COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
18e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 29 JANVIER 2013
N°2013/80
Rôle N° 11/14694
[X] [Y]
C/
SARL AU BON ACCUEIL
Grosse délivrée le :
à :
- Me Jean GADET, avocat au barreau de TOULON
- Me Dominique IMBERT-REBOUL, avocat au barreau de TOULON
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULON en date du 01 Août 2011, enregistré au répertoire général sous le n° 10/1016.
APPELANTE
Madame [X] [Y], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Jean GADET, avocat au barreau de TOULON
INTIMEE
SARL AU BON ACCUEIL, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Dominique IMBERT-REBOUL, avocat au barreau de TOULON substitué par Me Séverine CAUMON-CATHELINAUD, avocat au barreau de TOULON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 23 Octobre 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Christine LORENZINI, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Gisèle BAETSLE, Président
Monsieur Guénael LE GALLO, Conseiller
Madame Christine LORENZINI, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Julia DELABORDE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 Janvier 2013
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 Janvier 2013
Signé par Madame Christine LORENZINI, Conseiller, pour le Président empêché et Mme Julia DELABORDE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Rappel des faits et de la procédure :
Madame [X] [Y] est appelante d'un jugement en date du 1er août 2011 rendu par le Conseil de Prud'hommes de TOULON qui a :
- débouté les parties de l'ensemble de leurs demandes,
- laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens.
L'appel a été formalisé par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 9 août 2011, la notification du jugement étant en date du 4 août 2011.
Dans ses écritures développées à la barre, Madame [Y] demande à la Cour de :
- réformer le jugement en date du 1er août 2011 en toutes ses dispositions,
- juger nul et de nul effet le licenciement prononcé le 27 juillet 2010,
- condamner la SARL AU BON ACCUEIL à lui payer la somme de 9 258.96€ de dommages et intérêts ainsi que la somme de 2531.63€ à titre d'indemnité pour les congés payés acquis pendant sa période d'arrêt-maladie, outre les intérêts moratoires
- la condamner au paiement de la somme de 2500€ au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile et des entiers dépens.
Dans ses écritures également soutenues sur l'audience, la SARL AU BON ACCUEIL conclut à :
- la confirmation de la décision du Conseil de Prud'hommes
- au débouté de Madame [Y] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- condamner l'appelante au paiement de la somme de 3000€ au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures oralement soutenues à l'audience.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le fond :
rappel des faits :
Madame [Y] a été engagée le 3 juillet 2006 par la SARL AU BON ACCUEIL en contrat à durée déterminée à temps partiel en remplacement d'une salariée absente. Elle a ensuite été engagée en contrat nouvelle embauche à temps partiel le 5 septembre 2006. Ce contrat de travail était transformé en contrat à durée indéterminée par avenant du 7 juillet 2007, Madame [Y] devenant aide-soignante à temps complet.
Elle a ensuite connu plusieurs hospitalisations. Elle a été licenciée le 27 septembre 2010.
C'est dans ces conditions qu'est intervenue la décision querellée.
La convention collective applicable est celle de l'hospitalisation privée du 18 avril 2002.
Sur le licenciement :
S'il s'évince de l'article L. 1132-1, du code du travail qui fait interdiction de licencier un salarié, notamment en raison de son état de santé ou de son handicap, sauf inaptitudes constatées par le médecin du travail, rien ne s'oppose à ce qu'un employeur puisse licencier pour un motif lié à la situation objective de l'entreprise qui se trouve dans la nécessité de pourvoir au remplacement définitif d'un salarié dont l'absence prolongée est de nature à perturber son fonctionnement.
Enfin pour n'être pas abusif, le licenciement doit également intervenir dans le respect de la garantie d'emploi conventionnelle éventuellement stipulée dans la Convention collective nationale applicable.
En l'espèce, il est constant que Madame [Y] a été placée en arrêt-maladie le 13 mai 2009, arrêt qui s'est prolongé par la suite, son état de santé n'ayant été considéré comme stabilisé par la Sécurité Sociale que le 31 janvier 2011.
