COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
18e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 30 AVRIL 2013
N°2013/369
Rôle N° 11/18454
[V] [U]
C/
SAS DIPRO
Grosse délivrée le :
à :
- Me Jonathan HADDAD, avocat au barreau de TOULON
- Me Elisabeth BILLET-JAUBERT avocat au barreau de TOULON
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULON en date du 22 Septembre 2011, enregistré au répertoire général sous le n° 11/649.
APPELANT
Monsieur [V] [U], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Jonathan HADDAD, avocat au barreau de TOULON
INTIMEE
SAS DIPRO prise en la personne de son représentant légal Monsieur [K] domicilié en cette qualité au siège social sis, [Adresse 1]
comparant en personne, assistée de Me Elisabeth BILLET-JAUBERT, avocat au barreau de TOULON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 10 Janvier 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Fabienne ADAM, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Gisèle BAETSLE, Président
Monsieur Guénael LE GALLO, Conseiller
Madame Fabienne ADAM, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Fabienne MICHEL.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Mars 2013 et prorogé au 30 avril 2013
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 avril 2013
Signé par Madame Fabienne ADAM, Conseiller pour le Président empêché et Mme Julia DELABORDE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Le conseil de prud'hommes de Toulon, par jugement du 22 septembre 2011, a dit le licenciement de Monsieur [V] [U] fondé sur une cause réelle et sérieuse et a condamné la SAS DIPRO au paiement des sommes suivantes au titre :
-de rappel de salaire sur la période de mise à pied, 920,83 €,
-des congés payés sur la période de mise à pied, 92,08 €,
-de l' indemnité compensatrice de préavis, 3.250 €,
-des congés payés sur préavis, 325 €,
a ordonné la restitution du matériel appartenant à M. [U],
a débouté les parties du surplus de leurs demandes,
a mis les dépens à la charge de la SAS DIPRO.
Le 20 octobre 2011, M. [U] a relevé appel de ce jugement.
' Dans ses écritures développées à la barre, l'appelant demande à la cour de réformer ce jugement, et statuant à nouveau, de dire la convention collective de la fabrication de l'ameublement applicable à la SAS DIPRO, de dire que M. [U] devait bénéficier du statut de cadre position 1 coefficient 475, de dire qu'il a été embauché à compter du 27 mars 2009, d'ordonner la remise des bulletins de salaire et du certificat de travail corrigés sous astreinte de 50€ par jour de retard à compter de la décision à intervenir, et de condamner la SAS DIPRO au paiement des sommes suivantes au titre :
-des salaires d' avril à juillet 2009, 4.650 €,
-des congés payés sur salaires, 465 €,
-de dommages et intérêts pour travail dissimulé, 9.300 €,
-de rappel de salaire sur coefficient, et des congés payés y afférents, 2.061,10 € et 206,11 €,
-de rappel de salaire pour heures supplémentaires, et des congés payés y afférents, 10.361,90 € et 1.036,19 €,
de condamner la SAS DIPRO à restituer à M. [U] le matériel listé dans le courrier du 1er avril 2010 sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir,
de dire le licenciement abusif et condamner l'employeur à payer à M. [U] les sommes suivantes au titre :
-de l'indemnité compensatoire de préavis de deux mois, 3.250 €,
-de rappel de salaire sur mise à pied, 920,83 €,
-des congés payés sur préavis et mise à pied, 417,08 €,
-de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 20.000 €,
-de l'article 700 du code de procédure civile, 2.000 €.
' Dans ses écritures également soutenues sur l'audience, l'intimée conclut à ce que l'appel de M. [U] soit déclaré mal fondé, à ce que le jugement entrepris soit confirmé en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à revalorisation du salaire, en ce qu'il a dit que M. [U] avait été employé à compter du 1er juillet 2009, qu'il n'y avait pas lieu à rappel de salaire pour heures supplémentaires , et que le licenciement de M. [U] était justifié, et à ce qu'il soit réformé en ce qu'il n'a pas retenu la faute grave et a alloué des sommes au titre du préavis et de la mise à pied et des congés payés correspondants, et elle conclut à ce qu'il soit dit qu'en tout état de cause le montant du préavis et du rappel de salaire ne saurait être supérieur à 1.337,72 € (un mois de salaire sans la revalorisation sollicitée) et 744,24€, et elle demande, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la condamnation de M. [U] au paiement de la somme de 2.000€.
Pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures oralement soutenues à l'audience.
MOTIFS DE L'ARRÊT :
Sur la recevabilité de l'appel :
La recevabilité de l'appel n'est pas discutée. Les éléments du dossier ne conduisent pas la cour à le faire d'office.
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Sur le fond :
La SAS DIPRO, dont l'activité est le capitonnage et accessoires de cercueils, a acquis, en mai 2009 des éléments d'actif de la SARL BULCOST dont M. [U] était le gérant, société en liquidation judiciaire depuis le 19 mars 2009. Elle affirme que M. [U] a été embauché en qualité de responsable des lignes de produits sportswear et du développement de la marque « Land Cross », marque dont ce dernier se déclarait propriétaire, à compter du 1er juillet 2009, selon un contrat à durée indéterminée écrit mais non signé par M. [U], d'après la SAS DIPRO.
M. [U] affirme avoir commencé à travailler au sein de la SAS DIPRO à compter du mois de mars 2009 et que sa situation n'a été régularisée qu'à compter de juillet
2009, notamment par sa déclaration et par l'établissement de bulletins de salaire. Il réclame un rappel de salaire à ce titre et une indemnité pour travail dissimulé.
S'il établit qu'il était dans l' entreprise à cette période, point qui n'est pas contesté par la SAS DIPRO qui explique qu'il continuait à utiliser les machines pour exploiter sa marque de vêtements, il n'est pas démontré qu'il y était en qualité de salarié de la SAS DIPRO, c'est à dire dans le cadre d'un lien de subordination. C'est à bon droit que M. [U] a été débouté de sa demande de rappel de salaire et d'indemnité pour travail dissimulé.
Par ailleurs, M. [U] considère, d'une part, qu'il exerçait au sein de la société des fonctions de cadre et, d'autre part, que la SAS DIPRO relève de la convention collective de l'ameublement. Il indique à cette fin que le code NAF de la société est le 3109B qui est celui correspondant à l'activité « fabrication d'autres meubles et industries connexes à l'ameublement ».
Or, l'organigramme versé aux débats pour étayer ce statut de cadre est insuffisant pour démontrer qu'il avait un pouvoir de commandement et une autonomie dans la prise d'ordre.
Par ailleurs, s'il est désormais démontré que la nomenclature des activités référencées dans l'article 1 de la convention collective nationale de l'ameublement dans laquelle se trouve le code 31.09B « fabrication d'autres meubles et industries connexes », a elle même fait l'objet d'une extension, par l'accord du 18 mai 2009, en revanche, un cercueil n'étant pas un meuble, eu égard à sa destination particulière, le capitonnage ne peut être considéré comme une activité connexe de l'ameublement.
En conclusion, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il n'a pas retenu le statut de cadre ainsi que l'application de cette convention collective.
Sur les heures supplémentaires s'il résulte de l'article L.3171-4 du code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n'incombent spécialement à aucune des parties et que l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.
En l'espèce M. [U] produit aux débats un agenda mentionnant pour chaque jour les heures supplémentaires prétendument effectuées et un tableau récapitulatif, ainsi que l'attestation de Mme [G], alors salariée de l' entreprise, qui affirme qu'il venait du lundi au vendredi de 8h30 à 18h ou 19h et même le samedi matin, en revanche elle ne précise pas ses propres horaires. Par ailleurs, M. [U] affirme avoir réclamé le paiement de ces heures supplémentaires par courrier recommandé avec accusé de réception du 1er avril 2010, mais dans ce courrier, M. [U] évoque surtout la possibilité qu'il se réserve de saisir le conseil de prud'hommes en contestation de son licenciement et réclame la restitution de son matériel dont il dresse une liste précise, en revanche, s'il évoque des heures supplémentaires qui lui seraient dues, il ne donne aucun détail et ne réclame aucune somme précise à ce titre. Par conséquent, les éléments fournis ne sont pas de nature à laisser présumer que des heures supplémentaires ont été effectuées. Le jugement sera confirmé à cet égard.
