COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
18e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 19 FÉVRIER 2013
N°2013/177
Rôle N° 11/04215
[X] [S]
C/
[R] [H]
Grosse délivrée le :
à :
- Madame [X] [S]
- Me Frédéric DELCOURT, avocat au barreau de TOULON
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Copie pour information à :
- M. [D] [B] (Délégué syndical ouvrier)
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DRAGUIGNAN en date du 01 Mars 2011, enregistré au répertoire général sous le n° 10/35.
APPELANTE
Madame [X] [S], demeurant [Adresse 4]
comparante en personne, assistée de M. Michel DEBUCQUOY (Délégué syndical ouvrier)
INTIME
Monsieur [R] [H], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Frédéric DELCOURT, avocat au barreau de TOULON substitué par Me Hervé LONGEARD, avocat au barreau de TOULON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 25 Octobre 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Fabienne ADAM, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Gisèle BAETSLE, Président
Monsieur Guénael LE GALLO, Conseiller
Madame Fabienne ADAM, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Julia DELABORDE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 22 Janvier 2013 prorogé au 19 février 2013
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 février 2013
Signé par Madame Fabienne ADAM, Conseiller, pour le Président empêché et Mme Julia DELABORDE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Madame [X] [S] a été embauchée en qualité de commerciale à compter du 1er décembre 2007 par Monsieur [R] [H] exerçant en nom propre une activité viticole, selon contrat dit d'insertion revenu minimum d'activité ( CIRMA).
Le contrat a été renouvelé le 1er juin 2008 jusqu'au 30 novembre 2008. A compter du 1er décembre 2008, Mme [S] s'est trouvée engagée en qualité de vendeur polyvalent suivant contrat à durée indéterminée. Mme [S] a alors été chargée de la commercialisation des produits du domaine et de certaines tâches agricoles en dehors des périodes de ventes.
Par courrier du 21 décembre 2009, Mme [S] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur.
Saisi le 27 janvier 2010 par la salariée de diverses demandes en paiement liées à la reconnaissance de la légitimité de sa prise d'acte en raison des manquements de l'employeur, le conseil de prud'hommes de Draguignan , par jugement du 1er mars 2011, a dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail ne saurait être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse, a débouté Mme [S] de toutes ses demandes, a débouté M.[H] de sa demande reconventionnelle et a mis les dépens à la charge de Mme [S].
Le 3 mars 2011, Mme [S] a relevé appel de ce jugement.
' Dans ses écritures développées à la barre et par des moyens qui seront analysés dans le corps du présent arrêt, l'appelante demande à la cour d'infirmer le jugement déféré et statuant à nouveau, d'analyser la prise d'acte de la rupture du contrat de travail en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et de condamner M.[H] au paiement des sommes suivantes au titre :
-de rappel de salaire pour heures supplémentaires, 5.432€,
-de rappel pour frais de déplacement, 1.888€,
-de l' indemnité compensatrice de préavis et des congés payés correspondants, 3.476€,
-de dommages et intérêts pour rupture abusive, 4.500€,
-de pénalité pour travail dissimulé, 9.480€,
-de l'article 700 du code de procédure civile,
et de le condamner aux dépens.
' Dans ses écritures également soutenues sur l'audience et par des moyens qui seront analysés dans le corps du présent arrêt, l'intimé conclut à la confirmation du jugement entrepris dans toutes ses dispositions et, à titre reconventionnel demande à la cour de condamner Mme [S] à verser à M.[H] la somme de 2.805,90€ correspondant à l' indemnité de préavis, et la somme de 1.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, de la condamner aux dépens.
Pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures oralement soutenues à l'audience.
MOTIFS DE L'ARRÊT :
Sur la recevabilité de l'appel :
La recevabilité de l'appel n'est pas discutée. Les éléments du dossier ne conduisent pas la cour à le faire d'office.
Sur le fond :
Mme [S] a été placé en arrêt de maladie à compter du 2 décembre 2009. M.[H] affirme que le 2 décembre 2009, il a eu un entretien informel avec la salariée au sujet des difficultés économiques qu'il rencontrait et lui a fait part d'un projet de réorganisation de son emploi ; qu'elle a été placée en arrêt pour maladie le même jour. La salariée n'évoque pas cet épisode mais ne le conteste pas ; il sera relevé que par courrier du
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4 décembre 2009, faisant état de cette conversation du 2 décembre 2009 et de son désaccord sur la diminution de son salaire, elle a sollicité de son employeur un licenciement économique.
Puis par courrier du 21 décembre 2009, Mme [S] a pris acte de la rupture de son contrat de travail après avoir visé plusieurs manquements de son employeur, défaut de paiement d'heures supplémentaires, indemnisation forfaitaire et incomplète des frais de déplacement, décompte des jours non travaillés par suite d'intempéries en jours de congés payés , et défaut d'établissement de l'attestation de salaires pour la CPAM.
La prise d'acte de la rupture du contrat de travail peut se définir comme la situation dans laquelle le salarié considère que le comportement de l'employeur rend impossible le maintien du contrat de travail.
Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission.
Pour que la prise d'acte produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, les faits invoqués par le salarié doivent non seulement être établis, mais constituer des manquements d'une gravité suffisante.
En l'espèce, les parties s'accordent pour reconnaître que Mme [S] ne retient plus, désormais, que deux manquements à l'encontre de M. [H] et a abandonnés les autres. Il s'agit du défaut de paiement, d'une part, d'heures supplémentaires et, d'autre part, de frais de déplacement.
S'il résulte de l'article L.3171-4 du code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n'incombent spécialement à aucune des parties et que l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.
Les bulletins de salaire de Mme [S] font état du décompte et du paiement d'heures supplémentaires. L'employeur conteste qu'il y en ait eu d'autres. Il n'est pas démontré que les prétendues heures supplémentaires ont été imposées par la nature ou la quantité du travail demandé, ni qu'elles ont été effectuées à la demande ou au moins avec l'accord implicite de l'employeur. Les tableaux établis par Mme [S], postérieurement et non contradictoirement et les attestations, sans rapport avec un décompte horaire précis et de plus non conformes aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile , ne permettent pas d'étayer sa demande à ce titre.
Sur les frais de déplacement, Mme [S] ne conteste pas l'indemnisation forfaitaire allouée par son employeur et elle ne démontre pas qu'elle pouvait prétendre à plus.
Même si l'absence de contestation antérieure à la prise d'acte (en l'occurence la collaboration sans reproche a duré plus de deux ans) n'est pas un motif suffisant pour rejeter cet acte, il n'en demeure pas moins que cet élément peut être pris en considération pour apprécier le fondement de cette démarche. Il n'est pas contesté et celà est démontré notamment par le courrier du 4 décembre 2009, que Mme [S] souhaitait quitter l'entreprise.
En l'état, les griefs faits à l'encontre de l'employeur n'étant pas suffisamment établis par la salariée, le jugement déféré en ce qu'il a dit que cette prise d'acte de la rupture ne pouvait s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse sera confirmé. Dès lors, cette prise d'acte de la rupture du contrat de travail produisant les effets d'une démission, Mme [S] sera déboutée de l'intégralité de ses demandes.
Sur la demande reconventionnelle au titre du préavis non effectué par Mme [S] cette dernière, en arrêt de maladie au moment de la rupture du contrat de travail, n'était pas en mesure de l'exécuter. M. [H] sera débouté de sa demande sur ce fondement.
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Aucune considération d'équité ne commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
Les dépens seront laissés à la charge de l'appelante.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, en matière prud'homale, par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe,
Reçoit l'appel,
Confirme le jugement entrepris dans toutes ses dispositions,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute Madame [X] [S] de toutes ses demandes,
Déboute Monsieur [R] [H] de ses demandes reconventionnelles,
Condamne Madame [X] [S] aux dépens d'appel.
LE GREFFIER.LE CONSEILLER
POUR LE PRÉSIDENT EMPÊCHÉ.