Elle considère que son licenciement n'a pas été motivé par le fait de devoir pourvoir à son remplacement mais par le souhait de l'employeur de conserver sa remplaçante à son service . Elle soutient que son poste d'aide-soignante ne permettait pas de considérer qu'elle était indispensable au bon fonctionnement de l'entreprise, ce poste pouvant être pourvu à tout moment par des intérimaires et que l'employeur n'avait pas à céder à la menace de Madame [H] - sa remplaçante - de quitter la société pour rechercher un contrat à durée indéterminée, et qu'il est fautif de l'avoir fait. Elle estime donc que le licenciement ainsi intervenu doit être déclaré nul et de nul effet.
La SARL AU BON ACCUEIL réplique qu'au moment du licenciement, Madame [Y] était en arrêt-maladie depuis plus d'un an, pour un motif non professionnel. A cette date, aucune reprise du travail n'était envisagée. Elle soutient que son absence perturbait le bon fonctionnement de l'entreprise compte tenu de sa durée et du rôle primordial de l'aide soignante diplômée dans une maison de retraite médicalisée dont elle assure le quotidien, alors que les pensionnaires sont tous des personnes âgées dépendantes ; elle rappelle que la structure d'accueil est de petites dimensions avec dix-sept salariés, chacun ayant un poste déterminé à occuper. Elle indique qu'elle a remplacé Madame [Y] par une personne en contrat à durée indéterminée dès le licenciement prononcé, ce qui satisfait aux exigences jurisprudentielles, le recours à du personnel intérimaire n'étant pas suffisant sur le long terme et aucune solution temporaire ne pouvant plus être envisagée.
Il résulte des pièces produites aux débats que Madame [Y] était en arrêt maladie depuis le mois de mai 2009, pour motifs non professionnels. Elle n'a pas contesté le fait que les pensionnaires de l'établissement sont des personnes âgée dépendantes. Contrairement à ce qu'elle soutient, le poste d'aide-soignante dans une structure d'accueil d'une telle population revêt une grande importance, puisque c'est elle qui se trouve le plus souvent au contact des pensionnaires dont elle s'occupe au quotidien. Ce poste ne peut que difficilement être assumé par du personnel interchangeable, les personnes âgées supportant mal le changement dans leur quotidien et la perte de leurs repères, qui inclut les personnes qui s'occupent d'elles, dont les changements ne peuvent que nuire à leur bien-être, d'autant que l'organigramme de la société permet de retenir qu'il n'y avait que six aides-soignantes à se relayer à leur chevet.
Les certificats médicaux produits par Madame [Y] permettent de constater qu'elle était encore en arrêt-maladie en juillet 2010, sans aucune indication sur sa date éventuelle de reprise du travail. Lors de l'entretien préalable à licenciement, il lui a été demandé quant elle pensait reprendre le travail (attestation de Madame [W]) étant rappelé qu'elle n'a sollicité aucune pré-visite médicale, l'employeur n'étant dans l'obligation de demander une visite de reprise que lorsque le salarié doit reprendre le travail à l'issue de son arrêt-maladie. Cette absence prolongée et la perturbation grave qui en résultait pour le fonctionnement de l'entreprise rendaient nécessaire son remplacement définitif.
Les pensionnaires de la maison de retraite étaient habitués à la présence et aux soins de Madame [H] qui remplaçait Madame [Y] depuis le 7 décembre 2009.
Après son licenciement, l'employeur a procédé à l'embauche définitive de sa remplaçante. dès la sortie de Madame [Y] de l'entreprise.
Compte tenu de ces éléments, le licenciement de Madame [Y] est fondé sur une cause réelle et sérieuse et l'appelante sera déboutée de sa demande tendant à voir déclarer nul le licenciement intervenu ainsi que de sa demande de dommages et intérêts.
Sur les congés payés :
Madame [Y] expose que, malgré son arrêt-maladie, elle avait droit au maintien de son droit à congés payés et que l'employeur doit lui payer les sommes correspondantes aux droits acquis pendant la durée de son arrêt-maladie.
