COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
4e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 30 MAI 2013
om
N° 2013/230
Rôle N° 11/14177
[Adresse 5]
C/
[P] [H] [A] veuve [I]
[Y] [K]
S.C.P. [V]
Grosse délivrée
le :
à :
la SCP JOURDAN
la SCP ERMENEUX CHAMPLY-LEVAIQUE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 14 Juin 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 09/03189.
APPELANTE
LA VILLE DE [Localité 1], agissant poursuites et diligences de son Député [Localité 5] en exercice, Mr [R] [T], [X] de la Légion d'Honneur, agissant en vertu de la délibération du Conseil Municipal du 31 Mars 2008 lui déléguant ses pouvoirs en matière d'action en justice, en application des dispositions de l'Article L.2121-22 du Code Générale des Collectivités Territoriales ,domicilié en cette qualité à [Adresse 4]
représentée par la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, constitué aux lieu et place la SCP MJ DE SAINT FERREOL ET COLETTE TOUBOUL, avoués, plaidant par Me Audrey AYALA DUFOUR, avocat au barreau de GRASSE
INTIMES
Madame [P] [H] [A] veuve [I]
née le [Date naissance 1] 1931 à [Localité 3], demeurant [Adresse 2]
représentée par la SCP ERMENEUX-CHAMPLY - LEVAIQUE, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, ayant pour avocat plaidant la SELARL SICHOV & VERSTRAETE, avocats au barreau de GRASSE
Monsieur [Y] [K]
né le [Date naissance 2] 1959 à [Localité 3], demeurant [Adresse 1]
représenté par la SCP ERMENEUX-CHAMPLY - LEVAIQUE, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, ayant pour avocat plaidant la SELARL SICHOV & VERSTRAETE, avocats au barreau de GRASSE
La S.C.P. [V], sous la nouvelle dénomination SCP [W] , prise en la personne de son représentant légal en exercice , domicilié en cette qualité audit siège, dont le siège social est [Adresse 3]
représentée par la SCP ERMENEUX-CHAMPLY - LEVAIQUE, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, ayant pour avocat plaidant la SELARL SICHOV & VERSTRAETE, avocats au barreau de GRASSE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 26 Mars 2013 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Mme Odile MALLET, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Mme Odile MALLET, Président
Monsieur Jean-Luc GUERY, Conseiller
Madame Hélène GIAMI, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Mai 2013
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Mai 2013,
Signé par Mme Odile MALLET, Président et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCÉDURE
Par actes des 25 novembre 2005 et 16 avril 2007 Maître [V], notaire à [Localité 3], a établi deux actes de notoriété acquisitive au profit de Madame [P] [A] veuve [I] concernant les parcelles cadastrées commune de [Localité 2] de [Localité 3], lieu-dit '[Localité 4]', section C n° [Cadastre 6] et [Cadastre 7].
A la suite de l'établissement de ces actes Madame [A] a autorisé son neveu, Monsieur [Y] [K], à déposer une demande de permis de construire. Par arrêté du 15 mai 2008 ce dernier a obtenu un permis de construire sur les parcelles C [Cadastre 6], 432, [Cadastre 7] et [Cadastre 8].
Exposant que les parcelles C [Cadastre 6] et C [Cadastre 7] avaient fait l'objet d'un jugement d'expropriation du 14 mars 1906 pour servir à l'établissement du canal du Loup, la ville de [Localité 1] et le syndicat intercommunal des communes alimentées par les canaux de la Siagne et du Loup ont saisi le juge des référés du tribunal administratif aux fins de voir suspendre l'arrêté du 15 mai 2008 accordant un permis de construire à Monsieur [K].
Cette requête a été rejetée par ordonnance du 11 septembre 2008. Toutefois une procédure au fond est toujours pendante devant le tribunal administratif.
La ville de [Localité 1] a alors engagé devant le tribunal de grande instance de Grasse une action en revendication à l'effet de se voir déclarer propriétaire des parcelles C [Cadastre 6] et C[Cadastre 7].
