COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
9e Chambre C
ARRÊT AU FOND
DU 07 DECEMBRE 2012
N° 2012/ 1245
Rôle N° 11/04710
[W] [L]
C/
SARL SANTONS MARCEL CARBONEL
Grosse délivrée le :
à :
-Me Christine D'ARRIGO, avocat au barreau de MARSEILLE
- Me Sybille PECHENART, avocat au barreau de MARSEILLE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE en date du 08 Février 2011, enregistré au répertoire général sous le n° 09/2916.
APPELANTE
Madame [W] [L], demeurant [Adresse 6]
comparant en personne, assistée de Me Christine D'ARRIGO, avocat au barreau de MARSEILLE et Me Aude ADJEMIAN, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
SARL SANTONS MARCEL CARBONEL, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Sybille PECHENART, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 11 Octobre 2012 en audience publique devant la Cour composée de :
Monsieur Christian BAUJAULT, Président de Chambre
Monsieur Patrick ANDRE, Conseiller
Madame Catherine VINDREAU, Conseiller qui a rapporté
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 Décembre 2012.
ARRÊT
CONTRADICTOIRE
Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 Décembre 2012.
Signé par Madame Catherine VINDREAU, Conseiller et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
[W] [L] a été embauchée par la SARL SANTONS MARCEL CARBONEL dans le cadre de contrat à durée déterminée du 17 juin au 11 juillet 1997 , puis du 10 novembre au 19 décembre 1997.
Deux ans après , elle a été à nouveau embauchée par contrat à durée déterminée du 27 octobre 1999 en qualité de 'complément atelier'.
Déléguée syndicale, [W] [L] va s'opposer aux licenciements économiques envisagés par la société en 2007, elle-même étant d'ailleurs concernée par ces licenciements.
L'inspection du travail et le ministère du travail ayant refusé son licenciement , la procédure la concernant n'a pas abouti.
[W] [L] a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 28 novembre 2008, invoquant un certain nombre de griefs à l'encontre de son employeur.
La rémunération mensuelle brute de la salariée s'élevait, au moment de la rupture du contrat de travail à 1 367, 66 € comprenant une prime d'ancienneté de 46,61 € .
*
C'est dans ces conditions que [W] [L] a saisi le conseil de prud'hommes de MARSEILLE le 18 août 2009.
Par jugement de départage en date du 8 février 2011 , le conseil de prud'hommes de MARSEILLE a :
- requalifié le contrat de travail non écrit du 27 octobre 1999 de la requérante en contrat de travail à durée indéterminée,
alloué à [W] [L] une indemnité de requalification équivalente à un mois de salaire brut, soit 1.367,66 € cette somme ayant été calculée par référence à la moyenne des 3 derniers mois,
- dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la date du jugement, et ordonne la capilalisation des intérêts dans les limites de l'article 1154 du code civil,
- dit que la société SANTONS MARCEL CARBONEL est redevable de la somme de 64,31 € au titre des salaires bruts que Madame [L] aurait dû percevoir, conformément à la législation en vigueur,
En conséquence:
- condamné la SARL SANTONS MARCEL CARBONEL à payer à Madame [L] la somme de 64,31 € au titre de rappels de salaires et dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la date de saisine du conseil, avec capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du code civil,
- dit que la demande de changement de classification et de réévaluation de son coefficient hiérarchique est infondée,
changement de classification et de toutes ses demandes en paiement et en rectification et délivrance de bulletins de salaires rectifiés et documents sociaux rectifiés subséquentes à ce titre,
- dit que les griefs invoqués par Madame [L] au soutien de sa prise d'acte de rupture ne sont pas fondés,
- dit en conséquence que la prise d'acte de rupture du contrat de travail par Madame [L] produit les effets d'une démission,
- débouté Madame [L] de ses demandes au titre des dommages et intérêts pour discrimination syndicale, des dommages et intérêts pour harcèlement moral, au titre de l'indemnité de préavis et des congés payés y afférents, au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement et au titre des dommages et intérêts pour licenciement nul,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du présent jugement, sauf lorsque celle-ci est applicable de plein droit,
- rejeté toute autre demande plus ample ou contraire,
- condamné la SARL SANTONS CARBONEL à payer à la requérante la somme de 1.500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la SARL SANTONS MARCEL CARBONEL aux dépens.
