COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
9e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 30 MAI 2013
N°2013/
Rôle N° 11/12248
[K] [R]
C/
SAS DUCOURNAU LOGISTIQUE
Grosse délivrée le :
à :
-Me Lucien SIMON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
- Me Philippe SCHRECK, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AIX-EN-PROVENCE en date du 07 Juin 2011, enregistré au répertoire général sous le n° 10/38.
APPELANTE
Mademoiselle [K] [R], demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Lucien SIMON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Pauline GALLIANO, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE
SAS DUCOURNAU LOGISTIQUE, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Philippe SCHRECK, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 08 Avril 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre
Monsieur Philippe ASNARD, Conseiller
Madame Nathalie VAUCHERET, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Mai 2013
ARRÊT
CONTRADICTOIRE
Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Mai 2013
Signé par Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre et Monsieur Guy MELLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCEDURE
[K] [R] a été engagée par la SAS Ducournau logistique, suivant contrat à durée déterminée à compter du 15 mai 2009 au 12 septembre 2009 en qualité de secrétaire logistique moyennant une rémunération horaire de 9 € soit 1368 € par mois sur la base de 35 heures.
Le contrat de travail venu à son terme le 12 septembre 2009 n'a pas été renouvelé.
Par lettre recommandée du 18 septembre 2009 avec avis de réception, relevant sur les bulletins des mois de juin et juillet 2009 des erreurs de calcul y compris sur la régularisation d'août 2009 et la non prise en compte des heures supplémentaires effectuées, la salariée a demandé à l'employeur la régularisation du paiement des heures accomplies ainsi que la rectification des bulletins.
En réponse le 12 octobre 2009, l'employeur a demandé à la salariée comment elle a calculé les sommes visées dans sa lettre et lui a demandé de le contacter pour étudier ensemble les sommes qu'elle réclamait.
Suivant courrier recommandé du 15 octobre 2009 avec avis de réception, la salariée s'est étonnée de la réponse de l'employeur et a persisté dans sa demande lui rappelant qu'au delà de 35 heures, il doit être appliqué une majoration de 25% pour les huit premières heures et 50 % au delà.
Par lettre du 20 octobre 2009, l' employeur s'est adressé ainsi au salarié: « nous avons pris lecture de votre courrier du 18 septembre 2004 qui a retenu toute notre attention ainsi que celui que nous recevons ce jour.Aussi, nous vous confirmons vous avoir imputé par erreur, les éléments de paye d'un autre salarié alors qu'ils ne vous incombaient pas de telles indemnités de frais non dues et versées à tort. Après avoir révisé l'ensemble de vos bulletins de salaires, nous avons rectifié, conformément à votre demande, les heures supplémentaires que vous avez constatées et avons appliqué et édité cette correction sur un bulletin de régularisation d'octobre 2009. Nous avons corrigé en ce sens l'attestation Assedic et l'Attestation Maladie que nous vous transmettons par la présente. Nous vous faisons parvenir un chèque n° 9842965 de 927,75 € émis sur la Lyonnaise de Banque ».
Le 28 octobre 2009, la salariée a retourné le chèque à l'employeur en contestant le montant au motif qu'elle a effectué 285,75 heures supplémentaires pour les mois de mai, juin et juillet et n'a été rémunéré que de 154,75 heures supplémentaires pour cette période, qu'il reste à recevoir 131 heures à 50 % soit 1768,50 € auquel s'ajoute les écarts constatées en raison des mauvais taux horaires appliquées sur les fiches de paye soit 263 € .
Le 12 novembre 2009, l'employeur a répondu à la salariée pour lui démontrer que le chèque de 927,75 € est justifié qu'il le lui renvoie pour encaissement et qu'il ne lui est dû aucun reliquat.
Le 22 novembre 2009, la salariée a à nouveau renvoyé à l'employeur le dit chèque.
Le 14 janvier 2010, [K] [R] a saisi le conseil de prud'hommes d' Aix-en-Provence lequel section industrie par jugement en date du 7 juin 2011 a:
*condamné l'employeur à payer à la salariée :
- 1900,12 € à titre de rappel d'heures supplémentaires et 190 € pour les congés payés afférents,
- 1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
*ordonné à l'employeur de remettre à la salarié des bulletins de salaire rectifiés,
*débouté la salariée de ses autres chefs de demande demandes et l'employeur de sa réclamation pour frais irrépétibles,
* condamné l'employeur aux dépens.
[K] [R] a le 12 juillet 2011 interjeté régulièrement appel de ce jugement.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Dans ses conclusions, l'appelante demande à la cour de:
*confirmé le jugement déféré en ce qu'il a condamné l'employeur au paiement de 1900,12 € à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et 190 € pour les congés payés afférents,
*le réformer en ce qu'il a dit que les conditions du travail dissimulé n'étaient pas réunies,
*condamner l'employeur à lui payer:
- 8208 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié conformément aux termes de l'article L.8223 -1 du code du travail,
-2000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
*condamner l'employeur à lui remettre sous astreinte de 150 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir l'ensemble des bulletins de salaire dûment rectifiés des sommes dues pour la période considérée ainsi que l'attestation Assedic elle-même dûment rectifiée,
*condamner l'employeur aux entiers dépens.
Elle invoque les manquements de l'employeur sur le non respect de la législation d'ordre public concernant les heures supplémentaires:
- comportement passible de sanctions pénales ( relevés de pointeuse non signés en fin de mois par l'employeur, dépassement de la durée légale hebdomadaire et de la durée légale quotidienne pour les mois de mai, juin et juillet 2009, dépassement du contingent annuel d' heures supplémentaires),
-le non paiement de la totalité des heures supplémentaires effectuées ( à savoir non application correcte des taux de majoration pour les heures supplémentaires payées pour juin et juillet 2009, pour le mois de juin l'employeur ayant tenté en toute illégalité de s'exonérer de ses obligations et du paiement des charges sociales en faisant passer une partie du paiement des heures supplémentaires en indemnités kilométriques alors qu'elle ne fait aucun déplacement, le scénario inventé de toute pièce par l'employeur sur la soi disant erreur intervenue avec la paye d'un autre salarié étant totalement grossier et inadmissible, la régularisation tardive en août à hauteur de 45 heures supplémentaires pour juin ne couvrant pas ce qui reste dû, pour juillet 2009 ayant été flouée de 30,50 heures supplémentaires outre les 6 heures du 27 au 31 juillet, pour août les 10 heures supplémentaires effectuées n'ayant pas été réglées ).
Elle ajoute qu'afin de masquer ses fautes l'employeur a tenté une régularisation totalement anarchique alors que le contrat de travail qui n'a pas été renouvelé avait d'ores et déjà pris fin sur le bulletin d'octobre 2009, où il inscrira 110 heures supplémentaires majorés pour les mois écoulées ce qui ne correspond pas de toute façon à la totalité des sommes dues, que ce rafistolage partiel ne peut le dédouaner de ses graves manquements.
Elle insiste sur sa réclamation au titre du travail dissimulé, soulignant que c'est de manière délibéré et intentionnelle que l'employeur n'a pas mentionné la totalité de heures supplémentaires effectuées.
.
Aux termes de ses écritures, la société intimée conclut:
*à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande au titre du travail dissimulé,
* à sa réformation concernant les heures supplémentaires et les congés payés afférents et à ce qu'il soit dit que la somme qu'elle a offerte à hauteur de 927,75 € après régularisation remplit la salarié de ses droits au titre des heures supplémentaires,
* à ce qu'il soit constaté que l'appelante a refusé à deux reprises le chèque qui lui avait été adressé et que lui ayant adressé dans le cadre de l'exécution provisoire un chèque de 1786,07 €, l'appelante doit lui restituer par conséquent la différence entre ces deux sommes soit 858,32 €,
* au débouté de l'ensemble des demandes de la salariée , à sa condamnation à lui payer 2000 € en applicationde l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à prendre en charge les entiers dépens.
Elle prétend que la salariée a été remplie de ses droits, que pour les mois de mai et août, il y a parfaite correspondance entre les bulletins, la pointeuse et ce qui a été réglé, que pour juin et juillet, elle a régularisé la situation avant l'engagement de la procédure et a adressé le solde qui était du à la salariée qui l'a refusé, que la juridiction prud'homale ne pouvait aller au delà.
Elle s'oppose à la demande au titre du travail dissimulé au motif que l'élément intentionnel n'est nullement établi ayant reconnu ses erreurs et régularisé la situation au mois d'octobre 2009.
Pour plus ample exposé, la cour renvoie aux écritures déposées par les parties et réitérées oralement à l'audience.
SUR CE
I Sur les demandes au titre de l'exécution du contrat de travail,
1° sur le rappel de salaire au titre des heures supplémentaires
En droit, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, la preuve des heures de travail n'incombe spécialement à aucune des parties; il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.
En l'espèce, la salariée qui revendique 1900, 12 € à titre de rappel outre les congés payés afférents produit au débat:
-le contrat de travail qui prévoit dans son article 4 outre un horaire hebdomadaire de 35 heures, que les autres heures seront majorées de 25 %, le fait que la salariée s'engage à effectuer les heures de nuit et les heures supplémentaires demandées eu égard aux exigences du service,
-l'ensemble de ses bulletins de salaire des mois de mai, juin et juillet, août septembre 2009 outre celui d' octobre 2009, celui de juin comportant 437,64 € d'indemnité kilométrique et 277,84 € pour les petits déplacement,
-trois relevés de la pointeuse, deux pour le mois de juin ( l'un du 1er au 28 , l'autre du 1er au 30) et un pour le mois de juillet ,
-la fiche établie par l'employeur sur les déplacements à hauteur de 840 kilomètres, pour le mois de juin et un total de 437,64 €
-le décompte précis dans ses écritures de sa revendication calculée sur les mois de juin et juillet et août 2009.
La Sarl intimée verse pour sa part:
- pièces 17 et 18 les deux décomptes qui selon elle ont permis de corriger les erreurs et ont donné lieu à la régularisation du mois d'octobre 2009,
-les bulletins de salaires auxquels le relevé de la pointeuse correspondant au mois concerné et comportant diverses annotations manuscrites,
A l'examen des pièces produites et notamment le décompte des heures revendiquées à partir des relevés de la pointeuse figurant dans ses écritures, il apparaît que l'appelante étaye sa demande que par contre l'employeur ne démontre pas qu'il aurait entièrement rempli de ses droits la salariée par la régularisation opérée sur le bulletin édité en octobre 2009.
Il convient d'ajouter que le décompte d' heures supplémentaires doit se faire par semaine civile et qu'en application de l'article L 3121-22 du code du travail , les heures supplémentaires accomplies au delà de la durée légale hebdomadaire fixé par l'article L 3121-10 du même code ( soit 35 heures qui correspond à la durée contractuelle en l'espèce) ou de la durée considérée comme équivalente ( ce qui n'est pas le cas de la relation de travail en litige) donnent lieu à une majoration de salaire de 25 % pour les huit premières heures supplémentaires, les heures suivantes étant majorées de 50%. Sur ce point il y a lieu de relever que l'employeur n'a pas tenu compte de la totalité des heures mentionnées sur la pointeuse, n'a pas fait un décompte par semaine civile et a réglé des heures supplémentaires sans majoration notamment en mai et juillet.
Il doit être en outre ajouté ainsi que le souligne à juste titre l'appelante qu'il ressort des relevés de la pointeuse que l'employeur n' a pas respecté sur les mois de juin et juillet ni la durée quotidienne du travail qui ne pouvait excéder 10 heures en application de l'article L 3121-34 du code du travail, ni la durée hebdomadaire qui ne pouvait excéder 48 heures en application de l'article L 3121-35(sauf dérogation en cas de circonstances exceptionnelles sur autorisation du directeur régional du travail qui ne sont pas en l'espèce invoquées ni justifiées) , ni le contingent annuel d'heures supplémentaires fixé à 220 heures par l'article D 3121-14-1 à défaut de convention ou accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou de convention ou accord de branche collective , ayant effectivement entre juin et juillet accompli 225 heures supplémentaires.
Dans ces conditions, le jugement déféré qui a fait droit sur le rappel au titre des heures supplémentaires à la réclamation de la salariée sera confirmé.
2° sur le travail dissimulé,
En application des articles 8221-5 alinéa 2 et L.8223 -1 du code du travail, la demande telle que sollicitée à ce titre à hauteur de 8208 € doit être accueillie. En effet, l'élément intentionnel est parfaitement établi eu égard au fait que l'employeur a mis en place un système de contrôle de heures de travail en refusant d'en tirer toutes les conséquences, du fait qu'il a tenté de dissimuler une partie des heures supplémentaires par le paiement d'indemnités kilométrique ou de petits déplacement auxquelles n'était pas soumis la salariée et a par la suite prétexté d'une erreur pour tenter de régulariser sans toutefois y parvenir complètement, étant observé qu' au surplus la 'prétendue erreur' n'était pas limitée au seul cas de l'appelante mais a concerné d'autres salariés dans les mêmes formes comme [J] [Z] lequel a également intenté une action par instance séparé.
II sur les autres demandes
Vu le résultat du présent litige, il n'y a pas lieu de considérer que par remise du chèque de 927,75 € , l'employeur aurait été totalement libéré. Par ailleurs, la demande en restitution devient sans objet.
La remise de l'attestation Pôle Emploi et des bulletins rectifiés conforme au présent arrêt s'impose sans qu'il y ait lieu de prévoir une astreinte.
Il y a lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile et d'allouer à ce titre une indemnité complémentaire de 500 €, celle octroyée en première instance étant confirmée.
L'employeur qui succombe ne peut bénéficier de cet article et doit être tenu aux dépens.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a rejeté la demande au titre du travail dissimulé,
Statuant à nouveau sur les points réformés et y ajoutant,
Condamne la SAS Ducournau Logistique à payer à [K] [R] en sus de indemnités confirmées les sommes suivantes:
-8208 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé
- 500 € à titre d'indemnité complémentaire sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Ordonne la remise par la SAS Ducournau Logistique à [K] [R] de l'attestation Pôle Emploi et des bulletins de salaire rectifié conforme au présent arrêt,
Condamne la SAS Ducournau Logistique aux dépens d'appel.
LE GREFFIERLE PRESIDENT