Par jugement du 14 juin 2011 le tribunal de grande instance a :
déclaré la commune de [Localité 1] recevable en sa demande,
déclaré inopposable à Madame [A] et Monsieur [K] le jugement d'expropriation du 14 mars 1906,
dit que la commune de [Localité 1] n'établit pas son droit de propriété sur les parcelles C [Cadastre 6] et C [Cadastre 7],
déclaré Madame [A] propriétaire des parcelles C [Cadastre 6] et C [Cadastre 7],
en conséquence débouté la ville de [Localité 1] de l'intégralité de ses demandes,
condamné la ville de [Localité 1] à payer à Madame [A] une somme de 5.000 € en réparation de son préjudice moral, à Monsieur [K] une somme de 15.000 € toutes causes de préjudices confondues et à la SCP [J] la somme de 3.500 € en réparation de ses préjudices matériel et moral,
condamné la ville de [Localité 1] aux dépens et à payer aux défendeurs une somme globale de 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La ville de [Localité 1] a interjeté appel de ce jugement le 9 août 2011.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 mars 2013.
POSITION DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 7 mars 2012 la ville de [Localité 1] demande en substance à la cour :
d'infirmer le jugement sauf en ce qu'il l'a déclarée recevable en son action,
de déclarer irrecevables pour être forcloses, au visa de l'article 909 du code de procédure civile, les demandes reconventionnelles en dommages et intérêts formées par les intimés,
de déclarer irrecevables, au visa de l'article 564 du code de procédure civile, les demandes des intimés relatives à la nullité de la déclaration d'utilité publique, à la nullité de tous les actes en découlant ainsi que sa demande de rejet de l'état et plan parcellaire dressé le 27 septembre [Cadastre 2] ainsi que la demande de rétrocession des parcelles concernées,
de déclarer irrecevables, au visa de l'article 31 du code de procédure civile, les demandes des intimés en l'absence de preuve de leur qualité d'ayants droit de [U] [M] et Madame [G], expropriés,
de dire et juger opposable aux intimés le jugement d'expropriation du 14 mars 1906 publié le 2 janvier 2007,
de déclarer la commune de [Localité 1] propriétaire des parcelles C [Cadastre 6] devenue BK [Cadastre 1] et C [Cadastre 7] devenue BK [Cadastre 10] et constater le caractère de domanialité de ces parcelles à compter de leur affectation à l'exploitation du service public de l'alimentation en eau par le canal du Loup,
de déclarer inopposables à la commune de [Localité 1] et entachés de nullité absolue les actes de notoriété acquisitive établis les 25 novembre 2005 et 16 avril 2007,
de dire et juger que Madame [A] et Monsieur [K] devront, sans délai, laisser ces parcelles libres de toute occupation et qu'ils ne pourront y édifier aucune construction,
de condamner solidairement Madame [A] et Monsieur [K] à lui payer la somme de 100.000 € à titre de dommages et intérêts,
de condamner la SCP [W] à lui payer la somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts,
de condamner solidairement les intimés aux entiers dépens et au paiement d'une somme de 10.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans leurs dernières conclusions déposées et notifiées le 18 février 2013 la SCP [W], Madame [A] et Monsieur [K] demandent au contraire en substance à la cour :
de déclarer la commune irrecevable en son action dirigée contre les notaires,
de mettre hors de cause Monsieur [K],
de confirmer le jugement par substitution de motifs,
déclarer Madame [A] seule et unique propriétaire des parcelles C [Cadastre 6] (BK [Cadastre 1]) et C [Cadastre 7] (BK [Cadastre 10]) en vertu des actes de notoriété acquisitive,
subsidiairement dire que les parcelles revendiquées ne font pas partie du domaine public de la commune,
de débouter la commune de ses demandes de dommages et intérêts,
de recevoir Madame [A] en sa demande reconventionnelle au regard de l'évolution du litige et en tant que de besoin ordonner la rétrocession à son profit des parcelles C [Cadastre 6] et C [Cadastre 7],
d'ordonner la publication de l'arrêt à intervenir à la conservation des hypothèques de [Localité 3],
de condamner la ville de [Localité 1] à payer à Madame [A] une somme de 25.000€ en réparation de son préjudice moral, à Monsieur [K] une somme de 3.000 € par mois à compter du 30 juillet 2008 jusqu'à de qu'il soit statué par une décision lui permettant de construire, soit la somme de 141.000 € au 30 juin 2012, et à la SCP notariale une somme de 5.000 €,
de condamner la ville de [Localité 1] aux entiers dépens et au paiement d'une somme de 5.000 € outre la TVA en application de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
* sur la demande de rejet de pièce
Le plan parcellaire du 27 décembre [Cadastre 2] ayant été régulièrement communiqué, rien ne justifie d'écarter cette pièce des débats.
* sur la qualité à agir des intimés
Selon l'article 31 du code de procédure civile l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention.
La ville de [Localité 1] qui a assigné Madame [A] et la SCP [W] à l'effet de voir déclarer nul et de nul effet les actes de notoriété acquisitive établis par cette SCP au profit de Madame [A] et qui a appelé en cause Monsieur [K], en sa qualité de titulaire d'un permis de construire sur les parcelles litigieuses à l'effet de lui voir déclarer opposable la décision à intervenir, ne saurait utilement soutenir, au visa de l'article 31 précité, que les intimés n'auraient pas qualité à se défendre dans l'instance que la ville a dirigée à leur encontre.
* sur l'irrecevabilité des moyens nouveaux
Si l'article 564 du code de procédure civile dispose que les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions, l'article 563 précise qu'elles peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces et proposer de nouvelles preuves.
En conséquence la ville de [Localité 1] n'est pas fondée à soulever l'irrecevabilité des demandes reconventionnelles formées par les intimés au motif qu'elles reposeraient sur des moyens nouveaux.
* sur la forclusion des demandes reconventionnelles
Aux termes de l'article 909 du code de procédure civile l'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de deux mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant prévues à l'article 908 pour conclure et former, le cas échéant, un appel incident.
La ville de [Localité 1] a interjeté appel le 9 août 2011 et notifié ses premières conclusions aux intimés le 4 novembre 2011. Ces derniers ont, le 29 décembre 2011, soit dans le délai prévu à l'article 909 répliqué et formé une demande reconventionnelle.
Aucune disposition de l'article 909 n'imposant à l'intimé qui forme une demande reconventionnelle de la qualifier expressément d'appel incident, la ville de [Localité 1] n'est pas fondée à soulever l'irrecevabilité de cet appel incident au seul motif que les conclusions régulièrement notifiées par les intimés dans le délai réglementaire ne comporteraient aucune mention expresse qualifiant d'appel incident leur demande reconventionnelle.
* sur la portée du jugement d'expropriation
Un décret de concession du 25 août 1866 a approuvé la convention conclue le 21 août 1866 entre le ministère de l'agriculture, la ville de [Localité 1] et la société de droit anglais General Irrigation and Water Supply Compagny portant concession à cette société du canal d'irrigation de la Siagne et du Loup et déclaré d'utilité publique les travaux du canal de la Siagne et du Loup.
En vertu d'un avenant à la convention du 21 août 1866 la ville de [Localité 1] devait acquérir à ses frais tous les terrains destinés à servir à l'emplacement du canal et à ses dépendances.
En exécution de cette convention et du décret de concession, la ville de [Localité 1] a engagé une procédure d'expropriation concernant les parcelles situées sur le trajet du canal de la Siagne et du Loup. A cet effet Monsieur [F] a dressé, le 27 septembre [Cadastre 2], un plan parcellaire des terrains à acquérir pour l'établissement du canal d'amenée des sources du Loup.
Il ressort tant de la comparaison entre le plan dressé par Monsieur [F] et un extrait cadastral délivré le 1er juin 2007, que de l'avis émis par Monsieur [N] [S], géomètre expert, lequel n'est pas contesté par les parties, que :
la parcelle C [Cadastre 6] ( actuellement BK [Cadastre 1]) correspond à celle qui portait le n°70p au cadastre de [Cadastre 2], qui appartenait à [Z] [E], et figure au plan du canal sous le n°[Cadastre 4]
la parcelle C [Cadastre 7] ( actuellement BK [Cadastre 10]) correspond à la parcelles cadastrée en [Cadastre 2] n°70p qui appartenait à [D] [B] et figure au plan de Monsieur [F] sous le n° [Cadastre 5].