*
[W] [L] a régulièrement interjeté appel de cette décision le 8 mars 2011.
Au visa de ses conclusions écrites et réitérées lors des débats, et auxquelles la cour se réfère quant aux prétentions et moyens invoqués,[W] [L] demande de :
- confirmer la décision de première instance en ce qu'elle a requalifié le contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée
- infirmer la première décision sur les autres points
En conséquence, .
- dire et juger qu'elle a été victime de discrimination syndicale,
- dire et juger qu'elle a été victime de harcèlement moral,
- dire et juger que les griefs invoqués par elle justifient la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail,
- dire et juger que cette rupture produit les effets d'un licenciement nul,
En conséquence,
- condamner la S.A.R.L. SANTONS MARCELCARBONEL au paiement des sommes suivantes: .
- Au titre de l'indemnité de requalification : 1 993,78 €
- Au titre de rappel de salaire conventionnel : 28 566,62 €
- Au titre des congés payés y afférents: 2 856,66 €
- Au titre de rappel de la prime d'ancienneté: 4 918,36 €
- Au titre des congés payés y afférents: 491,84 €
- Au titre des dommages et intérêts pour discrimination syndicale: 47 850,72 €
- Au titre des dommages et intérêts pour harcèlement moral: 35 888,04 €
- Au titre des dommages et intérêts pour violation de l'obligation de résultat: 15000 €
- Au titre de l'indemnité de préavis: 3987,56 €
- Au titre des congés payés y afférents: 398,76 €
- Au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement: 4 564,71 €
- Au titre des dommages et intérêts pour licenciement nul: 71 776,08 €
- fixer la moyenne des douze derniers mois de salaire à la somme de 1993,78 €
- la reclasser au coefficient 175 ETAM conformément à la réalité des fonctions exercées,
- condamner la S.A.R.L. SANTONS MARCEL CARBONEL à lui délivrer l'ensemble de ses bulletins de paie de 2002 à 2008, rectifiés quant au coefficient 175 et à la qualification réelle des fonctions exercées à savoir ETAM, contrôleur qualité, sous astreinte de 150 € par jour de retard, à compter du prononcé de l'arrêt,
- condamner la S.A.R.L. SANTONS MARCEL CARBONEL à lui délivrer une attestation ASSEDIC rectifiée quant aux motifs de la rupture de son contrat de travail, sous astreinte de 150 € par jour de retard, à compter du jour du prononcé de l'arrêt,
- fixer les intérêts de droit courant à compter de la demande en justice et ordonner leur capitalisation
- condamner la société défenderesse au paiement de la somme de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ,
- condamner la société défenderesse aux entiers dépens, en ce compris les éventuels frais de recouvrement instrumentaire, en vertu de l'article 10 du décret du 8 mars 2001.
En réplique, au visa de ses conclusions écrites et réitérées lors des débats, et auxquelles la cour se réfère quant aux prétentions et moyens invoqués , la SARL SANTONS MARCEL CARBONEL demande de :
- confirmer en tout point le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de MARSEILLE le 8 février 2011
Statuant à nouveau :
- condamner Madame [L] au paiement de la somme de 683 ,83 € au titre du préavis lié à sa démission,
- débouter Madame [L] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner Madame [L] au paiement de la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du du code de procédure civile .
- condamner Madame [L] aux entiers dépens y compris les éventuels frais de recouvrement par l'huissier instrumentaire, en vertu de l'article 10 du décret du 8 mars 2001.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée
Les parties ne font que reprendre devant la cour leurs prétentions et leurs moyens de première instance .
Le jugement déféré repose sur des motifs exacts et pertinents que la cour adopte, en l'absence de moyens nouveaux et de nouvelles preuves, il sera confirmé en ce qu'il a requalifié le contrat à durée déterminée non écrit du 27 octobre 1999 en contrat à durée indéterminée .
Il sera par contre réformé sur l'indemnité de requalification afin de prendre en compte les développements suivants sur la prime d'ancienneté.
La SARL SANTONS MARCEL CARBONEL sera condamné à verser à [W] [L] une indemnité de requalification de 1 451,37 €.
Sur l'application de la convention collective quant au minimum garanti
Sur la classification
Il est constant que [W] [L] a été recrutée en qualité d'emballeuse puis de complément atelier, que c'est cette dernière qualification qu'elle a conservée sur ses bulletins de salaire jusqu'à la rupture de son contrat de travail.
[W] [L] qui s'est vu attribuer le coefficient 120 ouvrier tout au long de sa carrière, soutient que les tâches qu'elle effectuait en réalité relevait du coefficient 175 ETAM correspondant à la qualification de contrôleur qualité.
Elle avait d'ailleurs , par courrier du 31 octobre 2007, sollicité cette requalification auprès de son employeur, mais en vain, dans les termes suivants:
'En effet, j'ai été amenée à exercer des tâches dans le domaine du contrôle de qualité, des relations avec la clientèle, des relations avec les salariés à domicile.
Ces tâches relèvent de la classification E. T.A. M.
Vous m'avez accordé la classification E. T.A. M. Au mois de février 2006 ; nous l'avons même fêtée au restaurant'.
Le coefficient 120, catégorie ouvrier, correspond à 'l'exécution de travaux pénibles ou simples entrant dans le cycle de la fabrication, sans connaissance particulière. Mise au courant et adaptation 1 semaine' . Ce coefficient comprend notamment les tâches suivantes: Finissage des articles moulés de formes simples, festonnées ou ovales; préemballage et conditionnement, préparation et regroupement des commandes, certaines tâches de décorations et de peinture.
[W] [L] revendique l'application du coefficient 175 catégorie ETAM qui est défini comme suit 'contrôleur technique: 'Employé travaillant sous les ordres d'un supérieur et chargé de suivre la qualité des produits. Il a acquis une formation professionnelle lui permettant de faire certains contrôles sur les caractéristiques des produits fabriqués ou en cours de fabrication et de faire appliquer les consignes relatives a la marche courante des ateliers et à la classification qualitative des produits. Il est en relation constante avec la maîtrise. Il peut être secondé par des aides dans l'enregistrement des observations'.
Elle ne conteste pas que son poste était celui de complément atelier mais affirme que depuis le mois de janvier 2002, outre ses tâches de complément atelier elle effectuait des visites guidées et des prises de rendez-vous, la saisine informatique des expéditions PVC , le contrôle des santons taille 4 et 5, le rajout d'accessoires et emballage de ces santons, la préparation des foires de [Localité 5] et [Localité 2], le contrôle qualité des autres tailles et emballages, la préparation et le conditionnement des commandes VPC et revendeur, la prise en charge téléphonique des décorateurs à domicile en l'absence de son chef, Madame [C] et selon les consignes de cette dernière.
La salariée produit au soutien de ses allégations 3 courriers de clients démontrant qu'elle s'occupait des visites guidées de l'atelier. Elle verse également aux débats un courrier adressée par Madame [X] responsable administrative et commerciale, à l'inspection du travail qui confirme qu'à sa connaissance elle effectuait les tâches listées ci-dessus, en ajoutant que certaines de ces tâches étaient faites à la demande et en fonction des besoins.
Elle verse en outre aux débats les attestations de salariés de l'entreprise, [H] [B] et [M] [U] qui confirment que , avant de s'en voir retirer la responsabilité, elle avait bien exercé les fonctions de contrôleur qualité , visites guidées , saisies de commande.
[E] [C] , supérieure hiérarchique de [W] [L] , avec qui les relations étaient à tout le moins difficiles, comme cela sera exposé ultérieurement, si elle expose que 'concernant sa participation aux tâches de contrôle qualité, elle n'a jamais pu être autonome sur ce poste qui demandaient des qualifications qu'elle n'avait pas ; en outre l'ensemble de ses tâches relevaient d'un travail collectif du service auquel elle participait en fonction de son poste complément atelier', elle ne nie pas que [W] [L] a bien exercé ces tâches.
