COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
4e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 13 JUIN 2013
jlg
N° 2013/248
Rôle N° 12/11051
COMMUNE DE [Localité 1]
C/
[G] [R]
[I] [T]
[O] [Z] épouse [T]
Grosse délivrée
le :
à :
Me Francoise MICHOTEY
la SCP BOISSONNET-ROUSSEAU
la SCP JOURDAN
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 11 Avril 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 09/06083.
APPELANTE
COMMUNE DE [Localité 1], prise en la personne de son maire en exercice, dont le siège social est [Adresse 5]
représentée par Me Francoise MICHOTEY, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant par Me Jean-louis BERNARDI, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
INTIMES
Madame [G] [R]
née le [Date naissance 1] 1922 à [Localité 3] -, demeurant [Adresse 1].
représentée par la SCP BOISSONNET ROUSSEAU, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant par Me Jérôme LEFORT, avocat au barreau de TOULON
Monsieur [I] [T], demeurant [Adresse 2]
représenté par la SCP JOURDAN JEAN FRANCOIS, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant par Me Valérie COLAS, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
Madame [O] [Z] épouse [T], demeurant [Adresse 2]
représentée par la SCP JOURDAN JEAN FRANCOIS, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant par Me Valérie COLAS, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 08 Avril 2013 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Jean-Luc GUERY, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Mme Odile MALLET, Président
Monsieur Jean-Luc GUERY, Conseiller
Madame Hélène GIAMI, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Juin 2013
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Juin 2013,
Signé par Mme Odile MALLET, Président et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Faits, prétentions et moyens des parties :
Par acte notarié du 12 juin 1969, Mme [G] [R] a acquis le bien ainsi désigné :
« Une parcelle de terre en nature de bois sise à [Localité 1] (Var) lieudit [Localité 2], portée au cadastre de ladite commune sous la section I n° [Cadastre 1] pour une surface de 16a 70ca, et sous la même section I n° [Cadastre 3] pour une surface de 04a 10ca provenant suivant document n° 808 de la division du lot I [Cadastre 2] d'une contenance totale de 24a 70ca qui a formé outre le lot [Cadastre 3] vendu, le lot [Cadastre 4] d'une contenance de 20a 60ca appartenant à M. [H] [W]. »
M. [I] [T] et Mme [O] [Z], son épouse, sont propriétaires d'un terrain cadastré section I n° [Cadastre 4], sur lequel ils ont édifié une maison.
Par acte du 15 novembre 2006, Mme [R] a assigné les époux [T] en désignation d'expert devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Draguignan qui a fait droit à leur demande par ordonnance du 27 décembre 2006 aux termes de laquelle il a commis M. [Q] [A] avec la mission suivante :
-établir un plan précis des propriétés respectives des parties,
-préciser si les époux [T] ont commis des atteintes au droit de propriété de Mme [R],
-dans cette hypothèse, chiffrer le coût des dommages occasionnés à la propriété de Mme [R] du fait de ces atteintes, et celui des réparations éventuelles,
-évaluer la perte de valeur vénale de la propriété de Mme [R] du fait des atteintes portées par suite des déboisements réalisés par les époux [T].
Le 18 juillet 2007, l'expert a adressé aux parties une lettre rédigée en ces termes :
« Suite à notre accédit du 16 juillet dernier, la réunion sur les lieux a mis en évidence le fait que les propriétés dont nous avons à « établir un plan précis », sont traversées par une voie réalisée par la commune sans que les titres de propriété des parties ne la mentionnent. Cette situation nécessite à mon avis, la mise en cause de la commune de [Localité 1], afin que celle-ci nous donne toutes les explications sur l'emprise de ladite voie.
Nous pourrions ainsi déterminer exactement les limites des propriétés [R] et [T]. »
Mme [R] ayant, par acte du 3 août 2007, assigné la commune de [Localité 1] devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Draguignan, ce dernier a fait droit à sa demande par une décision du 3 octobre 2007 aux termes de laquelle il a ordonné la mise en cause de cette commune aux opérations d'expertise de M. [A].
Le 26 septembre 2008, M. [A] a établi un rapport dans lequel il conclut en ces termes :
« Nous nous sommes fait communiquer tout document permettant d'établir les limites de propriété des parties, notamment :
-un document d'arpentage [D] (annexes 3 et 4) qui avait divisé une ancienne parcelle cadastrée à la même section n° [Cadastre 2] (annexe 2, plan cadastral) pour donner naissance aux actuelles parcelles I [Cadastre 3] ([R]) et I [Cadastre 4] ([T]). Voir l'annexe 1, cadastre actuel.
-un plan-projet de bornage [K] (annexe 5) reprenant les cotes du DA.
« Nous avons établi un plan précis des propriétés respectives de [G] [R] et de [I] [T] et [O] [Z] épouse [T] (annexe 9) sur lequel la limite est figurée par les points A - B - C - D - E - F - G (')
« Nous avons précisé les atteintes au droit de propriété de [G] [R] commises par les époux [T] : l'implantation de la terrasse dans la zone non aedificandi telle que définie dans le POS de 1991, clôture et accès toujours visibles sur les lieux.
« Nous avons chiffré le coût des dommages occasionnés à la propriété de la requérante du fait de ces atteintes, et celui des réparations éventuelles :
« À notre avis, le coût de la démolition de la terrasse et du retrait de la clôture s'élève à environ 5 000 euros.
« Le préjudice peut être estimé à 5 000 euros en l'absence de démolition de la terrasse.
« Et nous avons évalué la perte totale de valeur de la propriété d'[G] [R] qui est, à notre avis, due essentiellement au fait de l'emprise d'une voie communale installée de fait sur sa propriété.
« Cette emprise représente une superficie de 557 m².
« Nous avons évalué cette perte de valeur vénale à 557 m² x 80 € = 44 560 euros compensée en partie, il est vrai par le désenclavement de la propriété. »
Mme [R] ayant, par acte du 12 juin 2009, assigné les époux [T] et la commune de [Localité 1], le tribunal de grande instance de Draguignan a, par jugement du 11 avril 2012, statué en ces termes :
«-Homologue le rapport d'expertise déposé le 26 septembre 2008,
« -Constate l'emprise des époux [T] sur le fonds de Mme [R],
« -Constate la création d'un chemin dit [Adresse 3] par la commune de [Localité 1] empiétant sur la propriété de Mme [R] et dit qu'il s'agit d'une voie de fait,
« -Condamne la commune de [Localité 1] à payer à Mme [R] la somme de 44 560 euros au titre de la perte vénale de la propriété engendrée par suite de la réalisation de la voie communale sur sa propriété,
« -Condamne les époux [T] à payer à Mme [R] la somme de 5 000 euros au titre du coût de démolition de la terrasse et du retrait de la clôture,
« -Déboute Mme [R] pour le surplus de ses demandes,
« -Dit ne pas y avoir lieu à exécution provisoire,
« -Condamne in solidum, les défendeurs au paiement des dépens, en ce compris le coût du procès-verbal d'huissier du 24 août 2006 et des frais d'expertise, et de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. »
La commune de [Localité 1] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 18 juin 2012.
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 8 mars 2013 et auxquelles il convient de se référer, elle demande à la cour :
-de réformer le jugement entrepris, de déclarer nul le rapport d'expertise en ce que l'expert a dépassé largement la mission qui lui était donnée en accomplissant même une mission différente,
-de lui déclarer ce rapport tout au moins inopposable,
-de débouter Mme [R] et toutes parties de l'ensemble de leurs demandes à son encontre,
-de constater que le chemin dont il s'agit est un chemin à destination du public,
-de constater qu'il s'agit d'un chemin communal,
-de constater l'acquisition de la prescription acquisitive concernant la propriété de l'assiette du chemin conformément à l'emprise relevée par l'expert, tant sur la propriété de Mme [R] que sur la propriété des époux [T],
-de condamner Mme [R] à lui payer une somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts notamment compte tenu des éléments qu'elle a cachés sur l'origine du chemin provoquant une fraude au jugement,
-de condamner Mme [R], « compte tenu de la procédure qu'elle a initiée à son encontre tant en référé qu'en expertise judiciaire, qu'en première instance et l'obligation d'avoir à faire appel », à lui payer une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Aux termes de leurs conclusions remises au greffe le 14 novembre 2012 et auxquelles il convient de se référer, les époux [T] demandent à la cour :
-de réformer le jugement déféré :
-en ce qu'il a constaté une emprise inexistante,
-en ce qu'il les a condamnés à payer à Mme [R] la somme de 5 000 euros au titre du coût de démolition de la terrasse et du retrait de la clôture,
-en ce qu'il les a déboutés de leur demande reconventionnelle,
-en ce qu'il a ignoré leur demande de dommages et intérêts,
-en ce qu'il les a condamnés au paiement des dépens et de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
-de débouter Mme [R] de l'ensemble de ses demandes à leur encontre comme injustes et mal fondées,
-reconventionnellement,
-de condamner Mme [R] à leur payer la somme de 5 000 euros pour indemniser leur engagement dans l'entretien de ses parcelles depuis 1983, nécessité par leur abandon,
-alternativement, de la condamner à leur payer la même somme en réparation du préjudice résultant de troubles anormaux de voisinage nécessairement inhérents à l'abandon sans laisser d'adresse valide, pendant plusieurs dizaines d'années, d'un terrain en site naturel boisé et résidentiel méditerranéen,
-de condamner Mme [R] à leur payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement des articles 1382 et 1383 du code civil,
-de condamner Mme [R] à leur payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
-de la condamner aux dépens.
Aux termes de ses conclusions remises au greffe le 29 novembre 2012 et auxquelles il convient de se référer, Mme [R] demande à la cour :
-de confirmer le jugement sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de condamnation solidaire de la commune de [Localité 1] et des époux [T] au paiement d'une somme de 15 000 euros destinée à réparer le préjudice moral qu'elle a subi du fait de l'emprise constatée,
-de rejeter l'ensemble des demandes de la commune de [Localité 1] et des époux [T],
-de condamner in solidum les défendeurs au paiement des dépens et de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Une ordonnance de clôture a été rendue le 25 mars 2013.
Motifs de la décision :
La commune de [Localité 1] avait soulevé l'exception tirée de la nullité du rapport d'expertise devant le premier juge qui n'a pas répondu à ce moyen.
Si l'article 238 du code de procédure civile dispose que le technicien doit donner son avis sur les points pour l'examen desquels il a été commis et qu'il ne peut répondre à d'autres questions, sauf accord écrit des parties, aucune disposition ne sanctionne de nullité l'inobservation de ces obligations.
L'exception tirée de la nullité du rapport d'expertise sera donc rejetée.
L'expertise ayant été ordonnée par une décision à laquelle elle était partie, la commune de [Localité 1] ne peut invoquer l'inopposabilité du rapport d'expertise en raison d'irrégularité affectant le déroulement des opérations d'expertise. Le rapport d'expertise de M. [A] lui est donc opposable.
*****
Selon les dispositions des articles 2229 et 2262 (anciens) du code civil, pour pouvoir acquérir par prescription la propriété d'un bien immobilier, il faut avoir, pendant trente ans, exercé sur celui-ci une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire.
Il résulte des photographies annexées au rapport d'expertise que le chemin implanté dans la partie ouest de la propriété de Mme [R] est goudronné, ouvert à la circulation publique et dessert plusieurs propriétés. Il est dénommé « chemin de [Adresse 3] » par la commune de [Localité 1] et fait partie des chemins dont le conseil municipal de cette commune a, lors de sa séance du 14 juin 2005, approuvé la désignation dans le cadre de l'opération « NUMERUE » effectuée pour les voies hors village. Il apparaît en outre sur une photographie aérienne de l'IGN prise le 1er juin 1972.
Dans un rapport qu'il a établi le 7 avril 1962, l'ingénieur des TPE de la subdivision de [Localité 1] écrit notamment :
« Le conseil municipal de [Localité 1] a décidé d'entreprendre l'aménagement des principaux chemins ruraux de la commune, c'est-à-dire ceux qui ont une fréquentation importante du fait qu'ils desservent des groupes de fermes et les quartiers cultivés du terroir communal.
Ces chemins sont ouverts depuis fort longtemps mais leur chaussée n'a jamais été réellement construite, la circulation se fait directement sur un sol naturel inégal, caillouteux ou argileux et difficilement praticable pendant la mauvaise saison.
Il s'agit d'assainir les plateformes et de construire des chaussées répondant aux besoins des véhicules et engins agricoles modernes.
Le conseil municipal a chargé notre service de dresser le projet d'une première tranche de travaux de 100 000 NF intéressant les chemins ci-après :
-[Adresse 4]
-[Adresse 6]
-[Adresse 3] (') »
Par délibération du 12 juillet 1962, le conseil municipal de [Localité 1] a autorisé le maire à passer un marché avec l'entreprise de travaux publics Bertrand frères pour effectuer les travaux d'assainissement des chemins de [Adresse 4] et de [Adresse 3] ainsi que les travaux d'entretien des chemin communaux.
La commune de [Localité 1] produit :
-le marché de travaux que son maire a conclu avec l'entreprise Bertrand frères le 16 octobre 1962 pour « la fourniture de matériaux de carrière destinés à l'entretien des chemins communaux » et pour « la construction d'aqueducs buses sur les chemins de [Adresse 4] et de [Adresse 3]. »
-une attestation établie le 21 novembre 2012 par M. [W] [W], né le [Date naissance 5] 1934, qui déclare avoir été employé à la commune de [Localité 1] du 1er juillet 1968 au 1er avril 1994 et avoir effectué l'entretien de la chaussée et le ramassage des ordures ménagères sur le chemin de [Adresse 3] tout au long de sa carrière.
-une attestation établie le 21 novembre 2012 par M. [E] [W], né le [Date naissance 3] 1940, qui déclare avoir été employé à la commune de [Localité 1] de 1975 à 2000 et avoir effectué l'entretien de la chaussée et le ramassage des ordures ménagères sur chemin de [Adresse 3].
-une attestation établie le 21 novembre 2012 par M. [C] [T], né le [Date naissance 2] 1954, brigadier-chef principal de la police municipale de [Localité 1], qui déclare, d'une part, qu'en 2006 a été mise en place l'opération NUMERUE qui consistait à attribuer aux propriétaires des habitations leur numéro de voirie, notamment sur le chemin de [Adresse 3], d'autre part, que depuis 1982, date de sa prise de fonction, il patrouille de façon régulière sur ce chemin qui assure la jonction entre la route départementale 19 et le chemin du [Adresse 7], et qu'il a toujours constaté que la collecte des ordures ménagères ainsi que l'entretien de la chaussée et de ses abords étaient réalisés par les services techniques municipaux.
-une attestation établie le 19 décembre 2012 par M. [F] [J], né le [Date naissance 4] 1940, qui déclare qu'il a été employé aux services techniques de la commune de [Localité 1] entre Janvier 1981 et 2000, d'abord comme chauffeur du camion à ordures puis comme responsable du service des eaux à partir de 1983, et qu'il passait sur le chemin de [Adresse 3] deux fois par semaine pour le ramassage des ordures ménagères.
Il résulte de ce qui précède que depuis 1962, la commune de [Localité 1] exerce sur le chemin litigieux des actes de possession continus, non interrompus, paisibles, non équivoques, et qu'elle se comporte comme le seul propriétaire de ce chemin. Elle en était ainsi devenue propriétaire pour l'avoir acquis par prescription lorsque Mme [R] l'a assignée en référé. Cette dernière sera donc déboutée de sa demande à l'encontre de la commune de [Localité 1].
Mme [R], qui a produit son titre de propriété dès la première instance, n'a jamais caché l'existence du document d'arpentage n° 808 dont il est fait état dans ce titre. La commune sera par conséquent déboutée de sa demande de dommages et intérêts à son encontre.
*****
Il résulte du rapport d'expertise que les ouvrages réalisés par les époux [T] sur leur fonds, n'empiètent pas sur celui de Mme [R].
Mme [R], qui évoque une servitude non aedificandi grevant le fonds des époux [T] au profit de son fonds, ne rapporte pas la preuve de l'existence de cette servitude.
En page 15 de son rapport, l'expert écrit :
« La zone du POS applicable à la construction [T] est la zone NB (secteur NB a).
« L'article NB 7 - implantation des constructions par rapport aux limites séparatives - énonce ceci :
La distance comptée horizontalement, de tout point d'une construction au point le plus proche de la limite séparative, doit être au moins égale à la moitié de la différence d'altitude entre ces deux points sans pouvoir être inférieure à 4 m (')
« La construction étant entendue comme l'habitation principale + les annexes.
« La construction [T] (la terrasse) est construite en limite séparative, par rapport au point B sur notre plan état des lieux (annexe 8).
« L'habitation est à 4 m de la limite. »
Les époux [T] ont obtenu un permis de construire le 22 décembre 2006 et le 7 mars 2011, le maire de [Localité 1] leur a délivré l'attestation de non contestation de la conformité des travaux avec ce permis, prévue par l'article R. 462-10 du code de l'urbanisme.
L'article L. 480-13 de ce même code dispose que lorsqu'une construction a été édifiée conformément à un permis de construire, le constructeur ne peut être condamné par un tribunal de l'ordre judiciaire à des dommages et intérêts du fait de la méconnaissance des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique que si, préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir ou si son illégalité a été constatée par la juridiction administrative.
Les photographies annexées au rapport d'expertise permettent de constater que la terrasse litigieuse est constituée d'une simple dalle de béton coulée sur le sol devant la façade sud de la maison des époux [T], en sorte qu'elle n'est de toute évidence pas soumise à la règle édictée par l'article NB 7 du POS et qu'il n'y a pas lieu à question préjudicielle.
Mme [R] n'étant pas fondée à invoquer la méconnaissance de ce texte par les époux [T] et n'établissant pas que la terrasse litigieuse lui cause un trouble anormal de voisinage, elle sera déboutée de sa demande tendant à la condamnation de ces derniers à lui payer une somme « au titre du coût de démolition de la terrasse ».
*****
Les fonds respectifs de Mme [R] et des époux [T] sont contigus et sont tous les deux bordés par le chemin de [Adresse 3] sur leur limite ouest.
Il est établi et non contesté qu'en 1994, les époux [T] ont édifié sur cette limite une clôture constituée d'un grillage se prolongeant sur le fonds de Mme [R], sans l'autorisation de cette dernière.
Dans une lettre qu'il a adressée le 29 décembre 1993 au maire de [Localité 1], M. [I] [T] a écrit ce qui suit :
« Nous exerçons la possession d'une propriété non bâtie sise à [Localité 1] et constituée des parcelles cadastrées section I n° [Cadastre 1] et [Cadastre 3], à l'abandon jusqu'au 9 février 1983 date à laquelle nous en usons et l'entretenons.
Cet entretien nous est, au surplus, imposé par le code forestier en raison de la proximité d'une maison bâtie sur une parcelle voisine dont nous sommes propriétaires.
Nous avons l'intention de clôturer les parcelles précitées et c'est pourquoi nous vous demandons, par la présente, de bien vouloir nous préciser la distance à respecter pour cette clôture le long du chemin communal qui traverse ces parcelles. »
Il résulte de cette correspondance que les époux [T] n'ont pas mis en place la clôture litigieuse dans l'intention de gérer les affaires de Mme [R] pour qui elle ne présente d'ailleurs aucun intérêt dans la mesure où son terrain n'est pas bâti, mais dans le seul but de conforter leur possession sur les parcelles de cette dernière. Par ailleurs, les époux [T] n'établissent pas avoir été contraints de débroussailler ou d'entretenir le terrain de Mme [R] pour respecter une réglementation ou faire cesser un trouble anormal de voisinage. Ils seront donc déboutés de leur demandes de dommages et intérêts et seront condamnés à payer à Mme [R] la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice résultant des frais qu'elle devra supporter pour faire enlever la clôture.
L'emprise sur son fonds que constitue la mise en place d'une simple clôture grillagée n'ayant pu causer à Mme [R] un préjudice moral, cette dernière sera déboutée de sa demande en réparation d'un tel préjudice.
*****
Mme [R], qui succombe dans ses demandes dirigées contre la commune de [Localité 1], sera condamnée aux dépens que cette dernière a exposés en première instance et en appel.
Mme [R] et les époux [T], qui succombent partiellement dans leurs prétentions respectives, supporteront par moitié la charge des frais d'expertise et conserveront la charge des autres dépens qu'ils ont exposés en première instance et en appel.
Par ces motifs :
Infirme le jugement déféré ;
Statuant à nouveau ;
Rejette l'exception tirée de la nullité du rapport d'expertise de M. [A] ;
Déclare ce rapport opposable à la commune de [Localité 1] ;
Déclare la commune de [Localité 1] propriétaire, pour l'avoir acquis par prescription, du chemin de [Adresse 3] traversant les parcelles cadastrées section I n° [Cadastre 1] et [Cadastre 3], appartenant à Mme [R] ;
Déboute Mme [R] de sa demande dirigée contre la commune de [Localité 1] ;
Déboute la commune de [Localité 1] de sa demande de dommages et intérêts à l'encontre de Mme [R] ;
Déboute Mme [R] de sa demande en paiement d'une somme « au titre du coût de démolition de la terrasse » des époux [T] ;
Déboute les époux [T] de leurs demandes à l'encontre de Mme [R] ;
Condamne les époux [T] à payer à Mme [R] la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
Déboute Mme [R] de sa demande en réparation d'un préjudice moral ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme [R] à payer la somme de 3 000 euros à la commune de [Localité 1] ;
Condamne Mme [R] aux dépens exposés par la commune de [Localité 1] en première instance et en appel et dit que ceux d'appel pourront être recouvrés contre elle conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Dit que les frais d'expertise seront supportés par moitié, d'une part, par Mme [R], d'autre part, par les époux [T] ;
Dit que Mme [R] et les époux [T] conserveront la charge de tous les autres dépens ainsi que des frais irrépétibles qu'ils ont exposés en première instance et en appel.
LE GREFFIERLE PRESIDENT