Le jugement d'expropriation prononcé le 14 mars 1906 portait notamment sur :
partie de la parcelle cadastrée70p appartenant à [Z] [E] pour 1,30 are en nature de labour et oliviers correspondant à la contenance à occuper par le canal, n°[Cadastre 4] du plan du canal.
partie de la parcelle cadastrée [Cadastre 9]p appartenant à [D] [B] pour 1,55 are en nature de vignes et rosiers, correspondant à la contenance à occuper par le canal, n° [Cadastre 5] du plan du canal,
Ce jugement a été régulièrement notifié aux personnes expropriées dans le courant du mois de décembre 1906 et publié à la conservation des hypothèques de Grasse le 2 janvier 1907 vol 1032 n°8. Conformément à la procédure alors en vigueur, les personnes expropriées ont été convoquées devant le jury chargé d'arbitrer les indemnités d'expropriation et les dites indemnités ont été réglées les 30 mars et 5 juin 1909 tant aux ayants cause de [Z] [E] que de [D] [B]. Suivant procès-verbal du 2 décembre 1908 les biens expropriés, et notamment les parcelles n°[Cadastre 4] et [Cadastre 5] du plan du canal ont été remises par la ville de [Localité 1] à la société lyonnaise des eaux et de l'éclairage venant aux droits de la société General Irrigation and Water Supply Compagny.
En vertu du jugement d'expropriation régulièrement publié la propriété des parcelles [Cadastre 4] et [Cadastre 5] du plan du canal, qui correspondent à ce jour à la parcelle cadastrée BK [Cadastre 3], ont donc été transmises à la ville de [Localité 1] et ces biens sont tombés dans le domaine public.
Dès lors que les intimés ne revendiquent pas la propriété de la parcelle BK2 correspondant à l'emprise du canal, ils ne justifient d'aucun intérêt à contester la validité de la déclaration d'utilité publique.
En conséquence le jugement sera infirmé en ce qu'il a dit et jugé que le jugement d'expropriation n'est pas opposable aux intimés pour ne pas avoir été publié à la conservation des hypothèques de [Localité 3].
En revanche, aux termes de l'article 50 de la loi du 3 mai 1841 'Les bâtiments dont il est nécessaire d'acquérir une portion pour cause d'utilité publique seront achetés en entier, si les propriétaires le requiert par une déclaration formelle adressée au magistrat directeur du jury (...). Il en sera de même de toute parcelle de terrain qui, par suite du morcellement, se trouvera réduite au quart de la contenance totale, si toutefois le propriétaire ne possède aucun terrain immédiatement contigu et si la parcelle ainsi réduite est inférieure à dix ares'.
Il résulte de ce texte que lorsque l'expropriation porte sur une partie de terrain et ne laisse à la personne expropriée qu'une fraction de terre perdant tout intérêt pour elle, celle-ci a la faculté de céder cette excédent à l'autorité expropriante. Dans ce cas la cession n'intervient pas pour cause d'utilité publique mais dans l'intérêt privé du particulier et l'excédent ne saurait, par voie de conséquence, tomber dans le domaine public.
Dans le cas présent, le jugement d'expropriation comporte une colonne intitulée 'contenance à occuper par le canal' et une colonne dénommée 'observations' mentionnant:
pour [Z] [E] : la première de ces colonnes 1,30 et la seconde 3,30
pour [D] [B] : la première de ces colonnes 1,55 etla seconde 7,30.
Les notifications du jugement d'expropriation comportent également une colonne intitulée 'à couper par le canal' et une colonne ' excédents devant être acquis en exécution de l'article 50 de la loi du 3 mai 1841' mentionnant :
pour [Z] [E], la première de ces colonnes 1,30 et la seconde 3,30
pour [D] [B] , la première de ces colonnes 1,55 et la seconde 7,30.
Il est ainsi établi que les propriétés de [Z] [E] et [D] [B] ont été respectivement expropriées pour cause d'utilité publique à raison de 1,30 ares et 1,55 ares correspondant au tracé du canal et qu'ils ont requis la vente au profit de l'autorité expropriante des excédents pour les contenances respectivement de 3,30 ares et 7,30 ares.
La cession de ces excédents a donné lieu, pour la propriété Baptistide Carlavan à l'établissement d'un acte notarié des 31 mars et 5 juin 1909 intitulé 'règlement et quittance d'indemnité amiable' incluant la parcelle expropriée et l'excédent et pour la propriété [Z] [E], qui entre temps avait été cédée à [L] [G], à un acte administratif de cession amiable du 9 janvier 1911 concernant uniquement l'excédent de 3,30 ares.
Il est donc ainsi établi que le jugement d'expropriation pour cause d'utilité publique ne concerne que les fractions de terre correspondant au tracé du canal et non les excédents qui ont été cédés à titre amiable en application de l'article 50 précité et n'ont jamais été affectés à un service public.
* sur la propriété des parcelles C [Cadastre 6] et [Cadastre 7] devenues BK [Cadastre 1] et BK [Cadastre 10]
Les parcelles C [Cadastre 6] et C [Cadastre 7] correspondent aux excédents qui n'ont pas fait l'objet de la procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique mais de cessions amiables. N'ayant jamais été affectés à un service public, ces parcelles ne sont ni inaliénables, ni imprescriptibles.
En conséquence, pour statuer sur l'action en revendication, il convient de rechercher quelle partie justifie des présomptions les meilleures et les plus probables.
La ville de [Localité 1] ne justifie pas avoir publié les actes de cession amiable portant sur les excédents qui lui ont été cédés en application de l'article 50 de la loi du 3 mai 1841. Elle ne justifie pas davantage d'actes de possession sur les parcelles C [Cadastre 6] et C [Cadastre 7] qui ne supportent aucun aménagement particulier en relation avec l'exploitation du canal.
En revanche la parcelle C433 supporte actuellement l'accès à la maison de Madame [A]. Cette maison a été implantée depuis plus de 200 ans sur la parcelle C 432. L'accès y menant est bordée d'une allée d'arbres anciens. Une photographie datant des années 1960 apporte la preuve qu'à cette époque les parcelles C [Cadastre 6] et C [Cadastre 7] étaient exploitées par la famille de Madame [A] pour la culture du jasmin. Deux témoins nés en 1925 et 1933 attestent avoir toujours vu les parcelles C [Cadastre 6] et C [Cadastre 7] exploitées par la famille [A] pour la culture du jasmin et de plantes à parfum, plus récemment par des cultures maraîchères et fruitières. Un troisième témoin, née en 1950, certifie avoir toujours connu la propriété de Madame [A] avec sa clôture et son entrée, telles qu'elles existent à ce jour.
Dès lors que Madame [A] justifie d'une possession paisible, publique, continue, non équivoque et à titre de propriétaire depuis plus de trente ans le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a déclarée propriétaire des parcelles cadastrées commune de [Localité 3], section C [Cadastre 6] et C [Cadastre 7] et a débouté la ville de [Localité 1] de sa demande tendant à voir déclarer nuls et de nul effet les actes de notoriété acquisitive dressés les 25 novembre 2005 et 16 avril 2007 par Maître [V] ainsi que de sa demande en libération des lieux.
* sur la demande de dommages et intérêts présentée par la ville de [Localité 1]
Succombant en son action en revendication la ville de [Localité 1] ne justifie d'aucun préjudice indemnisable. En conséquence le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts.
* sur l'action dirigée contre la scp de notaires
Aux termes de l'article 16, alinéas premier et deuxième, de la loi du 29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles professionnelles, chaque associé répond, sur l'ensemble de son patrimoine, des actes professionnels qu'il accomplit et la société professionnelle est solidairement responsable avec lui des conséquences dommageables de ces actes. Il en résulte que l'action en responsabilité peut indifféremment être dirigée contre la société ou l'associé concerné, ou encore contre les deux.
En conséquence, la ville de [Localité 1] ne saurait être déclarée, au visa de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, irrecevable en ses demandes dirigées contre la SCP [W] au motif qu'elle n'a pas attrait Maître [V] personnellement à la cause.
Toutefois, dès lors que Madame [A] est reconnue propriétaire par l'effet de la prescription acquisitive des parcelles cadastrées commune de [Localité 3], section C [Cadastre 6] et C [Cadastre 7], l'établissement par le notaire des deux actes de notoriété acquisitive des 25 novembre 2005 et 16 avril 2007 concernant ces deux parcelles ne saurait être constitutif d'une faute.
En conséquence le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la ville de [Localité 1] de sa demande de dommages et intérêts dirigée contre la SCP notariale.
* sur les demandes reconventionnelles
Monsieur [K] n'est pas fondé à solliciter sa mise hors de cause en exposant qu'il n'est pas propriétaire des parcelles revendiquées alors d'une part qu'il est titulaire d'un permis de construire sur les parcelles litigieuses, de sorte qu'il importe que la décision à intervenir lui soit opposable, alors d'autre part qu'il démontre lui-même son intérêt à être présent à la cause en formulant une demande de dommages et intérêts à hauteur de 141.000€ arrêtée au 30 juin 2012.
Il résulte du plan de masse annexé au permis de construire délivré à Monsieur [K] que la construction projetée ne doit être implantée ni sur la parcelle C [Cadastre 6], ni sur la parcelle C [Cadastre 7]. En outre, par ordonnance du 11 septembre 2008 le juge des référés du tribunal administratif de Nice a rejeté la requête présentée par la ville de [Localité 1] tendant à voir ordonner la suspension de l'arrêté du 15 mai 2008 ayant accordé un permis de construire à Monsieur [K] de sorte que plus rien ne s'oppose à ce que la construction projetée soit édifiée.
Enfin la discussion instaurée ne révèle de la part de la ville de [Localité 1] aucun abus dans l'exercice de son droit d'agir en justice, et ce d'autant plus, que le litige opposant les parties est d'une complexité juridique certaine en ce que le jugement d'expropriation est fondé sur une législation ancienne et que l'ensemble des actes produits est d'une lecture délicate. Par ailleurs, au regard des dispositions de l'article 563 du code de procédure civile il ne saurait être reproché à la ville de [Localité 1] d'avoir produit, en cause d'appel, de nouvelles pièces ayant nécessité d'importantes recherches aux archives.
En conséquence en l'absence de toute faute imputable à la ville de [Localité 1], le jugement sera infirmé et les intimés seront déboutés de leurs demandes de dommages et intérêts.
* sur la publication du présent arrêt
Il appartiendra, en tant que de besoin, à la partie la plus diligente de procéder à la publication du présent arrêt au bureau des hypothèques compétent.
* sur les dépens et frais irrépétibles
Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles. Echouant en son recours la ville de [Localité 1] sera condamnée aux dépens d'appel et ne peut, de ce fait, prétendre au bénéfice de l'article 700 du code de procédure civile. A ce titre elle sera condamnée à payer aux intimés, qui ont plaidé par le même conseil, une somme de 3.000€.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Dit n'y avoir lieu d'écarter des débats le plan parcellaire du 27 décembre [Cadastre 2].
Rejette les exceptions d'irrecevabilité fondées sur les articles 31, 564 et 909 du code de procédure civile soulevées par la ville de [Localité 1].
Rejette l'exception d'irrecevabilité soulevée par la SCP Mazet-Bouguereau- Accorsi-Vouillon fondée sur l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.
Rejette la demande de mise hors de cause de Monsieur [Y] [K].
Infirme le jugement déféré en ce qu'il a :
dit que le jugement d'expropriation du 14 mars 1906 n'est pas opposable à Madame [P] [A] veuve [I] et Monsieur [K] pour ne pas avoir été publié à la conservation des hypothèques de Grasse,
condamné la ville de [Localité 1] à payer à titre de dommages et intérêts une somme de 5.000 € à Madame [A], une somme de 15.000 € à Monsieur [K] et celle de 3.500 € à la SCP [J].
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,
Constate que le jugement d'expropriation du 14 mars 1906 a été publié à la conservation des hypothèques de [Localité 3], le 2 janvier 1907, volume 1032 n°8, et est opposable à Madame [A] et Monsieur [K].
Déboute Madame [A], Monsieur [K] et la SCP [W], venant aux droits de la SCP [J], de leurs demandes de dommages et intérêts.
Confirme le jugement en ses autres dispositions.
Dit qu'il appartiendra, en tant que de besoin, à la partie la plus diligente de faire publier le présent arrêt au bureau des hypothèques compétent.
Vu l'article 700 du code de procédure civile, déboute la ville de [Localité 1] de sa demande et la condamne à payer à Madame [A], Monsieur [K] et la SCP [W] une somme de trois mille euros.
Condamne la ville de [Localité 1] aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
le greffier le président