Au vu de l'ensemble de ces éléments , la cour considère que les tâches effectivement confiées à [W] [L] dépassaient le cadre du coefficient 120 ouvrier et relevaient bine du coefficient 175 catégorie ETAM.
Le jugement sera réformé en ce sens.
Le salaire moyen des 3 derniers mois sera fixé à la somme de 1 451,37€ ( salaire versé de 1 321,05€ + prime d'ancienneté de 130,32 €).
Sur le rappel de salaire
Les documents produits par les parties et notamment les bulletins de salaire de l'intéressée démontrent que la demande de cette dernière repose sur des calculs erronés.
Sur la période non couverte par la prescription, elle a perçu une rémunération supérieure au salaire minima conventionnel de l'indice 175 ETAM.
Les premiers juges ont noté à juste titre qu'il résulte des tableaux de calculs présentés par l'employeur indépendamment de l'incidence de changement de classification, que les salaires de Madame [L] ont toujours été supérieurs aux salaires minima conventionnels applicables, étant précisé que ces minima conventionnels n'ont été revalorisés qu'au 1er avril 2008, et supérieurs au SMIC donc conformes à la réglementation, à l'exception de l'année 2007 au titre de laqueIle il est dû à Madame [L] la somme de 64,31 euros, les sommes versées au titre du salaire de base au cours de l'année 2007 étant inférieures au SMIC à hauteur de cette somme de 64,31 € brut.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la SARL SANTONS MARCEL CARBONEL à payer à [W] [L] la somme de 64,31 € brut.
Sur le rappel de prime d'ancienneté
Le point de départ de l'ancienneté de [W] [L] ne peut remonter qu' au 27 octobre 1999.
Elle comptait donc 9 ans et 2 mois d'ancienneté lors de la rupture de son contrat de travail.
Le tableau réalisé par l'employeur montre que la différence entre la prime effectivement versée à la salariée et celle résultant de l'indice 175 est de 1 316,40 € et non de 4 918,36 € comme le soutient cette dernière.
En infirmation du jugement déféré, la SARL SANTONS MARCEL CARBONEL sera condamnée à verser à [W] [L] la somme de 1 316,40€ de ce chef outre celle de 131,64€ de congés payés afférents .
Sur la discrimination syndicale
Il résulte de la combinaison des articles L. 1132-1 et L. 2141-5 du code du travail que toute mesure prises par l'employeur en considération de l'appartenance ou de l'activité syndicale est nulle.
Il appartient au salarié syndicaliste qui se prétend lésé par une mesure discriminatoire de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une atteinte au principe d'égalité de traitement et qu'il incombe à l'employeur, s'il conteste le caractère discriminatoire du traitement réservé au syndicaliste, d'établir que la disparité de situation constatée est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à toute discrimination fondée sur l'appartenance à un syndicat.
[W] [L] soutient que l'employeur a pris des mesures discriminatoires à son encontre afin de la ' bâillonner' car devenue trop gênante dans son engagement syndical lors de la mise en oeuvre de licenciements économiques.
Elle expose que ces mesures discriminatoires sont caractérisées d'une part par les décisions en matière de conduite et de répartition du travail prises par sa supérieure hiérarchique et d'autre part , par la procédure injustifiée de licenciement diligentée à son encontre.
Il ne saurait être contesté que [W] [L] s'est particulièrement investie dans sa mission de déléguée syndicale et dans la défense des salariés touchés par les licenciements économiques envisagés.
Il est établi qu'elle a vu ses conditions de travail modifiées à compter de mars 2007 comme en témoignent les courriers envoyés à la direction ( 19 mars 2007, 3 septembre 2007 ...) et les attestations de [S] [N] , [H] [B] , [M] [U]...).
Il est tout aussi constant que si la mesure de licenciement économique de l'intéressée n'a pas abouti ,c'est en raison du refus de l'inspection du travail , puis du ministère du travail, sur recours de l'employeur de la décision de l'inspection du travail.
La SARL SANTONS MARCEL CARBONEL réplique que le licenciement envisagé de [W] [L] n'avait aucun lien avec son activité syndicale et que la salariée n'était pas plus engagée que les autres délégués syndicaux.
Elle soutient que le poste qu'était caractérisé un contexte économique impliquant des difficultés suffisamment sérieuses justifiant d'une mesure de réorganisation de l'entreprise et que cette réorganisation passait par la suppression de 6 postes .
Le poste de 'complément atelier' de [W] [L] étant supprimé , il était nécessaire de procéder à son licenciement.
Elle ajoute qu'elle lui a proposé un poste de décoratrice à domicile lequel a été refusé.
La SARL SANTONS MARCEL CARBONEL ajoute que les demandes tant auprès de l'inspection du travail que du ministère de l'emploi étaient légitimes .
En l'absence d'éléments nouveaux soumis à son appréciation , la cour estime que les premiers juges , par de motifs pertinents qu'elle approuve , ont fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties quant à la réalité du motif économique du licenciement.
Cependant , la seule proposition de reclassement faite à la salariée le 24 avril 2007, alors qu'elle avait précédemment été amenée à effectuer des tâches relevant d'un coefficient supérieur, comme développé plus avant, qui concernait un poste de décoratrice à domicile ,payée au rendement sans référence au SMIC avec la possibilité pour l'employeur de payer ou non le travail en fonction de sa propre estimation de la qualité ,ne pouvait être considérée comme une proposition raisonnable.
Comme l'inspection du travail dans sa décision refusant la mesure de licenciement de [W] [L], la cour considère que le choix de cette dernière parmi les personnels licenciés n'est pas étranger à l'importance de son activité syndicale au sein de la société.
En réformation du jugement déféré , il sera alloué à [W] [L] la somme de
5 000 € à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale.
Sur le harcèlement moral
Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En application des articles L.1152-11 et L.1154-1 du code du travail , lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement moral, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble, permet de présumer l'existence d'un harcèlement moral et dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement moral et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
[W] [L] soutient que la discrimination syndicale s'est également accompagnée de mesures caractérisant un véritable harcèlement moral.
Elle fait état de la dégradation manifeste de ses conditions de travail dont elle a alerté son employeur par courrier du 19 mars 2007 ( agressions verbales et attitude méprisante de ses supérieurs hiérarchiques , suppression de ses attributions antérieures, cantonnement à la réserve) ,du 3 septembre 2007 et du 31 octobre 2007.
Les attestations versées aux débats ( [M] [U],[S] [N], [H] [B] ) corroborent les propos de la salariée quant au fait qu'elle s'est vu retirer les tâches qui lui avaient été précédemment attribuées et cantonner à des tâches de manutention .
[H] [B] ajoute ' Je me souviens d'ailleurs d'un fait qui m'avait vraiment choquée. Au cours de la réunion du CE du 19 avril 2007, alors que [W] prend la parole, M. [O] l'interrompt aussitôt et lui dit: ' Oh vous avez votre gueule d'enfarinée ...'. Je suis restée choquée, interloquée. [W] a demandé une interruption de séance et a quitté la salle. Je suis alors allée la retrouver. Elle était aux toilettes, elle pleurait, tremblante et répétant: ' je dois partir, je dois partir'..
A cet instant, j'ai pris conscience de l'ampleur de la souffrance morale et physique de [W] [L].
Ce n'était pas la première fois qu'elle subissait des violences verbales. Par exemple, lorsque je me rendais à l'atelier pour ramener mon travail, j'ai pu constater que Mme [C], notre supérieure hiérarchique, avait une attitude extrêmement désobligeante avec [W] [L]'.
[M] [U] ajoute quant à lui 'Je me souviens que Madame [C] était « une peau de vache », elle était souvent (non le mot est faible) CONSTAMMENT sur le dos de [W]. Elle l'a brimé j'ai même vu Madame [C] lui interdire de parler aux clients chose qui m'a paru bizarre vu qu'elle s'occupait des visites guidées.
J'ai même assisté à une réunion de tout l'atelier au cours de laquelle [W] a été humiliée on lui a dit ' toi! Ferme-la!' Tout cela parce qu'elle était délégué syndical. (...).
[W] s'est effondrée et je l'ai vu petit à petit rentrer dans une grosse déprime'.
Seront écartés les faits dénoncés par la salariée dans son courrier du 3 septembre 2007 concernant une altercation verbale avec Mme [C], la version de [W] [L] étant contredite par l'attestation de [P] [D].
Pour le surplus, ces éléments pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral.
La SARL SANTONS MARCEL CARBONEL qui conteste tout harcèlement moral considère que [W] [L] ne procède que par affirmation péremptoire.
L'attestation produite émanant d'[I] [Z] mentionnant l'absence de propos injurieux de M.[O] à l'encontre de Mme [B] est sans objet.
[W] [L] justifie de la dégradation de son état de santé par la production notamment d'un certificat de son psychiatre , le docteur [J] qui indique 'avoir donné ses soins à [W] [L] de février à août 2002 ( période correspondant à la première procédure de licenciement , abandonnée par l'employeur, suite à la dénonciation par la salariée de la dangerosité des conditions d'exercice de leurs foncions par les salariés) pour un état anxio-dépressif dans un contexte de vécu professionnel conflictuel'.
J'ai été amenée à la suivre à nouveau depuis février 2007 pour une réactivation dépressive avec nécessité de reprendre un traitement antidépresseur, réactivation symptomatique qu'elle attribue à des difficultés professionnelles'.
La cour considère, en réformation du jugement déféré, que [W] [L] a fait l'objet de harcèlement moral.
Il lui sera alloué la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts de ce chef.
[W] [L] , déjà indemnisée au titre du harcèlement moral, n'explicite pas sa demande distincte de dommages et intérêts au titre de la violation de l'obligation de sécurité de résultat en matière de santé et de sécurité conformément aux dispositions de l'article L.4121-1 du code du travail.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté sa demande de ce chef.
Sur la prise d'acte de rupture
La prise d'acte de la rupture par le salarié en raison de faits que celui-ci reproche à son employeur, qui ne peut être rétractée, entraîne la rupture immédiate du contrat de travail et produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués le justifiaient, soit , dans le cas contraire , d'une démission.
L'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture de son contrat en raison des faits qu'il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige et le juge est ainsi tenu d'examiner les manquements de l'employeur invoqués devant lui par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit.
Le juge doit examiner tous les manquements invoqués devant lui par le salarié même ceux non mentionnés dans la lettre de prise d'acte.
Il appartient au salarié d'établir l'existence des faits qu'il invoque pour justifier la prise d'acte.
En l'espèce, [W] [L] fait valoir les griefs suivants:
- modification de son contrat de travail, changement de ses conditions de travail sans son accord préalable
- non application de la convention collective quant au minimum garanti
- attitude discriminatoire en raison de son appartenance syndicale
- avoir laisser ses conditions de travail se dégrader , harcèlement moral
Les faits de discrimination syndicale et le harcèlement moral dont a été victime [W] [L] justifient à eux seuls la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur.
La prise d'acte produit les effets d'un licenciement nul.
Sur les conséquences indemnitaires de la rupture et rappel de salaires
Sur les dommages et intérêts pour licenciement nul
Le salarié , victime d'un licenciement nul et qui ne réclame pas sa réintégration , a droit, d'une part aux indemnités de rupture , et d'autre part, à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement au mois égale à 6 mois de salaire.
[W] [L] fait valoir qu'elle s'est retrouvée sans emploi à l'âge de 52 ans , qu'elle a été profondément affectée par le comportement de l'employeur qui l'a contrainte à prendre acte de la rupture de son contrat de travail, comme en témoigne les certificats médicaux produits.
Elle justifie avoir été embauchée par contrats à durée déterminée au centre communal d'actions sociales de la ville de [Localité 5] à compter du 1er décembre 2008 pour une rémunération de 1 359 €, ce qui lui occasionne un manque à gagner.
Au regard de sa rémunération mensuelle moyenne de 1 451,37€ et de tous éléments de préjudice soumis à appréciation notamment en matière de préjudice moral et financier , il lui sera alloué la somme de 22 000 € de ce chef.
