. Elle précise que la juridiction monégasque a condamné la Monte Paschi Banque pour n'avoir pas respecté cet ordre.
Elle précise que si sa soeur [A] n'a pas fait de difficultés, son frère [M] refuse d'admettre que les sommes figurant sur ce compte soient hors succession.
Le 31 août 2009, Mme [D] [T] épouse [N] a fait assigner M.[M] [T] devant le tribunal de grande instance de Nice aux fins de voir juger à son encontre que les avoirs du compte Monte Paschi Banque du compte °[XXXXXXXXXX08] sont les siens et ne sont pas dans la succession de feue [R] [Y] veuve [T].
Par jugement en date du 10 octobre 2011, le tribunal de grande instance de Nice a :
- dit que Mme [D] [T] épouse [N] est propriétaire des avoirs détenus par la Monte Paschi Banque, succursale de [Localité 17], sur le compte n°54006[Localité 7] au nom de feue [R] [T],
- dit que, sur présentation du jugement, M°[P], notaire à la résidence de [Localité 19], sera habile à se faire remettre par la Monte Paschi Banque les avoirs détenus sur le compte ci-dessus, afin de les remettre à Mme [D] [T] épouse [N], somme arrêtée à 305.204,56 €, sauf à parfaire ou à diminuer au jour du versement effectif,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- condamné M.[M] [T] à payer à Mme [D] [T] épouse [N] la somme de 1.500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M.[M] [T] aux dépens.
Par déclaration de la SCP BLANC et CHERFILS, avoués, en date du 30 novembre 2011, M.[M] [T] a relevé appel de ce jugement.
Par ses conclusions, notifiées et déposées le 13 avril 2012, M.[M] [T] demande à la cour d'appel, au visa des articles 1341 et suivants du code civil, de :
- déclarer M.[M] [T] recevable et bien fondé en son appel,
- infirmer le jugement en toutes ses dispositions et débouter Mme [D] [T] épouse [N] de l'intégralité de ses prétentions,
- dire que les fonds figurant au crédit du compte de Mme [R] [T] au sein de la Monte Paschi Banque constituent des actifs de la succession [T], partageable entre les trois héritiers,
- reconventionnellement, condamner Mme [D] [T] épouse [N] au paiement de la somme de 2.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens, ceux d'appel distraits au profit de la Selarl BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocats.
M.[M] [T] estime que Mme [D] [T] épouse [N] n'apporte pas la preuve que les fonds du compte de leur mère soient des fonds hors succession.
Par ses conclusions, notifiées et déposées le 31 mai 2012, Mme [D] [T] épouse [N] demande à la cour d'appel, au visa de l'article 9 du code de procédure civile, des articles 718 et suivants anciens du code civil, de :
- débouter M.[T] des fins de son appel et confirmer le jugement,
- désigner un expert avec mission de prendre connaissance de la déclaration de succession, des pièces versées par Mme [D] [T], de donner tous éléments permettant de dire si ces biens ont été reçus par M.[M] [T], s'ils ont été rapportés à la succession et/ ou s'il en a été tenu compte dans la dévolution successorale, dans la négative, donner tous éléments permettant de déterminer leur valeur au jour du partage, en tenant compte de l'état qui était le leur à l'époque de la donation, donner tous éléments permettant de déterminer si ces donations portent atteinte à la réserve héréditaire de Mme [D] [N], et dans l'affirmative, pour quel montant,
- condamner M.[T] à lui payer une somme de 4.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, de première instance et d'appel, ceux d'appel distraits au profit de la SCP Hervé COHEN, Laurent COHEN, Paul GUEDJ, Jean-Philippe MONTERO et Maud DAVAL-GUEDJ, avocats.
Mme [D] [T] épouse [N] expose qu'elle est de double nationalité, française et américaine, qu'elle détenait un compte n°[XXXXXXXXXX010] au sein de l'agence monégasque de la Monte Paschi Banque, que la banque lui aurait expliqué qu'il était souhaitable que ces fonds, du fait de sa nationalité américaine, soient transférés sur le compte de sa mère, ce qui avait été fait sur le compte n°[XXXXXXXXXX08] au nom de sa mère. Elle précise que sa mère, Mme [R] [Y] veuve [T] lui avait donné procuration ainsi qu'à son mari M.[E] [N], sur ce compte. Elle expose que, Mme [R] [Y] veuve [T] étant tombée gravement malade, M.[E] [N] avait en avril 2004 donné l'ordre de retransférer les fonds de ce compte vers celui de Mme [D] [T] épouse [N], mais que ce transfert n'avait pas été fait et que le décès de Mme [R] [Y] veuve [T] avait bloqué la situation.
Mme [D] [T] épouse [N] explique avoir saisi le tribunal de première instance de Monaco d'une action contre la Monte Paschi Banque pour n'avoir pas exécuté l'ordre de transfert et obtenu un jugement condamnant cette banque à lui payer 100.000 € à titre de dommages et intérêts. Elle expose avoir du demander une attestation à ses frère et soeur, M.[M] [T], demeurant au Maroc, et Mme [A] [T], demeurant aux Etats-Unis, pour récupérer les fonds, que sa soeur [A] a signé mais que son frère a refusé.
Mme [D] [T] épouse [N] estime apporter la preuve de ce que les fonds litigieux lui appartiennent. Elle se prévaut des décisions judiciaires monégasques. Elle produit des éléments relatifs au transfert de sommes de son compte vers celui de sa mère;
L'instruction de l'affaire a été déclarée close le 25 octobre 2012.
MOTIFS,
Le compte numéro [XXXXXXXXXX08] de la Monte Paschi Banque est au nom de Mme [R] [Y] veuve [T], même si l'adresse de la titulaire du compte est celle de Mme [D] [T] épouse [N], la titulaire du compte étant censée demeurer chez elle, selon les indications du compte.
Ce compte est un compte de titres. Il comprenait des actions et des obligations. Son montant était évolutif selon le cours de ces actions et obligations.
A la date du 1er décembre 2002, il comprenait 327.724 €. A celle du 31 décembre 2004, son montant n'était plus que de 283.016,78 €.
Les sommes figurant sur ce compte, ouvert au nom de Mme [R] [Y] veuve [T] étaient, sauf preuve du contraire, propriété de la titulaire du compte.
Mme [D] [T] épouse [N] explique avoir été titulaire d'un compte numéro 808654[Localité 9] à la Monte Paschi Banque, agence de [Localité 17].
Elle produit un ordre de transfert du 3 avril 2002 de ses avoirs sur ce compte vers le compte numéro [XXXXXXXXXX08] et de clôture de son compte [XXXXXXXXXX08]. Cet ordre est une lettre de Mme [N] elle-même, dont la fiabilité poste question alors qu'il s'agit de la copie de son propre courrier, signé par elle-même. Ce n'est pas un élément probant.
Mme [N] se prévaut d'un tableau récapitulatif, sa pièce n°29, qui note un montant de 354.437,04 € sur le compte de C [T] au 19 février 2002, un ordre de transfert du 3 avril 2002, et un compte O [T] en conséquence de ce transfert, de 327.724 € au 1er décembre 2002, puis 283.016 € au 31 décembre 2004.
Mais ce tableau n'est pas signé et ne porte aucune mention de nature à attester qu'il émane bien de la Monte Paschi Banque. Cette pièce n'est pas fiable et ne peut servir de preuve.
En tout état de cause, les raisons d'un tel transfert de sommes du compte de Mme [N] vers celui de Mme [T] ne sont pas claires.
Mme [N] ne produit aucun document de la banque de nature à expliquer un tel transfert.
Par jugement du 1er février 2007, le tribunal de première instance de Monaco a condamné la Monte Paschi Banque à payer 100.000 € à titre de dommages et intérêts à Mme [N]. Le tribunal a dit que la carence du banquier, à exécuter l'ordre de virement vers le compte de Mme [N] a entraîné le blocage des fonds et a fait tomber la procuration, privant Mme [N] de la possibilité de les récupérer alors même qu'il n'est pas douteux que la banque n'ignorait rien de leur provenance et de sa volonté d'organiser un transfert rapide avant le décès de sa mère.
Par arrêt du 20 janvier 2009, la cour d'appel de Monaco a confirmé ce jugement et repris sur le point précis rappelé ci-dessus exactement la même motivation.
Ces décisions des juridictions monégasques n'ont pas été prises au contradictoire de M.[M] [T]. Il est un tiers par rapport à ces décisions. Elles n'ont aucune autorité à son égard.
Les juridictions monégasques ont constaté que l'ordre de transfert du compte de sa mère vers son compte n'avait pas été exécuté et alloué des dommages et intérêts pour la perte de chance ne pas avoir obtenu ce transfert.
Les juridictions monégasques ne se sont pas prononcées sur la propriété des fonds. Elles n'auraient d'ailleurs pas pu le faire sans que M.[M] [T] et Mme [A] [T] veuve [L] ne soient parties à la procédure comme ayants droit de feue [R] [Y] veuve [T].
Mme [D] [T] épouse [N] n'apporte pas la preuve que les avoirs figurant sur le compte numéro [XXXXXXXXXX08] de la Monte Paschi Banque au nom de Mme [R] [Y] veuve [T] lui appartiennent.
Une expertise ne peut servir à pallier l'insuffisance d'une partie à apporter l'administration de la preuve. Aucune expertise ne sera ordonnée.
Le jugement sera infirmé.
PAR CES MOTIFS,
Statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,
Infirme le jugement rendu le 10 octobre 2011 par le tribunal de grande instance de Nice en toutes ses dispositions,
Déboute Mme [D] [T] épouse [N] de ses demandes,
Condamne Mme [D] [T] épouse [N] à payer à M.[M] [T] la somme de 1.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme [D] [T] épouse [N] aux dépens, avec distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT