COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
14e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 20 DÉCEMBRE 2012
N°2012/1091
Rôle N° 11/14565
URSSAF DES BOUCHES DU RHONE
C/
SAS FRANCE SECURITE
[C] [L]
MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SÉCURITÉ SOCIALE
Grosse délivrée
le :
à :
URSSAF DES BOUCHES DU RHÔNE
Me Bruno MION avocat au Barreau de BREST
Me Olivier BAGLIO, avocat au barreau d'AVIGNON
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOUCHES DU RHONE en date du 27 Août 2010,enregistré au répertoire général sous le n° 20700844.
APPELANTE
URSSAF DES BOUCHES DU RHONE, demeurant [Adresse 1]
représenté par M. [I] [N] (Autre) en vertu d'un pouvoir spécial
INTIMES
SAS FRANCE SÉCURITÉ, demeurant [Adresse 4]
représenté par Me Bruno MION avocat au Barreau de BREST
Monsieur [C] [L], demeurant [Adresse 5]
comparant en personne, assisté de Me Olivier BAGLIO, avocat au barreau d'AVIGNON
PARTIE(S) INTERVENANTE(S)
MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE, demeurant [Adresse 2]
non comparant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 22 Novembre 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Martine MATHIEU-GALLI, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Bernadette AUGE, Président
Madame Martine MATHIEU-GALLI, Conseiller
Monsieur Jean-Luc CABAUSSEL, Conseiller
Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Décembre 2012
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Décembre 2012
Signé par Madame Bernadette AUGE, Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
La société SAS France SECURITE a formé devant le Tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches du Rhône un recours à l'encontre d'une décision de la commission de recours amiable de l' Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales des Bouches du Rhône ayant confirmé le bien fondé du redressement de cotisations sociales suite à un contrôle en date du 7 novembre 2007 portant sur la période du 1 janvier 2003 au 31 décembre 2005 comportant 4 chefs de redressement ,à savoir:
-Réduction Fillon
-CSG/CRDS ;rupture du contrat de travail ;limites d'exonération indemnités de licenciement
-versement transport
-cotisations ;rupture forcée du contrat de travail de Mr [L].
Par jugement en date du 27 août 2010 le Tribunal des affaires de sécurité sociale a :
-Fait droit partiellement au recours présenté par La société SAS France SECURITE,
-Condamné La société SAS France SECURITE à payer à l' Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales la somme de 43004€ en principal au titre de la lettre d'observation du 7 novembre 2006 sans préjudice des majorations de retard initiales et complémentaires applicables,
-S'est déclaré incompétent sur l'appel en garantie présenté par La société SAS France SECURITE à l'encontre de Mr [L] , ce point relevant de la juridiction prud'homale,
-Déclaré le jugement commun à Mr [L],
-Débouté La société SAS France SECURITE et Mr [L] de leurs demandes présentées sur le fondement de de l'article 700 du code de procédure civile .
L' Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales des Bouches du Rhône a interjeté appel de ce jugement dont elle sollicite réformation partielle en ce qu'il a procédé à la réduction du quatrième chef de redressement relatif à la réintégration dans l'assiette des cotisations de l'indemnité versée à Mr [L] en 2003 au titre de la garantie d'emploi qui doit être de 105012€ et non de 38441€.
L' Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales demande par ailleurs confirmation des autres montants de redressement constatés par le Tribunal des affaires de sécurité sociale.
Elle expose que l'inspecteur a constaté qu'en application d'un jugement prud'homal du 23 juin 2003 la société a versé en 2003 à Mr [L] la somme nette de2 81213,55 € destinée à couvrir les salaires dus au titre de la garantie d'emploi prévue à son contrat de travail ,après licenciement du salarié durant la période de garantie.Que l'inspecteur a estimé que ladite somme avait pour objet de réparer la perte de salaire consécutive au non respect de la clause de garantie d'emploi pour cinq ans prévue au contrat de travail ,celle ci ayant été réintégrée dans l'assiette des cotisations .
L' Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales fait valoir que la somme versée à Mr [L] n'étant pas destinée à réparer un préjudice autre que la perte de salaire devait être réintégrée dans l'assiette des cotisations.
L' Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales critique par ailleurs le jugement en ce que d'une part il a réduit le montant du redressement en appliquant l'article 80 duodécies du code général des impôts sur l'indemnité versée au titre de la garantie d'emploi et d'autre part en ce qu'il a considéré que le montant de 281213,55 e versé à Mr [L] était un montant net alors même que La société SAS France SECURITE ne justifiait pas que sur cette somme de s cotisations salariales avaient été retenues.
La société SAS France SECURITE conclut à la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions et notamment en ce qu'il a partiellement fait droit au recours présenté par La société SAS France SECURITE et fixé à la somme de 43004€ en principal les sommes dues par elle à l' Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales au titre de la lettre d'observation en date du 7 novembre 2006.
La société SAS France SECURITE demande par ailleurs que le jugement soit déclaré commun et opposable à Mr [L].
Elle réplique que la somme de 281213,55€ versée à Mr [L] ne constitue pas une rémunération au sens de l'article L242-1 du code de la sécurité sociale ,qu'elle n'est ni la contrepartie d'une obligation de faire (prestation de travail ) ni la contrepartie d'une obligation de ne pas faire(ex ; clause de non concurrence ) et que cette somme n'est pas comparable aux indemnités dues en cas de rupture anticipée d'un CDD , de telles indemnités n'étant pas dues lorsque la, poursuite du contrat est impossible(faute grave ou lourde ).
Elle soutient qu'en pratique la commune intention des parties a été d'assurer une certaine contrepartie financière à la vente de la société , contrepartie pour partie étalée dans le temps grâce à la garantie d'emploi , l'exclusion de la faute lourde ayant pour objet de en pas rendre cette clause purement potestative.
Elle en conclut que ces sommes sont constitutives d'indemnités contractuelles de licenciement versées à l'occasion de la ,rupture de contrat et doivent bénéficier des règles d'exclusion prévues au 3° de l'article 80 duodécies du Code général des impots.
Elle ajoute que le conseil de prud'hommes a fixé une somme brute revenant à Mr [L] , calculée sur la base de rémunérations brutes et que par conséquent la somme allouée à Mr [L] s'entend ,comme l'a jugé le Tribunal des affaires de sécurité sociale d'un montant brut.
Mr [L] demande à la cour de:
-Dire que la somme de 281213,55€ versée par La société SAS France SECURITE constitue des dommages et interêts et non une rémunération en contrepartie d'un travail effectif.
-Débouter La société SAS France SECURITE de ses demandes présentés à l'encontre de Mr [L]
A titre subsidiaire
-Constater que La société SAS France SECURITE n'a émis aucune observation particulière tant devant le conseil de prud'hommes que devant la cour d'appel d'Aix en Provence quant à la nature juridique de la somme versée à Mr [L]
-Débouter cette dernière de sa demande de condamnation présentée à l'encontre de Mr [L].
SUR CE
Attendu que La société SAS France SECURITE a fait l'objet d'un contrôle pour la période du 1 janvier 2003 au 31 décembre 2005 ayant donné lieu à une lettre d'observation de l' Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales en date du 7 novembre 2007 retenant quatre chefs de redressement;
Attendu que devant la cour ,seul le quatrième chef de redressement relatif à la réintégration dans l'assiette des cotisations des sommes versée à Mr [L] au titre de la clause de garantie d'emploi dont il était bénéficiaire à concurrence de 281213,55 € est contesté;
Sur le régime juridique de la somme versée à Mr [L] au titre de la garantie d'emploi
Attendu que La société SAS France SECURITE 'alors dénommée SAS KERMAREC) a acquis le 1 avril 2001 auprès de Mr [L] l'ensemble des parts de la société CICO dont il était fondateur;
Attendu que dans le cadre du rachat il était convenu:
-Un prix de 731755€,
-Un contrat de travail avec garantie d'emploi de 5 ans sauf faute lourde,
-Une rémunération annuelle de ce contrat de travail de 76834,30€.
Attendu que Mr [L] a fait l'objet d'un licenciement pour faute lourde le 31 juillet 2002 soit 16 mois après le début du contrat de travail à compter du 1 avril 2001;
Attendu que le conseil des prud'hommes d'Aix en Provence de même que la cour d'Appel ont constaté l'existence d'une faute grave(harcèlement) mais ont exclu la qualification de faute lourde retenue par l'employeur et ont condamné La société SAS France SECURITE à verser à Mr [L] une somme d'un montant de 281213,55€ au titre de la garantie d'emploi;
Attendu que l' Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales soutient que ces sommes ne font que réparer un préjudice de perte de salaire 'étant précisé que le salarié en CDI qui bénéficie d'une clause de garantie d'emploi est soumis au régime des CDD et les sommes versées dans le cadre d'une garantie d'emploi insérée dans un CDI ne pouvaient se cumuler avec l'indemnité chômage ,par assimilation avec l'indemnité prévue par l'article L122-3-8 du code du travail(nouvellement L1243-4);
Attendu que l'indemnité pour violation de la garantie d'emploi répare le, préjudice né d'un licenciement décidé prématurément par l'employeur;
Attendu en effet que la rupture du contrat de travail par l'employeur avant la fin de la période garantie oblige ce dernier à verser une indemnisation forfaitaire ,indépendamment de toute faute de l'employeur et de tout préjudice pour le salarié;
Attendu que la somme correspondante est due même si le licenciement est justifié et même si le salarié avait retrouvé un emploi aussi bien rémunéré;
Attendu que ceci est d'autant plus vrai dans le cadre d'une garantie d'emploi définie sauf faute lourde qui oblige l'employeur y compris en cas de faute grave ,de sorte que le salarié en bénéficie malgré sa faute et alors que l'employeur se mettrait en faute de ne pas rompre le contrat de travail;
Attend qu'en l'espèce la juridiction prud'homale ayant constaté des faits de harcèlement imputables à Mr [L] , faits engageant la responsabilité civile et pénale de ce dernier mais aussi s'il n'y met pas fin celle de l'employeur;
Attendu ainsi que les sommes versée à Mr [L] ne peuvent ,comme le soutient l' Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales être comparées aux indemnités dues en cas de rupture anticipée d'un CDD , de telles indemnités n'étant légalement pas dues lorsque la poursuite du contrat est impossible (faute grave ou lourde et en cas de force majeure);
Attendu que les sommes versées à Mr [L] au titre de la garantie d'emploi sont constitutives d'indemnités contractuelles de licenciement versées à l'occasion de la ,rupture du contrat de travail;
Attendu qu'elles doivent en conséquence bénéficier des règles d'exclusion prévues au 3° de l'article 80 du code général des impôts alors en vigueur aux termes desquelles:
1. Toute indemnité versée à l'occasion de la rupture du contrat de travail constitue une rémunération imposable, sous réserve de l'exonération prévue au 22° de l'article 81 et des dispositions suivantes.
Ne constituent pas une rémunération imposable :
1° Les indemnités mentionnées aux articles L. 1235-2, L. 1235-3 et L. 1235-11 à L. 1235-13 du code du travail ;
2° Les indemnités de licenciement ou de départ volontaire versées dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi au sens des articles L. 1233-32 et L. 1233-61 à L. 1233-64 du code du travail ;
3° La fraction des indemnités de licenciement versées en dehors du cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi au sens des articles L. 1233-32 et L. 1233-61 à L. 1233-64 du code du travail, qui n'excède pas :
a) Soit deux fois le montant de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié au cours de l'année civile précédant la rupture de son contrat de travail, ou 50 % du montant de l'indemnité si ce seuil est supérieur, dans la limite de six fois le plafond mentionné à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale en vigueur à la date du versement des indemnités ;
b) Soit le montant de l'indemnité de licenciement prévue par la convention collective de branche, par l'accord professionnel ou interprofessionnel ou, à défaut, par la loi ......
Attendu qu'il convient par ailleurs de préciser que si le calcul de l'indemnité pour violation de la garantie d'emploi s'effectue par référence au solde des salaires restant à courir entre la notification de la rupture et l'expiration de la garantie d'emploi contractuelle n'affecte pas pour autant le régime social de cette indemnité lequel n'a pas la même nature que les salaires.
Sur la nature de la somme de 281213,55 €
Attendu que l' Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales soutient que cette somme est une somme nette après précompte descotisations sociales tant salariales que patronale;
Attendu qu'il convient d'observer qu'au moment du licenciement ,il restait à courir une période de garantie de 43,9 mois sur les 60 mois fixés au contrat;
Attendu que le tribunal a fort justement relevé que l'indemnité en cause correspondait à 6403€(salaire mensuel brut de Mr [L]) multiplié par 43,9 mois soit une somme de 281213,55€;
Attendu que les bulletins de salaire de Mr [L] de janvier à juillet 2002 font ressortir une rémunération mensuelle brute de 6403€;
Attendu qu'il ressort du rapprochement entre les conclusions et pièces de Mr [L] et les décisions de justice rendues entre les parties en cause que la somme de 281213,55€ correspond à la multiplication du salaire brut annuel de Mr [L] par le nombre de mois restant à courir avant expiration de la garantie d'emploi;
Attendu qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
PAR CES MOTIFS
La cour , statuant publiquement contradictoirement,
Déclare l'appel recevable en la forme,
Confirme le jugement entrepris,
Déboute l' Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales des Bouches du Rhône de ses demandes,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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