La SARL AU BON ACCUEIL réplique qu'en application de la convention collective, les absences pour maladie non professionnelle ne sont assimilées à du travail effectif que dans la limite des trente premiers jours de la période de référence et qu'au delà, le salarié a droit à la moitié du congé auquel il aurait pu prétendre.
Il résulte des termes clairs de l'arrêt de la Cour Européenne de Justice en date du 24 janvier 2012 saisie d'une demande préjudicielle introduite par la Cour de Cassation que le salarié a droit à une période garantie minimale de quatre semaines de congés payés sans distinction en fonction de l'origine de l' arrêt-maladie.
En conséquence, Madame [Y] a droit à ce minimum garanti par application de l'article 7 $ 1 de la directive 2003/88/CE du Parlement Européen et du Conseil du 4 novembre 2003, lequel s'impose aux Etats Membres de l'Union Européenne. Elle n'a pas droit à plus, en l'état de la convention collective applicable au cas d'espèce. Ces quatre semaines de congés payés correspondent à 21 jours par an, soit 1.75 jours par mois.
Cependant, en l'état des pièces du dossier, il est établi que Madame [Y] a perçu en mars 2010, la somme de 1439.17€ au titre de ses congés payés 2008-2009 non pris, sans autre précision. Elle a encore perçu la somme de 954.29€ à ce titre lors de son licenciement ; elle a donc perçu 2393.46€.
La période de référence pour le calcul des congés payés court du 1er juin de l'année civile précédente au 31 mai de l'année en cours . En conséquence, jusqu'au 31 mai 2009, Madame [Y] a bénéficié de l'intégralité de ses droits à congés payés et ne justifie pas du contraire ; il sera observé qu'au vu de ses bulletins de salaire, elle disposait d'un solde de 22.5 jours pour l'année 2008/209 qui lui ont été payés fin mars 2010, (ainsi que1.5 jours pour la période 2009/2010, puisqu'elle a été payée pour vingt-quatre jours ). Elle a, ensuite, jusqu'au licenciement, droit à quatre semaines par an, soit vingt et un jours, plus quatre jours au titre de 2010 (1.75 X 4), soit 25 jours. A son licenciement, l'employeur lui a payé 18.375 jours, tenant compte de la journée et demie payée en mars 2010. Elle a donc bénéficié de 19.875 jours de congés payés.
La SARL AU BON ACCUEIL reste lui devoir, en application des dispositions de la directive européenne précitée, 5.125 jours de congés payés soit la somme de 307.33€ bruts.
Les intérêts au taux légal sur les sommes ayant la nature de salaire seront dus à compter de la présente décision par application des dispositions de l'article 1153-1 du Code Civil.
Sur les demandes formées au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile et les dépens :
L'équité commande de faire droit à la demande présentée par Madame [Y] au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile mais d'en réduire le montant à de plus justes proportions.
La SARL AU BON ACCUEIL sera déboutée de sa demande de ce chef.
L'équité commande de laisser à chaque partie la charge de ses propres dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, en matière prud'homale, par arrêt contradictoire, par mise à disposition au Greffe, le vingt-neuf janvier deux mil treize,
REÇOIT l'appel régulier en la forme,
CONFIRME le jugement en date du 1er août 2011du Conseil de Prud'hommes de TOULON en ce qu'il a débouté Madame [Y] de ses demandes relatives à son licenciement et considéré le licenciement intervenu comme fondé sur une cause réelle et sérieuse,
LE REFORME quant aux congés payés,
CONDAMNE la SARL AU BON ACCUEIL à payer à Madame [Y] la somme de TROIS CENTS SEPT EUROS et TRENTE TROIS CENTS (307.33€) bruts au titre des congés payés lui restant dûs, avec intérêt au taux légale à compter de la présente décision,
Y ajoutant,
DIT que chaque partie supportera la charge de ses propres dépens d'appel,
DÉBOUTE la SARL AU BON ACCUEIL de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
LA CONDAMNE à payer à Madame [Y] la somme de MILLE EUROS (1000€) sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile au titre des frais irrépétibles exposés en appel.
LE GREFFIER.LE CONSEILLER
POUR LE PRÉSIDENT EMPÊCHÉ.