COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
1re Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 11 JUILLET 2013
FG
N°2013/443
Rôle N° 12/15698
[G] [C]
C/
[N] [A]
SCP SCP [H] ET [A]
Grosse délivrée
le :
à :
SELARL BOULAN / CHERFILS / IMPERATORE
Me Jean marie JAUFFRES
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 07 Septembre 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 08/01498.
APPELANTE
Mademoiselle [G] [C]
née le [Date naissance 1] 1984 à [Localité 1],
demeurant [Adresse 1]
prise en sa qualité d'héritière de Mme [S] [H]
représentée par la SELARL BOULAN / CHERFILS / IMPERATORE, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant par Me Isabelle RHILANE, avocat au barreau de PARIS
INTIMES
Maître [N] [A]
né le [Date naissance 2] 1966 à [Localité 2] (BELGIQUE),
Avocat
demeurant [Adresse 3]
représenté et plaidant par Me Jean marie JAUFFRES, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
SCP [H] ET [A]
dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par ses administrateurs Maître [A]
et Maître [V], nommés par ordonnance de Monsieur le Bâtonnier
du barreau de Grasse du 9 mai 2006
représentée et plaidant par Me Jean marie JAUFFRES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 785, 786 et 910 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 12 Juin 2013 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur François GROSJEAN, Président, et Mme Danielle DEMONT-PIEROT, Conseiller, chargés du rapport.
Monsieur François GROSJEAN, Président, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur François GROSJEAN, Président
Monsieur Hugues FOURNIER, Conseiller
Mme Danielle DEMONT-PIEROT, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Dominique COSTE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 Juillet 2013.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 11 Juillet 2013.
Signé par Monsieur François GROSJEAN, Président et Mme Dominique COSTE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DES FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS,
Le 3 juillet 1995, M°[N] [A], avocat, a signé avec M°[S] [H], avocat, un contrat de collaboration.
Le 10 août 1995, M°[H] a cédé 10 parts sociales de la SCP MAUREL à M°[A], pour une valeur nominale de 100 francs chacune.
M°[H] a conservé 390 parts sociales sur 400, représentant 97,5 % du capital social.
La société civile professionnelle est ainsi devenue la SCP MAUREL & VAN ROLLEGHEM.
Mme [S] [H] est décédée le [Date décès 1] 2003, laissant pour lui succéder sa fille unique,
Mlle [G] [C], qui a accepté la succession sous bénéfice d'inventaire.
Le compte courant d'associé de M°[S] [H] serait débiteur de la somme de
534.783,03 €.
Le 4 mars 2008, M°[N] [A] et la SCP [H] & [A] ont fait assigner Mlle [G] [C], ès qualité d'héritière de Mme [S] [H], devant le tribunal de grande instance de Grasse en remboursement des sommes dues au titre du compte courant d'associé.
A titre reconventionnel, Mlle [C] a demandé de prononcer la nullité du contrat de société et a demandé la dissolution de la société civile professionnelle.
Par jugement en date du 7 septembre 2010, le tribunal de grande instance de Grasse a :
- vu les articles 3, 122, 783, 784 du code de procédure civile, 1134, 1844-7, 1844-14, 1846-1 du code civil,
- constaté que Mlle [G] [C] ne justifie d'aucun motif grave justifiant une révocation de l'ordonnance de clôture,
- dit n'y avoir lieu à révocation de l'ordonnance de clôture du 5 mai 2010,
- en conséquence, écarté des débats les conclusions signifiées par Mademoiselle [C] le 27 mai 2010,
- déclaré irrecevable, car prescrite, la demande en nullité du contrat de société,
- débouté M°[A] et la SCP MAUREL-VAN ROLLEGHEM de leur fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir en dissolution de la société civile professionnelle de Mlle [G] [C],
- constaté que les conditions visées aux articles 1844-7 et 1846-1 du code civil ne sont pas réunies,
- en conséquence, débouté Mlle [G] [C] de sa demande en dissolution de la société civile professionnelle,
- condamné Mlle [G] [C], en sa qualité d'héritière, au paiement de la somme de 470.676,85 € à la SCP MAUREL-VAN ROLLEGHEM au titre du solde débiteur du compte courant d'associé,
- débouté Mlle [G] [C] de sa demande d'expertise,
- débouté Mlle [G] [C] de sa demande de dommages et intérêts,
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Mlle [G] [C], en sa qualité d'héritière, aux entiers dépens de l'instance, distraits au profit de la SCP KIEFFER-MONASSE et ASSOCIES,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
Par déclaration de M°CHERFILS, avocat, en date du 16 août 2012, Mlle [G] [C] a relevé appel de ce jugement.
Par ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 3 juin 2013, Mlle [G] [C] demande à la cour d'appel, au visa des articles 9 et 528-1, alinéa 1er, du code de procédure civile,
809 du code civil, de :
- dire Mlle [C] recevable et bien fondée en son appel,
- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- déclarer la SCP MAUREL-VAN ROLLEGHEM et M°[A] forclos dans leur action en paiement contre Mlle [C], acceptante sous bénéfice d'inventaire,
- par conséquent, les déclarer irrecevables en leur demande de paiement de la somme de 470.676,85 € au titre du remboursement du compte courant de M°[H],
- à titre subsidiaire :
- ordonner la communication, par la SCP MAUREL-VAN ROLLEGHEM et M°[A], ainsi que par l'ANAAFA, des documents comptables, financiers et fiscaux de la SCP MAUREL-VAN ROLLEGHEM se rapportant aux années 1995 à 2013, nonobstant les délais de prescription et spécialement :
Des liasses fiscales de la SCP des années 1995 à 1999 et de 2006 à 2013 incluse,
La balance des comptes de la SCP des années 1995 à 1999 et de 2006 à 2013 incluse,
Les grands livres historiques généraux de la SCP des années 1995 à 2013 incluse,
- fixer la somme à laquelle Mlle [C] pourrait être condamnée de payer, le cas échéant à concurrence du montant du compte courant débiteur de sa défunte mère, actualisé d'une part, de toutes les distributions de bénéfices qui lui étaient dues par la SCP du vivant de sa mère et d'autre part, de celles qui lui sont personnellement dues en sa qualité d'héritière,
- à défaut de communication des pièces demandées, rejeter la demande de condamnation pour défaut de preuve,
- à titre reconventionnel,
- fixer la somme à laquelle la SCP pourrait être condamnée, le cas échéant, à concurrence du montant du compte courant créditeur de sa défunte mère actualisé comme si dessus,
- condamner solidairement M°[A] et la SCP MAUREL & VAN ROLLEGHEM au paiement d'une somme de 6.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner solidairement M°[A] et la SCP MAUREL & VAN ROLLEGHEM aux entiers dépens, dont ceux d'appel distraits au profit de la Selarl BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocats.
Mlle [C] fait valoir que la société civile professionnelle n'avait pas manifesté son intention se faire payer la créance alléguée et que lorsqu'elle en a manifesté l'intention, l'apurement du compte avait été effectué, qu'en conséquence la société civile professionnelle et M°[A] sont irrecevables en leur action.
Mlle [C] fait observer que les comptes n'ont pas été approuvés, que les bénéfices ont été répartis en violation des statuts.
Par leurs dernières conclusions, déposées et notifiées le 18 janvier 2013, M°[N] [A] et la SCP MAUREL & VAN ROLLEGHEM, représentée par ses administrateurs, M°[A] et M°[V], demandent à la cour d'appel au visa des articles 1134, 1235, 1376 et 1843-5, 1844-14 et 1850 du code civil, de :
- infirmer le jugement,
- condamner Mlle [C] au paiement d'une somme de 534.783,03 € à la SCP [H] & [A],
- subsidiairement, confirmer le jugement et condamner Mlle [C] au paiement de la somme de 470.676, 85 €,
- dire Mlle [C] est prescrite, irrecevable et infondée en toutes ses demandes,
- condamner Mlle [C] au paiement d'une somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mlle [C] aux entiers dépens, dont ceux d'appel distraits au profit de M°JAUFFRES, avocat.
Ils exposent que M°[A] a découvert, après le décès de M°[H], que celle-ci avait mené une gestion catastrophique, avec un personnel pléthorique, avec des prélèvements abusifs et que son compte courant d'associé avait gonflé avec le temps pour atteindre un montant astronomique de 505.276 €. Ils se prévalent d'attestations d'experts comptables.
Ils considèrent que la demande de communication de pièces faite par Mlle [C] est justifiée ou sans intérêt, les pièces 2000 à 2005 étant communiquées, celles de 2006 à 2011 sans intérêt, celles de 1995 à 1999 prescrite.
L'instruction de l'affaire a été déclarée close le 5 juin 2013.
MOTIFS,
Bien que l'appel formé par Mlle [C] soit un appel général, il convient de constater que celle-ci, dans ses conclusions, ne conteste pas les dispositions du jugement qui l'ont déclarée irrecevable à agir en nullité du contrat de société et l'ont déboutée de sa demande en dissolution de la société. Ces dispositions non contestées seront en conséquence confirmées.
-I) Sur la fin de non recevoir :
Mlle [C], après le décès de sa mère, le [Date décès 1] 2003, a accepté la succession sous bénéfice d'inventaire, selon les règles fixées par les articles 793 à 810 du code civil, en leur rédaction applicable à cette succession, avant réforme du 23 juin 2006.
Elle oppose à l'action de la société civile professionnelle et de M°[A] se présentant comme créanciers de la succession de sa mère au titre d'un compte courant débiteur, les dispositions de l'article 809 du code civil.
L'article 809 du code civil dispose que les créanciers non opposants qui ne se présentent qu'après l'apurement du compte et le payement du reliquat, n'ont de recours à exercer que contre les légataires. Dans l'un et l'autre cas, le recours se prescrit par le laps de trois ans, à compter du jour de l'apurement du compte et du payement du reliquat.
M°[A] adressé le 18 mai 2004 un courrier recommandé à M°[Q], notaire à Cannes, chargé de la liquidation de la succession de feue [S] [H]. Ce courrier a été reçu le 19 mai 2004, avis de réception faisant foi.
Par ce courrier M°[A] écrivait : je me vois contraint de faire opposition entre vos mains pour avoir paiement au profit de la SCP du compte courant et du passif, respectivement provisoirement arrêtés à 588.374,53 € et à 175.000 € $gt;$gt;.
Aucun apurement du compte ni payement du reliquat n'avaient été effectués à la date du 19 mai 2004, alors que c'est précisément après le décès de Mme [S] [H], soit après le [Date décès 1] 2003, que l'existence d'un compte courant débiteur non apuré, avec un solde non payé, a été découvert.
C'est précisément pour cela que l'action a été diligentée. Cette action est recevable.
-II) Sur la communication de pièces :
Mlle [C] demande que soit ordonnée avant toute décision la communication, par la SCP MAUREL-VAN ROLLEGHEM et M°[A], ainsi que par l'ANAAFA, des documents comptables, financiers et fiscaux de la SCP MAUREL-VAN ROLLEGHEM se rapportant aux années 1995 à 2013, nonobstant les délais de prescription et spécialement des liasses fiscales de la SCP des années 1995 à 1999 et de 2006 à 2013 incluse, la balance des comptes de la SCP des années 1995 à 1999 et de 2006 à 2013 incluse, les grands livres historiques généraux de la SCP des années 1995 à 2013 incluse.
La SCP [H] et [A] et M°[A] justifient avoir communiqué les balances et les comptes de résultats des années 2000 à 2005 inclus.
Les comptes postérieurs aux décès de Mme [S] [H] ne concernent pas le litige, alors que Mlle [C] a été assignée en qualité d'ayant droit de feue [S] [H]. Elle est d'ailleurs en tant que titulaire des parts sociales de sa mère, qui représentent 390 parts sur 400, la mieux placée pour disposer de ces renseignements sur la situation de la société après le décès de sa mère.
Quant à la situation de 1995 à 1999, elle était prescrite lorsque l'opposition au partage a été faite en 2004.
Cette demande de communication de pièces est purement dilatoire.
-III) Sur les sommes dues par la succession [H] à la société civile professionnelle :
Les balances des comptes montrent, au titre du compte courant Mme [H]/SCP :
-un solde débiteur de 2.802.784,04 F (427.221,67 €) au 31 décembre 2001,
- un solde débiteur de 505.276,09 € au 31 décembre 2002,
- un solde débiteur de 524.932,32 € au 31 décembre 2003.
Même s'il n'y a pas eu de procès verbal d'approbation formelle des comptes 2001 et 2002, c'est sur leur base que les associés ont tenu les 21 janvier 2002 et 20 janvier 2003 des assemblées générales décidant de répartitions de bénéfices, retenant les comptes des années précédentes comme références.
M.[T] [Y], expert comptable, a examiné, à la demande de Mlle [C], les journaux et grands livres de la société civile professionnelle au 31 décembre 2003. Il atteste que le compte courant de M°[H] (n°445000) est débiteur au 31/12/2003, avant affectation du résultat de l'exercice, de 524.932, 32 €.
Aucun élément ne permet de suspecter la fiabilité de ces données comptables.
Une expertise ne s'impose pas.
La société civile professionnelle estime qu'il y a lieu au titre de 2003 d'y ajouter 83.098,44 € de prélèvements et d'en déduire 5.668,59 € d'apports, 9.231 € d'affectation de résultat, 2.275 € d'indemnités journalières, 67.410,32 € d'indemnité d'assurance décès, de sorte que le total aboutirait à 534.783,03 €.
Les prélèvements sont comptabilisés à part. M.[Y] a attesté un montant de prélèvements par Mme [H] pour 2003, laissant un compte débiteur de 83.098,44 € .
Cette somme a été à juste titre ajoutée au titre des sommes dues.
Il en est de même pour l'apport de 5.668,59 €.
Il n'y a pas de discussion sur les 2.275 € d'indemnités journalières et les 67.410,32 € d'indemnité d'assurance décès.
Mais en ce qui concerne l'affectation des bénéfices, au vu des éléments fournis, il convient de retenir celle de 62.000 € retenue à titre subsidiaire, de sorte que le solde aboutit à
470.676,85 €.
En conséquence le jugement sera purement et simplement confirmé.
Par équité, chaque partie conservera ses dépens et ses frais irrépétibles d'appel.
PAR CES MOTIFS,
Statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,
Rejette la demande de communication de pièces nouvelles,
Rejette la fin de non recevoir,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 7 septembre 2010 par le tribunal de grande instance de Grasse,
Dit que chaque partie conservera ses dépens et ses frais irrépétibles d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT