COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
17e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 14 MAI 2013
N°2013/
MV/FP-D
Rôle N° 12/02461
[I] [C]
C/
SCP [D] [X]
[Adresse 4]
Grosse délivrée le :
à :
Me Romuald PALAO, avocat au barreau d'AVIGNON
Me Philippe SANSEVERINO, avocat au barreau de NICE
Me Isabelle JOGUET, avocat au barreau de NICE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE en date du 17 Janvier 2012, enregistré au répertoire général sous le n° 10/1977.
APPELANT
Monsieur [I] [C], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Romuald PALAO, avocat au barreau d'AVIGNON ([Adresse 1])
INTIMEE
SCP [D] [X], liquidateur de la SASP [Adresse 7], demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Philippe SANSEVERINO, avocat au barreau de NICE substitué par Me Karine BOEUF, avocat au barreau de NICE
PARTIE(S) INTERVENANTE(S)
[Adresse 4], demeurant [Adresse 6]
représenté par Me Isabelle JOGUET, avocat au barreau de NICE substitué par Me Richard PELLEGRINO, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 25 Mars 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Martine VERHAEGHE, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur Yves ROUSSEL, Président
Madame Martine VERHAEGHE, Conseiller
Madame Corinne HERMEREL, Conseiller
Greffier lors des débats : Françoise PARADIS-DEISS.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Mai 2013
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Mai 2013
Signé par Monsieur Yves ROUSSEL, Président et Françoise PARADIS-DEISS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Monsieur [I] [C] a été engagé le 1er juillet 2009 par la SASP [Adresse 7] en qualité de joueur de rugby pluriactif à temps partiel dans le cadre d'un « contrat de travail type homologué de joueur de fédéral 1 à durée déterminée d'usage » pour la saison 2009-2010 moyennant la rémunération de 1175,04 € pour 75 heures de travail par mois réparties sur la semaine comme suit : quatre entraînements collectifs, trois entraînements individuels et match.
Le 25 novembre 2010 le Tribunal de Commerce prononçait le redressement judiciaire de la SASP [Adresse 7] et le 27 janvier 2011 sa liquidation judiciaire sous mandat de la SCP [D]- [X] désignée en qualité de Liquidateur Judiciaire.
Le 18 octobre 2010 Monsieur [C] saisissait le Conseil de Prud'hommes de NICE d'une demande initiale de paiement de la somme de 400 € à titre de rappel de salaire outre les congés payés y afférents et de 3000 € à titre de rappel de primes puis ultérieurement de 14 288,40 € à titre de rappel de salaire, de 2000,37 € au titre des congés payés y afférents, de 3000 € à titre de rappel de primes et de 7 998,90 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé, lequel, par jugement du 17 janvier 2012 déboutait les parties de leurs demandes tant principales que reconventionnelles et le condamnait aux dépens.
Ayant le 9 février 2012 régulièrement relevé appel de cette décision Monsieur [C], au visa de l'article 1134 du Code civil, du Statut du Joueur de Fédérale 1 et des règlements généraux de la Fédération Française de Rugby conclut à son infirmation et demande à la Cour de constater que la relation contractuelle entre lui et la SASP [Adresse 7] était à temps plein en conséquence, de fixer au passif de la liquidation judiciaire de la SASP [Adresse 7] les sommes de :
14 288,40 € à titre de rappel de salaire,
2000,37 € au titre des congés payés y afférents,
3000 € à titre de rappel de primes,
9 078,90 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé [demande figurant dans les motifs de ses conclusions]
1000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
de dire que les sommes ci-dessus porteront intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes,
dire que le CGEA et l'AGS seront tenus de garantir ces sommes dans les limites fixées par les textes légaux,
et de condamner Maître [B] [X] en qualité de mandataire judiciaire de la SASP [Adresse 7] aux dépens.
Il invoque l'insuffisance de la répartition horaire mentionnée au contrat, le principe d'égalité entre salariés, sa mise à disposition permanente vis-à-vis de son employeur, le caractère inopérant du statut de joueur pluriactif, le calcul du rappel de salaire effectué sur la base du temps plein, le fait que les primes prévues au contrat de travail lui sont effectivement dues, l'absence de déclaration conforme eu égard au nombre d'heures travaillées et à la totalité des sommes versées à titre de salaire et l'existence de la volonté par l'employeur de dissimuler son emploi.
La SCP [D]- [X], agissant en qualité de Liquidateur Judiciaire de la SASP [Adresse 7], conclut à la confirmation en toutes ses dispositions du jugement déféré, au rejet de l'intégralité des demandes présentées par M. [C] et à la condamnation de ce dernier à lui verser la somme de 3000 € pour procédure abusive sur le fondement des articles 32.1 du code de procédure civile et 1382 du Code civil ainsi qu'à lui verser la somme de 2500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle invoque le droit relatif aux contrats de travail à temps partiel, le fait que le contrat de M.[C] soit un contrat de type pluriactif en raison de l'exercice par ce dernier d'une seconde activité professionnelle, le fait que M. [C] n'avait pas un volume horaire identique à son coéquipier, M.[W], qui a également saisi le conseil des prud'hommes et dont l'attestation n'a aucune valeur probante, le fait que M. [C] n'était pas à la disposition permanente du club, le fait que la prime sollicitée n'est pas obligatoire et n'est qu'une simple faculté laissée à la discrétion de l'employeur, l'absence de dissimulation d'emploi salarié et la mauvaise foi de M. [C].
Le CGEA et l'[Adresse 5] concluent à la confirmation du jugement déféré, au rejet de la demande de requalification du contrat à temps partiel en contrat à temps plein, au rejet de la demande de rappel de salaire, de l'indemnité de congés payés, des primes d'objectifs et de l'indemnité pour travail dissimulé et indiquent en tout état de cause que leur garantie ne s'exerce que dans la limite des plafonds et des textes applicables
En cours de délibéré, et alors qu'il n'y a pas été autorisé par la Cour, M. [C] par courrier du 29 mars 2013 reçu au greffe de la Cour d'Appel le 4 avril 2013 produit un courrier que lui a adressé la Fédération Française de Rugby le 28 mars 2013 en réponse à son propre courrier du 15 novembre 2012 ainsi que la copie de 14 feuilles de match et sollicite de bien vouloir prendre en considération ces pièces et de réouvrir les débats s'il y a lieu.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, il y a lieu de se référer au jugement du Conseil de Prud'hommes et aux écritures déposées, oralement reprises.
Sur ce,
Sur la production d'une note et de pièces en cours de délibéré,
Attendu qu'aux termes de l'article 445 du code de procédure civile « après la clôture des débats, les parties ne peuvent déposer aucune note à l'appui de leurs observations, si ce n'est en vue de répondre aux arguments développés par le ministère public, ou à la demande du président dans les cas prévus aux articles 442 et 444 » de sorte que M. [C] produisant sans y avoir été invité une note et des pièces qu'il n'a sollicité auprès de la Fédération Française de Rugby que le «15 novembre 2012 » soit plus de deux ans après sa saisine de la juridiction prud'homale et plus de neuf mois après son appel alors qu'en application de l'article 9 du même code « il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention » il apparaît que cet envoi tardif et non autorisé alors que l'intéressé avait disposé antérieurement de tout le temps nécessaire pour obtenir de la Fédération française de Rugby les feuilles de match remontant aux années 2009 et 2010, conduit la Cour à écarter des débats cette note et les pièces qui y sont annexées et à rejeter la demande de réouverture des débats ;
Sur la demande de requalification du contrat à temps partiel en contrat à temps plein,
Attendu que M. [C] a signé un contrat prévoyant deux options, l'option 1, non cochée, correspondant à l'engagement d'un « joueur exclusif » défini comme : « est considéré comme exclusif celui qui fait du rugby son unique profession » et l'option 2, cochée, correspondant à l'engagement d'un « joueur pluriactif » défini comme :
« indépendamment de la durée du travail fixée au présent contrat, est considéré pluriactif celui qui :
[case cochée] exerce une seconde activité professionnelle effective (salariée ou non) lui imposant des contraintes horaires », de sorte que M. [C] est considéré contractuellement comme exerçant une seconde activité professionnelle, point qu'au surplus il ne conteste pas sérieusement et ce d'autant qu'il ne produit pas, contrairement à la sommation qui lui a été faite par la SCP [D]- [X] le 18 octobre 2011 dans le cadre de conclusions écrites oralement reprises devant le Conseil de Prud'hommes , ses avis d'imposition sur le revenu des années 2009 et 2010 susceptibles de justifier comme il le prétend qu'il s'est tenu en permanence à la disposition de son club ;
Attendu par ailleurs que l'accord collectif signé le 11 juillet 2008 en application de l'article 12.2 de la Convention Collective Nationale du Sport du 7 juillet 2005 réglant le statut du Joueur et de l'Entraîneur de Fédérale 1 prévoit dans son article 6. 1. 4 relatif à la durée du travail et plus précisément dans son paragraphe relatif à la modulation à temps partiel que le recours au temps partiel est autorisé notamment pour les pluriactifs , que sont considérés comme contrat de travail en temps partiel les contrats dont la durée du travail répartie sur l'année est inférieure à 1607 heures dans la limite de 535 heures annuelles, ce qui était le cas de M. [C] qui effectuait 75 heures par mois, que la durée annuelle de travail est répartie sur la saison sportive, que:
« les exigences nées du calendrier des compétitions conduisent à distinguer quatre types d'horaires suivant que , au cours d'une semaine civile donnée, aucun match n'est programmé, le match a lieu à domicile, il a lieu chez l'adversaire sur terrain neutre...
Ces quatre types d'horaires ne se succèdent pas de manière cyclique. Leur répétition dans le temps dépend du calendrier des compétitions qui s'imposent au Club et aux joueurs.
La répartition des horaires de travail est réalisée dans ce cadre et dans les conditions et limites suivantes :
- la durée annuelle de travail ne pourra pas être supérieure à la durée annuelle prévue au contrat
- la durée hebdomadaire ne peut en aucun cas atteindre 35 heures
- la durée hebdomadaire de travail ne pourra varier ni au-delà ni en dessous du tiers de la durée hebdomadaire moyenne prévue au contrat ; les horaires individualisés de travail pourront être modifiés en cours de modulation sous réserve d'un délai de prévenance de 7 jours.
Eu égard à la nature particulière de l'activité de joueur de rugby et des contraintes liées à la pratique sportive en compétition, ce délai peut être exceptionnellement réduit à trois jours... »
de sorte que le contrat de travail de M. [C] répondant parfaitement aux exigences de la Convention Collective Nationale du Sport et de l'accord collectif susvisé conclu en application de l'article 12.2 de la Convention Collective définissant les dispositions applicables au statut du Joueur de Fédérale 1 tel que partiellement reprises ci-dessus, c'est à juste titre que M. [C] a été débouté de sa demande de requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat à temps complet ainsi que sa demande en rappel de salaire correspondante et des congés payés y afférents et de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé, peu important à ce titre l'attestation délivrée par un autre joueur, M. [W], d'une part parce que ce dernier est en litige prud'homal avec l'employeur ce qui rend son attestation dès lors dépourvue de toute garantie d'impartialité et alors qu'en toute hypothèse celui-ci a été engagé en qualité de joueur «exclusif » pour une durée de travail de 1607 heures sur l'année et un salaire de 1938,71 € par mois et que son statut ne peut dès lors être comparé à celui de M. [C] ;
Attendu que c'est donc en vain que M. [C] invoque « le principe d'égalité entre salariés» et les dispositions de l'article L. 3123. 14 du code du travail, non applicables en l'espèce au regard du statut particulier des contrats de travail à durée déterminée d'usage de joueur de Fédérale 1 ;
Sur la demande de rappel de primes,
Attendu que le contrat de travail de M. [C] , qui est un contrat type dans lequel toutes les options sont possibles ne prévoit, concernant l'article 6 relatif à la rémunération , en dehors de la fixation de son salaire fixe de base , aucun avantage en nature ni aucune prime dont il est indiqué au surplus concernant ces dernières qu'il s'agit d'une « (clause facultative) », et pour lesquelles en toute hypothèse il est prévu que sous réserve de la réalisation de certaines conditions, le club « pourra » verser aux joueurs les primes suivantes « qui ne constituent aucun usage, ni dans leur principe ni dans leur montant », de sorte que M. [C] ne peut prétendre à aucune des primes qu'il sollicite et dont le versement reste à l'entière discrétion du club peu important qu'il ait rempli comme il l'indique sans être sérieusement contesté les conditions requises en nombre de matchs aller, retour, play-off et phase finale ;
Attendu que c'est en conséquence à juste titre que M. [C] a été débouté de sa demande sur ce point ;
Sur la demande en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive,
Attendu que la procédure intentée et suivie par M. [C] qui a conclu au fond ne peut être qualifiée d'abusive ce qui ne saurait résulter de ce qu'elle est infondée de sorte que la SCP [D]- [X], es qualité de liquidateur de la SASP [Adresse 7] doit être déboutée de la demande en paiement de dommages et intérêts qu'elle forme sur ce fondement ;
Attendu qu'il y a lieu de condamner M. [C] à verser à la SCP [D]- [X] la somme de 1000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière prud'homale,
Écarte des débats la note en délibéré et les pièces annexées produites par M. [I] [C] après la clôture des débats,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré,
Rejette toute demande plus ample ou contraire,
Condamne M. [I] [C] aux dépens ainsi qu' à payer à la SCP [D]- [X] es qualité de Liquidateur Judiciaire de la SASP [Adresse 7] la somme de 1000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRESIDENT