COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
14e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 13 MARS 2013
N°2013/228
Rôle N° 11/14652
SERVICE PENSIONS ARMEES
C/
[U]-[H] [M]
[E] [M]
[Z] [M]
[F] [M]
[P] [M]
[Y] [M]
FIVA Fonds d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante
MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE
Grosse délivrée
le :
à :
Me Marie-laure BREU-LABESSE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
SCP TEISSONNIERE & ASSOCIES,
avocats au barreau
de PARIS
FIVA Fonds d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de VAR en date du 10 Juin 2011,enregistré au répertoire général sous le n° 20800050.
APPELANTE
SERVICE PENSIONS ARMEES, demeurant [Adresse 9]
représentée par Me Marie-laure BREU-LABESSE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMES
Monsieur [U]-[H] [M], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Sylvie TOPALOFF, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Capucine DARCQ, avocat au barreau de MARSEILLE
Madame [E] [M], demeurant [Adresse 1]
représentée par la SCP TEISSONNIERE & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS substituée par Me Capucine DARCQ, avocat au barreau de MARSEILLE
Madame [Z] [M], demeurant [Adresse 6]
représentée par la SCP TEISSONNIERE & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS substituée par Me Capucine DARCQ, avocat au barreau de MARSEILLE
Mademoiselle [F] [M], demeurant [Adresse 6]
représentée par la SCP TEISSONNIERE & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS substituée par Me Capucine DARCQ, avocat au barreau de MARSEILLE
Monsieur [P] [M], demeurant [Adresse 6]
représenté par la SCP TEISSONNIERE & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS substituée par Me Capucine DARCQ, avocat au barreau de MARSEILLE
Mademoiselle [Y] [M], demeurant [Adresse 4]
représentée par la SCP TEISSONNIERE & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS substituée par Me Capucine DARCQ, avocat au barreau de MARSEILLE
FIVA Fonds d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante, demeurant [Adresse 12]
non comparant
PARTIE(S) INTERVENANTE(S)
MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE, demeurant [Adresse 5]
non comparant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 13 Février 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Florence DELORD, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Bernadette AUGE, Président
Madame Florence DELORD, Conseiller
Monsieur Jean-Luc CABAUSSEL, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Farida ABBOU.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Mars 2013
ARRÊT
Réputé contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Mars 2013
Signé par Madame Bernadette AUGE, Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le 16 avril 2007, M.[U] [M] a déclaré une maladie professionnelle (tableau 30bis: cancer broncho-pulmonaire) liée à l'exposition aux poussières d'amiante durant sa carrière d'ouvrier charpentier bois au sein de la Direction des Constructions Navales de 1947 à 1992.
Le service des pensions du Ministère de la Défense a reconnu le caractère professionnel de cette maladie par notification du 14 août 2007, puis la faute inexcusable de l'employeur, par notification du 5 novembre 2005.
Une indemnité de 54044,50 euros a été proposée et M.[M] a contesté cette offre devant le Tribunal.
Le décès de M.[M] survenu le [Date décès 3] 2009 a été reconnu comme ayant été consécutif à sa maladie.
Les ayants droit de M.[M] ont saisi le Tribunal des Affaires de sécurité sociale du Var afin de faire reconnaître la faute inexcusable de l'employeur, ainsi que diverses indemnités, en faisant valoir que le décès était consécutif à la maladie professionnelle.
Par jugement du 10 juin 2011, le Tribunal a constaté la faute inexcusable de l'employeur, a ordonné la majoration de la rente versée à la veuve, a indemnisé les préjudices de la victime et des ayants droit et homologué les transactions conclues avec la veuve et les enfants de la victime.
Sur la demande relative à l'attribution de l'allocation forfaitaire, le Tribunal a ordonné une expertise médicale, sur le fondement des articles afin de déterminer le droit des consorts [M] à percevoir l'allocation forfaitaire suite au décès de M.[M] et de dire si ce décès est imputable à sa maladie professionnelle et permet de reconnaître une IPP de 100% à la date de son décès.
Le tribunal a condamné l'Etat à payer 500 euros à chacun des demandeurs, au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'expert a déposé son rapport le 9 septembre 2011.
******
Le Directeur des Pensions armées et civiles a fait appel du jugement en ce qu'il avait ordonné une expertise médicale judiciaire en vue de faire établir le taux d'IPP au jour du décès.
Par ses dernières conclusions développées à l'audience de plaidoirie du 13 février 2013, il a demandé à la Cour d'infirmer partiellement le jugement, de constater l'incompétence du Tribunal pour ordonner la mesure d'expertise et de réduire les sommes fixées par le tribunal ainsi que les prétentions des parties, outre le rejet de leurs demandes relatives à leurs préjudices moraux.
Les consorts [M] ont formé un appel incident à l'encontre de ce même jugement et, par leurs dernières conclusions développées à l'audience, ils ont demandé à la Cour de leur accorder l'allocation supplémentaire compte tenu des conclusions de l'expert judiciaire, de fixer les indemnités destinées à indemniser leurs préjudices à des montants supérieurs aux sommes fixées par les premiers juges et de condamner l'Etat Français à payer la somme de 2000 euros à chacun, au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
La Cour observe que le présent litige oppose seulement l'organisme social aux consorts [O], l'employeur n'étant pas à l'instance.
Sur l'allocation forfaitaire
L'appelant fait valoir que les consorts [M] n'avaient pas formalisé de recours contre la décision du 1er juillet 2009 qui n'avait pas modifié le taux d'IPP, ni de demande pour faire reconnaître qu'au jour du décès, le taux d'IPP de M.[M] était de 100%, et que les premiers juges ne pouvaient ordonner une expertise sur la demande d'allocation forfaitaire réclamée pour la première fois devant eux.