Sur d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents
En l'état d'une rupture aux torts de l'employeur, [W] [L] est en droit de solliciter une indemnité équivalente à 2 mois de salaire ( 2 902,74 €) outre la somme de 290,27 € de congés payés afférents
Sur l'indemnité conventionnelle de licenciement
Au regard de la convention collective applicable, de l'ancienneté de 9 ans et 2 mois de la salariée, cette dernière peut prétendre à une indemnité de 1/10 ème de mois de salaire par année dans l'entreprise.
La SARL SANTONS MARCEL CARBONEL sera condamnée à lui verser la somme de
1 451,37€ x 1/10 x 9 soit 1 306,53 €.
Sur les autres demandes des parties
La SARL SANTONS MARCEL CARBONEL sera déboutée de sa demande de condamnation de [W] [L] au paiement du préavis.
Les sommes qui sont dues en exécution du contrat de travail ( indemnité de préavis, congés payés afférents au préavis, indemnité de licenciement, rappel de salaires) portent intérêts de droit à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation, convocation qui vaut sommation de payer, soit en l'espèce à partir du 20 août 2009.
En revanche, les créances indemnitaires ne produisent intérêts moratoires que du jour de leur fixation judiciaire.
La SARL SANTONS MARCEL CARBONEL devra remettre à [W] [L] les documents sociaux rectifiés dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt sans qu'il n'y ait lieu à astreinte.
Les intérêts sur les sommes allouées seront capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du Code Civil, étant précisé que cette capitalisation est réservée pour les intérêts dus au moins pour une année entière.
L'équité en la cause commande de confirmer le jugement en ses dispositions sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile , de condamner la SARL SANTONS MARCEL CARBONEL à payer à [W] [L] la somme de 1 000 € sur ce même fondement en cause d'appel et de débouter la société de sa demande de ce chef.
La SARL SANTONS MARCEL CARBONEL, qui succombe, supportera les entiers dépens.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant par décision prononcée par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en matière prud'homale,
Reçoit l'appel régulier en la forme,
Réforme partiellement le jugement de départage déféré rendu le 8 février 2011 par le conseil de prud'hommes de MARSEILLE,
Statuant à nouveau,
Reclasse [W] [L] au coefficient 175 ETAM
Dit que la prise d'acte de [W] [L] en date du 28 novembre 2008 produit les effets d'un licenciement nul,
Condamne la SARL SANTONS MARCEL CARBONEL à verser à [W] [L] les sommes suivantes :
- Au titre de l'indemnité de requalification : 1 451,37 €
- Au titre de rappel de la prime d'ancienneté: 1 316,40 €
- Au titre des congés payés y afférents: 131 ,64 €
- Au titre des dommages et intérêts pour discrimination syndicale: 5 000 €
- Au titre des dommages et intérêts pour harcèlement moral: 5 000 €
- Au titre de l'indemnité de préavis: 2 902,74 €
- Au titre des congés payés y afférents: 290,27 €
- Au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement: 1 306,53 €
- Au titre des dommages et intérêts pour licenciement nul: 22 000 €
Fixe la moyenne des 3 derniers mois de salaire à la somme de 1 451,37 €
Dit que la SARL SANTONS MARCEL CARBONEL devra remettre les documents sociaux rectifiés dans le délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt sans qu'il y ait lieu à astreinte,
Dit que les sommes dues en exécution du contrat de travail portent intérêts de droit à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation, convocation qui vaut sommation de payer, soit en l'espèce à partir du 20 août 2009,
Dit que les créances indemnitaires ne produisent intérêts moratoires que du jour de leur fixation judiciaire,
Dit que les intérêts sur les sommes allouées seront capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du code civil,
Confirme pour le surplus la décision entreprise,
Y ajoutant,
Déboute la SARL SANTONS MARCEL CARBONEL de sa demande de paiement au titre du préavis,
Condamne la SARL SANTONS MARCEL CARBONEL à payer à [W] [L] la somme de 1 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
Déboute la SARL SANTONS MARCEL CARBONEL de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
Condamne la SARL SANTONS MARCEL CARBONEL aux dépens d'appel.
LE GREFFIER Pour le Président empêché,
Mme VINDREAU, Conseiller