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27/06/2013 | FRANCE | N°10/21766

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 18e chambre, 27 juin 2013, 10/21766


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

18e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 27 JUIN 2013



N° 2013/664













Rôle N° 10/21766





[C] [H]





C/



HOPITAL LEON BERARD

































Grosse délivrée

le :

à :

- Me Danielle DEOUS, avocat au barreau de TOULON



- Me Laurent COUTELIER, avocat au barreau de TOULONr>


Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULON en date du 12 Novembre 2010, enregistré au répertoire général sous le n° 09/1135.







APPELANTE



Madame [C] [H], demeurant [Adresse 2]



représentée ...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

18e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 27 JUIN 2013

N° 2013/664

Rôle N° 10/21766

[C] [H]

C/

HOPITAL LEON BERARD

Grosse délivrée

le :

à :

- Me Danielle DEOUS, avocat au barreau de TOULON

- Me Laurent COUTELIER, avocat au barreau de TOULON

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULON en date du 12 Novembre 2010, enregistré au répertoire général sous le n° 09/1135.

APPELANTE

Madame [C] [H], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Danielle DEOUS, avocat au barreau de TOULON

INTIMEE

HOPITAL LEON BERARD, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Laurent COUTELIER, avocat au barreau de TOULON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 30 Mai 2013 en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Gisèle BAETSLE, Président

Madame Fabienne ADAM, Conseiller

Madame Christine LORENZINI, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Mme Julia DELABORDE.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 27 Juin 2013.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 Juin 2013.

Signé par Madame Gisèle BAETSLE, Président et Mme Julia DELABORDE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES

Mme [H] a été embauchée le 21/08/1976 par l'Hôpital Léon Bérard en qualité d'agent de service et a été licenciée le 3/10/2008 à la suite d'une altercation avec une autre agent de service survenue le10/09/2008, au cours de laquelle cette dernière a été blessée.

Saisi par Mme [H], qui conteste la légitimité de son licenciement, d'une demande en paiement de la somme de 35.000 € de dommages-intérêts, par jugement du 12/11/2010, le conseil de prud'hommes de Toulon a débouté Mme [H] de ses demandes.

Mme [H] a régulièrement fait appel de cette décision.

Reprenant oralement leurs conclusions auxquelles il convient de se référer pour l'exposé de leurs moyens, Mme [H] sollicite la réformation de la décision entreprise et réclame la somme de 35.000 € et celle de 3000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

tandis que l'employeur conclut à la confirmation du jugement déféré devant le cour et sollicite la somme de 2000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIVATION

Mme [H] a été licenciée par lettre ainsi rédigée :

'Par courrier en date du 17 septembre 2008, je vous ai convoquée, dans le cadre d'une procédure disciplinaire, à un entretien préalable en vous informant aussi que j'étais conduit à envisager votre licenciement. L'entretien préalable a eu lieu dans mon bureau le 26 septembre 2008 à 10 h 30, auquel vous vous êtes présentée accompagnée d'un membre du personnel. Monsieur [B] [S].

Lors de cet entretien, je vous ai précisé la gravité des faits qui vous étaient reprochés. En effet, à mon retour de congés annuels, le 17 septembre 2008, ceux-ci ont été portés à ma connaissance, et j'ai aussitôt engagé une procédure disciplinaire à votre endroit en annonçant l'éventualité d'un licenciement.

Les faits se sont déroulés dans votre Unité de Soins MC2 du Service de Rééducation Fonctionnelle à orientation Neuro-Vasculaire, le mercredi 10 septembre 2008 vers 13 h 30 dans le couloir de l'Unité de Soins vers l'Office Alimentaire. Une altercation brutale que vous avez provoquée, vous a opposée à Madame [F] [W], Agent de Service Hospitalier, qui est une collègue de travail, celle-ci ayant été suivie d'une agression physique de votre part qui a provoqué une blessure grave à la tête avec saignement de cette dernière à cause du verre qu'elle tenait à sa main lors de la bousculade que vous avez volontairement provoquée.

Madame [W] a dû être aussitôt, avec un véhicule de l'établissement, accompagnée au Service d'Urgence du Centre Hospitalier de [Localité 1] où deux points de suture lui ont été posés. Elle est en arrêt maladie depuis lors, en raison du traumatisme subi et aussi des perturbations psychologiques causées par les conséquences de cette agression.

Il s'avère que suite à des propos diffamatoires, voire calomnieux tenus par vous- même à l'endroit de Madame [W] sur ce qu'elle aurait soi-disant affirmé concernant une autre relation de travail, présente dans le Service ce jour-là, à savoir Madame [J] [K], également Agent de Service Hospitalier, Madame [W], profitant de la présence de Madame [K], a souhaité vous demander des explications sur les rumeurs que vous faisiez courir, tant vis-à-vis d'elle-même (en lui prêtant l'origine de ces propos diffamatoires vis-à-vis de Madame [K], et réciproquement) que de Madame [K]. La conséquence de vos propos diffamatoires s'avérait déjà suffisamment manipulatoire pour créer des problèmes relationnels entre ces deux collègues de travail.

En regard de la gravité des propos que vous aviez prêtés à Madame [W], et rapportés à Madame [K], Madame [W] était fondée à vous demander si vous mainteniez vos dires en la présence de Madame [K]. En guise de réponse. Madame [W] confirme que vous lui avez répondu: «Ta gueule! Espèce de débile mentale... ». Phrase répétée une deuxième fois, à laquelle vous avez ajouté «« ...ou je t'emplâtre ». Dans la matinée, Madame [W] affirme que vous lui aviez déjà dit deux fois : «Je vais t'emplâtrer ». Madame [W] affirme ensuite : «Joignant le geste à la parole, elle me bouscula brutalement une première fois puis une seconde fois. C'est en voulant cette deuxième fois me protéger de ses gestes que le verre que je tenais frappa ma tête violemment. En effet, elle m'a bousculée la deuxième fois en s'avançant vers moi et en m'attrapant la main droite dans laquelle je tenais le verre. Ce geste d'agression a provoqué ma blessure sur le côté droit de ma tête, quelques centimètres au-dessus de mon oreille. La sentant encore prête à réaliser ces gestes, je me suis mise à crier en me dirigeant- vers le Bureau de la Surveillante -, Madame [J] [K] confirme qu'à mom

'Lors de l'entretien préalable, au cours duquel j'ai recueilli vos explication, il apparaît que vous contestez le caractère violent de vos propos qui auraient été en réalité très modérés, que vous admettez que vous l'auriez, non pas bousculée, mais « écartée du" bras » pour passer, mais que par contre, dans l'immédiate continuité de cette situation ainsi évoquée, vous avez accusé Madame [W] de s'être volontairement blessée en se tapant à plusieurs reprises la tête avec son verre. La relation de cause à effet entre ces gestes répétés d'automutilation et le contexte relativement anodin des faits qui l'ont précédé si l'on en croit votre propre narration, ne manque pas de surprendre. Il est vrai que pour « crédibiliser » votre version des faits, vous m'avez affirmé à plusieurs reprises qu'elle était « folle ». Certes, cette façon d'agir n'est pas celle d'une personne qui serait « normale ». Or, il s'avère que ce type de propos, encore une fois diffamatoire, n'est en .rien corroboré par les certificats d'aptitude physique régulièrement établis par les Services de la Médecine du Travail depuis plusieurs années. Par ailleurs, si Madame [W] s'était volontairement donné « en sautillant » plusieurs coups de verre sur la tête, ses plaies auraient été multiples et ses points de suture nombreux. Or, son unique plaie a été localisée, non pas sur le sommet du crâne, mais à quelques centimètres au-dessus de l'oreille. Cette plaie a nécessité deux points de suture alignés sur cette même seule plaie. Madame [W] contredit totalement votre version des faits. Il s'avère en outre que dès le lendemain des faits elle a déposé une main courante au Commissariat de Police de son lieu de résidence.

Pour ce qui me concerne, il s'avère que je ne puis tolérer que de telles altercations précédées de menaces de votre part puissent avoir lieu sur un lieu public de travail, à savoir un couloir de circulation utilisable par tous les professionnels et tous les patients hospitalisés. En effet, quelle confiance peuvent bien accorder les patients à des professionnels qui n'auraient de cesse que de montrer leur agressivité verbale et physique. En bousculant violemment Madame [W], alors que vous saviez pertinemment qu'elle avait un verre à la main, vous avez pris le risque en la repoussant avec le bras qu'elle ne se blesse, ce qui fut le cas, mais en sachant encore qu'elle aurait pu se blesser plus grièvement encore, notamment si le verre avait rencontré son 'il lorsque vous l'avez brutalement bousculée. ^ faits révèlent incontestablement que vous avez pris l'initiative de cette agression verbale et physique en prenant en toute connaissance de cause (car vous ne pouviez ignorer que Madame [W] avait un verre dans la main) le risque, au-delà de la bousculade suffisamment violente en soi, d'un accident concomitant plus grave encore.

Je me permets de vous rappeler que les actes de violence verbale ou physique à l'encontre d'autres salariés, s'accompagnant d'un scandale public, ce qui fut le cas puisque celui-ci s'est déroulé en un lieu dédié à l'hospitalisation des patients, et perturbant ainsi la bonne marche du fonctionnement hospitalier, est incontestablement une faute, susceptible d'être qualifiée de faute grave, mais en tout cas suffisamment importante pour justifier un licenciement.

Les faits qui vous sont reprochés ont incontestablement un caractère fautif, qu'il s'agisse de violences verbales assorties de propos diffamatoires ou de gestes d'agression physique qui ont abouti à la prise en charge d'une collègue de travail par le Service d'Urgence du Centre Hospitalier voisin. En conséquence, en regard de la gravité de ces faits, et conformément à la Convention Collective Nationale du 31 octobre 1951, j'ai décidé de prononcer votre licenciement. Alors que les éléments constitutifs de la faute commise permettaient de la caractériser en faute grave, j'ai toutefois décidé de prononcer votre licenciement pour motif disciplinaire sur la base d'une cause réelle et sérieuse.

En conséquence, le préavis conventionnel de deux mois va courir à partir de la notification de la présente lettre de licenciement. Le versement des indemnités prévues interviendra à l'issue de ce préavis. Je vous précise que je vous dispense d'exécuter ce préavis.

Je vous informe encore que vous disposez d'un crédit de 89 heures au titre du droit individuel à la formation, correspondant à 814,35 euros. Vous pouvez utiliser cette somme pour financer une action de bilan de compétences, de validation des acquis de l'expérience ou une formation se déroulant après la fin de votre contrat, à condition d'en faire la demande au plus tard avant la fin de votre préavis.

Je vous prie d'agréer, Madame, l'expression de mes sentiments distingués.'

Mme [H] a contesté les faits par courrier du 23/09/2008.

Au soutien des griefs avancés par l'employeur, celui-ci fournit la lettre de Mme [W] relatant les faits dont elle se plaint, une attestation de Mme [K], présente sur les lieux, qui déclare que Mme [W] et Mme [H] se sont agressées verbalement et physiquement, Mme [H] ayant bousculé Mme [W] et elle-même les ayant séparées en s'interposant entre elles, tenant Mme [H] et tournant le dos à Mme [W] et qui ajoute que Mme [W] s'est mise à hurler de douleurs et s'est rendue aussitôt à l'infirmerie de service et qui précise que Mme [H] n'avait pas de verre en main.

De son côté, Mme [H] produit :

-l'attestation de Mme [G] qui se trouvait dans le même couloir, qui déclare, concernant les faits ,que '...Mme [W] a harcelé Mme [H] en essayant de lui coincer les doigts avec les plateaux. Mme [W] a attendu 13H30 que son amie Mme [K] prenne son service ; Sentant un malaise, j'ai dit à Mme [H] de venir avec moi, mais Mme [W] l'a interpellée lui disant de rester dans le couloir face à l'office pour lui parler. Mme [H] a été agressée verbalement. Le temps que j'arrive à la chambre 232 et que je ferme la porte j'ai entendu des cris hystériques et non de douleurs. Je suis sortie aussitôt de la chambre demandant à Mme [K] des explications ; Me confirme que l'interpellation a duré trois minutes et non quelques heures comme le prétend Mme [W].

et qu'aucun certificat médical ou arrêt de travail ne soit produit aux débats, il résulte des attestations de, et de Mme [G], qui n'en n'a pas été témoin direct, qu'une altercation est intervenue entre Mme [H] et Mme [W] au terme de laquelle cette dernière a été blessée.

-une déclaration de main courante déposée par Mme [I] auprès de services de police selon laquelle, elle tiendrait de Mme [K] que Mme [W] se serait frappée toute seule, ce qui est démenti par une deuxième attestation de Mme [K] qui déclare n'avoir jamais dit cela.

-des attestations de collègues de travail selon lesquelles Mme [H] n'a jamais eu de comportement violent ni agressif.

Mme [K] ne précise ni les circonstances de la dispute, elle ne dit pas que Mme [W] a été blessée ni comment ni où et il est surprenant qu'alors qu'elle tenait Mme [H], celle-ci ait pu blesser Mme [W] qu'elle protégeait de son propre corps.

L'employeur fait état de blessure ayant nécessité le transport de Mme [W] à l'hôpital de [Localité 1] et entraîné un arrêt de travail encore en cours au moment où il écrit la lettre de licenciement, mais ne produit ni certificat médical, ni arrêt de travail, ni bulletins de salaire mentionnant une absence de Mme [W].

Enfin, les propos grossiers et les menaces qu'aurait proférés Mme [H] à l'égard de Mme [W] ne ressortent que des allégations de cette dernière.

En conséquence, il existe au moins un doute de ce que Mme [H] se soit rendue coupable d'avoir provoqué Mme [W], de l'avoir blessée et menacée.

Le doute doit profiter à la salariée.

Dès lors, le licenciement apparaît sans cause réelle et sérieuse et ouvre droit à la salariée à une indemnité qui compte tenu de son ancienneté dans l'entreprise et du montant de son salaire sera évaluée à la somme de 35.000 €.

Il est équitable d'allouer à Mme [H] la somme de 1500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'Hôpital Léon Bérard qui succombe supportera les dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement,

INFIRME le jugement entrepris

Et statuant à nouveau :

Dit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

En conséquence,

CONDAMNE l'Hôpital Léon Bérard à payer à Mme [H] la somme de 35.000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

CONDAMNE l'Hôpital Léon Bérard à payer à Mme [H] la somme de 1500 € au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

CONDAMNE l'Hôpital Léon Bérard aux dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 18e chambre
Numéro d'arrêt : 10/21766
Date de la décision : 27/06/2013

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 18, arrêt n°10/21766 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-06-27;10.21766 ?
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