M. [U] a été mis à pied à titre conservatoire le 8 février 2010. Il a été licencié pour faute grave le 23 février 2010, pour les motifs suivants exposés dans la lettre de licenciement qui, seule, fixe les limites du litige : « Nous avons constaté depuis plusieurs mois, et malgré plusieurs demandes réitérées de notre part, un refus caractérisé d'appliquer et de respecter les directives de la Direction sur les points suivants :
-délai de lancement des approvisionnements de tissu
-délai de mise en fabrication des produits
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-respect du plan de production en votre possession en particulier sur le respect du planning et des délais de livraison,
-réunions hebdomadaires de production
-correction des heures réelles de production dans les devis.
Ces refus répétés, malgré de nombreuses demandes de la Direction, ont eu pour conséquences:
-de désorganiser continuellement la production aboutissant à:
*des retards importants de livraisons créant un mécontentement légitime des clients
*des absences de contrôle qualité avant départ des produits générant une non qualité répétitive amenant un retour produits pour non conformité excessif,
-de vendre les produits à des prix trop bas par rapport à la réalité des coûts de l'entreprise,
-de donner une image négative de l' entreprise
-de donner des raisons objectives aux clients de ne pas payer des factures en regard des litiges qualité ou d'annuler des commandes.
(...) De surcroît votre attitude de défiance et d'opposition vis-à-vis de la Direction ne nous permet pas d'envisager la poursuite de votre contrat de travail, ne serait-ce que pendant la période de préavis puisqu'il est évident que vous persisteriez dans votre comportement au préjudice direct de l' entreprise ».
La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis. Il appartient à l'employeur qui s'en prévaut d'en rapporter la réalité et la gravité.
Les pièces produites à cette fin par la SAS DIPRO sont des attestations détaillées et circonstanciées de salariés de l' entreprise ainsi que de l'ancien dirigeant en poste lors de la période d'activité de M. [U]. Il en résulte que les griefs faits à M. [U], essentiellement non respect des délais de fabrication, problèmes de qualité, erreurs entre commandes et produits livrés, entraînant une monopolisation de tous les services administratifs de l' entreprise et par suite créant une désorganisation de cette dernière, relèvent davantage de l'insuffisance professionnelle qui peut être une cause réelle et sérieuse mais ne peut en aucun cas relever de la procédure disciplinaire, puisque par aiileurs l'employeur n'établit pas de manière précise les consignes et directives qui lui auraient été données et qu'il aurait refusé de respecter. Dès lors, la position retenue par le premier juge est judicieuse et sera donc confirmée. En revanche, si M. [U] a bien droit , dès lors, à une indemnité compensatrice de préavis, celle ci, compte tenu de la modeste ancienneté du salarié au sein de l' entreprise et de la non application de la convention collective visée, ne peut être que d'un mois de salaire, soit la somme de 1.337,72€ (et 133,77€ pour les congés payés y afférent) et le rappel de salaire sur la période de mise à pied doit être calculé sur ce salaire de 1.337,72€ et donc correspondre à la somme de 744,24€ (et 74,42€ pour les congés payés correspondants).
Sur le matériel dont M. [U] réclame la restitution, à savoir la presse à air, la presse pose-pression, et tous les patronages tels que détaillés dans la lettre du 1er avril 2010 et dont l'employeur ne conteste pas qu'ils lui appartiennent puisqu'il indique que ces objets sont à sa disposition, il y a lieu de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a ordonné à la SAS DIPRO de les remettre à M. [U], et ce sans qu'il soit nécessaire de prévoir une astreinte à cet effet.
L'équité commande de débouter les parties de leurs demandes d' indemnité pour frais irrépétibles.
M. [U] qui succombe pour l'essentiel sera condamné aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, en matière prud'homale, par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe,
Reçoit l'appel,
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qui concerne le montant des condamnations mises à la charge de la SAS DIPRO,
Et statuant à nouveau sur ce point,
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Condamne la SAS DIPRO à payer à Monsieur [V] [U] les sommes suivantes au titre :
-de rappel de salaire pour la période de mise à pied et des congés payés correspondants, 1.337,72 € et 133,77 €,
-de l' indemnité compensatrice de préavis et des congés payés y afférents, 744,24 € et 74,42€,
Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Monsieur [V] [U] aux dépens d'appel.
LE GREFFIER.LE CONSEILLER
POUR LE PRÉSIDENT EMPÊCHÉ.