Les consorts [M] ont considéré que l'allocation de l'indemnité forfaitaire ne relevait pas du contentieux technique mais d'une demande indemnitaire inhérente à la faute inexcusable de l'employeur.
La Cour rappelle que les différends relevant du contentieux général de la sécurité sociale sont soumis à la procédure de recours gracieux préalable et qu'une demande contentieuse qui n'aurait pas fait l'objet de ce recours amiable doit être déclarée irrecevable.
Le taux d'IPP avait été fixé à 85% le 17 septembre 2007 avec effet au 10 avril 2007.
Le décès est survenu le [Date décès 3] 2009 et le lien avec la maladie profesionnelle a été reconnu.
Toutefois, deux ans se sont écoulés entre les deux dates.
De plus, le Tribunal a expressément précisé que le taux d'IPP était impossible à déterminer sauf par le moyen d'une expertise judiciaire sur pièce, aucun élément du dossier ne permettant de dire qu'au jour du décès le taux d'IPP était de 100%, comme le prétendaient sans preuve, les consorts [M].
Ces derniers devaient donc formaliser une demande aux fins de fixation du taux d'IPP au jour du décès.
Si, comme le soutiennent les consorts [M], l'octroi d'une allocation forfaitaire est lié à l'existence d'une faute inexcusable de l'employeur, encore faut-il que le taux d'incapacité permanente partielle soit fixée à 100%, ainsi que l'exige l'article L 452-3 du code de la sécurité sociale.
Par application des articles R 142-1 et R 142-18 du même code, le tribunal des affaires de sécurité sociale ne peut être saisi d'une réclamation contre une décision d'un organisme de sécurité sociale qu'après que la réclamation a été soumise à la commission de recours amiable constituée au sein du conseil de chaque organisme, formalité prescrite à peine d'irrecevabilité.
En conséquence, la Cour constatant qu'aucune demande n'avait été présentée au Service de Pensions des Armées afin de faire reconnaître que le taux d'IPP de M.[M] était de 100% au jour de son décès, et que la procédure du recours préalable n'a pas été engagée, il y a lieu d'infirmer le jugement en ce qu'il a ordonné une expertise sur le fondement de l'article du code de procédure civile pour déterminer si le taux d'incapacité de la victime était de 100% le 22 mars 2009, jour de son décès.
Sur l'indemnisations des préjudices extrapatrimoniaux
Le Tribunal a fixé les indemnités de la manière suivante:
souffrances physiques: 50000 euros
souffrances morales: 40000 euros
préjudice d'agrément: 15000 euros
Les consorts [M] demandent les sommes suivantes:
souffrances physiques: 80000 euros
souffrances morales: 80000 euros
préjudice d'agrément: 80000 euros
préjudice esthétique: 25000 euros
L'appelant a demandé à la Cour de réduire les sommes accordées par le tribunal en ce qu'elles excèdent les sommes habituellement allouées eu égard à l'âge de la victime.
La victime est décédée à l'âge de 77 ans, soit deux ans après la reconnaissance d'un taux d'incapacité de 85%, et il ne pouvait ignorer l'issue fatale de sa pathologie, diagnostiquée dès avril 2007, soit un cancer broncho pulmonaire compliqué de métastases cérébrales.
Il existait toutefois un fort tabagisme, de l'âge de 10 ans à 66 ans (20 cigarettes par jour).
M.[M] a subi plusieurs opérations et traitements, lourds et douloureux (chimiothérapie, radiothérapie cérébrale) et son état s'est rapidement dégradé, avec des douleurs de plus en plus fortes (osseuses notamment) malgré de fortes doses de morphine (100mg/jour).
Son état de santé ne lui permettait plus de se livrer à ses activités ludiques ou sportives (marche) et sa maladie le privait des agréments normaux de l'existence, comme en témoignent ses proches et ses amis.
La demande relative au préjudice esthétique avait été rejetée faute de preuve, alors que les éléments versés aux débats devant la Cour permettent d'établir la réalité de ce préjudice dans la mesure où il est justifié par les rapports médicaux figurant au dossier, d'une perte de cheveux et d'un très fort amaigrissement (de 81 kg à 66 kg pour 1m79).
Compte tenu de ces éléments, la Cour fixe ainsi les sommes relevant des préjudices extrapatrimoniaux:
Souffrances physiques et morales: 56000 euros
Préjudice d'agrément: 23000 euros
Préjudice esthétique: 26000 euros .
Sur l'indemnisation des préjudices moraux
Le tribunal a homologué les offres transactionnelles.
Les demandes présentées devant la Cour sont irrecevables.
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La Cour dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant en matière de sécurité sociale,
Confirme le jugement déféré sauf en ce qui concerne l'indemnisation des préjudices extrapatrimoniaux et la décision de recourir à une mesure d'expertise médicale,
Et statuant à nouveau sur ces deux points:
Fixe ainsi les sommes relevant des préjudices extrapatrimoniaux:
Souffrances physiques et morales: 56000 euros
Préjudice d'agrément: 23000 euros
Préjudice esthétique: 26000 euros
Déclare irrecevable la demande d'attribution de l'allocation forfaitaire prévue par l'article l'article L 452-3 du code de la sécurité sociale,
Et y ajoutant:
Déclare irrecevables les demandes des consorts [M] relatives à leurs préjudices moraux,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT